Champagne à gogo, un mini-guide pour initiés !

Oyez, oyez, braves gens ! Le voilà le grand, le beau marronnier de l’hiver, le classique du genre, l’inévitable dossier consacré aux bulles ! Profitez-en avant que mes collègues ne se lâchent à leur tour et mettent la gomme dans les magazines. Partout, les commerciaux n’attendent que ça et ils sont prêts à se rassasier de la manne publicitaire que représentent les grandes maisons d’Épernay ou d’ailleurs. Chez nous, c’est gratuit ! Et je précise qu’à ce jour pas un seul coffret luxueux n’a été reçu à mon bureau en guise d’encouragements. D’ailleurs, je n’en reçois plus depuis belle lurette !

L'entrée du Comptoir des Crus à Perpignan. Photo©MichelSmith
L’entrée du Comptoir des Crus à Perpignan. Photo©MichelSmith

Allez-y avant que les bouchons ne sautent (oh, je sais, ce n’est pas bien…), car j’ai moi aussi l’irrésistible envie de vous livrer ma part de vérité champenoise, de contribuer à cette avalanche de mousses et de bulles sous le sapin, même si j’ai une sainte horreur de ces fêtes à rallonges où l’hypocrisie règne en maîtresse accompagnée de l’inévitable frénésie d’achats de cadeaux «pour faire plaisir aux enfants», cadeaux aussi utiles que futiles, d’ailleurs. Mais vous savez que je suis dingue de la Champagne et l’occasion qui me pousse à vous en parler est toute trouvée. Il s’agit de cet événement, que dis-je, cette dégustation monstre et publique qu’organise chaque année à Perpignan mon ami le caviste Jean-Pierre Rudelle, au Comptoir des Crus. Un homme qui ne manque pas d’initiatives, que je salue et que je remercie au passage.

Photo©MichelSmith
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Pour attirer les clients et faire venir les noms illustres de la Champagne, Jean-Pierre a imaginé que l’on paierait 10 €, remboursables en cas d’achat. Cela donnait droit à un verre et à une large et joyeuse déambulation parmi les cuvées grandes ou petites servies généreusement par leurs « agents commerciaux ». Sans oublier une attractive remise de 10 % ce jour-là sur le prix boutique. Résultat, on se bousculait aux portillons… J’y suis allé le matin, puis en début de soirée, pour voir et revoir quelques uns de mes flacons favoris. Car fêtes de fins d’année ou pas, je reste un fan de la première heure et comme en plus j’avais une victoire très personnelle à célébrer (la naissance d’Astrid, ma petite fille), j’ai laissé libre court à mes dégustations.

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Autre avantage très personnel de ce genre de dégustation : dresser un bilan. Constater une fois de plus, par exemple, que Veuve Clicquot et Jacquesson sont remarquables dans leur régularité, que Laurent Perrier assure toujours autant sans sombrer dans la facilité, que Vranken et Heidsieck Monopole restent collés à une certaine neutralité de goût, qu’Henri Giraud est plutôt décevant, que Besserat de Bellefon sans être grandiose est d’un constant bon rapport qualité-prix, ou que la Coopérative de Mailly me régale avec ses pinots noirs dénués d’artifices. Quelques absents de taille à noter : Deutz, Drappier, Moët & Chandon… Mais des maisons de haute notoriété bien représentées, telles Bollinger ou Pol Roger, alors que l’an dernier, Krug volait la vedette. Déceptions, satisfactions, on pouvait aussi regretter l’absence de certains « récoltants manipulants », on dit maintenant « vignerons », de grand talent, comme Tarlant, Loriot ou Pouillon pour ne citer qu’eux, mais il est vrai que, bien que grande, la cave de Jean-Pierre Rudelle n’aurait pu recevoir plus de monde.

Photo©MichelSmith
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Mon Champagne du jour, sorte de coup de cœur dont j’ai d’ailleurs acheté un flacon histoire de le vider illico dans mon bistrot voisin, chez Maïté et Jessica, a été le «Non Dosé» de la maison Philipponnat. Superbe éclat, profondeur, densité et longueur en bouche. Mais voici ceux que je me serais volontiers offert si seulement mon portefeuille avait été mieux garni. D’abord dans la série des « entrées de gamme », comme on dit, ou des BSA (bruts sans année) pour faire plus pro. Chez Lallier, le brut (majorité de pinot noir), l’un des moins chers, m’a séduit par son côté facile, mais aussi élégant et crémeux. Brut également chez Clicquot : fulgurance, matière et longueur. Pareil avec le Grand Cru de Mailly (80 % de noirs) : souplesse, densité et finesse. Le brut « Souverain » d’Henriot, plus cher, offre une belle fraîcheur, de la longueur et du fruit. Chez Taittinger, le brut « Prestige » redouble de fraîcheur et de distinction. Le «LP» de Laurent Perrier était clair, net et précis tout comme le « Spécial cuvée » de Bollinger que je trouvais ce jour-là encore plus lumineux et franc que d’habitude. Il est vrai que cela faisait longtemps que je ne l’avais goûté. Très belle prestation de la cuvée « Brut Majeur », un grand cru d’un beau rapport qualité-prix de la maison Ayala : complet, élégant, délicatement grillé et épicé. On n’en attendait pas moins de cette maison rachetée par Bollinger. Moins cher, Besserat « Grande tradition », avec 20 % de meunier, est facile, certes, mais bien fruité et vif, tandis que dans le même style, le Gosset « Grande réserve » surprend par sa fraîcheur en finale.

