Comme chaque année depuis trois ans, on en est à la quatrième année, les jeunes de Châteauneuf, les jeunes vignerons bien entendu, organisent un gros salon destiné au public. L’occasion de déguster 80 domaines et de faire ses provisions de belles bouteilles.
Parallèlement à cet évènement, des ateliers sont organisés. Quatre en tout, dont l’un des plus remarquables cette année a été celui consacré aux vieux millésimes.
En voici quelques mots…
Deux blancs pour commencer et l’occasion de rappeler que le Châteauneuf-du-Pape blanc vieillit très bien. Pour la petite histoire, il y a 3 ans, j’en ai bu un du millésime 1947, signé Beaurenard, remarquable de fraîcheur et de persistance aromatique.
Mais passons à la dégustation
Premier vin, le blanc 1991 du Château La Nerthe
L’œil est tout de go attiré par l’éclat de la robe. Doré cuivré aux nuances vertes, elle ne fait pas son âge. Le nez évoque les tisanes de camomille et de tilleul, les fleurs sèches. Puis, elle évolue vers les épices douces, curcuma, cardamome. Enfin, surgit le fruit confit qui parfume la pâte d’amande de zeste d’orange et de dés d’abricot.
En bouche, ce qui frappe en premier, c’est la texture onctueuse, la fraîcheur qui n’est pas acide, mais minérale, même l’alcool ici est sublimé par sa volatilité. Les parfums se développent en petites notes subtiles. On retrouve ce que le nez avait senti. La longueur nous fait détailler les épices. À imaginer en compagnie d’un Salers ou d’une Fourme de Montbrison.
Un beau vin pour un millésime compliqué, pluies au printemps et en été, trois jours pendant les vendanges. Il assemble 40% de Grenache, 40% de Roussanne, 10% de Clairette et 10% de Bourboulenc. La fermentation se fait en barrique dont 1/3 neuves. Le vin est bâtonné.
On reproche souvent aux blancs du Château La Nerthe d’être trop boisés, certes, mais l’âge efface ce qui gêne le dégustateur qui n’aime guère les goûts dus au logement.
Étape suivante, toujours en blanc
Domaine de Beaurenard 1986
D’une luminosité incroyable, ce millésime de presque trente ans brille comme un gemme au fond du verre. Le fruit explose dès qu’on y plonge le nez, suivi d’un carrousel d’épices. Le poivre se mélange à l’abricot sec, la réglisse aux zestes de citron vert, le cacao à la mangue confite.
La bouche aérienne, très fraîche, offre une saveur minéral saline, plantée de fleurs de garrigue, fleurs de thym et de romarin.
Il ne laisse pas indifférent et prouve la longévité des blancs de Châteauneuf. Sa fraîcheur incroyable, ses arômes interpellent. Super avec un Banon bien affiné.
Un assemblage de Clairette, Roussanne et Bourboulenc, des vignes de 75 ans.
On passe aux rouges
Bosquet des Papes 2001
Non éraflé et élevé en cuve béton, ces Grenache mâtinés d’un peu de Mourvèdre adoptent une robe légèrement tuilée, mais leur nez oscille entre les notes torréfiées d’un café serré et les fruitées d’une confiture de cerise. Réglisse et poivre viennent ensuite attendrir la légère note de salpêtre.
En bouche, les papilles s’étonnent de la sensation crispy que leur fait le vin, une fraîcheur étonnante qui rend dynamique le décor tannique tissé de fruits rouges et noirs. La longueur, soutenue par la fraîcheur et l’alcool, est étonnante et mène à un bouquet d’épice. Un vin qui sied à un pavé de biche.
Un cran plus loin dans le temps
Les Cailloux 1995
Un millésime encensé et qui a souvent déçu. Heureusement pas cette fois ! Le nez, la bouche déploient leur élégance… peut-être est-ce dû à l’éraflage totale déjà en vigueur au domaine dans ces années-là.
De couleur brique, on est tout de go sur des pâtes de fruit. Elles mélangent la prune, la groseille, la framboise, l’abricot, se soulignent de condiments. Le grain tannique encore bien présent apporte un relief des plus plaisants. Un jus abondant s’en écoule. Loin d’être sec, il se montre encore généreux et colore de sa série fruitée la longueur considérable.
Encore une décennie
Clos Saint jean 1989
Un vin issu d’une vendange non éraflée et qui arbore un brun rouge aux reflets carminés. La première impression n’est guère flatteuse et rappelle la cave humide, le sous-bois, le cuir. Il faut laisser à ce Monsieur le temps de se réveiller après autant d’années confiné au fond d’un flacon. Le cuir se transforme alors en morille, puis en menthol. Puis, l’ouverture se fait de plus en plus grande, goulée d’air après goulée d’air, et jaillissent les pâtes concentrées de cassis et de fraise, délicatement épicées.
La bouche offre une onctuosité surprenante qui donne une impression sucrée. Un sucré amer au goût de moka fruité. Les tanins, bien présents, et la fraîcheur finale donnent envie d’en boire encore et encore.
Une daube de chasse avec plein de champignons serait bienvenue.
D’un an son aîné
Domaine du Grand Tinel 1988
Grenat profond, ce sont des pâtisseries qui parfument nos narines, biscuits sablés, tartes à la cerise et à la figue, lacets de réglisse poivrée, puis pour encore plus nous envoûter, des sirops de poire et d’abricot. Le nez très évolutif nous entraîne dans un monde d’épice, de sous-bois, de cuir.
L’incroyable impression aérienne en bouche nous fait décoller et laisse en dentelles la suavité nous poursuivre. C’est à la fois gourmand et élégant avec le croquant du grain tannique qui ne se laisse pas oublier. Élégance renforcée par la finale florale. Les vignes poussent sur les sables, ce qui n’est pas étranger au raffinement développée.
Deux années en 1
Château Cabrières 1971
À le voir, on hésite à le boire, on le croit volontiers passé, brun trop clair, on l’effleure du nez et là, il nous accroche par ses notes fabuleuses de cacao, de réglisse et de menthol, puis d’eucalyptus. Des pâtes de fruits jaillissent d’on ne sait où, une note fugace de laine humide, du grillé et du café, de l’iode. En bouche, les yeux fermés, on soupçonne un vin doux qui aurait remplacé son sucre par une fraîcheur percutante, une amertume subtile et, venant subrepticement, un trait de rancio qui nous dit qu’avec une tartine de sardine, il ferait un tabac. Les tanins se rappellent à notre souvenir et apportent du relief dynamisé par la vivacité. Les vignes ont aujourd’hui plus de cent ans.
L’autre en 1, le dernier d’une superbe série
Clos du Mont-Olivet 1961
Un millésime superbe dans toute la France, même à Bordeaux… Brique rouge foncé, il flatte notre imagination et nous offre le petit déjeuner dans la garrigue – un rien de toast nappé de confiture assis sur un caillou entouré de thym. À l’aération suivante, trois girations plus loin, les épices prennent le dessus, poivre noir, cumin se soulignent d’un trait de réglisse, encore un tour et le langage épicé devient de plus en plus subtil et se termine par une inattendue note de safran. Une amertume délicate et rafraîchissante ensorcelle la bouche qui offre un croquant qui nous fait craquer, un jus fluide où l’on reconnaît l’abricot, la prune jaune et la figue, les épices s’affolent et tourbillonnent, puis s’assagissent pour nous laisser jouir de la quiétude qui nous a envahi.
Une superbe verticale, pas un flacon à jeter, c’était inespéré.
magnifique ! J’aurais bien aimé faire cette dégustation. Une prochaine fois…
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Magnifique en effet, l’année prochaine, même période…
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