Surprenante Autriche

Quelle image vinicole a-t-on de l’Autriche ?
Des vignerons sympas qu’on ne comprend pas et qui font leur possible pour que leurs blancs ne soient pas trop imbuvables, qu’ils les vendent en bouteilles d’un litre et qui peuvent accompagner à la rigueur les Wienerschnitzel.

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OTT

Et puis on rencontre des vignerons comme Bernhard OTT. Une petite rue de Feuersbrunn au sein de l’appellation Wagram (pas la bataille), la porte franchie, on pénètre un autre monde et au fond de la cour, un lieu particulier, le chai d’élevage des amphores. La mode ne s’est pas cantonnée à l’Italie ou plus récemment à la France, l’antique contenant a fait des émules sur les rives du Danube.
Oh, je ne les évoque pas pour en faire l’unique éloge, juste pour dire qu’à un millier de kilomètres de nos habituelles visites, les vignerons ne sont guère différents, ils cherchent, se posent des questions, échangent avec leurs confrères proches ou lointains, offrent une gamme qui met en valeur leurs cépages locaux, sans toutefois nier les internationaux, ….

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Le Grüner Veltliner en vedette

Le G V est le cépage blanc le plus répandu en Autriche, on peut en faire un petit blanc sympa, légèrement frisant qu’on boit avec amusement et qu’on pisse pareillement.
Puis, il y a le Grüner Veltliner plus construit, plus concentré, qui accompagne les repas avec maestria. Enfin, le cépage se prête au vieillissement, aux expériences, c’est lui qui macère et s’élève en amphore. Un peu à la façon du Melon de Bourgogne injustement décrié (quoique que je n’en connaisse pas en amphore).
Bernhard en fait une flopée, le sol de lœss ou plus minoritairement de gravier leur est propice. Le Grüner Veltliner ne supporte pas la sécheresse et demande un sol riche.

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Quelques perles liquides

Fass 4 2013 Grüner Veltliner est comme le dit Bernhard « c’est une bonne entrée en matière, on peut le boire en mangeant ou simplement à l’apéro, il a suffisamment de saveur et de délicatesse pour assumer son rôle de bon compagnon »
Doré, il s’offre délicatement acidulé, son côté solaire déploie avec grâce ses fruits confits, ses arômes de tarte au citron, de poire au cumin. Le cumin ou peut-être plus le carvi est une épice assez récurrente dans les blancs issus du G V.

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Spiegel 2013 Feuersbrunner Grüner Veltliner 1er cru

Le printemps très chaud et la perte par millerandage d’une partie des grains a concentré le vin. Sa robe doré brillant égaye le Zalto (un autre verrier autrichien) dont l’orbe nous lance avec assiduité des parfums de grillé, de tabac blond, de thé rouge et de camomille. En bouche, de la gelée de coing s’étale avec joliesse sur les papilles. Le vin se rafraîchit grâce à la salinité qui renforce la faiblesse de l’acidité, encore épaulée par la fine amertume distillée par la camomille romaine.

Le même en 2012 s’avère plus aérien et muni d’un caractère plus vif quoiqu’une impression sucrée demeure due certes à l’orientation sudiste du vignoble. En finale, une originale saveur de fruits rouges, groseille et framboise, vient troubler notre discernement.

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Stein 2013 Engabrunner Grüner Veltliner 1er cru

Doré avec des reflets verts, il semble végétal au premier nez, mais c’est un végétal bien mûr qui exhale des parfums de reinette étoilée, de poire fondante. En bouche, il apparait plein, riche, avec une acidité peu marquée mais sapide et bien installée. Il y a aussi du croquant dû à la tension minérale et une longueur bien menée par la fraîcheur qui malgré sa faiblesse porte la pâte d’amande, la rhubarbe confite et la rose blanche jusqu’au bout de nos sensations.
Les vignes poussent dans des marnes déposées sur une roche calcaire.

Le même en 2012 déclare une légère exhalaison pétrolière associée à du foin et l’éclat minéral d’un silex.
Fermés, les 2012 se boiront après les 2013.

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Rosenberg 2013 Feuersbrunner Grüner Veltliner 1er cru

On monte encore d’un cran pour découvrir le nez élégant de meringue à l’orange et de tarte au citron, les deux bien poivrés. La bouche répond à l’élégance nasale et l’augmente d’une impression tannique une agréable amertume. Ici aussi le grillé vient engendrer une impression solaire. Bernhard nous révèle que la parcelle se profile en coteaux allongés composés de lœss et protégées par les vents par la coiffure forestière qui la surplombe, bref l’endroit le plus chaud. Il garde pourtant de la fraîcheur et est par conséquent à la fois solaire et crispy.

Le 2012 offre le même nez hydrocarbure que le Stein du même millésime, serait-ce un caractéristique ? Le vin est concentré, plein et nanti d’une densité aux accents sucrés. Il est à attendre comme ses pairs.

