Dégustation monochrome

Serait-ce déjà l’automne ?

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L’heure où la nature commence à prendre ses teintes rouge et or, quelques noces succulentes, parfois surprenantes, viennent égayer nos plus courtes soirées. Elles unissent turbulences délicates, légèrement ocrées, aux pâtes rousses et plantureuses, les teints cuivrés aux reflets acajou aux crèmes orangées ou encore les écumes ambrées aux délicatesses blond foncé. 

Voilà définis en prose imagée quelques accords insolites entre fromages à croûte lavée, un soin qui confère petit à petit au fromage, durant l’affinage, une teinte d’ocre orangé, et des vins qu’on choisit clairs ou sombres, mais nuancés des mêmes tons automnaux.  

L’équinoxe approche, l’automne suit… buvons un coup pour oublier le bel été trépassé.

 

 

Fines bulles pour débuter…

1522 2002

La Cuvée 1522, millésime 2002, de la Maison Philipponnat, teinte le cristal de sa robe dorée aux nuances abricot. L’échancré en forme de poire et de pomme, moucheté de coriandre et de baies de sureau, hume le biscuit au beurre salé, la chicorée torréfiée, le tout bien poivré. Sa bouche a du caractère, pleine de sève, la lippe charnue, le baisé croquant, elle révèle sa maturité sans hésiter. Gourmande, elle offre ses fruits, blancs et dorés, l’acidulé de l’agrume, le velouté de l’abricot, la douceur de la pêche, pour recevoir en retour le remerciement pour tant de délectations.

Pure tête de cuvée de Pinot Noir (Ay, 60%) et de Chardonnay (Oger). C’est un Grand Cru.

La belle et la bête

C’est qu’il sent ce Pavé de Soignies, fromage de vache à la croûte orange, collante de morge odorante. Mais sa pâte n’avoue que douceur, crème noisette, pâte d’amande et lait à la chicorée. De plus, il est gredin et se jette avec volupté dans la marre… de champagne pour nous éclabousser. Voilà un caractère à désamorcer si l’on veut passer un agréable moment. Première chose, jeter au loin ses chaussettes colorées, ça le déstabilise, il faut à ce moment en profiter pour humer sa pâte ivoire. Pas d’inquiétude pour la Cuvée, elle sait y faire. Quelques bulles agiles révèlent ses saveurs sucrées, lait vanillé, pistaches grillées. Enlacement d’écumes fruitées attendrit la croûte de pain, teint la crème de lait, orne de mille baies la texture bien plus fine qu’il n’y paraît. Le Pavé dégrossi exprime sa gratitude, gemme citronnée lumineuse et fraîche, un échange au charme bucolique.

 Champagne haut de gamme + accords 2 015

Le Pavé de Soignies est un fromage belge de type Pont l’Évêque www.lebailli.be

www.philipponnat.com

 

Vin Doux de Maury et Mimolette

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Prestige 15 âge Maury Mas Amiel

L’habit sombre, bien taillé, aux senteurs raffinées de fruits secs, de feuilles de figuier. Les tempes poivrées, le cheveu encore épais aux reflets de cacao, de vanille et de cèdre. Les lèvres gourmandes, un rien salées, voire iodées, prêtes à happer qui passe à leur portée. L’haleine de menthe fraîche. Il a pour lui le statut qui se voit au cristal qu’il porte au doigt, sûre de sa position sociale, il sait comment assouvir son caractère animal. Sa proie ne s’en plaint pas heureuse de goûter ses réductions de fruits noirs parfumées d’Amareto.

Le vin : assemblage de 90% de Grenache Noir et 10% de Macabeu et Carignan, passé en bombonnes de verre pendant 1 an, puis élevé 14 en foudre de chêne.

Mimolette wikipédia

Existe-t-il fromage plus orange que la Mimolette ?

Pâte reposée au lait cru d’à peine six mois, rouquine et française de la côte d’opale, très peu salée, elle semble croiser le Maury sans éveiller son intérêt. Ils se recroisent pourtant, s’apprivoisent, se testent, le Prestige perd de sa superbe, la Mimolette reprend son souffle. C’est dans un jaillissement d’épices, cumin, fenugrec, que les nouveaux amants s’accomplissent.

www.masamiel.fr  

  

Bière et fromage, union belgo-belge

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Chimay capsule blanche

Ambre écarlate à l’écume écrue, à l’amertume sucrée qui chatouille le nez, nuancée d’écorce d’orange et de graines de coriandre, elle pétille légère sans discontinuer. Grasse, amère, fraîche, droite, mais gourmande, elle décline fruits rouges, chicorée torréfiée, seigle grillé, paille sèche, pour en final offrir une cuiller de gelée de prune.

