Long live Parker!

Mon estimé collègue italien Daniele Cernilli, alias Doctor Wine, s’est fendu cette semaine d’un long article à la gloire de Robert Parker.

Le voici:

Long Live Parker!

by Daniele Cernilli 18-02-2013

To say that he was and, in many ways, remains the world’s most influential wine critic is a little simplistic. In his sector, Robert Parker left his mark on an era. He invented a method to evaluate, critique wines that before were described in literary, almost historical terms stressing honors won even more than a century before. With his reviews, published in his newsletter The Wine Advocate, Parker rocked the wine world in Bordeaux, totally turning traditional parameters upside down, questioning the validity of the established 1855 Grand Cru Classé classification and drawing attention to areas like Pomerol that had previously been considered ‘minor’. It is thanks to him that wines like Le Pin were discovered along with the so-called vins de garage,  of which only a few thousand bottles are made by small winemakers, which he first first singled out in Bordeaux and later in the rest of the world. He was also responsible for launching many great California reds and wineries like Screaming Eagle, Harlan Estate, Turley and Araujo Eisele Vineyards. And he had a prophetic vision of the extraordinary potential of areas like the Rhone Valley, the Langhe and Montalcino. Today these are established realities for the production of quality wines but 30 years ago few outside their respective countries knew about them.

What Parker did was to invent a modern, pragmatic and plausible way to rate wines based on personal tastings and using a points system (based on a scale of 0-100). In other words, his evaluations were based on his professional opinion and not on antique laurels that up until then were the standard, due to tradition more than merit. He even sparked a revolution, the repercussions of which are still felt today, when he wrote that for certain vintages a Lynch Bages, a Cinquémes Cru in the 1855 classification, was better than a Lafite, perhaps Bordeaux’s most celebrated wine.

Why am I saying all this? Because as you may have read, Parker has sold his publication to a financial group in Singapore, for several million dollars. He will stay on as a consultant and continue to write occasionally, giving more responsibility to his team of collaborators. This group, however, will not include Antonio Galloni who has decided to strike out on his own and, just a few days ago, quit the board atThe Wine Advocate. This is particularly important for Italian wines  because he was the one responsible at the publication for Italy. A guessing game has already begun on who will replace him and some have even gone so far as to mention yours truly, something I think is based more on wishful thinking than any real possibility. Whatever does happen what is important is that Parker stays involved in some way. The Wine Advocate is his baby, the product of his immense ability, his personal tastes and, despite what his critics may say, represents his world view and that of his readers. Thus it is not important who will replace him, what is important is that Parker continues to contribute and give philosophical direction to The Wine Advocate, without which would be certainly remain a good publication but without the authoritativeness that, thanks to him, it has won worldwide over the past 30 years. And so today, more than ever, Long Live Parker!

Vous m’excuserez de ne pas me donner la peine de vous le traduire. Si les notes de Parker vous intéressent, je suppose que vous maîtrisez non seulement la langue de Shakespeare, mais également la langue de bois.

Don’t let Parker screw you…

Je ne dirai pas que tout ce qu’écrit le Doctor Wine (quel drôle de nom, comme si notre amour du jus de la treille était une addiction…) est faux.

Personne ne peut contester à Robert Parker, ni sa gloire, ni son influence. Ni même certaines qualités de dégustateur. Ce n’est pas son goût qui est en cause – c’est le sien, il y a droit. Ni sa compétence. Juste l’extrapolation, l’exploitation qui en est faite.

A titre personnel, je déplore

-primo, une autorité aussi démesurée dans le monde du vin;

-secundo, tout ce que cette autorité a eu de pernicieux. Le « système » Parker et ses vis, pardon, ses vices de forme.

Sur ce dernier chapitre, je citerai un producteur du Médoc qui regrettait, jeudi dernier, qu’une bonne partie des Bordeaux 1989 et 1990 ne tiennent plus la route aujourd’hui.  « C’est à cause de la course à l’extraction et les températures de fermentations trop élevées qui ont été appliquées à l’époque, pour obtenir les vins que Parker appréciait » .

