La température monte, les crânes s’échauffent et les slogans fusent !

On le dit, on le croit  volontiers, on l’espère, même : la température remontera bientôt.

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Et ce sont surtout les têtes de nos penseurs d’AOP qui s’échauffent, voire qui surchauffent. Au frais de qui, d’ailleurs, j’aimerais bien le savoir ? Oui, si j’étais vigneron (quoique je le suis un peu, avec mes amis associés du Puch) et cotisant pour la cause commune des vins (là aussi, je paye, nous payons, modestement…), la noble cause d’une appellation en l’occurrence, je me dirais qu’il serait grand temps que je me pose des questions… et surtout, que j’obtienne des réponses.

Une fois de plus, j’aurais pu. Si j’étais un bon et consciencieux journaliste de droite, du centre, comme de gauche, j’aurais pu me lancer pour vous dans l’examen de cette nouvelle taxe sur le vin sur laquelle se pencheraient nos experts. Non, non et non ! D’abord parce que je n’exclue pas l’idée de mon cortex que la viticulture pourrait, même si elle le fait déjà en exportant un max, contribuer à l’effort national comme va devoir le faire le misérable retraité que je suis en train de devenir. Ensuite parce que les histoires d’économie et moi, ça fait deux : restons chacun de notre côté et les cochons seront mieux nourris. Résultat, je vais me venger sur un sujet bateau, un thème à la con. J’implore déjà le pardon auprès de mes rares suiveurs…

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Ce doit être cette foutue saison, mais je découvre avec étonnement (et retardement) que les appellations d’origine protégée – ou AOP pour les passéistes comme les Corbières qui se disent toujours AOC – ne jurent toujours que par un slogan;  une phrase qui,  lancée au hasard d’une conversation, devrait suffire à évoquer le nom, mais aussi les vins, les gens et les paysages d’une appellation ou d’une région viticole. Cela tient de la publicité pure, c’est un mal nécessaire, me direz-vous. Peut-être est-ce dans l’ordre des choses, en effet.

Après tout, les compagnies aériennes ont leurs slogans, les banques aussi, sans oublier les grandes surfaces, les assurances, les lunettiers et les fabricants de bagnoles. Mais quand la publicité consiste à distiller des conneries au nom des vignerons, alors là, je rouspète sec, pour ne pas changer. Et ce qui me tracasse le plus dans tout ça, c’est le coût d’une telle futilité. Oui, moi qui n’y connais que fifrelin en économie, moi qui fait une faute toutes les deux phrases, je m’autorise le plus humblement possible à demander à nos valeureux dirigeants d’appellations combien peut coûter une telle connerie? Oui, et plus précisément, combien il en coûte au contribuable, au vigneron, au consommateur ?

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Car on peut effectivement se demander à quoi cela peut il servir de payer une agence de pub ou de com, je ne sais plus – j’imagine quelques dizaines de millions d’euros – pour user du paperboard et pondre un putain de dossier qui se conclut, en prenant l’exemple de ce petit dernier annoncé à grand renfort de tralala dans la presse locale, par un slogan à la noix, que dis-je par un magistral : «Minervois, le Grand Vin millésimé par le vent» ! Magnifique ! Splendide trouvaille ! Du grand art digne de Marcel Bleustein-Blanchet !

Allons, allons, on se calme… Je suppose que nul, dans la vie actuelle, ne peut se passer d’un slogan. De l’humble entreprise de pompes funèbres à la grande pharmacie du coin, on a tous besoin de se positionner au travers d’une marque, d’un mot ou d’une phrase qui frappe et qui se retient, slogan que l’on associe au produit. Il faut cataloguer !

Ainsi, moi, je reste le «râleur de service». Il y a un an, j’étais «l’éternel insatisfait». Comme le savon ou le parfum, on doit se laisser résumer en une phrase courte et percutante. Parfois, cela a du bon ; parfois, cela relève du comique.

