Piémont vs Andalousie : le meilleur pour un Bélier !

Je pourrais étaler des noms sur une liste proprette, vous déballer des châteaux à tours de bras et autant de domaines à la queue leu-leu, vous mettre l’eau à la bouche, dresser un compte-rendu aussi savant que détaillé, vous faire partager du « name dropping » à foison façon aboyeur de l’Élysée ou de Buckingham, vous en mettre aussi plein les mirettes à faire se pâmer tous les pseudos connaisseurs soucieux d’étaler leur science. Je pourrais aussi en appeler à Dédé la Farine (à défaut de « la Sardine »), je veux dire Léon le Troksiste, ou Luky le Belge, sachant que depuis qu’il ne vient plus nous voir ça doit le démanger quelque part lui qui, en plus, est un vieux pote au Portugais (Hollandais) que je vais citer si tout va bien d’ici quelques lignes… Oui, je pourrais frimer. Mais voilà, je viens d’avoir 66 berges et, même si je me conduis encore comme un gamin, il y a des limites à ne pas dépasser.

Sur le marché de Pézenas, samedi dernier... Photo©MichelSmith
Sur le marché de Pézenas, samedi dernier… Photo©MichelSmith

Mais d’abord, quelques explications. J’étais à Pézenas en cette fin de semaine, d’une part pour y faire mes courses au marché du samedi, d’autre part pour honorer un gueuleton dominical manigancé par mon ami Bruno et toute une clique de copains complices dont le célèbre « showviniste » Olivier Lebaron, les facétieux Catherine et Daniel Leconte des Floris et le sémillant Philippe Richy du Domaine Stella Nova accompagné de sa fille Anne. Rassurez-vous, je ne vais pas vous conter dans le détail ce rassemblement de vieux(eilles) routards(es) du vin tous débraillés et hirsutes (ou avec ce qu’il restait de poils sur le caillou), ni vous hacher menu le détail du repas. Je suis pressé et vous l’êtes aussi très certainement. Sauf que ça se passait au sommet d’un hôtel particulier, celui de Lacoste, dont la façade nord est, en partie, occupée par la Société Générale. Mais bon, la cité dite « de Molière », dite aussi la « petite Versailles du Languedoc », dite encore « ville de Bobby Lapointe  », doit bien compter une cinquantaine d’hôtels classés dignes de ce nom, alors…

Nathalie et Olivier Lebaron. Photo©MichelSmith
Nathalie et Olivier Lebaron. Photo©MichelSmith

Mon ami Bruno Stirnemann, gourmand et brillant orchestrateur des Accords de Bruno avait donc prévu comme à son habitude un monumental repas dont il a le secret, repas entrecoupé (entre chaque plat) de la brève présentation d’une vingtaine de vins de Bourgogne, de Bordeaux, mais aussi d’Espagne, de Hongrie, d’Italie, du Jura, du Roussillon ou de Languedoc. Parmi tous ces flacons, un vin m’est apparu bien au dessus du lot, très jeune et enjoué, frais et tranchant, copieux mais sans excès. Ce blanc 2010 n’est autre que le fruit d’un pur Palomino Fino, le cépage du Jerez, région qui recèle de nombreux trésors cachés. Ceux-ci sont le plus souvent mis à jour par les membres passionnés de l’Equipo Navazos qui, bien qu’intéressés par tous les vins espagnols, semblent avoir une prédilection pour l’Andalousie. Leur mission : détecter des pépites dans les caves du royaume, se les réserver, suivre leur élevage, puis leur mise en bouteilles, enfin leur commercialisation. Je vous avais déjà déterré quelques bouteilles ici même. Vous ne pourrez pas me dire que vous n’étiez pas au parfum. Il semblerait qu’en France ces vins soient en vente à la Maison du Whisky à Paris. Alors, cherchez-les et réservez-les !

