Châteauneuf-du-Pape, de Clos en Clos

Je les aime en rouge pour leur matière qui patine sous l’effet du temps et de la patience. Mais je crois que je les aime encore plus en blanc pour leur fraîcheur et leur finesse. Leurs producteurs maîtrisent à merveille les différents composants du raisin qui n’ont pas l’élégance de mûrir en même temps. Le mot qui revient souvent c’est l’équilibre entre les sucres et la maturité phénolique du raisin. Un équilibre nécessaire pour éviter de faire les vins trop alcoolisés, mais difficile à obtenir avec les vendanges de plus en plus précoces. Patience, donc. Aussi, ces quinze dernières années, les Châteauneuf-du-Pape ont trouvé une nouvelle expression, à mi-chemin entre la tradition et la modernité. C’est la raison pour laquelle je suis partie à la rencontre de cette nouvelle vague de vignerons castel-papaux.

Mon choix s’est porté sur quatre producteurs que je ne connaissais pas encore, ayant visité auparavant à l’occasion de mes escapades au festival d’Avignon quelques autres prestigieuses propriétés dans la région. Cette première rencontre m’a convaincue qu’il y en aurait d’autres. Me voici donc à nouveau sur les routes tortueuses entre Orange, Courthézon, Bédarrides, Sorgues et Châteauneuf-du-Pape. Les quatre producteurs dont je souhaitais faire connaissance ont tous répondu « présent! ». J’ai nommé: Clos du Mont-Olivet, Clos du Caillou, Les Cailloux et Domaine Jean Royer. L’accueil chaleureux, le sens de communication et de partage ne sont pas ici les vains mots. Premier épisode…

Clos du Mont-Olivet, 15 juillet, 10h00

Je retrouve David Sabon dans le caveau, où il s’occupe des vacanciers de passage. Des Suisses, des Belges, notamment. Manifestement, ils connaissent bien les vins de cette propriété de plus de 46 ha, dont la majorité est en appellation Châteauneuf-du-Pape. L’âge des vignes, que je verrai un plus tard dans la matinée sur des parcelles éparpillées aux alentours, s’étale de 60 à 80 ans. Certains grenaches ont été plantés en 1880. Le Grenache Noir y est roi, et il est majoritaire dans cette cuvée. Il est suivi par la syrah et le mourvèdre. Les 4% restant sont les cépages minoritaires. Comme le veut la tradition, on utilise ici les 13 variétés autorisées. Et vous allez comprendre pourquoi.

2. David Saban dirige le domaine familiale avec ses cousins. Photo Agnieszka Kumor

David Sabon dirige le domaine familiale avec ses cousins. Photo Agnieszka Kumor

On commence la dégustation par les blancs représentés par une seule cuvée traditionnelle. Leur production a augmenté au cours de la deuxième moitié des années 1990 avec l’arrivée des cousins Sabon à la tête de la propriété. David, Thierry (maître de chai) et Céline représentent la 4e génération de vignerons. Certaines années, les blancs peuvent aller jusqu’à 10% de la production totale. C’est beaucoup pour cette appellation, où les blancs sont très minoritaires.

Clos du Mont-Olivet blanc 2012 (18,50€, les prix indiqués au domaine)

J’aime son nez aromatique, parfumé de fleurs blanches et de cire, sa bouche élégante, d’une acidité moyenne et fine, un vin incisif et très long. La fermentation malolactique n’est pas recherchée. L’élevage sur lies fines (en fût d’un vin pour la Roussanne, en cuve inox pour la Clairette, le Bourboulenc et les autres) lui donne de la souplesse sans le pousser dans la lourdeur. Un pari de Sudiste réussi à la manière d’un Bourguignon !

On continue avec les rouges. En 2005, c’est la cuvée Le Petit Mont qui rejoint la cuvée traditionnelle et la prestigieuse Cuvée du Papet, telle «une page blanche à écrire pour compléter la gamme», souligne David Sabon.

Le Petit Mont rouge 2011 (14,50€)

A majorité de Grenache, délicat, fruité et droit. Un bon petit soldat qui sert d’excellente entrée en la matière.

Clos du Mont-Olivet rouge, millésimes 2011, 2010, 2006, 1999

C’est la cuvée traditionnelle en rouge. Les millésimes se suivent, mais ne se ressemblent pas. Entre 18€ et 23€ la bouteille, elles vous font profiter du style de la maison sans vous ruiner. L’éraflage partiel des grappes est opéré. Tout dépend du cépage, du millésime et de l’état de la rafle, qui reste pour David le «quatorzième cépage» de l’appellation.

1. La gamme dégustée au Clos du Mont-Olivet. Photo Agnieszka Kumor

La gamme dégustée au Clos du Mont-Olivet. Photo Agnieszka Kumor

La Cuvée du Papet rouge 2006 (52€)

Concentrée, intense, aux notes de terreau et de baies sauvages.

La Cuvée du Papet rouge 1989

Très charnu, ce millésime présente  une acidité élevée, mais fine, aux notes de figues et de noix, et non éraflé avec cela. La grande surprise de la dégustation.

Quel est le style du Clos du Mont-Olivet ? Aérien dans les blancs et soyeux comme du taffetas dans les rouges. Une pointe de cépages blancs dans la cuvée rouge traditionnelle lui apporte de la fraîcheur et une finition acidulée tout en finesse.

