La Maison du Whisky : une réussite basée sur le produit et la compétence

On a trop souvent tendance en France à dénigrer les réussites commerciales, et le monde des vins et spiritueux ne fait pas exception à cette généralisation. Je ne suis pas psy, et donc je ne tenterai pas une mise sur divan des Français pour ce travers un peu absurde. Disons qu’il me semble absurde si la réussite en question est basée sur un vrai plus sur le plan du produit proposé, des prix justes, et une combinaison bien dosée de compétence et de passion de la part des protagonistes de l’affaire en question.

IMG_6409Une petite partie de la collection d’échantillons dans le « tasting room » de la Maison du Whisky  à Paris

Je n’ai aucune doute que la Maison du Whisky, établissement basé à Paris mais ayant aussi des antennes à la Réunion et à Singapour, ainsi qu’un réseau de vente dans 45 pays, fait partie de ces réussites méritées et justifiées. Je me permets de le dire sans être du tout un spécialiste de whisky, même si ce produit est très répandu dans mon pays natal (oui, l’Ecosse reste dans le Royaume Uni et j’avais une grand-mère écossaise).

Je m’étonne un peu que la France soit, je crois, le premier marché au monde pour le Scotch Whisky (oui, je sais qu’il en existe bien d’autres) alors qu’elle exporte la quasi-totalité de son eau de vie la plus célèbre, le Cognac. Cela fait partie des nombreux paradoxes dont ce pays est si friand. Et cet état des choses est relativement récent car le goût des français pour ce produit d’importation n’a commencé à prendre forme qu’à partir des années 1950. La Maison du Whisky, elle, ne se mêle pas de la bagarre pour les grandes volumes générés par les Scotchs « premier prix » qui sont écoulés par les grandes surfaces à coup de promotions. Ses terrains de chasse sont les produits haut de gamme : pure malts, single malts, single barrels, millésimes  et séries pour « collectioneurs ». Ils ont aussi été pionniers dans la découverte des whiskies d’autres pays et continents et sont agents pour l’Europe, par exemple, du whisky japonais Nikka. Tout cela, et bien d’autres niches de ce marché d’une incroyable complexité (en tout cas pour moi qui le découvre un peu), a donné les résultat suivants sur le plan des chiffres : partant d’une création en 1956 par Georges Bénitah, La Maison du Whisky a atteint aujourd’hui, sous la gouvernance du fils de Georges, Thierry, un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros et une équipe de 120 salariés.

IMG_6411J’aime beaucoup ces tons, gradués du pale vers l’ambré et parfaitement mis en valeur dans cette belle boutique, Rue d’Anjou à Paris

 

La portefeuille de marques gérées par cette entreprise exemplaire comporte 150 noms et 900 références exclusives dans le domaine des spiritueux de tous types. En matière de whisky, qui est évidemment au cœur de son métier, il vend plus de 2000 références dont certains atteignent des prix à la bouteille qui ne feraient pas honte aux vins les plus rares. Je dois dire que de tels niveaux de prix me surprennent, voire me choquent un peu s’agissant d’une boisson. Le désir des hommes pour des choses qu’ils estiment rares ne semble pas connaître des limites, pas plus que leur appétit pour de l’argent. Mais cela n’est qu’un avis d’un misérable (qui a pourtant le plupart de ses dents), après tout, et n’enlève rien de mon admiration pour cet entreprise dont le personnel me semble d’une compétence rare, les produits d’une qualité indiscutable, et la qualité esthétique de leur présentation dans la boutique fraîchement renouvelée de la rue d’Anjou.

IMG_6414Whisky de négoce aux étiquettes décalées….

IMG_6413ou collections millésimés issues d’une seule distillerie, il y en a pour tout amateur de Whisky ici.

IMG_6407Le flacon que j’ai pu déguster à la Maison du Whisky. Il m’a presque réconcilié avec ce produit phare de mon pays d’origine, mais je préfère ne pas connaître son prix ! 

Je ne suis évidemment pas compétent pour vous faire des commentaires sur tel ou tel whisky. Je n’en bois que rarement  et je n’ai jamais été un fanatique de ce distillat mais j’ai eu le grand privilège de déguster un Scotch de 1964 qui m’a semblé très fin et même presque délicat autour de son centre qui tient encore au feu de l’alambic, ayant un 43% d’alcool sans intervention d’une réduction à l’eau. Son nom ? Dalmore Constellation 1964. Ce single malt a séjourné d’abord dans des barriques de bourbon, puis dans d’autres ayant contenu du Xérès (oloroso, je crois). C qui prouve bien que les écossais sont économes et recyclent tout.

Après une telle visite, je pense que je vais m’y mettre un peu au whisky, moi qui ne jurais que par les eaux de vie françaises issues du raisin ou de la pomme. Mais avec mes moyens limités, je sens qu’il va falloir choisir avec soin. Je parie que le personnel de cette boutique a les compétences pour guider ce vieux néophyte.