Un blanc extra ! Photo©MichelSmith
Un blanc extra ! Photo©MichelSmith

Cette fois-ci, les fadas de Equipo Navazos ont trouvé aussi cinglé et exigeant qu’eux puisqu’ils se sont associés au Portugais Dirk Niepoort, dont la famille venue de Hollande est installée à Porto depuis 4 générations. Il faut savoir que les Niepoort élèvent quelques uns des portos les plus purs et qu’ils sont ouverts à de multiples collaborations extérieures. C’est ce qui s’est passé ici avec ce blanc issu d’un des domaines historiques de Jerez-de-La-Frontera. Pressurage lent, fermentation à l’ancienne en vieux fûts de 600 litres (bota de chêne américain) sous l’action des levures indigènes, débourbage, élevage de 7 mois dans les mêmes fûts remplis aux 5/6 èmes sans aucun mûtage (ou fortification) pour encourager l’action des lies fines et le développement d’un léger voile, pas de fermentation malolactique… l’idée étant d’obtenir un beau vin aux arômes caractéristiques du terroir crayeux d’albarizas qui caractérise les meilleurs finos. Résultat, ne titrant que 12° et des poussières, on obtient un blanc frais mais délicatement sec, pas trop acide, quelque chose de simple mais suffisamment gras et solide pour affronter une charcuterie ou une huître, un vin qui évoque, en bien plus léger, un grand fino. Tiré à plus de 6.000 exemplaires, édité depuis le millésime 2009, ce vin est commercialisé autour de 15 € quand on le trouve en France ou en Espagne où les cavistes entament le 2011.

Photo©MichelSmith
Photo©MichelSmith

Comme Bruno connaît mes goûts pour les vins du Piémont, il avait prévu une autre petite rareté, pourtant tirée à 110.000 exemplaires, je veux parler de mon Moscato d’Asti légèrement frizzant de La Spinetta. Bien que cette bouteille soit contingentée, on la trouve plus facilement à Paris que dans le Midi. Soit, elle était servie sur mon gâteau d’anniversaire (au chocolat) alors que j’aurais préféré la boire à l’apéro, mais ce n’est pas grave car malgré ses 5 petits degrés d’alcool et ses 120 g de sucres résiduels, elle enchante toujours mon palais de ses bulles ultra fines. Et voilà de quels artifices mes bons amis de Pézenas usent lorsque je me pointe chez eux !

Michel Smith

 

 

2 réflexions sur “Piémont vs Andalousie : le meilleur pour un Bélier !

  1. Bélier moi aussi (du 8), j’ai fêté chez IVV avec un champagne de Francis Boulard (BSA d’une année non identifiée offerte par Philippe Stuyck, mais quand on n’aime on ne compte pas). Ce qui me donne un excellent prétexte pour aller faire un saut chez Francis à l’occasion.

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  2. Luc Charlier

    Michel, il m’arrive encore de vous lire, mais moins fréquemment et « en cachette ». Par contre, je m’abstiens d’intervenir pour éviter des emportements de ma part. J’ai effectivement un contentieux moral avec une certaine restauration qui fonde son fonctionnement sur des économies d’échelle – et du « window dressing » – proposant à vil prix qui de la langouste, qui un menu complet, qui des bonnes bouteilles bradées (pas même un droit de bouchon et la 7ème gratuite). Le consommateur y gagne, semblez-vous dire : à voir. Et les fournisseurs sont perdants à tous les coups. En outre, je nourris les plus grands doutes sur toute une série d’autres questions.
    Mais revenons à nos moutons, qui n’ont pas cinq pattes ni de frère cadet. Tu vois que je suis incontrôlable dès qu’on aborde ce sujet.
    Dirk van der Niepoort est un ami de longue date (presque 25 ans) et c’est de lui que j’ai appris à peu près tout ce que je sais sur les vins mutés. Il a passé 2 jours au domaine début décembre, avec son fils Daniel qui intègre petit-à-petit la structure de ce grand shipper, à l’âge de 21 ans. A cette occasion, nous avons jeté les bases d’un assemblage réalisé au départ de vins 2013 à moi, qui seront logés dans la seule pièce en bois du domaine (un vieux foudre allemand utilisé à Vila Nova depuis longtemps) et élevés ici à Corneilla, sous sa tutelle. Selon ses propres termes – il est un polyglotte impressionnant mais la langue véhiculaire est l’anglais quand nous sommes à deux : son français est infiniment meilleur que mon portugais, mon néerlandais est trop dialectal pour le sien, et l’allemand est sa langue maternelle – « The aim is to elaborate a fantastic wine which wine-lovers all over the world will want to drink». Et il sait de quoi il parle : son « Charme » et son « Batuta » répondent exactement à cette définition.
    Je rappelle ici – tous les Portugais y insistent – que jamais une armée espagnole ne les a battus. Par contre, les banques espagnoles ont petit à petit conquis le Portugal dans la première décennie du 21ème siècle. Ce que le fer n’avait pas réussi à accomplir, le fric l’a fait !
    Bon anniversaire à toi, Forgeron, d’autant que ton âge reprend le code de notre département d’adoption.

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