C’est le point «culminant» du Plan de Dieu… et ce sont aussi les parcelles les plus au Sud de l’entité géologique. Sur cette curieuse élévation de terrain, la Ferme Saint Antonin. Elle a donné son nom au domaine de Jean-Pierre Allemand, grand de 15 ha autour de la ferme et de 20 ha supplémentaires autour d’une autre ferme plantée au milieu d’un monticule moins élevé. Il faudra que Georges m’explique quel phénomène a produit ces reliefs inattendus.
Le Plan de Dieu
Perché sur les hauteurs de Cairanne, le Plan de Dieu se distingue presque dans son entièreté. Grand quadrilatère, il s’incline vers le sud sud-ouest et varie son altitude de 150 m au piémont de Rasteau et Cairanne à 80 m à l’entrée de la plaine de Camaret-Jonquières. Deux rivières le bordent, l’Aigues à l’ouest et l’Ouvèze à l’est.
Aujourd’hui, le Plan de Dieu étale ses cailloux plantés de vignes à perte de vue, jadis, il fallait recommander son âme à Dieu avant de traverser l’épaisse forêt infestée de brigands.
La géologie
Une masse importante de galets roulés recouvre d’une épaisseur de 10 à 15 m les argiles du Pliocène et les sables grésifiés du Miocène. Ils furent déposés là par l’action conjuguée des deux rivières durant la glaciation de Riss, il y a 250.000 ans. Les dépôts plus sableux de L’Ouvèze s’entrecroisent avec ceux plus argileux de l’Aigues. Le cailloutis calcaire est omniprésent et passe de 50% de la masse à 85% au-delà de 60 cm de profondeur. Sol et sous-sol offrent une bonne réponse hydrique à la vigne, meilleure toutefois au sein des matrices argileuses qui propagent mieux l’eau capillaire. Bon drainage, en cas de fortes pluies, et rétention hydrique, durant la sécheresse, régulent les apports. Et donne à ce paysage à 88% viticole, sans maison et avec à peine trois arbres sur le caillou, une fausse impression de terrain sec, surchauffé de soleil. Les hommes y souffrent plus que la vigne.
Les vins
38 km² plantés sur les 44 km² disponibles donnent un volume de production important. La petite mer de vignes au pied des Dentelles calle son volume de production entre ceux de Cairanne et de Rasteau.
Solaire et généreux, les vins y possèdent volume et ampleur, plein de fruits le plus souvent rouges, des épices et des notes de garrigue, suffisamment de fraîcheur pour équilibrer les titres alcooliques et bien assez de gras pour enrober les charges tanniques modérées. Des vins en rondeur comme une poitrine généreuse.
La Ferme Saint Antonin
«Je suis atypique par rapport à l’AOC, j’ai plus de Mourvèdre que les autres» nous dit tout de go Jean-Pierre. Ses vignes sont en production raisonnée depuis 2000. Mais au départ, il pratiquait la polyculture, puis s’est orienté vers le maraîchage, pour enfin se consacrer essentiellement à la vigne. Tout d’abord viticulteur, il portait ses raisins au Cellier des Princes. Il en fut même président pendant 10 ans. «J’ai quitté le Celliers en 2006, il y a eu un changement de politique à la cave auquel je n’adhérais pas, cela m’a décidé» confie J-P. Depuis, c’est à la Maison Lavau, à Violes, qu’il vinifie, «je compte vinifier bientôt une partie de la gamme chez moi, cela me donnera plus de souplesse, comme j’exporte 80% de ma production, le reste se vend chez les cavistes» explique Jean-Pierre. La ferme serait toute indiquée pour y placer un chai de vinification, au milieu des vignes et d’accès facile. Mais voilà, y loge l’âme la plus âgée du coin, elle est née là à l’aube du siècle dernier et Jean-Pierre n’imagine même pas un instant son déplacement. Bon pied bon œil, nous étions heureux de la voir tenir fermement son chien qui nous montrait les dents quand on l’a croisée au retour du champ.
Un homme qui a du cœur et qui parfois s’interroge sur le Plan de Dieu, cette grande entité qui a le statut d’un Côtes du Rhône Villages avec nom de Commune, «je trouve qu’il y a une qualité assez homogène sur tout le Plan de Dieu, mais il y a parfois des vins vendus à des prix qui me désolent. Il faut croire en son produit, ça évite de le brader» affirme Jean-Pierre.
