Picpoul de Pinet, un succès mérité en Languedoc !

Mes amis blogueurs et moi-même avons parfois la dent dure envers le Languedoc viticole. Nous l’aimons bien, trop peut-être, ce qui fait que nous sommes prompts à le critiquer au moindre faux pas. Combien de fois n’ai-je pas décrié l’ambition démesurée de certaines appellations, l’aptitude qu’ont ces mêmes appellations à vouloir se hausser un peu trop du col, la gabegie de certains, la timidité maladive des uns et la médiocrité des autres, l’immobilisme des appellations et, à l’inverse, le trop grand empressement de leurs dirigeants happés dans la politique locale par trop pesante. Parfois, il faut bien l’admettre, je suis allé trop vite en besogne. En cherchant bien, les success stories ne manquent pas en Languedoc. Aussi lorsque ce matin il me vient l’envie de positiver, alors j’en profite. Cela se passe en réalité dimanche soir, sur la terrasse de ce lieu somme toute assez inattendu, au Château Les Carrasses, un castel de conte de fée restauré à grand frais par un Irlandais fortuné, une folie vigneronne transformée en hostellerie de luxe quelque part à proximité du Canal du Midi, grosso modo entre Béziers et Narbonne.

Château Les Carrasses dans les vignes du Languedoc, non loin de Béziers. Photo Michel Smith
Château Les Carrasses dans les vignes du Languedoc, non loin de Béziers. Photo Michel Smith

Ce soir-là, pour quelques privilégiés dont je faisais partie, on exposait une bonne douzaine de flacons estampillés Picpoul de Pinet avec quelques plats d’huîtres du cru, c’est-à-dire en provenance directe de l’étang de Thau, scandaleusement accompagnées de citron et de sauce vinaigrée à l’échalote. Tout en réclamant un poivrier pour réparer cet affront au goût iodé du divin mollusque, je menais d’arrache-pied une épique bataille dans le but illusoire de maintenir les bouteilles à la bonne température vu qu’on nous servait un sorbet de vin. Las de ce combat à la Don Quichotte, je me rapprochais de mon ami Guy Bascou, le président de ce vin récemment admis dans le sacro saint club des crus du Languedoc. Pour m’éviter toute réprimande, je précise que depuis longtemps (1985) l’amateur d’huîtres que je suis pouvait se rincer le gosier avec un Coteaux-du-Languedoc-Picpoul-de-Pinet (ouf !), mais que dès cette année 2013, le 14 Février dernier pour être précis, après une décennie de palabres inaoesques et plusieurs décades de célébrité locale (vdqs depuis 1954) sur les fruits de mer, le territoire caché dans un triangle Pézenas, Agde, Sète, peut désormais se revendiquer aop Picpoul de Pinet à part entière et se targuer par la même occasion d’être, avec 1.400 ha en production (l’aire d’appellation couvre 2.400 ha), la plus grande aop de blanc du Sud de la France, la seule aussi à arborer le nom de son unique cépage, le piquepoul blanc.

Guy Bascou, le président heureux de l'AOP Picpoul de Pinet. Photo: Michel Smith
Guy Bascou, le président heureux de l’AOP Picpoul de Pinet. Photo: Michel Smith

Mais pourquoi peut on parler de succès à propos du Picpoul de Pinet ? D’abord parce que cette appellation y croit depuis longtemps. Aux grands professeurs spécialistes du blanc venus parler à ces culs terreux de vignerons du sud il y a 20 ans en leur disant qu’il serait inimaginable de penser pouvoir faire du blanc en Languedoc-Roussillon, cette appellation prouve le contraire. Non, monsieur dont-je-tairai-le-nom par charité chrétienne, Bordeaux et Bourgogne – on pourrait aussi ajouter la Loire – ne sont pas les seules régions détentrices de terres à blancs !  Ensuite parce que les vignerons des 4 caves coopératives et les 24 caves particulières ont su s’entendre depuis 1994 sur l’utilisation d’une bouteille spécifique nommée « Neptune » réservée au vin blanc sec Picpoul de Pinet et que chaque année plus de 8 millions de cols – beaucoup capsulées vis – circulent à travers le monde. Enfin parce qu’à l’export le Picpoul se porte bien atteignant plus de 40% des ventes avec quelques 600.000 bouteilles vendues aux États Unis, par exemple.

Bon, certes, les doctes dégustateurs amateurs de Bâtard-Montrachet et autres Sancerre Cul de Beaujeu peuvent dormir paisiblement sur leurs deux oreilles : Picpoul de Pinet ne cherche pas à se mesurer à eux. Il se contente, pour le moment, d’être un super Gros Plant du Sud, assez proche même d’un bon Muscadet. Souvenons-nous cependant qu’il y a 30 ans, seuls quelques illuminés prédisaient un avenir de grand vin dans le Muscadet… Je reste persuadé pour ma part que l’appellation va progresser ces prochaines années et que les duretés ressenties dans quelques vins vont tôt disparaître. Ainsi donc, le Picpoul de Pinet est un agréable vin blanc, sans souci, pour démarrer un repas, sur une truite fumée ou un hareng pommes à l’huile, par exemple, pour jouer un rôle certain sur les sushis ou pour accompagner des fruits de mer, huîtres et coquillages en particulier, missions où le Picpoul se donne à cœur joie.

Alors, je ne sais si cela sera utile à mes lecteurs, mais j’ai concocté une liste toute personnelle de bons Picpoul de Pinet dans le millésime 2012 : Domaine Félines-Jourdan, les Vignerons de Montagnac « Terres Rouges », L’Ormarine « Préambule », L’Ormarine « Juliette », « Cap Cette » de la cave coopérative de Pomérols. Bon profit !, comme on dit en Catalogne…

Michel Smith

14 réflexions sur “Picpoul de Pinet, un succès mérité en Languedoc !