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Venons-en aux cuvées dites « spéciales » ou « grandes ». Jacquesson est un cas à part car sa cuvée numérotée, démarrée par la « 728 » (base de 2000) que j’ai vu naître, est basée sur une notion d’équilibre, ne serait-ce déjà par la présence quasi équitable, bien que variable en fonction de l’année, des trois cépages champenois. J’ai goûté la « 737 » (base 2009) qui vient d’être mise en vente, alors que l’on trouve une divine « 736 » (base de 2008) chez certains cavistes. Ce vin est supposé refléter un millésime en particulier. Pour moi, c’est une sorte de « champagne fusion » où l’on retrouverait en une seule cuvée une philosophie vigneronne symbole de la volonté de perfection des frères Chiquet : la construction d’une « grande cuvée » associé à l’idée d’un « brut idéal » tout en mettant en relief « l’esprit » du millésime. Chaque « numéro » a ainsi son expression propre. Pour le moment, je préfère l’élégance, la plénitude et la maturité de la « 736 » goûtée après une « 737 » assez explosive (dégorgement très récent), mais dans l’amplitude, la droiture, la pureté et la clarté. À attendre donc au moins un an. Peut-on aussi considérer la cuvée « Ultra Brut » de Laurent Perrier comme une cuvée « spéciale », voire d’exception ? Je le crois en goûtant cet assemblage (55% de chardonnay) qui, je l’avoue, compte parmi mes favoris dans la mesure où il s’accorde parfaitement à la fumée d’un cigare. Nez de sous-bois, « graine de sésame » m’a soufflé un dégustateur, délicieuses notes toastées en bouche, charnu et long.

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Il y avait aussi quatre rosés à goûter et il se trouve qu’ils étaient bons. Le 2004 de Veuve Clicquot en particulier, armé d’une belle matière, mais aussi celui de Mailly Grand Cru aux jolies notes de framboise. Ma préférence allait au « brut rosé » d’Henriot doté d’une magnifique fraîcheur, un vin qui se vend tout de même autour de 45 €, tandis que celui de Lallier, à 35 €, était long, charnu et riche en matière. Enfin, un mea culpa : la seule maison dont je n’ai pas goûté les vins par simple étourderie, fut Ruinart. Dommage car il paraît que l’on pouvait découvrir les « Dom Ruinart » 1996 et 1998. Que voulez-vous, je dois me faire vieux !

Michel Smith

7 réflexions sur “Champagne à gogo, un mini-guide pour initiés !

  1. mauss

    Bravo Beau Ténébreux pour cette kyrielle de grands champagnes. On peut y rajouter la Cuvée Rare de Piper-Heidsieck, d’une grande personnalité.
    Ce qui est merveilleux avec les champagnes, c’est que l’amateur recherchant plutôt les « vineux » (comme bibi) sont autant gâtés (surtout Bollinger) que ceux qui recherchent avant tout la finesse de bulles délicates.

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  2. Michel, je suis d’accord avec toi sur au moins trois points de ton article « marronnier ».

    1). Je n’aime ni Noel, ni toutes ces fêtes imposées et attisées par des intérêts purement commerciaux.
    2). J’aime beaucoup le vin de Champagne
    3). Les meilleures des marques de négoce tiennent très bien leur place parmi les meilleurs vins de cette région.

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  3. Non, pas de Carignan, mais pour la petite histoire, outre les trois cépages les plus courants (Pinot noir, Chardonnay, Pinot meunier), il y a l’Arbane, le Fromenteau (Pinot gris) et le Pinot blanc (Les 5 ont apprécié celui de Pierre Gerbais), le Petit Meslier et le Pinot noir précoce, ou Pinot de juillet.
    Et puis il y a eu du Gamay (dans L’Aube), autorisé jusque dans l’entre deux guerres, et même si on n’a pas pu en replanter depuis, il pourrait bien en rester quelques plants.

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  4. PS. Bienvenue à Astrid, Michel. Pour info, elle a déjà sa rue à Waterloo – en hommage à une ancienne reine de Belgique. C’est aussi le nom de la soeur de l’actuel roi, si je ne m’abuse, Marc?

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  5. Ping : Bulles : une (petite et modeste) revue de détail | Les 5 du Vin

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