Le domaine produit 6 vins
Du Vin de France à l’AOP Plan de Dieu.
Le blanc pour se mettre en bouche, Côté Jardin 2011 fait de Clairette et de Chardonnay, écrit Vin de Pays du Vaucluse sur l’étiquette.
Un vin minéral (on n’ose presque plus le dire), élégant, tendu et fruité qui associe la maturité en rondeur du Chardonnay à la fraîcheur acide de la Clairette. Un blanc sec, facile à boire.
On passe aux rouges, le Côtes du Rhône 2010 en premier, la robe foncée, des confitures de fruits noirs relevées de cumin et de fenugrec au nez, croquant et frais en bouche, les tanins soyeux, le voilà joyeux, content de nous plaire, heureux de son équilibre, sans lourdeur ni excès d’alcool, la longueur sur les épices, la garrigue. Un vin de belle soif qui a la gourmandise des Grenache élevés en cuve, encadrés de Carignan et de Syrah.
Suit le rouge Le Bois Julien 2010 Côtes du Rhône made for USA, boisé, une majorité de Syrah, il s’exprime en notes vanillées avec des accents de liqueurs de cassis, de pétales de lis, il n’a pas la fraîcheur espiègle du précédent.
On repasse au Vin de Pays de Méditerranée Côté Cour 2010 qui mélange Grenache, Syrah, Marselan, Carignan et Cabernet Sauvignon. Un mixte de cépages qui se transcrit par une grande fraîcheur et beaucoup de caractère. Il fait facilement oublier le boisé du Bois Julien et s’impose en bouche par une présence impressionnante. Droit, très garrigue, avec un rien de carbonique pour encore affûter la vivacité, il offre son fruit à qui l’apprivoise.
Le Plan de Dieu 2010 pour terminer
Grenat foncé pour la robe, garrigue au nez, la constante Plan de dieu, des épices, des gelées de fruits. Mais c’est en bouche qu’il se révèle vraiment, bien caractéristique des belles productions du Plan, à la fois structuré et aimable, il a le tanin rond et fin, une fraîcheur qui met en évidence le développement fruité épicé, une finale sur la garrigue, encore elle, mais on ne s’en lasse pas, elle nous entraîne loin au milieu des bouquets de thym et de sauge, d’arbousier et de cade, l’amertume de ce dernier laisse longtemps son parfum, pareil à un trait de réglisse. C’est bon, c’est plein, c’est riche. Ici, le Grenache lâche du lest et partage la bouteille avec 30% de Mourvèdre et 20% de Carignan.
Georges, si tu m’as lu, te connaissant, tu as eu le temps de cogiter et de trouver l’explication de cette curieuse élévation de terrain. D’elle, comme d’un piédestal, on domine de quelques mètres l’étendue vert gris clair du Plan, au loin les Dentelles, le Ventoux, et la route qui mène au prochain rendez-vous.
Jean-Pierre et Josy Allemand, chemin des Chèvres 84150 Jonquieres
+33 490 70 30 71 crescendo.vins@orange.fr
Ciao
Marc
Si tu connais le Plan de Dieu, alors tu sais qui sera le prochain Pape…
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C’est vrai que la papauté, on connaît dans la région… 😉
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Georges a eu la gentillesse de m’éclairer…
La colline de Saint-Antonin correspond à un lambeau de la terrasse caillouteuse rissienne du Plan de Dieu, préservé par l’érosion ; une sorte de digitation, orientée nord-sud, semblable à celle qui est un peu plus à l’ouest-nord-ouest, vers le domaine de la Berthète (sur Camaret).
Les cailloutis sont à cet endroit posés sur des marnes pliocènes, ce qui donne, au pied des reliefs des terres un peu lourdes. En pièce jointe, une coupe du Plan de Dieu. L’alluvionnement a été fait majoritairement par l’Ouvèze, qui passait autrefois (Riss) beaucoup plus au nord (talweg à l’emplacement du domaine de la Courançonne) et se jetait dans l’Aygues à Travaillan.
Voilà pour ces modestes digressions géologiques.