  1. Hervé Lalau

    Une AOC de plus. Pourquoi pas? Mais le nom de Pinet tout court aurait été mieux – car pourquoi avoir refusé Sauvignon de Saint Bris voici quelques années, pour accorder Picpoul à Pinet. Il parait même que Picpoul va essayer de faire changer le nom du cépage Piquepoul pour se le garder. C’est le monde à l’envers, et je ne vois vraiment pas la logique de l’INAO dans tout ça!

    A part ça; j’adore le picpoul de Pinet, un joli blanc du sud, avec de la fraîcheur. Mais pour le consommateur, ça ne change pas grand chose, Picpoul de Pinet était déjà marqué très gros sur l’étiquette, Languedoc en tout petit…

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  2. Denis Boireau

    Merci Michel pour ce pladoyer en faveur des petits blancs frais.
    Effectivement Picpoul et Gros Plant jouent dans la meme gamme.
    A ce propos j’ai trouve des infos contradictoires sur la parente des cepages picpoul blanc ou piquepoul et folle blanche. Est-ce vraiment le meme cepage? Sont-ce des cousins? Ou seulement deux cepages qui donnent des vins du meme genre?
    Qui pourrait me donner des reponses a ces questions?

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    1. L’ampélographie n’est pas mon fort, Denis. Les interprétations sont multiples en la matière et on se demande qui prendre le plus au sérieux. Je vais consulter mes oracles… Pierre Galet, en l’occurrence… Mais Marc, qui se promenait avec moi en Languedoc, et qui est rentré hier, en sait peut-être un peu plus… 🙂

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      1. Hervé, les deux orthographes sont admises… En supprimer une serait dommage, j’en conviens. Mon ami Guy Bascou n’a pas évoqué ce sujet et j’avoue avoir été plus concerné par l’organisation d’une bonne grillade-retrouvailles-entre-potes que par ce point de détail que j’ignorais. Quant au nom, certes un poil long, de Picpoul de Pinet, moi je trouve que ça sonne bien. Et les journalistes anglo saxons qui étaient avec nous ce soir-là aussi ! Il est vrai qu’ils savaient faire la différence entre un Sauvignon de Saint Bris et un Quarts de Chaume 😉 noms tout aussi compliqués que Pouilly Fuissé, Pouilly sur Loire ou Pouilly Fumé qui se vendent comme des petits pains !

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  3. Michel, je me suis mal expliqué. Ce n’est pAs une question de longueur de nom. Le cépage s’appelle piquepoul (ou picpoul) et en vertu du fait que les AOC ne sont pas des cépages, il n’aurait pas dû entrer dans le nom de l’AOC. C’est pourquoi Sauvignon de Saint Bris, quand il est passé de vdqs en AOC, a du abandonner le nom de sauvignon (on imaginait pas faire changer le nom du cépage à tous ceux qui en utilisent!).
    Alors la même règle aurait dû s’appliquer à Pinet. Le pire, c’est que j’a lu que P de P cherche à présent à faire interdire l’usage du nom piquepoul à ceux qui, en IGP Côtes de Thau, l’utilisent. Si, à peine on a l’AOC, on veut écarter la concurrence, c’est de l’abus de priorité. Voila pourquoi Pinet était pus recommandable. Enfin, s’il y a avait une logique dans les décisions de l’INAO…

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  4. Pigé, mais comme on a le Touraine Gamay, le Cabernet d’Anjou, le Gros plant, le Bordeaux sauvignon, le Côtes du Rhône syrah, le Muscat de Rivesaltes ou le Riesling d’Alsace, je pense que les vignerons de Saint-Bris ont mal défendu leur cépage. Peut-être n’étaient-ils pas suffisamment unis et motivés. Mais peut être aussi que la majorité d’entre eux a souhaité raccourcir leur nom, ce que n’ont pas souhaité les gars de Pinet et des 4 communes (je crois…) qui partagent ce nom. Lorsque l’on a un cépage unique (et peu répandu) je pense que l’accoler à son appellation n’est pas une mauvaise idée. Commercialement aussi c’est une bonne chose. Évidemment, quand on partage un même cépage (sauvignon en l’occurrence) avec d’autres aops, c’est plus difficile…

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  5. Denis Boireau

    Sauf que Gros Plant, c’est bien le nom du vin. Le cepage, c’est la Folle Blanche.
    Oui, bon d’accord le nom du vin vient du surnom du cepage. Mais restons precis quand meme.
    Sinon y en a qui finissent par pretendre que Muscadet c’est un nom de cepage!

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  6. Hervé Lalau

    Et moi je pense qu’on prend les consommateurs pour des demeurés, qu’ils sont bien capables de faire la différence entre Picpoul de Pinet AOC et IGP Côtes de Thau Piquepoul.

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  7. OUI, PEUT-ÊTRE SAUF QUE L’IGP EN QUESTION COMPTE UNE CINQUANTAINE DE CÉPAGES AUTORISÉS ET QUE ÇA NE FACILITE PAS LA COMPRÉHENSION VU QUE LA ZONE COUVRE AUSSI LE TARN ET L’AVEYRON ! LE PICPOUL DE PINET A LE MÉRITE D’ÊTRE CLAIR ET C’EST PAUT-ÊTRE AUSSI POUR ÇA QUE ÇA MARCHE…

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  8. guy Bascou

    Merci pour la finesse et l’objectivité de ton article; depuis 2004, le cépage n’a qu’une seule orthographe en France et en
    Europe:PIQUEPOUL. Le cépage Picpoul n’existe pas, par contre l’Aoc Picpoul de Pinet, oui .

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