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Terminons par le commencement, le Qvevre Grüner Veltliner 2013 qui nous vient des amphores. La parcelle dont sont issus les raisins est le cru Rosenberg, mais seules les grappes les plus saines et les moins tanniques sont choisies. Les moins tanniques à cause de la longue macération. Les grains y restent 6 mois.
Trouble, parce que non filtré, il apparaît jaune tendre, le nez graphite et fruits confits. Un léger carbonique entame la bouche et fait ressortir le relief tannique et minéral. Le fruité s’enrobe d’un gras subtile et parfume la légère oxydation, une oxydation bien ménagée qui laisse le Grüner Veltliner pur.

Le même en 2012 apparaît plus expressif évoquant tout de go la rose fanée, l’écorce de cédrat râpé. En bouche, une amertume plus développée rafraîchit le palais mais laisse le vin droit et dynamique.
Bref, un autre monde auquel on peut adhérer et qui se rapproche des lunatiques vins orange…

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Les vins sont bios.
Voilà un autre écho autrichien qui fait suite à celui d’Hervé, il y en aura d’autres.

Ciao

Autriche novembre 2014 311
Marco

22 réflexions sur “Surprenante Autriche

  1. Devos Gerard

    Quand je vous disais qu’en Autriche, il y a de véritables trésors. Ce n’est pas pour rien que je les mets en valeur depuis le début des années 90.

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  2. Luc Charlier

    Comme chaque fois que tu sors des sentiers battus, ton article me régale, Marc. Toutefois, ton image d’Epinal n’a plus cours depuis très longtemps. Je ne vais pas faire un concours avec Gérard pour savoir qui pisse le plus loin – les vins blancs bien vifs sont diurétiques – mais cela fait sans doute 50 ans que les blancs impériaux ont conquis les amateurs comme lui ou moi. Pour le rouge, c’est plus récent. Quant au parler des Autrichiens, il ne me paraît pas plus incompréhensible que tout autre accent (Bavière, Souabe ….) d’autant plus que la région dont tu parles « roule » moins les « r » qu’à Graz par exemple.
    Tiens, si j’ai bien vu, les bouteilles (tu n’en montres qu’une in extenso, mais il y a le site du vigneron) sont revêtues d’un Drehverschluss, non? Cela m’intéresse d’autant plus que le même domaine manie l’amphore. Autant pour ceux qui veulent absolument créer des partitions, des cloisonnements dans le monde du vin artisanal. L’amphore me débecte pour des raisons d’hygiène, de coût et de surcroît de travail, sans parler de la non-reproductibilité. Mais elle est terriblement attirante par d’autres aspects, pas seulement par nostalgie ou ésotérisme. Et la capsule m’a attiré pour des raisons d’hygiène et de conservation, ainsi que de moindre impact écologique, mais en dépit de son « romantisme » très modéré. Et ton vigneron, lui, a fait la synthèse des deux. Bel exemple de curiosité, d’intelligence, de conviction.

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    1. Luc, l’image d’Épinal a la peau dure, même au sein des amateurs éclairés, demande autour de toi si d’aventures tu croises un « vrai » connaisseur. Gérard et toi restez des exceptions. Ensuite, j’ai parlé de l’amphore pour primo attirer l’attention et secundo parce que ce qui en sort est des plus buvables ce qui n’est pas toujours le cas. Tu parle des rouges, Hervé et moi en avons dégusté de superbes, on en parlera tout en soulignant que pas un seul producteur ou caviste ou restaurateur nous a servi dans autre chose qu’un verre adapté au vin.
      Marc

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      1. Luc Charlier

        Quand vous retournerez pisser dans le Danube, ce qu’un ancien néphrologue approuve, ayez une pensée pour Konrad Lorentz: c’est là qu’il trouvait son inspiration. Et allez manger votre escalope chez Figlmüller. Je sais que c’est un endroit « hype » mais le veau est délicieux, la tranche fine, large et parfaitement cuite, les câpres sont exquises,la panure réussie. La petite salade qui va avec (accompagne, en français) est assaisonnée à merveille. Un de ces petits riens qui rendent la vie agréable, surtout quand on a , comme moi, la « bouche acide ». En même tamps, comme tout à Vienne, le repas ne sera pas donné. Mais est-ce qu’on se plaint du prix du fondu au Parmesan à « la Taverne du Passage »?

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  3. Et n’oubliez pas le Domaine Ott qui, du côté de Lalonde-les-Maures, doit souffrir d’avoir les pieds mouillés… Quant à l’avatar de notre site, il est revenu tellement il en avait marre de voir la gueule du Smith (message perso) 😉

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    1. Luc Charlier

      Michel, La Londe-les-Maures a été laissée en rade, hier, par la pluie (cherchez, il y a une feinte). Plus besoin du « chapeau de Mireille ». Ott, c’est aussi le château des Comtes de Provence, à Taradeau – près de … Luc. Et c’est enfin Romassan, en face de la pente du Castellet, sur la commune du Plan. Que de bons souvenirs avec Jean-Daniel, son enthousiasme! Maintenant, tout appartient à Roederer. Si on avait pu lire cela dans sa boule de …. cristal!