Georges
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Pour ceux qui traversent le Plan de Dieu tous les jours ou presque, un tel titre ne manque pas d’accrocher l’esprit !.. Mais je dois dire cher Marc qu’en ce qui concerne le sujet pointu des points culminants en régions…. plates 🙂 , tu es définitivement le plus qualifié
des 5 !!! Celui qui aura, comment dirais-je, la plus grande profondeur de vue !.. En tout cas, merci de parler du Plan de Dieu qui le
mérite bien. On aime ce fruit si croquant, ces raisins qui pendant les vendanges sentent si fort le thym environnant. Ah, au fait, les plantes environnantes font-elles partie du terroir ?.. Mais c’est encore pire que la chimie du sol cette histoire-là: la relation avec le raisin est uniquement aérienne. Damned, il y a encore quelques maux de têtes en perspective et de l’avenir pour les blogs viniques.
Bon WE….
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Avoue Louis qu’être le spécialiste des éminences en régions plates est une spécialisation rare et particulière, c’est la science des mamelons délicats…
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Vous ne croyez pas si bien dire… Il y a longtemps, nous étions avec un confrère en train de goûter le millésime en cours à la cuve dans un bon château du Médoc pour le Spécial Millésime de la RVF lorsque nous sommes tombés sur une cuve fortement marquée par des arômes de goudron. Le propriétaire, un peu inquiet, nous a raconté alors que nous déjeunions qu’il se souvenait que la parcelle correspondant à la cuve étaient traversée par une route que les ponts et chaussées avaient goudronnée en juin, trois mois avant les vendanges. Le terroir nous joue-t-il parfois des tours ?
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Ai pas pu m’en empêcher, surtout que, maintenant que WordPress ne m’appelle plus « padresanctus », je suis revenu en odeur de sainteté auprès de Monseigneur Lalau :
@MVH (chez Mouis Vuitton) : tu es devenu amateur de Whisky de malt, l’ami ?
Dans l’île de Jura, les 3 collines (inspirées ?) portent le surnom poético-éthylique de « Paps of Jura ».
@Barruol : pourquoi des maux de tête ? Le plan de dieu serait-il d’augmenter le teneur en SO2 des vins du bon Saint Antonin ? Adoptez le bouchage à vis, vous pourrez en mettre moins !
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Je ne le crois pas ! Il a recommencé.
Nom de Dieu, Palsembleu, Morbleu, Vertudieu … il a recommencé.
C’est pas moi, Père Hervé ! C’est pas moi. C’est la main du diable.
Je reviens de Carla Bayle (voir mon blog), patrie de Pierre Bayle, cet infâme demi-impie – son père était pasteur, bien plus que mon frère n’est masseur.
Appelez-moi un exorciste, appelez Jim Budd. Lui qui sait faire parler les raisins, à défaut de certains propriétaires de la région du Layon, il peut me soumettre à la question – mais pas par le supplice de l’eau ! – je n’ai rien à me reprocher. Appelez-moi cunnilingus, appelez-moi interruptus, applez moi moins que minus, d’accord. Mais pas padresanctus !
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Hé, Charlierus Cumulus, ça marche désormais… Le ciel t’a entendu (ou lu !)
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J’en rajoute : Leonus Malolacticus, quand tu nous parles de ton blog, n’oublie pas de nous mettre un lien !
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@interruptus: non non je voulais juste évoquer les maux de tête générés par ce maudit débat sur le terroir, rien de sulfitique dans mon commentaire, pas soufreteux (j’espère) non plus ni même sulfureux.. Par ailleurs, je pratique la capsule à vis avec le bonheur du vigneron qui reconnait son vin quand il en boit.. Au fait, interruptus, c’est un blanc « malo pas faite » ? J’espère que ce n’est pas autre chose, ce serait triste.
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Qu’on se le dise, qu’on se console
Il a de l’humour, le Barruol
De Beaumes à Venise et d’Ampuis à Trévise
Il engrange sans arrêt les devises
Pour la France et l’Outremer
Il a même su charmer Parker
On présente son talent comme tout cousu d’or
Dans tous les tabloids ou le Wine Spectator
Quand aux Dentelles parfois on le raille
Car ils sont taquins du côté de Montmirail
Il clame, tel un Dylan, du fond de Saint Cosmes :
«Cassius Clay, here I come ! »
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Ah ah ah !!!! Luc Charlier est en forme. Ca tombe bien, le rire est bon pour la santé. Cassius Clay il vaut mieux se le prendre maintenant que quand il était en forme…. Et je préfère éviter les tabloids quoique à force de parler de mamelons culminants et d’interruptions
soudaines…. Ce poème je le garde, pour le plaisir !!
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