Eloge d’un grand vin : Barolo Riserva Rocche Dell’Annunziata 1999, de Paolo Scavino

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Evidemment que le terme « grand vin » est stupide et éculé. Evidemment que sa définition est forcément personnelle et souvent à géométrie variable. Mais, oh, grand mais!, on doit parfois se rendre à l’évidence qui s’impose à nos sens, à nos émotions, à notre mémoire, et à tout notre être, quand, de temps en temps et d’une manière pas totalement prévisible, un vin nous éblouit en tirant des larmes des yeux et en éclairant notre palais avec une sensation fulgurante qui nous laisse sans paroles, sauf peut-être un dérisoire et trivial « putaing que c’est bon ça ! ».

Cela m’est encore arrivé samedi soir.

Nous avions trois amis à dîner : un Parisien, un Français vivant à Rome et son épouse italienne. Après un très élégant champagne de Pierre Moncuit, j’ai servi un très bon vin rouge d’Empordà, dans l’extrême Nord de la Catalogne espagnole : Terra Remonta, Clos Adrien. Je crois que le millésime était de 2009 mais je n’en suis plus très certain. C’était solide, chaleureux, très Sudiste et parfait avec la tagine de poulet. Il était si bon qu’il a disparu rapidement devant les soifs des cinq convives et je me dirigeais vers la cave d’appartement pour sélectionner un autre flacon. J’aime bien, dans ces occasions, improviser dans le choix des vins, jouant en funambule sur l’humeur du moment en en tenant compte de l’attitude, l’intérêt et les personnalités des convives plus que sur des idées arrêtés d’accords mets/vin. Pour moi le vin est plus une question humaine qu’un élément d’une équation gustative.

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Bref, je tombais sur un flacon sans étiquette mais avec deux minuscules morceaux de papier auto-collants dont l’une dit « Rocche Annon…» et l’autre Paolo Scavino » (voir photo). Ce flacon m’a été donné, il y a quelques années (peut-être vers 2003, car il n’avait pas encore son étiquette) par une des filles d’Enrico Scavino après une mémorable dégustation chez eux. Je le gardais pour la bonne occasion, résistant à de nombreuses tentations depuis cette date lointaine. Je pensais, samedi soir, que son moment était venu. Oui, je voulais faire plaisir à notre invitée italienne, et aux autres aussi. Et j’étais curieux de voir l’évolution du vin car Elisa Scavino m’avait prévenu qu’il valait mieux attendre quelques années avant de l’ouvrir.

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En l’ouvrant, son origine est confirmée par le bouchon, même si je n’ai regardé celui-ci que le lendemain. Il s’agit bien du Barolo Rocche Dell’Annunziata de Paolo Scavino, millésime 1999. L’odeur était d’une fraîcheur envoûtante et je le versais donc dans une carafe. Je servais le vin comme cela, sans rien en dire et les visages s’illuminèrent. Ma voisine italienne a trouvé le vin magnifique et s’est émue quand j’ai nommé son origine géographique. Quant à moi, je suis resté sans paroles devant la beauté de ce vin.

Je ne prends pas de notes lors d’un dîner, mais je me souviens parfaitement de la combinaison étonnante entre force et finesse dans ce barolo, qui m’a semblé friser la perfection. La qualité et la fraîcheur de ses saveurs fruitées m’ont fait penser plutôt à un vin de cinq ans. Les tanins étaient comme faits de velours, bien présents mais totalement fondus. Ce vin m’a donné une vision d’une forme de perfection, totalement délicieux, croquant et charnu, raffiné et ferme, sphérique mais solide. Il était harmonieux dans tout son corps, satisfaisant l’esprit et les sens.

Oui, certains vins, à certains moments, peuvent être « grands » et vous élèvent vers un instant de plaisir, de contentement et d’émerveillement, que vous aimeriez voir durer très longtemps.

castiglione fallettoLa beauté de ce vin s’est révélé comme un écho à celle du paysage de Falletto

Pour celles et ceux qui sont curieux, j’ai pris quelques informations sur l’excellent site web de Paolo Scavino  que je transcris ici afin de situer ce domaine et ce vin que j’ai trouvé si merveilleux.