Mariage abbatial

Compo Poteaupré

Crémeux, onctueux, il ressemble presque à un dessert ce Poteaupré. La bière le recadre, lui apporte une fraîcheur amère, darde ses flèches bitter dans l’embonpoint coulant. Ça le liposuce et le laisse svelte avec juste le goût de la crème. Mais là ne s’arrête pas l’avantage, du minéral apparaît, squelette fromager aux genoux en cailloux arrondis, aux vertèbres calcaires, ossature nouvelle qui s’habille de fleurs et de fruits, et ferme l’habit de boutons de châtaigne et de noisette.

www.chimay.com

 

La Fou’ Foune et le Comté

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Qui n’a jamais dégusté une Fou’Foune risque de mourir idiot…

La Fou’ Foune est un Lambic Cantillon de 2 ans dans lequel macèrent 300 g/l d’abricot Bergeron en provenance de la Vallée du Rhône. Leur macération dure un mois et demi. 5 g/l de sucre sont ajoutés lors de la mise en bouteille pour la prise de mousse.

Pour la petite histoire, la dénomination Fou’ Foune vient du surnom du cultivateur d’abricot. C’est le vigneron René Jean Dard du Domaine Dard et Ribo en Crozes-Hermitage qui décréta son patronyme. À l’époque la petite production lui était entièrement réservée.

La Fou’Foune est une bière finement acide dans laquelle se distingue davantage la note subtile du noyau que le charnu du fruit. Un rien d’orange amère et d’abricot sec en habillent le développement vif. La longueur est impressionnante, calculée sur une fraîcheur de plus en plus marquée par les subtils arômes du Bergeron.

Pâte cuite à la croûte ocrée tout le monde connaît le Comté, la voici à peine âgé de 12 mois en lice pour…

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Une initiation au plaisir du fruit défendu, l’abricot remplace la pomme, c’est le paradis sur terre.  

Il sentait encore le lait, le voilà gourmand, prêt à croquer tous les fruits qui passent. La Fou’ Foune en un tour de main (euphémisme) transforme la crème pâtissière, la vanille et le beurre frais en un joli croquant.

Il sentait encore le lait, le voici plein d’étoffe.

www.cantillon.be

 

Ciao

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Marc

4 réflexions sur “Dégustation monochrome

  1. georgestruc

    Dès le première paragraphe lu, on savait que le papier était de Marc. Je ne connais personne capable de glisser autant de charme, de poésie, de voltige adverbiale, de caresses syntaxiques, d’arpèges verbaux, d’adjectivités parfumées, dans un texte consacré à une dégustation de vins ou de mets et vins. Du grand art !! Vraiment.

    Le seul problème vient du fait que lorsqu’on essaye d’effectuer le même parcours, il est bien difficile d’emprunter les chemins qu’il a suivis et de ressentir, puis de décrire, les mêmes choses. Et là, on se retrouve un peu dépouillé, traîne misère, très humble. Inimitable, Marc, qui imprime son cachet dans la cire chaude des matières qu’il hume, boit et croque.

    Merci, Marc, tu es bon pour entrer à l’académie des arts et belles lettres.

    Le grand Criiic qui croque…des cailloux,
    Georges

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  2. Allez, encore 100.000 amis de plus. Comme abricot de bouche, le bergeron ne vaut rien !
    Il a un petit noyau et beaucoup de chair, donc les fainéants du goût en raffolent, et il est très sucré – quand il est mûr. Mais l’agro-alimentaire le plébiscite. Par contre, ayant souvent dégusté des vins splendides de ce domaine – et aussi parfois des « nature » ayant tourné vers le mauvais cidre ou la Gueuze mal assemblée, mais c’est un risque à prendre – je pense qu’on peut se régaler d’une Foufoune !
    Pour les abricots, vive le rouge du Roussillon – pas vrai Michel ? Dommage qu’il s’en cultive plus au Japon que dans les P.O. On pourrait l’appeller maintenant le Foufounkushima ?
    Et Padresanctus est de retour! C’est le grand troc qui me traque, sans doute !

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