Un week-end à deux, ma chérie ? De Pézenas, que l’on verrait bien volontiers sacrée un jour capitale non officielle du vin du Languedoc, tant on s’y sent bien et tant le Carignan y est encore présent, il existe une route buissonnière, la D. 13, qui remonte tout doucettement vers Faugères en passant par Roujan et Gabian, permettant d’atteindre Bédarieux et même Hérépian où siège une des meilleures, si ce n’est la meilleure, des charcuteries de l’Hérault, la Maison Aninat (ou Cabrié) dont le site Internet à lui seul est une invite. Dieu qu’elle est tendre la saucisse séchée au feu de bois ! On s’arrêtera en chemin, bien avant Faugères, sur une petite route parallèle fraîchement goudronnée pour admirer les tours du Château (et abbaye) de Cassandont la façade évoque une sorte de mini-Versailles du Languedoc. Promis, on visitera les jardins dès l’arrivée des beaux jours.
Cassan et son vignoble sur la route de Faugères. Photo©MichelSmith
Puis on entrera dans Cassan en prenant gare de tourner à gauche après le café du village, à la pharmacie si mes souvenirs sont bons, route de Pouzolles, afin de passer devant la cave coopérative La Carignano. On se dira qu’il est navrant de constater que la seule cave portant le nom de notre cépage chéri est aujourd’hui menacée par la mauvaise herbe. Avec l’aide précieuse de Wikipédia, on apprendra par la même occasion qu’un village du Piémont, proche de Turin, sur les rives du Pô, porte le même nom que celui de la cave et qu’il compte aujourd’hui plus de 9.000 habitants. Jadis, il y eut un illustre prince de Carignan. Né au palais de Carignan à Turin, il devint Charles-Albert de Savoie (mais aussi de Sardaigne, de Chypre et deJérusalem) dit « le magnanime ». Issu d’une branche de la Maison de Savoie, il accéda au trône en 1831 avant de mourir à Porto en 1849.
Cassan et sa coopérative carignane défunte… Photo©MichelSmith
Mais je m’égare puisque c’est une autre histoire et, de toute façon, la Carignano deCassan, fondée un siècle plus tard, semble aujourd’hui abandonnée à son triste sort. D’après les gens du pays, elle serait inopérante depuis 2009. Heureusement d’autres perpétuent la tradition viticole. C’est le cas de l’excellent Domaine Turner-Pageot qui connaît un franc succès en travaillant en biodynamie. Mais faute de carignan, ce n’est pas vers Karen, l’Australienne et Emmanuel, l’Alsacien, que nous irons cette fois-ci, même si ce couple est assez proche de celui vers lequel je filerai sur cette route qui s’enfonce dans la garrigue pour déboucher plus haut au carrefour marqué par un olivier tortueux et une pierre qui annonce le Domaine de Cadablès, sorte de hameau du bonheur où vivent Christine et Bernard Isarn. « Bienvenue sur les pentes de notre volcan ! » s’exclamera Bernard qui, tout de suite, tiendra à nous mettre dans le bain de son « terroir ». Effectivement, les vignes sont comme plantées dans un champ de pierres fait d’argilo calcaire sur une couche de basalte. Vue grandiose sur la Méditerranée que l’on devine, au loin.
. L’entrée de CadablèsPhoto©MichelSmith
Ce n’est donc pas un hasard si la cuvée Carignan de nos nouveaux amis s’intitule «Champ de pierres». Tandis que Bernard retracera son histoire – dix années passées en Corse, le couple vivant de la poterie, une volonté de revenir au pays (lui est deBéziers, elle d’Aniane), puis le coup de foudre avec la propriété en 2004 et l’envie de faire du vin en 2008 – nous serons rejoints par la famille, Christine la potière en tête, puis les fils Benoît et Pierre, tous deux travaillant dans le vin. Le mas et les nombreuses dépendances, sans oublier la cave, le gîte qui nous accueillera, peut-être un jour, et l’atelier de Christine, ils ont tout retapé de leurs propres mains, accompagnés de l’âne Caramel et du labrador Syrah. Sur 7 ha environ, ils disposent dans l’ordre d’importance, de syrah, carignan (blanc et noir), grenache noir, cinsault,mourvèdre et terret-bourret.
Christine et Bernard Isarn. Photo©MichelSmith
Au début, ils apportaient leurs raisins à la cave de Nefiès, puis, conseillés par Karen Turner (celle-là même qui vinifie au Prieuré de Saint-Jean de Bébian) etEmmanuel Pageot, ils se sont pris au jeu du vin en embouteillant d’abord 800 bouteilles, puis 3.000 en 2009, 8.500 en 2010, année où ils construisent leur cave, et 15.000 en 2011. Le carignan est récolté en « palox » de 500 litres, à la main bien sûr. Tout est éraflé, et le raisin est pigé manuellement pendant 10 à 12 jours. Le sulfitage se fait à minima et les étiquettes sont l’œuvre de Christine. En dehors d’un très agréable rosé IGP Hérault 2011 (cinsault et grenache) à 6 € et d’un blanc de terret pur à 7 €, une première cuvée « Chemin à l’envers » de 2010 rouge (8 €) fait preuve de souplesse et d’un beau volume.
Un quasi pur Carignan de volcan ! Photo©MichelSmith
Le Coteaux du Languedoc « Champ de Pierres » 2010, qui existe aussi en magnum, met en avant le mariage carignan/syrah, mais cette dernière variété n’est en réalité présente qu’en petite quantité (10 %), ce qui explique qu’à partir du millésime 2011, le vin sera « déclassé » en IGP, ce qui à mon avis permettra de mieux le vendre en soulignant son cépage principal ainsi que l’âge avancé de ses plants. Pour l’heure, ce 2010 s’annonce superbe : grande finesse au nez comme en bouche, largesse en attaque, harmonie par la suite, pour finir sur le fruit. Son prix départ propriété est de 12 € et il est parfaitement capable de tenir encore 6 à 8 années dans une bonne cave.
Bernard Isarn sous son micocoulier. Photo©MichelSmith
On le devine : la visite est recommandée, d’autant que la vue sur la plaine bitteroise est splendide et que les tapas de Christine sont inoubliables. Et si on taillait nos initiales dans le tronc de l’arbre ?
Michel
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Merci beaucoup pour votre article.
Même avec un peu de retard votre article est une invitation à la visite de notre région à la veille des grandes vacances. Même en bord de plage on peut accorder du temps à la gastronomie et la découverte du vignoble local !
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