 

Sláinte Mhath

David Cobbold

8 réflexions sur “La Maison du Whisky : une réussite basée sur le produit et la compétence

  1. Luc Charlier

    David, je ne pense pas que la France dénigre tout particulièrement les réussites commerciales. Moi, c’est certainement mon cas personnel; mais je ne suis pas français. On se souvient des trains qui arrivent en retard, pas des autres. Tu es quelqu’un de sympathique, d’ouvert et de pragmatique, avec peu de dogmes, donc les gens s’ouvrent à toi, même quand ils savent qu’ils ne partagent pas tes opinions sur tout. C’est à nouveau mon cas. En conséquence, toi qui es un libéral au sens anglo-saxon du terme, tu fréquentes des gens pour qui ces valeurs sont évidentes, et vous vous accordez bien. Mais tu rencontres aussi des gens (come moi) qui n’apprécient pas forcément la libre entreprise et la concurrence comme SYSTEME économique, au vu de la misère qu’il engendre. Et ceux-là, oui, critiquent les réussites éclatantes. Pour utiliser un raccourci, simpliste comme tous les raccourcis mais qui illustre bien le fond de notre pensée: si un quidam gagne beaucoup de pèze, c’est forcément qu’il le prend à quelqu’un d’autre, et de manière exagérée: soit il ne paie pas assez ses fournisseurs, soit il prend une marge trop importante (sur le dos des clients), soit il roule ses employés. La GD arrive à faire les trois à la fois! Je sais, les libéraux me rétorqueront que le marché s’autorégule et que l’acheteur n’est pas obligé de se fournir là. Il n’y a rien à répondre à cela, mécaniquement et c’est la raison pour laquelle je peux très bien cohabiter avec des libéraux. C’est au niveau MORAL que cela coince. Mais si l’éthique gérait les relations humaines, Spinoza aurait sa statue partout et, même à Anvers, je ne suis pas sûr d’en avoir observé une grande quelque part. La France n’est pas un pays libéral dans l’âme, et son histoire l’a prouvé: une partie de la population affiche des tendances fascisantes – comme beaucoup de pâys latins – une autre est très favorable à un « état-providence », une autre est national-régionaliste, une autre encore est clanique. Les partisans de Madelin sont en fait peu nombreux. Au UK ou aux USA, c’est évidemment très différent. Voilà, j’ai ouvert ma boîte du « Petit Sociologue » et cette description est candide, volontairement, mais je crois qu’il y a beaucoup de cela. En tout cas, c’est la perception d’un étranger immergé au royaume de France. Comment peut-on être persan?

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  2. Luc Charlier

    Et un deuxième commentaire, d’un tout autre ordre. Je constate comme toi le succès mondial du whisky et m’interroge sur ses causes, j’allais dire « mécanismes » car c’est quelque chose de construit, d’orchestré. J’adore cette boisson depuis 1983 et me pique d’être un connaisseur – qu’est-ce que cela veut dire?. Mais j’aime tout autant l’armagnac (près de chez toi), qui ne suit pas la même courbe, même si on observe une amélioration, je crois. Tu dois lancer Martine Laffite sur le sujet (Domaine de Boignères). Cette femme très intelligente, passionnée et excessive – je partage les deux dernières caractéristiques de sa personnalité – assène des vérités … et aussi des affirmations teintées de la mauvaise foi des vrais enthousiastes. Si on tentait une « pisrte »: le whisky est TRES peu cher à produire (je ne parle pas du marketing), ne dépend absolument pas de l’air du temps pour ses approvisionnements, et est très prédictible et reproductible. En fait, c’est un produit industriel, né dans un pays d’ingénieurs, qui ont pris la succession des contrebandiers de jadis, et dans une nation qui a inventé l’industrie. L’armagnac doit beaucoup au raisin, et dieu sait si celui-ci est capricieux, et dépend de l’homme derrière l’alambic, dans une région de paysans romantiques et assez nonchalants. Enfin, le whisky se vend en anglais, la langue la plus facile à apprivoiser AU DEBUT, tandis que l’armagnac a l’accent gascon …. cong!
    Pourquoi Pernod-Ricard (et d’autres industriels de l’alcool) veulent à tout prix « casser le vin »? Parce que les autres boissons alcoolisées génèrent plus de marge, tout simplement. Le rhum ressemble au whisky, tandis que les eaux-de-vie de fruit exigent un minimum de matière première. On trouvera toujours de l’orge à bas prix, et de la mélasse à bon compte. A l’inverse, une eau-de-vie faite avec de la prune d’Ente est TRES différente de celle provenant de la prune verte (comme à Souillac). Et un armagnac de folle blanche, ou de baco, ne sera pas comparable à l’ugni (le colombard est marginal, sorti des vins secs).
    Allez, laissez venir à moi les contradicteurs.

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  3. Pour ma part, je donne crédit à ce paradoxe Français que tu soulignes, David : je déteste le whisky et j’adore le Cognac. Et en parlant de fine, mes frères, n’oubliez pas celle de Faugères !

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  4. Camus fait un Cognac sur l’Ile de Ré, pas loin. Mais de là à dire que c’est un accord majeur avec les fines de claires…
    Mes amis d’IVV ont fait un dossier huitres et muscadets qui semble prouve que le ou plutôt les mariages fonctionnent.
    Moi, je botte en touche vu que ma dernière huitre ma filé 3 jours d’indigestion. C’était au Salon des Vins de Loire, le jour de la fondation de notre coopérative d’écriture… Souvenirs souvenirs…

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