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  4. Bonjour je vous conseille de déguster : Graf Zweigelt 2007 Maria et Supp Muster-font parti de renaissance des appellations. Le cépage est un croisement entre le saint laurent et Blaufränkisch. J ai l impression de gouter du Pinault d’Aunis. J’ai du mal de gouter les vins allemands à cause du soufre, mais en autriche vous avez des vignerons qui travaillent avec peu de soufre et relancent aussi avec des vignerons italiens les vins oranges…….

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  5. Pardon,je suis un peu ignare en matière de cépages germaniques. Nous devrions être en mesure de deviner si les commentaires de Marco concernent des rouges ou des blancs. Dans le cas du Pineau d’Aunis, on parle d’un rouge, non ???

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  6. Luc Charlier

    Michel, tous vos lecteurs t’excusent. Un amoureux du carignan ne doit jamais avoir honte de consacrer l’essentiel de son temps à notre chéri. Le Zweigelt dont parle votre lecteur est le cépage rouge le plus planté en Autriche de nos jours. Je ne pense pas qu’il en existe en Allemagne (mais je ne sais pas tout). Il a été « inventé », un croisement, dans l’entre-deux-guerres, par un M. Zweigelt qui est devenu plus tard une célébrité dans l’équivalent autrichien de votre INRA. Mais il l’appelait alors « Rotburger ». Or, les Allemands (à,peu près à la même époque), ont développé un autre cultivar qui résistait bien à l’oïdium, et sert encore toujours à élaborer du rosé et des mousseux rouges (fréquents en Allemagne): le Rotberger, avec un « e ». Pour éviter la confusion, on a rebaptisé cet excellent raisin autrichien. Je ne vais plus aussi souvent en Autriche qu’auparavant, depuis que je possède des vignes en propre. Mais mon Zweigelt préféré (facile à trouver, j’en ai encore dans ma cave à Corneilla) était élaboré sur l’excellente parcelle du Ried Hallebühl (Domaine Umathum), avec élevage en barrique. Il s’agit d’un assemblage, c’est exact, mais à Zweigelt majoritaire (un peu de BlauFr. et un chouia de CS aussi).
    Tu as raison, si on veut, le Pineau d’Aunis donne des « rouges ». Mais ils sont rarement (jamais?) très foncés. Bizarrement, et j’admets qu’aucune logique ne sous-tend cette préférence, moi j’aime bien que les vins rouges soient rouge foncé, peu importe la nuance (pourpre, carmin, rubis …)

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  7. Merci, Léon… Et le soufre dans tout cela ? Et les vins oranges ? J’adore le Pineau d’Aunis, surtout celui de Hérédia, mais je ne me souviens pas lors de mes périples en Val de Loire, d’en avoir rencontré qui aient une couleur orangée…

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  8. Si Luc, il y a bien quelques Rotburgers/Zweigelts en Allemagnes, dans la partie la plus proche de l’Autriche, assez logiquement. J’en ai dégusté lors d’un concours à Berlin début 2014.
    Je suis aussi fan des vins autrichiens depuis 2003 quand je les ai découverts en réalisant un guide sur les vins importés en France. Il y a eu, pour les vins autrichiens, blancs comme rouges, la plus fort proportion de bons vins de tous les contingents de pays dégustés (et il y en a eu beaucoup).

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  9. Luc Charlier

    Merci, David. Comme j’ai toujours raison (…..) j’ai bien fait d’émettre comme réserve que « je ne sais pas tout ». Il y a 3 semaines, j’ai discuté avec Peter Schuhberger et dégusté les vins du Schloss Gobelsburg avec lui. Alors qu’il me prétendait que le Blaufränkisch est absent hors d’Autriche, je lui ai opposé: « Et le Kekefrankos, alors? ». Il m’a répondu:  » Oui, mais cette partie de la Hongrie est encore autrichienne, en fait! ». Est-ce que tu acceptes autant de mauvaise foi de ma part?

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    1. En fait, mon cher Luc, on trouve le Blaufränkisch dans tous les anciens satellites austro-hongrois, Serbie, Slovénie et Croatie, on peut y ajouter la Roumanie. Un autre cépage rouge autrichien que j’aime beaucoup est le St Laurent qui me fait penser par se rusticité à l’Humagne rouge valaisanne.
      Marc

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  10. Amelie

    « Pour des raisons d’hygiene » critiquer les qveres?
    Quand on voit les conditions d’hygiene lamentables de la plupart des productions de vin en France, parler d’un manque d’hygiene en Autriche avec les Qveres me semble plus qu’aberrant.
    Au contraire, je cherche encore les vignerons qui mettent autant de travail dans leur vin en France mais bon, c’est pour cela que je suis sur ce site 🙂

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  11. Ping : Wagram, 17ème DAC autrichienne – Les 5 du Vin

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