Que c’est beau !

En ce moment, je m’étonne moi-même. Blasé comme je suis, ivre de ma supériorité supposée, odieusement imbu de ma personne, oui, je l’avoue, je m’étonne encore de pouvoir être étonné. Il arrive même que je sois espanté et alors là, je m’en étonne plus encore. Voilà pourquoi, mieux qu’un voyage de presse en technicolor où il n’y a guère plus d’un ou deux journalistes pour participer, mais plus volontiers un essaim de blogueurs qui n’écoutent même plus les explications qu’on leur donne préférant tapoter à longueur de journée sur leur portable en évitant de poser la moindre question et en ne parlant que de leur petit monde à eux, mieux qu’un voyage organisé avec forces présentations publicitaires, voilà pourquoi donc je vous propose de tout lâcher durant quelques jours.

La serre de Maury, cet hiver. Photo©MichelSmith
La serre de Maury, cet hiver. Photo©MichelSmith

Proposition idiote, je sais. Suggestion nulle et non conciliable avec la vie que vous menez. Vos vacances de Pâques sont déjà rondement menées. Et pourtant, il suffit d’un coup de TGV. Bref, pour les besoins d’un livre, je tourne presque tous les jours en ce moment dans la campagne qui me sert d’arrière-pays. Il est vrai que je suis aidé par le temps estival qui règne ici depuis bien avant le début officiel du printemps, mais j’ai parfois l’impression de faire un immense repérage de paysages pour les besoins d’une grosse production hollywoodienne en vue d’un blockbuster offrant des scènes à couper le souffle. Le secteur concerné est certes vaste, mais pas si immense que ça. Il touche en gros tout ce qui tourne autour de la serre de Maury, cette vallée du même nom qui se confond avec celle de l’Agly et qui monte doucement vers l’Ariège avec quelques incursions furtives vers l’Aude et les Corbières, vers Tuchan, Paziols, Embres et Castelmaure. Cette vallée où l’on oscille entre langue d’Oc et Catalan. Tout ça ce n’est que du Chinois pour vous ?

Entre Corbières et Roussillon, vues sur le Canigou. Photo©MichelSmith
Entre Corbières et Roussillon, vues sur le Canigou. Photo©MichelSmith

Voyons, laissez-vous faire. On connaît aussi la région sous le nom de Fenouillèdes avec ou sans « s », masculin ou féminin. Plus récemment, elle est entrée pour des besoins de tourisme oeno-politico business dans les contours du Pays Cathare avec son lot de vigies fortifiées à escalader offrant des vues, je me répète, à couper le souffle. On parle aussi d’un classement destiné à protéger plus encore le caractère unique de ce coin du Roussillon. L’aspect touristique ne vous convient pas ? Vous êtes nul en géographie hexagonale ? Peu importe : laissez-vous guider vers le vin.

Vieilles vignes de Carignan, chapelle, olivier...à l'entrée de Maury. Photo©MichelSmith
Vieilles vignes de Carignan, chapelle, olivier…à l’entrée de Maury. Photo©MichelSmith

Côté PO, comme on dit en raccourci pour nommer le département des Pyrénées-Orientales, certains villages du secteur qui m’intéresse pouvaient, jusque dans les années 60, revendiquer l’appellation Vin Délimité de Qualité Supérieure (VDQS) Corbières du Roussillon avant l’avènement des Côtes du Roussillon (et Villages) en 1971. Maury, de son côté, avait son appellation depuis 1936 tandis que, pas très loin sur la frange maritime, Fitou accédait à la sienne en 1948. Je vous fais grâce du reste, Corbières, Rivesaltes, Muscat de Rivesaltes en particulier.

Au Mas Janeil, chez le Bordelais François Lurton, quand la vigne a soif, on sait la rafraîchir. Photo©MichelSmith
Au Mas Janeil, chez le Bordelais François Lurton, quand la vigne a soif, on sait la rafraîchir. Photo©MichelSmith

Pas de cours magistral non plus sur le passage difficile d’une époque glorieuse de production de vins doux naturels qui fit la fortune du négoce à une ère plus délicate où il  fallait se reconvertir en producteur de vins dits « secs », c’est-à-dire non mutés. À chaque fois que j’avance dans ce pays aussi sauvage que civilisé, je ne peux m’empêcher de l’aimer.

Les bonbonnes su Mas Amiel, à Maury. Photo©MichelSmith
Les bonbonnes su Mas Amiel, à Maury. Photo©MichelSmith

Hier, c’était à cause des bouquets de thym, avant-hier à cause du romarin poussant jusque dans les vignes que l’homme à peur de labourer tant elles sont vieilles. Puis ce sont des vues de cartes postales sur le Canigou, les gorges de Galamus ou le château de Quéribus. Conséquence, je rentre chez moi le cerveau plein d’images, encore une fois, à couper le souffle. Pas un jour où, entre deux rendez-vous, je ne sors mon appareil photo. Pas un soir où je ne me détourne volontairement de l’itinéraire le plus direct pour rentrer sur Perpignan (la D.117), afin d’emprunter une autre voie, une route de traverse qui prolongera le retour tout en offrant de nouvelles vues, de nouveaux virages somptueux, de nouvelles approches de villages…

Quéribus, encore. Photo©MichelSmith
Quéribus, encore. Photo©MichelSmith

Tous les lieux que j’ai visités en cet hiver ensoleillé, je les avais fréquentés en cette période d’enthousiasme fou qui m’a vue prendre racines peu à peu en Roussillon. Les villages que je redécouvre autour de Maury ont pour noms Saint-Paul-de-Fenouillet, Caudiès, Cucugnan, Tautavel, Vingrau, Saint-Arnac, Lansac, Cassagnes, Planèzes, Rasiguères, Latour-de-France, Montner, Sournia, etc. Partout, il y a des vignerons qui y croient. Des Californiens, des Sud Africains, des Anglais, des Belges… et même des Bordelais. Ça grouille d’énergie et d’euphorie !

Michel Smith

Post Scriptum – Procurez-vous les cartes de randonnée éditée par l’IGN numéros 2448 OT, 2447 OT et 2547 OT et vous serez bien armés pour passer des vacances inoubliables loin des foules déchaînées. C’est vraiment l’une des dernières grandes régions spectaculaires de notre beau pays. Profitons-en !

Photo©MichelSmith
Photo©MichelSmith

5 réflexions sur “Que c’est beau !

  1. hi, j’adooooore cette région ! Je n’ai pas encore réussit à m’y implanter mais je n’ai pas dit mon dernier mot. En attendant, grâce à toi, Michel, je rêve…

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  2. jean pierre Glorieux

    Oui les paysages viticoles sont beaux !
    C’est ce que je me dis à chaque fin octobre, en sortant de l’ombre d Urbain II à Châtillon en vallée de Marne quand le paysage vire aux couleurs d’automne .
    M’arrêtant là un moment, je prends 4 ou 5 photos ,toujours au même endroit :rituel de retrouvailles avec la terre mère champenoise …pour l « expat » normand devenu…

    Pour prolonger et avant qu il ne soit épuisé, ce livre de feu Jean-Paul PIGEAT :


    J’ ajouterais cette note par delà l esthétique des paysages , la qualité d accueil et de contact avec la gens viticole ,à nulle autre pareille et sur tous les terroirs du pays .

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