Languedoc 2011 & 2012: glissement marqué vers l’extraction et le bois

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Après quatre matinées de dégustation, avec en moyenne 120 vins rouges par séance des millésimes 2011 et 2012, complétés de quelques 2010, voire 2009 (et même une pincée de 2013);
depuis les Coteaux du Languedoc, futur Languedoc tout court, jusqu’aux cimes régionales comme Pic Saint Loup, La Clape, Pézenas, Faugères, en passant par Fitou ou Corbières et autres particularités comme Malepère, Limoux ou encore Cabardès; un constat: le grand retour de l’extraction, bien épaulée par un élevage à faire pâlir les plus orthodoxes des Bordelais.
Bref, côté plaisir, tchin-tchin avec les copains ou les copines, zéro pointé !

Que se passe-t-il ? Serait-ce l’appel du Grand Orient, dernier bastion du bois et de la couleur qui tache sans détour?
L’illusion qu’il faut s’élever au-dessus de la masse maintenant que la hiérarchisation est bien lancée ?
Ou alors tout simplement ce vieux démon, celui qui dicte subrepticement aux producteurs de présenter LEUR CUVÉE, celle qui gagne les concours… mais pas à être bue. Ce vieux réflexe qu’on croyait disparu (on se berce trop d’illusions…) a la peau dure, il faut à la presse présenter ce qui lui en mettra plein la bouche, mais qu’elle crache aussi vite.

Persuadé d’être le seul à râler, j’ai prêté l’oreille aux Français comme aux étrangers, une grosse majorité parlait du bois, du caractère «peu buvable» des vins. Et quand je parle d’étrangers, ce ne sont pas seulement les Européens, mais les Japonais, en passant par les Québécois: « trop de bois ».
Où est le fruit, où est l’élégance?

Pourtant, les discours languedociens nous plaisent, ils nous parlent de terroirs, de la diversité des sols, des microclimats, d’anciens cépages en passe d’être réhabilités, réintroduits dans les assemblages, voire seuls. Mais en l’état, le verre nous laisse pantois.
Certains m’ont affirmé que c’était le fait des grands faiseurs présents à ce genre de dégustations. Certes, elles y étaient presque toutes présentes, ces «grandes marques» avec, il est vrai, un penchant pour le bois et l’extraction, les cépages bien en vogue aussi, vive la Syrah à tout crin… Mais elles étaient loin d’être hégémoniques.

Non, le malaise semble plus général; avons-nous dégusté du Languedoc ou sa caricature ?
A celui qui me dit: «cela doit représenter une fraction congrue de la production, la majorité des vins préfèrent la cuve et le fruit», je rétorque : «cherchez l’erreur !»

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Il faudra y retourner pour tirer les choses au clair.
Savoir si ce glissement est un malentendu, une erreur de jugement ou une nouvelle perspective de la profession.

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Sur ce, je m’ouvre un Clos du Gravillas et m’en vais sur la lune; c’est à la fois structuré et vraiment juteux, le plaisir est à la fois immédiat et recherché, moitié Carignan, moitié Syrah, de la belle ouvrage, comme il y en beaucoup en Languedoc, mais comme il y en avait peu à Carcassonne, lieu de la dégustation…

Ciao

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Marc

 

18 réflexions sur “Languedoc 2011 & 2012: glissement marqué vers l’extraction et le bois

  1. Tu as raison Marc de rouspéter. La tendance longues cuvaisons et chips de bois (à défaut de barriques) est encore vivace en Languedoc. Mais je crois aussi que l’on pousse les vignerons, les caves coopératives et les négociants à ne présenter à la presse que ce qu’ils pensent être leurs plus belles cuvées avec, dans l’ensemble, les syrahs top mûres, qui plus est de plus en plus récoltées à la machine, sans notion de tri. Résultat, on a de la mauvaise caricature. Heureusement, quelques vignerons ne perdent pas la tête. Nicole et John Bojanowski font partie de ceux-là. Bises.

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    1. Bien sûr Michel, il y a de merveilleux vins en Languedoc, mais j’ai peur d’un regain de bête de concours, dans le style: on va vous montrer ce qu’on sait faire. Et puis, si on dit aux producteurs, présentez vos cuvées les plus belles, faudrait qu’ils nous écoutent quand on leur dit : vous n’avez rien de moins boisé?
      Marc

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  2. Je n’ai dégusté que les Corbières et les Fitou (le preuve, on me voit sur ta première photo). Sur ces vins-là je n’étais pas du tout choqué par trop de bois, dans l’ensemble. Trop de bretts, oui. Les goûts et les couleurs ? Remarquez, je suis un ancien menuisier/ébéniste, alors j’aime bien le bois.

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    1. Certes David, les Corbières se veulent lisses et sans tanins d’un côté et offre des cuvées extraites et boisées d’un autre, disparition de la classe moyenne, les vins qu’on aime, et tu sais que c’est la classe moyenne qui est garante de la démocratie bachique…
      Marc

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  3. Nico Jeckelmann

    Quelle tristesse de lire ça…….. petite question concernant les Brett : était-ce flagrant? Pensez-vous qu’il y a une recrudescence des Brett? Et quelles sont selon vous les causes?

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  4. Nico Jeckelmann

    Et si je vous demande ça c’est que j’ai plusieurs fois constaté que le caractère réducteur typique de la Syrah dans sa jeunesse développe des arômes un peu sauvages parfois assimilés à tort aux Brett.
    Et au cas où ce sont réellement des Brett, ne serait-ce pas due à la tendance actuelle de ne pas vouloir levurer et seulement utiliser les naturelles?