Nous en avons soupé, de ces Big Black Babies, noirs et body buildés dès l’enfance. Made in Bordeaux, sans doute, mais surtout Made in Tonnellerie.

Parker screw

Parker: formes de vis 

Que demandait à l’époque un nouveau propriétaire de château bordelais à son oenologue? Un vin comme-ci? Un vin comme ça?  Non, juste « Un vin qui fasse au moins 92 chez Parker ». Venir nous parler de terroir, après ça…

Il paraît que le gourou lui-même s’en est repenti, qu’il apprécie aujourd’hui des vins plus élégants. Mais entretemps, le mal est fait. Et qui lui demande des comptes? Ceux qui ont acheté, trop chers, des vins qui n’ont pas la qualité promise (celle d’une grande garde, comme tout grand cru qui se respecte), n’ont qu’à aller à Monkton se faire rembourser. Je ne connais pas les heures d’ouverture du guichet, malheureusement.

Et puis, Parker a ouvert la route à une espèce de vedettariat, du côté des critiques, du côté des producteurs, et même des oenologues. On a les gloires qu’on mérite.

Dans son sillage, James Suckling et le Wine Spectator y sont allés de leurs classements. Ce dernier ose même publier des classements annuels mêlant tous les vins du monde! Je ne comprends déjà pas bien comment on peut comparer un Saint Estèphe et un Saint Emilion, alors comparer un Châteauneuf-du-Pape, un Clos de Vougeot et un Napa… c’est à peu près aussi intelligent que de dire « j’aime la cuisine italienne ». 

Establishment

Le Doctor Wine commente aussi le grand courage qu’il a fallu à Parker pour « oser dépasser le classement de 1855 », pour oser écrire que Lynch Bages pouvait être meilleur que Mouton ou Lafitte; et faire découvrir à la planète des vins de garage (dont certains, à l’évidence, avaient très bien compris la recette Parker).

Ce que je constate, moi, c’est que dans les « classements » de MM Parker ou Suckling, les nouveaux venus sont relativement rares, un peu comme le sel sur le rôti. Ils donnent à l’ensemble un petit goût d’aventure, mais l’essentiel est ailleurs. Parker donne surtout à ses lecteurs ce qu’ils attendent; la confirmation que les prix qu’ils sont prêts à consentir pour des grands crus classés (de 1855 ou de Saint Emilion, notamment) sont justifiés. Que ce soit pour les boire ou pour les thésauriser. Parker fait partie de l’establishment, au même titre que les classements. Et les deux ne font qu’ôter au dégustateur lambda un de ses droits les plus sacrés: celui de se former une opinion par lui-même.

Quant au thermomètre de Parker, la notation sur 100, il me semble aussi adapté au vin qu’une paire d’ailes à un cochon.

Sous ses 100, ses 95 et ses 90, je vois d’abord des dollars qui flottent au gré du marché.

J’ai publié ICI il y a peu un commentaire sur les notes que Suckling a données (ou vendues?) aux Bordeaux 2010. Je parle d’éléphants et de Barnum. Et je ne sais toujours pas ce qui sépare un 98 d’un 99, un 99 d’un 100. D’ailleurs, la perfection est-elle de ce monde? Se boit-elle? Et surtout, si tôt?

Je redécouvre aujourd’hui avec plaisir les Bordeaux 2005 (j’ai dégusté dimanche un Coufran de toute beauté), moi qui ne les avait guère appréciés lors de leur passage à Bruxelles, avec l’Union des Grands Crus… en 2007. Alors que fallait-il penser des notes de Parker émises début 2006?