À une époque, lorsque l’on roulait sur la route côtière – la corniche si vous préférez, entre Argelès et Collioure – on avait le droit, au sortir d’un virage, à un immense panneau avec la bonne tronche dessinée d’un paysan-vigneron-rugbyman-forcément catalan, bien sûr coiffé d’un béret, qui tendait son bras musclé au bout duquel il tenait dans sa grosse main calleuse un verre plein. Et ce slogan fusait tel un ordre impérieux : «À ta santé, touriste !».

J’adorais cette pub à la gloire de Banyuls et des VDN (vins doux naturels, eh oui, le naturel était déjà à la mode…) d’un autre âge qui, sans complexes, invectivait le visiteur motorisé des années 80. Trente ans plus tard, la vogue des slogans autour du vin n’a pas baissé les voiles, loin s’en faut. Et d’ici à ce qu’on nous les trousse in English dans le texte, façon multinationale, il n’y qu’un pas qui sera bientôt franchi. «Care for a Rhône ? What else !»

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J’ai sorti quelques vieilles (ou moins vieilles) brochures l’autre jour, lors d’une crise de rangement et j’en ai tiré quelques perles. Jugez plutôt : «Terroirs de Passion Rouge et Or» pour les Premières Côtes de Bordeaux et Cadillac ; «Terre de blanc sec» pour l’Entre Deux Mers ; «Sacrée Nature !» pour les Côtes de Bourg qui se disaient aussi «L’enfant terrible de la famille Bordeaux» ; «Des personnalités à découvrir» pour les Bordeaux et Bordeaux Supérieur ; «Le Bordeaux créateur d’accords» pour Castillon Côtes de Bordeaux ; «Les grands blancs» pour les vins d’Alsace ; «Passion Jura» pour les vins du même nom ; «Les vins à découvrir» pour les vins du Sud Ouest ; «Un terroir fier d’afficher son caractère» pour Cahors; «La Provence par excellence» pour les Coteaux-d’Aix-en-Provence ; «Les grands vins qui chantent nos couleurs» pour la collective des vins du Roussillon…

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C’est drôle, non ? Mais quand on sait qu’un slogan ne doit guère durer plus de 2 ans avant que l’on ne décide d’en changer en même temps que l’on change de directeur ou de président, avec l’argent des vignerons, bien sûr, on sourit moins.

Alors Messieurs du Minervois (excusez-moi, mais je ne vois pas de dames sur la photo du journal local), puisque vous êtes les derniers à changer de slogan, dîtes-nous donc en toute amitié combien cela vous (nous) a-t-il coûté et qui a été le bénéficiaire de cette manne ? Cela ne devrait pas être un secret…

Car autant vous le dire, j’ai besoin d’un slogan pour le petit vin des Côtes Catalanes que je mets en bouteilles avec mes potes associés. Pour le moment, on a retenu «Puch, le vin qui a du punch ! » ou «Puch, le rouge qui cogne !»

Certes, je vous l’accorde, ce n’est pas génial. En revanche, ça ne nous a rien coûté.

Michel Smith

25 réflexions sur “La température monte, les crânes s’échauffent et les slogans fusent !

  1. Minervoix, les vins qui vous laissent sans voix ! sauf Michel Smith, bien entendu, cet éternel râleur insatisfait qui travaille du chapeau ! Pour ton propre slogan, t’aurait pu faire pire, genre « Puch, le vin sans pluche » ou encore « Puch, le vin des ours en peluche » y’a de quoi faire 😉

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  2. Hervé Lalau

    Je trouve amusant que l’Entre deux Mers, jadis presque entièrement doux ou demi-doux, se soit reconstruit une image sur le sec. Quand les AOC nous parlent de respect des traditions, il faut souvent comprendre: « Amis journalistes, relayez ce qu’on vous dit maintenant et oubliez le reste! ».
    Bon, Michel,pour ton Puch (prononcez Puc, comme dans dans hi-tech), que penses-tu de « Puch à toute heure »?
    Sinon, à la Provençale, je propose « Un Puch, Puchère ».
    Je peux aussi te conseiller une cuvée spéciale fin d’année (un muscat, par exemple): « Le Puch de Noël ».
    Et pour toi, c’est gratuit, bien sûr.

    PS. Pour le Minvervois, je te trouve dur: pour une fois qu’une communication est vraiment en phase avec son contenu. Ben oui, ce slogan, c’est du vent!