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    1. Je crois qu’il y a autant de problèmes de brett dans les levurés que dans les autres, l’infection peut se faire seulement pour une cuvée, le degré alcoolique l’encourage. Et il est difficile de confondre brett et réduction.
      Et c’est vrai que c’est triste de déguster autant de vins à ne pas boire, c’est antinomique.
      Marc Vanhellemont

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  5. Henri Vernant

    Attention à ne pas faire l’apologie du « mauvais bois »… Une grande majorité des vins bu en ce moment (et donc à Carcassonne pour la présentation du millésime) viennent de commencer leur élevage, et notamment celui en barrique, de ce fait le boisé est encore très présent, marqué et demandera du temps pour se fondre. les mêmes vins dégustés dans quelques mois ne seront plus les mêmes.

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    1. Je ne fais pas l’apologie du mauvais bois, mais du bois tout court, et donc de son mauvais usage. Et autre remarque, je ne parle pas que du bois, mais de l’extraction qui est bien différente de la concentration, la deuxième apporte du plaisir, la première le contraire. L’extraction, fruit d’une macération trop longue et souvent trop travaillée, amène des tanins secs auxquels s’ajoutent ceux du bois: résultat, le vin nous sèche la bouche.
      il faut arrêter de croire que les grands vins, qu’on garde plusieurs années ou non, doivent absolument passer par la case « élevage en barriques neuves ». Je n’ai toutefois rien contre quand c’est maîtrisé.
      Marc Vanhellemont

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      1. Henri Vernant

        Je voulais faire juste remarquer que la dégustation des vins dit « d’élevage » (pas forcement en barrique) donc qui seront mis en bouteille dans un an (donc plus extrait que les 2013 mis en bouteilles en ce moment) , est très difficile aujourd’hui , ces vins ont tendance à se fermer, et ceux qui sont en barriques le sont depuis peu de temps. Il faut noter le potentiel, mais ces vins seront bien plus faciles à déguster dans quelques temps.

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  6. Les vins élevés en barriques neuves ou de 1 ou 2 vins demandent de la matière, dans le cas des millésimes dégustés qui étaient déjà en bouteilles (ce sont ceux à la vente) la longueur restait sur le bois. Un vin qui « digère son bois » offre une longueur sur le fruit ou la fleur, quand le bois persiste, peu de chance pour qu’un jour il se fonde dans le vin. Et puis, je veux bien qu’il y ait quelques vins de garde, voire de grande garde en Languedoc, mais avant tout j’aimerais trouver des vins qui apportent du plaisir quand on les bois. Dans lesquels, on retrouve l’empreinte du terroir. Le bois comme l’extraction standardise. Lors de la dégustation, donc facilement 500 flacons sur les quatre jours, les vins agréables aujourd’hui ou demain étaient loin d’être majoritaires.
    Marc

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  7. Henri

    Je suis d’accord concernant les vins déjà en vente, si le bois est présent, il y a effectivement peu de chance qu’il se fonde. je pensais que c’etait la dégustation de 2013 en cours d’élevage.

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  8. Matthieu Pibarot

    moi, je suis absolument d’accord avec la conclusion de l’article
    D’ailleurs, je pars immédiatement sur la lune
    et si en plus il y a des grillons sous les cailloux et un voyage en terret
    je serais comblé

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  9. georgestruc

    Certes, Marc, question bois, il y a tant à dire. La maîtrise de l’élevage en bois est un art véritable que peu de vignerons parviennent réellement à satisfaire. Récemment encore, qu’il s’agisse d’une modeste AOC ou d’un cru mythique, j’ai reculé, lors de dégustations, devant des 2013, rouges, ou blancs qui plus est, déjà très boisés au point que la totalité de la palette aromatique était masquée et que les tannins étaient devenus comme un fond neutre, un tissu privé de toutes ses couleurs. Pire que tout : on sentait en arrière plan que la matière était initialement belle, mais elle venait d’être foudroyée (sans jeu de mot, ou presque) ; et je doute qu’elle puisse s’en remettre un jour.
    Les jus de surextraction ont quelquefois le charme de la rareté (je ne parle pas des erreurs, cela arrive, mais d’actes volontaires) ; les réussites se comptent en deçà de 10 %.
    Les besoins (au sens premier de ce terme = nécessité) de passage en bois, neuf ou pas, sont minimes si l’on considère les volumes de vins mis sur le marché. Il y a eu les effets d’imitation (faisons comme certains « grands » qui élèvent en bois), les effets de modes (adaptation au goût supposé du nouveau monde), les tentatives d’originalité (je ne fais pas comme les copains), et que sais-je encore… mais l’authenticité historique de ce mode d’élevage concerne finalement un monde qui a tendance à perdre son rang majoritaire.
    On va survivre, Marc, sans langue de bois…

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  10. Plutôt étonnée par ce commentaire, mais je n’ai pas tout dégusté bien sûr car je fais partie du côté producteur (et donc non invitée). J’ai goûté quelques 2013 : beaucoup d’extraction c’est vrai sur certains échantillons sur un millésime délicat mais sans doute en cours d’élevage. Dommage que vous n’ayez retenu que ça ! Nous avons déjeuné à la même table et j’attendais vos retours avec curiosité. Elle est satisfaite on peut le dire…

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