Wanted: educators

En résumé:  long live freedom of taste. Nous avons bien moins besoin de gourous du vin, de maîtres à penser, que de passeurs du goût. Ce qui nous fait défaut, ce sont des pédagogues, dans les villes, dans les campagnes, dans les vignobles. Des gens qui puissent nous expliquer ce que l’on peut vraiment attendre d’un vin de leur région. Quand je dis nous, je ne pense pas qu’aux journalistes, je pense aux buveurs de base, et notamment aux jeunes générations.

En France, mais aussi en Belgique et en Suisse, pour autant que je puisse en juger par mes voyages, je crois qu’une génération a été perdue – le vin n’a pas été bien transmis.

Nous avons aussi besoin de gens qui éduquent les vignerons eux-mêmes. De gens qui fassent découvrir à Sancerre qu’on fait aussi de grands sauvignons en Nouvelle-Zélande; des gens, à Margaux, qui fassent déguster les grands vins de Bolgheri. Des gens, à Lézignan-Corbières, qui montrent aux vignerons du cru que le grenache est aussi un grand cépage en Priorat ou en Australie.

Je ne me fais pas de mouron pour Robert Parker, qui semble-t-il, a bien vendu son affaire. Ni pour son égo.

Et pourtant, il n’est rien. Il n’existerait pas sans la spéculation absurde qui s’est emparée des grands crus comme hier, elle s’emparait de toiles de maîtres morts dans la misère. Tiens, au fait, Van Gogh, c’est 98 ou 99? Mieux que Picasso? Moins que Monet? Et Rembrandt? Pas trop sombre, la robe?

Cette spéculation qui n’a plus rien à voir avec le contenu de la bouteille, ce qui fait de ces vins des produits encore plus inabordables que  du temps des rois et des grands féodaux.

D’aucuns trouveraient cela indécent. Feraient des comparaisons idiotes. Une bouteille d’Yquem, 10 SMIG. Une bouteille de Margaux, 20 puits au Sahel. Mais comme je ne vois pas pourquoi on interdirait la vente des Ferrari à ceux qui sont assez bêtes pour en acheter, je ne vois pas au nom de quoi on interdirait aux gogos assez riches le droit de se faire plumer en achetant un vin surcôté. Je ne suis pas envieux.

Je remercie donc Parker de m’avoir facilité la tâche (ou la Grand Rue) en me détournant de vins dont tout le monde parle mais que personne ne boit.

Je continuerai à m’intéresser aux aux vignobles et aux vins dont je pense que le prix reflète vraiment le contenu.

Ah, j’oubliais. Je serais vraiment désolé si vous voyiez dans ce billet la jalousie d’un obscur plumitif vis-à-vis d’une grande gloire du métier. Ce serait trop facile. Trop mesquin de ma part. Ma critique est beaucoup plus profonde, elle ne vise pas l’homme, qui est respectable. Et puis surtout,  je n’ai aucune envie de remplacer Parker. Je ne demande qu’une chose: que personne n’occupe plus jamais le trône.

Hervé

PS. Et pour vous récompensé d’avoir lu jusqu’au bout, cette perle:

De ellende van ratings of The Downfall of a Cult Californian Winery – YouTube

21 réflexions sur “Long live Parker!

  1. Thank’s a lot Bob ! Mais bon dieu qu’est-ce que c’est mal écrit. Je ne parle pas de ton papier, Hervé, mais du sermon de ce rital qui pour moi n’a aucune autorité pour causer pinard ! Pardon, je m’égare. Je viens d’avaler mon croissant de travers…

    J’aime

  2. Qu’est-ce qu’ils ont tous ces ritals? T’en rencontre pas un qui possède un esprit critique ou le poindre recul, ce dernier équivalent à un maximum de 50 cm, la distance du nombril au cerveau. Ou comment encenser un nabab pour se faire mousser soi-même. Triste Italie, vite un petit coup de Grillo pour faire passer tout ça
    marc

    J’aime

  3. Très peu de Grillo pour moi, car je déteste la démagogie, mais surtout bravo à Hervé pour son article que est juste et équilibré. Et dire que Parker aurait « inventé » le notation des vins ne montre que l’ignorance de ce faux Docteur. Certes il a introduit une échelle (absurde) de 100 (qui n’est en réalité qu’une échelle de 30). Mais on notait les vins sur 10 ou sur 20 ou sur une échelle de 5 étoiles bien avant, et sans faire acte d’obéissance à des hiérarchies de classements.