Paolo-Scavinode gauche à droite :  Signora Scavino, Elisa, Enrica et Enrico Scavino

 

Le domaine Paolo Sacavino comporte aujourd’hui 23 hectares, avec une partie en propriété et une autre en location. Sa base se trouve à Castello Falletto dans l’aire de Barolo, au Piedmont (Italie du Nord-Ouest). Comme d’autres domaines de cette région, le vignoble est très morcelé : Paolo Scavino est présent dans 19 « crus » différents, situés dans 6 des 11 villages historiques de l’aire de barolo. Le vignoble est planté essentiellement (ils font aussi un peu de blanc) avec trois des cépages rouges locaux : dolcetto, barbera et nebbiolo). Les vins de l’appellation Barolo doivent se faire uniquement avec la variété nebbiolo. Ce domaine existe depuis 1921 et fut fondé par Lorenzo Scavino et son fils Paolo. Aujourd’hui il est conduit par Enrico Scavino et ses deux filles Enrica et Elisa. Ils disent sur leur site qu’ils recherchent la pureté d’expression, la complexité et l’élégance. On dit cela souvent, mais, dans ce cas, la mission est largement accomplie !

ScavinoFamilie-La famille Scavino dans ses vignes

Rocche dell’Annunziata est le nom d’une parcelle qui se trouve sur la commune de La Morra. Il fut acquis par la famille en 1990. Cette parcelle se trouvé à une altitude de 385 mètres et est orienté sud, sud-est. Le sol est calcaire avec du grès en profondeur et donc du sable que se mêle au sol à dominante calcaire. Cette vigne a deux dates de plantation : 1950 et 1991. La densité est de 5400 pieds par hectare. Enherbement en rangs alternés avec travail du sol manuel entre les autres rangs.

Combien cela coûte ?

Beaucoup plus que je ne paierais pour une bouteille de vin, donc merci beaucoup à Elisa Scavino et sa générosité d’il y a dix ans. J’ai cherché ce millésime, devenu rare aujourd’hui, sur l’excellent site Wine Searcher et je l’ai trouvé au prix de 175 euros à New York. D’autres millésimes sont disponibles pour un peu plus de 100 euros ici ou là, mais malheureusement difficilement en France. Paolo Scavino a une gamme large cependant et on peut trouver certains à des prix très abordables. Celui-ci représente le très haut de gamme et sa rareté doit aussi jouer sur son prix. Certes ce vin est cher, mais bien moins que bon nombre de grands vins français moins rares.

Et quel prix le paradis ?

David

9 réflexions sur “Eloge d’un grand vin : Barolo Riserva Rocche Dell’Annunziata 1999, de Paolo Scavino

  1. Ca donne envie. Et merci de consacrer un billet au vin italien, notamment piémontais, qui mériterait sans doute plus d’attention, non seulement de notre part, mais surtout des oenophiles en France. Et dire que là-bas, certains vignerons connaissent la Bourgogne sur le bout des doigts…

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  2. Oui, c’est la plus bourguignonne des régions italiennes… J’ai bu hier un vin plus modeste, certes, le Dolcetto d’Alba 2011 « Munfrina » vinifié avec maestria par Giorgio Pelissero. Extraordinaire de trouver ça en boutique à Perpignan pour un prix « raisonnable » ne dépassant pas 30 € ! Quel régal…

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  3. Oui, le Piedmont est une très belle région et une zone formidable pour vins et nourritures solides. C’est effectivement un sacré
    paradoxe que cette partie d’Italie (anciennement Savoie, ce qui plus est !) soit si peu connu des français alors que c’est la partie la plus proche.

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    1. Luc Charlier

      Mes amis, tant de sous-entendus dans vos interventions – ou bien dans mon « dirty mind » ! L’orage de samedi dernier a pété mon … palan à vendanges !!!! Naze. Heureusement, je pressure blancs et rosés avec la raffle (pas besoin de monter à l’égrappoir)==> j’ai encore une dizaine de jours de répit pour me dépanner (rien n’est standard : charge, chariot, longueur de chaîne ….).
      Bon, c’est pas tout ça : vive le Piémont, on est d’accord, même si les autochtones sont impénétrables (d’après HL), mais désirables (et consentantes ?, d’après MS) et généreuses (d’après DC). Moi aussi, je goûterais bien de leurs truffes.
      Bonne semaine à vous : le pressoir est prêt, propre et le compresseur fonctionne. Le groupe de froid … refroidit. Les 198 (perdu 2 l’an dernier) caisses à vendange sont propres. Les sécateurs coupent. Les seaux sont prêts. Il y a encore un peu de tartre dans le fond d’une cuve (aime pas la soude, le Léon) et il faudra que je trouve une heure de plus (chalumeau). Les pompes sont désinfectées. Allez, zou, Christine a pris des RV en clientèle (Drôme et Ardèche) et on va se muer en ambassadeurs. Quel métier !

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