3. La charrue pour labourer la terre entre les rangs. Photo Agnieszka Kumor

La charrue pour labourer la terre entre les rangs. Photo Agnieszka Kumor

Le Clos du Caillou, 16 juillet, 10h00

Sylvie Vacheron m’attend dans un caveau flambant neuf. Soigneusement dessiné, moderne et pratique, il offre un havre de fraîcheur en cette matinée déjà chaude. D’emblée, j’apprends le paradoxe du domaine. Pour trouver les parcelles classées en Châteauneuf-du-Pape… il faut sortir du Clos. En 1936, le propriétaire d’alors a refusé l’accès aux experts chargés de la délimitation de l’appellation. Résultat : le Clos reste aujourd’hui un îlot de Côtes du Rhône dans l’océan des Châteauneuf-du-Pape qui l’entoure. Mais le terroir est absolument le même. Je goûte avec intérêt ces Côtes du Rhône souples et fruités, produits sur 43 ha de vignes. Puis, on passe aux Châteauneuf-du-Pape. Ils occupent les 9 ha restants, avec la production d’un peu plus de 7% des blancs, ce qui correspond à la moyenne de l’appellation.

4. Les cuvées dégustées au Clos du Caillou.  Photo Agnieszka Kumor

Les cuvées dégustées au Clos du Caillou. Photo Agnieszka Kumor

Sylvie, avec son mari Jean-Denis, disparu accidentellement en 2002, représente la même génération de vignerons dont sont issus les cousins Sab0n. Il s’agit ici de cette «génération 90», arrivée aux manettes au cours de la dernière décennie du XX siècle, usant de la subtilité pour ne pas froisser leurs aînés, mais sachant aussi s’imposer. Et le résultat est dans la bouteille. Bruno Gaspard se joint à nous. Maître de chai, il s’occupe aussi du vignoble, il va m’y emmener pour me montrer les «safres», ces amas d’argile limoneuse durcie et agglutinée, qui prêtent leur nom à la cuvée prestige. On admirera aussi le chai, en partie creusé sous les vignes. Le fameux œnologue Philippe Cambie conseille le domaine, c’est aussi le cas des trois autres propriétés visitées.

Les Safres blanc 2012 (28€)

Nez discret de citron confit et d’herbes, bouche à l’acidité moyenne. On fait un saut dans le temps. Je lui préfère le millésime 2006 aux notes légèrement fumées, plus acidulé et plus long en bouche. Décidemment, ces blancs vieillissent si bien !

Les Safres rouge 2011 (25€)

Les rouges sont déclinés en trois cuvées. La gamme Safres est à majorité grenache, avec 5% de mourvèdre et les cépages minoritaires. L’éraflage y est systématique. C’est un vin complexe, aux notes de chocolat et de terreau, et qui finit tout en finesse.

Les Quartz rouge 2011 (40€)

Cette cuvée à majorité grenache avec 15% de syrah est plus vive, plus sauvage, épicée et tannique. Le millésime 2006 prend les arômes de sous-bois et devient plus massif.

La Réserve rouge 2011 (60€)

Ce vin à 60% grenache et 40% mourvèdre a été élevé en demi-muids neufs et vieux. Avec ses notes de figue et de cerise griotte au kirsch, il est d’une longueur infinie.

5. Les safres. Photo Agnieszka Kumor

Les safres. Photo Agnieszka Kumor

 

Quel est le style du Clos du Caillou ? Très élégant. Il donne des vins souples et complexes à la fois, qui se révèlent avec le temps.

Agnieszka Kumor

… à suivre samedi prochain

http://www.clos-montolivet.com

http://www.closducaillou.com

5 réflexions sur “Châteauneuf-du-Pape, de Clos en Clos

  1. Michel, voyons, tu seras mon guide ! Et merci pour ton commentaire. Tu sais, chaque fois que je suis en Avignon, j’achète mes Châteauneuf dans deux caves, qui ont par ailleurs une formidable collection de vins de la région : « Le vin devant soi » http://www.levindevantsoi.fr/ 04 90 82 04 39, et « La Cave du Bouffart » 04 90 82 24 30. Très bonnes adresses.

    J’aime

  2. Jolie balade chez de bons amis qui vous ont ouvert de bien belles bouteilles. Vous avez été gâtée ! Châteauneufs traditionnels dans cette vénérable maison du Mont-Olivet, avec la possibilité de travailler des millésimes plus anciens. Nous avons actuellement à la vente le Châteauneuf rouge 2004, dont la patine rappelle quelques subtils Bourgognes… Le Châteauneuf ne pinote-t-il pas en prenant de l’âge ?
    Le Clos du Caillou affiche un style plus moderne, suggéré par l’œnologue Philippe Cambie. On est rarement déçu chez Sylvie et Bruno, avec notamment des Côtes du Rhône qui peuvent atteindre le niveau des Safres… vous en avez expliqué la raison. Du travail d’orfèvre en tout cas au Caillou.
    Merci pour votre passion et votre travail documenté. A bientôt à Avignon !
    Laurent et Stéphane

    J’aime

  3. Merci, Laurent et Stéphane. C’est toujours un plaisir d’échanger avec vous, en vrai ou sur une toile. Vous avez parfaitement raison : le 1989 du Clos du Mont-Olivet « pinotait » à souhait ! On se voit en juillet, sans faute.

    J’aime

  4. Ping : Châteauneuf-du-Pape (2): en hommage à leurs pères | Les 5 du Vin

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.