    J’aime

  4. Denis Boireau

    A l’echelle de la population mondiale, ou meme simplement francophone, le nom Parker est beaucoup plus connu pour les vis que pour la critique du vin. Ca doit nous faire relativiser l’importance du grand Bob et ca nous rappelle l’etroitesse de notre petit monde du vin.

    J’aime

  5. C’est vrai que le bois pour loger du vin n’est pas assemblé avec des vis, même pas Parker.
    Pourtant, je crois qu’on utlise parfois des vis Allen pour fixer ces bois.
    Ne parle-t-on pas de « Woody Allen » ?
    PS: votre serveur tourne TRES lentement et … Padresanctus a refait spontanément son apparition !!!!!

    J’aime

  6. Ping : NEWS FETCH – FEBRUARY 27, 2013 | Wine Industry Insight

  7. Louis Barruol

    Un article « juste et équilibré » ? Je n’en suis pas si sur. Parker a son goût, vous avez le votre. Parker a commis des erreurs d’appréciations, vous aussi, moi aussi. Parker ne s’intéresse qu’aux vins chers ? Faux. Parker ne s’intéresse qu’au bois et à la puissance ? Faux. Rayas de Jacques Reynaud est tout l’inverse de ça et je pourrais en citer plein d’autres. Parker responsable de son autorité ? Faux. Il n’a jamais obligé les « professionnels » incapables de faire leur sélection comme des grands suivre son avis. Parker qui prive le consommateur lambda de sa liberté ? Commet peux-tu écrire ça Hervé? Prends la peine de lire la première page du wine advocate ou il prend la peine d’expliquer sa méthode et tu pourras lire: « rien ne remplace votre propre dégustation, votre propre appréciation ». Rien n’empêche qui que ce soit d’acheter et de boire ce qu’il veut. Les bordelais ont singé son gout pour faire du business ? Je ne vois pas en quoi il est responsable de ça. les bordelais n’ont qu’à avoir une âme. Les cotations: on en a déjà débattu; pleins de journalistes, des bons et des mauvais, le font, avec plus ou moins de bonheur. Son ego ? Je l’ai reçu 16 fois. J’ai plutot toujours eu l’impression de recevoir un étudiant passionné tout content de gouter le nouveau millésime avec une dose d’humilité dont certains pourraient s’inspirer. Hervé je trouve tout ça très exagéré. Et si tu appliques le même niveau d’exigence et de critique à l’égard de tous tes autres confrères, qu’ils soient anglais, américains ou français, on va bien rigoler. Parce que des journalistes de vins qui se plantent souvent, qui ont quand même un gros ego bien insupportable et qui se font payer des repas et des nuits d’hotel sans qu’on sache trop pourquoi, je pourrais en citer en nombre pas négligeable.