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    1. Tu me fais rire avec tes slogans ! Et ton post scriptum est hélas trop juste !
      Je signale au passage que Puch est un mot volontairement déformé du vrai mot Catalan « Puig » (prononcez « poutch ») et nos amis parisiens prononçaient « push » ce qui nous a donné l’idée de ce mot in congru « Puch » qui, au passage est une vieille marque autrichienne de moto…
      Un peu de pub gratuite au passage, comme quoi les journalistes, c’est bien connu, bouffent à tous les râteliers.

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    1. Bienvenue Ludo ! En attendant, voici un tout nouveau slogan, celui du Cellier des Templiers officiellement rebaptisé hier Terres des Templiers (ça aussi, ça a du coûter bonbon !) et qui nous a pondu ceci :
      ‘Le Banyuls, il y a ceux qui l’aiment et ceux qui ne le connaissent pas ‘
      Fallait-y penser 😉

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  3. Louis Barruol

    Mon père avait une Puch de 1956… Magnifique. On aurait monté la face nord des Dentelles avec. Incroyable. Je propose donc ce slogan-ci: « Puch, le vin qui a du couple ». Ce slogan présente l’intérêt de pouvoir être interprété de différentes manières… Bon, passez – moi le paper- board !!!!!!

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  4. Au lieu d’allouer votre dizaine de millions d’€ à une agence, vous faites venir Fatal Bazooka pour un remix brandé : « Fous ta ca-Puche ».
    => Notoriété assurée chez tous les futurs consommateurs de vin (nos amis les ados)

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  5. Christophe Libaud

    « Puch ? Jaja, mon Général. Puch, pour les quarterons, mais pas qu’eux. »

    « Gott mit Puch! » (vin dépendant)

    « Puch, un coup de vin ? »

    « Puch ! Tentez-le ! »

    « Puch ! N’attendez-plus. »

    « Puch, la quille canon ! »…

    « En Normandie, la puche prend l’eau pour attraper les crevettes sur l’estran. En Autriche Puch est une célèbre marque de cycles. En Roussillon, le puch sera de tous les ébats, les états, sans débat. »

    « Puch, sans consultation ni prescription. »

    … et comme le diable de la java je m’en retourne en enfer, sans droit et sans hauteur.

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  6. Eh oui, Vicky…
    Petite précision : ce slogan et tout ce qui va avec n’aurait coûté que 200.000 euros.
    Et pour ceux qui n’auraient pas lu le joli texte de Vincent Pousson pour la gamme « L’esprit du Vent » de la Cave d’Embres et Castelmaure, dans les Corbières, en 2001, le voici :

    « Il est sauvage, parfois violent. Son souffle translucide fait danser la flamme noire des cyprès, les oliviers scintillent comme du vif argent. Sa vigueur boréale purifie la peau mate des grenaches, son haleine fraîche clarifie le jus oriental de la syrah. D’autres jours, encore, il drape les falaises blanches d’un vaporeux nuage d’Afrique. La garrigue, gorgée de lourds effluves, s’alanguit. Les schistes sombres transpirent tels les épidermes chauds au hammam. La Méditerranée s’empare des corps et des âmes.
    Ici, à Castelmaure, sur l’antique frontera où se heurtent en un fracas tellurique Languedoc et Catalogne, le vent est notre accent, il dit notre caractère. Sous quelque nom qu’il porte, Tramontane, Cers, Marin, Grec, c’est lui, brûlant ou glacé, qui nous a parlé d’autres vins, d’autres vérités, d’autres désirs. Alors, en liberté, nous avons laissé souffler sur nos plus hautes vignes L’esprit du vent pour que naissent ces cuvées éphémères, poussières de temps. »

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    1. vincentpousson

      Merci, Michel! Et ce texte-là, il n’a pas été écrit il y a quinze jours, mais il y a douze ans, il n’a pas coûté deux cent mille euros aux vignerons et la gamme qui en découle se vend à plus de cent mille bouteilles tous les ans, le temps de l’été. Mais bravo encore à la créativité des syndicalistes du Minervois…

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