    J’aime

  8. mauss

    Il faut effectivement éviter de tomber dans le classique d du doigt de l’homme qui montre la lune. Jamais Parker n’a forcé quiconque à suivre ses avis et donc s’il y a des coupables à rechercher, c’est du côté de ses thuriféraires.
    Par contre, on peut effectivement lui poser quelques questions sur le simple fait que son inflation des points rend son système identique aux 5 étoiles. En dessous de 95, l’investisseur (le gros client de Parker), ne regarde rien. Donc on commence à se trémousser entre 95 et 100. C’est dans cette zone étroite qu’on commence à jaser.
    On peut aussi lui reprocher – si on veut lui trouver des défauts – d’être fondamentalement resté légaliste, cad respectueux des classements quand bien même, de temps en temps, il prend des chemins de traverse.
    On peut lui reprocher surtout d’être devenu particulièrement laxiste vis à vis des principes rigoureux qu’il a lui-même répétés en première page de sa revue WA, notamment le fait qu’il faut juger seulement le contenu (donc aveugle) et non le contenant.
    On rentre dans une zone de turbulance, c’est évident, et Bordeaux et le Rhône vont devoir suivre un peu plus attentivement ce qui va se passer par là, aux USA.
    Enfin, sur le plan business, en y réfléchissant bien, Parker n’a pas fait une affaire formidable. Je m’explique : il a vendu son Groupe 15 M de $, à ce qu’on dit. Soit. Mais vous tous qui connaissez comme moi ZAGAT, ce petit opuscule de critiques gastronomiques new yorkais, soucieux de faire des économies et qui a eu l’idée géniale de faire rédiger ses guides par les vanités des consommateurs, ce Groupe ZAGAT s’est vendu à 300 M de $ à Google ! Si ça, c’est pas un peu plus maousse costaud par rapport à l’homme qui a eu un pouvoir incommensurablement supérieur dans le monde du vin, j’en mange mon chapeau !
    Il y aura de belles analyses à ce sujet qui devraient porter sur le modèle économique (ou son absence ?) créé ou voulu ou subi par Parker. Avoir eu autant de pouvoir et n’en récolter que 15M de $, c’est un peu short, non ?

    J’aime

  9. A Louis. Merci de ton message et d’avoir pris le temps de me lire.

    Je veux bien admettre une forme d’exagération, de caricature dans mes propos, dont l’objectif est plus le gourou en général que Parker en particulier, même si c’est de lui que je parle – mais c’est mon confrère italien qui m’y a incité.

    Associer Parker et le bois? Bien sûr que c’est réducteur. Mais il n’y a pas qu’à Bordeaux qu’on a cru que c’était la recette du succès – à Bolgheri aussi, notamment.

    En matière d’égo – sans contredire ta vision de l’homme, toi qui l’as rencontré, pas moi, je remarque quand même:

    1° Que Parker a fait preuve de beaucoup de morgue envers les autres journalistes qu’il accuse de ne pas travailler de manière déontologique, alors que lui même, charte ou pas charte, s’est fourvoyé avec Miller et Campo en Espagne. Et je ne parle pas des bloggers, qu’il voue aux gémonies…

    2° Qu’il ne s’est jamais donné la peine de répondre aux questions précises de notre ami Jim il y a deux ans, justement dans le cadre de l’affaire Miller-Campo, alors que ces réponses auraient permis de couper court à toute interprétation. Une correspondance documentée prouve que son envoyé en Espagne monnayait ou laissait monnayer ses visites dans les différentes DO. Et ce sont ces visites qui devaient servir à son guide sur l’Espagne. S’il le savait, il contrevenait à sa propre charte d’indépendance; s’il ne le savait pas, alors il faisait preuve de négligence. Dans les deux cas, il y avait bien collusion avec les propriétaires et les DO, et le guide n’était ni complet ni équilibré.

    Parker a finalement contourné le problème en acceptant la démission de Miller, mais il n’en reste pas moins que la méthodologie de ses guides est entachée d’un doute.

    Sur un autre point, Louis, tu touches très juste, là où ça fait mal.

    C’est vrai que Parker est une cible commode, par sa notoriété; et que d’autres mériteraient au moins autant de critiques.

    Récemment, j’ai eu l’occasion d’évoquer James Suckling et ses relations québécoises. Et puis, encore plus récemment, Andreas Larsson, au travers de la curieuse proposition de Tasted. Ils se sont défendus, expliqués, justifiés, c’est à chacun de juger.

    En ce qui me concerne, j’essaie d’appliquer une morale dans ce que je fais, mais je ne suis pas Monsieur Propre, et puis je ne sais pas tout, peut-être ne vois-je que la partie émergée de l’iceberg.

    A franchement parler, je trouve pitoyable la façon dont nous devons exercer notre métier aujourd’hui.
    Cela n’excuse en rien les libertés avec la déontologie que certains peuvent prendre. Mais ça les explique.
    J’en suis d’autant plus triste qu’elles jettent le discrédit sur tout la profession.

    Dans l’absolu, la méthode Parker – je note, je commente, vous payez pour, était la meilleure.
    Elle garantit l’indépendance – tout le contraire de ce que nous vivons – invitations par les producteurs, financement direct ou indirect des articles.

    Mais même la méthode Parker a montré ses limites – l’appât du gain, que ce soit celui de Parker ou celui des gens avec lesquels il collaborait; et je ne suis pas sûr qu’elle tienne la route longtemps avec les nouveaux propriétaires.
    D’autant qu’aujourd’hui, avec les blogs, les sites, internet, il semble que le lecteur veuille tout pour rien.

    Quoi qu’il en soit, ce n’est pas évident pour un journaliste de parler objectivement des collègues et de son métier en général.

    Soit on passe pour un chevalier blanc, soit pour un envieux, soit pour quelqu’un qui crache dans la soupe ou qui veut faire du buzz sur le dos des autres. Il n’y a que des coups à prendre.
    Et puis surtout, ce n’est pas ce qui me plait dans ce métier – moi, j’aime le vin et les vignerons, parler du vin et des vignerons.

    Alors oui, j’ai effectivement essayé d’être juste et équilibré, mais tu es libre de penser autrement.

    J’aime

  10. Louis Barruol

    Je ne connais pas ce dossier espagnol. Les ragots me fatiguent.
    Qu’il n’y ait pas assez d’argent pour certains dans le journalisme vin, c’est évident. Que la pub change trop souvent le jugement, c’est monnaie courante et c’est regrettable. Mais comme tu le dis, la société actuelle et le net en particulier piétine la propriété intellectuelle. On est dans la culture du gratuit. Le problème c’est que ça tue la création de qualité. On voit bien avec la musique… Voilà, sur la critique
    de Parker, chacun son avis.. Je peux comprendre pourquoi tu écris certaines choses, sans pour autant être d’accord.
    Bonne soirée ! Louis

    J’aime

  11. Pierre Sauvage

    //On est dans la culture du gratuit. Le problème c’est que ça tue la création de qualité. On voit bien avec la musique…//

    Non, la « création de la qualité », la « créativité » musicale n’est pas tuée par la gratuité mais par un système, hyper-verrouillé où seuls la rentabilité à court terme, la standardisation, le marketo-matraquage sont sources et fruits de « décisions stratégiques » et où le produit final n’est oui, qu’un « produit » industriel un peu dégueulasse…
    (mais elle existe encore, la musique, le problème étant les cannaux de distribution, tout est vérouillé…).
    Prions pour que le monde du vin (européen…) ne s’industrialise pas (mais j’en ai peur) et que le breuvage ne devienne pas un « produit » standardisé.
    La gratuité de l’info n’est pas le problème. Elle peut être une – forcément insuffisante- solution au noyautage d’une certaine forme de pensée dans un monde de plus en plus globalisé, c’est à dire de plus en plus « standardisable et à standardiser ». Et Parker a poussé dans ce sens. Il suffit de parcourir quelques sites internet de vente de vin (de sites français) pour s’apercevoir que les notes Parker sont un argument commercial. Il suffit aussi, de boire quelques vins espagnols notés 87 ou 89 pour comprendre que le barême est d’une absurdité folle.
    Désolé si ça parait bateau mais « tout est à vendre », et c’est bien ça le problème…

    J’aime

  12. Luc Charlier

    Qu’est-ce que la propriété intellectuelle ?
    Bon, d’un côté il y a la loi. Mais est-ce que la loi, c’est l’éthique ? Et si on répond oui, est-ce TOUJOURS le cas ? Chez les jazzmen, on copie tout le temps tout le monde et on improvise sur des thèmes qui ont un auteur que l’on connaît, et reconnaît. Dans les ateliers des grands peintres d’antan, il y avait des 10aines de « petites mains » qui, de facto, remplissaient les toiles. Est-ce que, au bout de 50 ans, ou 80, ou 100, cette fameuse « possession » de la création doit disparaître ? Est-ce que les héritiers doivent profiter du génie de leur ancêtre ?
    Personnellement, je crois qu’on doit rétribuer (argent ou autre) un « auteur » pour le temps qu’il a mis, et les efforts auxquels il a consentis. Quand on achète un livre, on achète la recherche qui va avec, l’éducation qui a précédé , et les frais pour l’imprimer. Et souvent, un livre on ne le lit qu’une fois (ceci n’est pas absolu). Un morceau de musique, on l’écoute souvent à de nombreuses reprises, et plusieurs personnes en même temps, des fois. Idem pour une oeuvre d’art plastique.
    Quand un chef crée un plat – non pas que je crois que c’est de l’art, ni plus, ni moins non plus qu’une bouteille de vin, un parfum, un miel, un jambon exceptionnel ….., vous me comprenez – tout le monde le copie.
    Pour une photo, c’est encore plus compliqué : si c’est de la photo en studio, surtout de composition, on est proche du tableau. Mais si je photographie une personne dans la rue (aïe, aïe, la loi), ou un château de la Loire (souvent du Loiret), ou un arbre, qui est le « proprio » ? Le propriétaire du château, de la forêt, du visage qui passait ? Pas si simple.
    Et, pour être encore plus explicite, quand on m’achète une bouteille de vin, on paie …. son coût plus une marge pour que je puisse essayer d’en vivre. Si quelqu’un d’autre produit ailleurs un vin identique, ou similaire, libre à lui. Et s’il veut mettre la même étiquette …. Ou bien, elle lui plaît et ce faisant, il n’essaie pas de faire croire que c’est moi qui ai fait ce vin (dans mon cas, il n’y aurait rien à y gagner, mais imaginons que je m’appelle Derenoncourt, pour l’exemple), no problemo. Par contre, s’il essaie de le faire croire, alors il y a tromperie, mais pas vol de propriété intellectuelle.
    Enfin, et puis je vais dormir, on taille tôt demain: si je chante O sole mio (dieu vous en préserve, je n’ai aucun talent artistique et je chante faux comme une casserole), je ne vole personne. Si je déclame du Rimbaux (ça m’arrive, mais pas en public), je ne vole personne. Mais si je recopie 10 lignes du dernier essai philosophique de Loanna, ou de Trierweiler, là c’est du plagiat, c à d du vol de la propriété intellectuelle.
    En flamand on dit : « Zô-ot » (= Au fou !).

    J’aime

  13. Louis Barruol

    @Luc. Par exemple, photocopier une partition d’un compositeur qui n’est pas tombé dans le domaine public, ça ne choque pas
    grand monde, et pourtant c’est horrible. C’est ce que tu dis Luc: ce n’est pas tant le papier que les années de travail, d’initiation,
    et le talent qui va avec qui est alors piétiné sans vergogne.

    J’aime

  14. Pierre Sauvage

    Mouais, enfin faut faire la différence entre la gratuité de l’information et la gratuité d’un produit (musique, film… vin?).
    La multiplication de l’info orientée et gratuite sur le vin, n’est pas un « piétinement de la propriété intellectuelle » mais peut-être un signe que l’info payante (guides par ex.) n’est pas satisfaisante pour un tas de raisons. Ou alors certains regrettent que le site « les5duvin » ne soit pas payant ?? Serait-il meilleur ? Plus visible ? Plus influençable ? Plus lu ? etc …

    Je comprends que les journalistes vivent mal la gratuité de l’info.
    Mais c’est tout le système du journalisme qui est problématique. Dès lors que le journaliste n’est plus qu’un intermédiaire destiné à vendre un produit/une info, et cesse d’exercer tout sens critique (même s’il sait manier nuance et langue de bois- dont plus personne ne veut), il n’a aucun intérêt dans une démocratie. Un journaliste qui sait comprendre qu’utiliser une source d’info gratuite comme un blog pour acquérir justement de la liberté est déjà bien plus intéressant. En ça, la gratuité peut aussi être un outil pour lui.

    La gratuité du produit, je ne vois vraiment pas ce qu’elle concerne dans le monde du vin.
    Que je sache tout le monde paye son verre,paye sa bouteille, à des prix parfois excessifs (mais personne n’y est obligé et c’est un autre débat…).

    Enfin, on peut comprendre qu’une oeuvre soit protégée. Que le travail de la création soit justement valorisé. Il y a 400 ans comme aujourd’hui. Par contre, les technologies actuelles font qu’il est possible de multiplier à l’infini et de manière identique en très peu de temps une « oeuvre ». Est-on dès lors toujours dans le domaine de l’Art ? Sûrement pas, à mon avis (mais là aussi, on peut disserter sur ce qu’est l’Art, à l’infini). Et est-ce que celà ne devrait pas changer le rapport au concept même de « propriété intellectuelle » ?

    J’aime

  15. Alain Drillat

    Bon. Pas eu le temps de tout lire, ni tous les commentaires, ni l’article italien, ni l’article d’Hervé – désolé, le mail est arrivé au bout de mon tuyau avec 2 jours de retard…
    « M’enfin » comme le dirait un compatriote très célèbre de Luc et Marc, on attaque mon « ami » Bob, alors je me dois de réagir… Parce que si le Bob a pris autant d’importance (et donc de pouvoir), il n’y est pas pour grand chose. Enfin, ce que je veux dire, c’est que c’est pas lui le problème. Non, le pb c’est la toute puissance économique américaine, couplée avec la mentalité de l’amateur de vin américain qui a besoin d’expert qui lui dise quoi acheter, et qui suit l’avis de l’expert à la lettre…
    Je pense que si Bob se désengage de la critique du vin actuellement, il y a sûrement comme cause principale les scandales de ces dernières années (et là je dis « bravo Jim »), où je tiens à vous faire remarquer qu’il n’est pas impliqué directement, (bon. C’est sa faute, il n’avait qu’à pas s’associer avec des salopards pareils), mais aussi le fait qu’il a conscience de sa toute puissance, et que ça l’ennuie. J’en veux pour preuve qu’il a pris la décision ces dernières années de repousser les dates de sortie de ses sacro-saintes notes de dégustation des bordeaux. Mais quel en a été le résultat ? Tous les petits (nabots) journalistes rédacteurs de guide ont essayé de sauter sur l’aubaine et de publier leurs notes avant Bob. Quels cons… Comme si quelqu’un s’en souciait de leurs notes… Parce qu’en la matière il faut être crédible. Et le Bob, il l’est. Je parle de Bordeaux, là. Ca fait 20 ans que je le pratique. Depuis la sortie de son premier guide des vins de Bordeaux en français. Ca devait être en 88 ou 89 parce que le dernier millésime décrit était le 86. Bon, il a son goût, (que je ne partage pas), MAIS AVEC LUI, QUAND IL DÉCRIT UN BORDEAUX, JE SAIS S’IL VA ME PLAIRE OU PAS. Et c’est tout ce que je demande à un journaliste du vin.
    Quand aux millésimes 89 et 90 qui « n’auraient pas bien vieilli » à cause de Parker. Perso, après des décalitres bus de ces 2 millésimes, pfff… Hervé, c’est qui ce trou du cul qui dit ça et que tu n’oses pas nommer ???? j’ai rarement été déçu par ces deux millésimes grandioses.

    J’aime

  16. Ping : Qu’est-ce qu’une « bonne critique »? – Chroniques Vineuses

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.