Le vin peut-il se complaire à jamais dans l’ignorance ?

Il n’y a qu’à lire l’article de notre Hervé national d’hier pour s’en rendre compte : de nos jours, ce n’est plus aussi évident de parler du vin. Du moins, c’est ce que je ressens aussi. Moi-même je suis confronté presque chaque jour à cette expérience qui fait que je doute de plus en plus de la manière dont j’écris sur le sujet. Ça ne passe plus. En dehors de quelques amoureux et professionnels, mis à part les érudits qui viennent sur notre site pour débattre entre gens de bonne famille et de bonne compagnie, entre connaisseurs, est-ce que nous avons nous un réel public, une audience ? Perso, je suis convaincu que non. Combien, parmi ceux qui nous lisent, ont-ils encore la volonté profonde d’apprendre, de découvrir, de nous accompagner dans nos dégustations, de partager notre enthousiasme comme nos déconvenues ? Entendons-nous bien, je ne suis pas en train de démissionner ni de pleurer sur notre sort. Le plaisir reste. Pourtant, à voir les rubriques vins réduites en peau de chagrin quand elles ne reproduisent pas carrément les dossiers de presse, à lire les revues spécialisées condamnées à la plus stricte confidentialité, quand ce n’est pas à la mendicité, il semble pour ma part que l’univers du vin se complait de plus en plus dans une forme de médiocrité ambiante et que l’on s’enfonce petit à petit dans l’ignorance.

Photo©MichelSmith
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Partout les mêmes flacons, les mêmes facilités, les mêmes complaisances… Oui, je sais, vous allez penser que c’est très dur d’énoncer de telles choses. Le problème, c’est que je le pense vraiment : à moins d’être bling-bling, à moins de faire dans le consensuel, le vin intéresse de moins en moins le grand public.

Soif de découverte, soif d’apprendre, soif de goûter, soif de comparer, soir de comprendre ? Tu parles, soif de rien ! Ces mots ont-ils encore du sens dès lors que tout est accessible par la voie rapide comme l’est l’éclair d’Internet. Tout afflue à grande vitesse au point que l’on veut goûter la nouveauté sans tarder pour l’oublier aussitôt sans prendre la peine de savoir ce qu’il peut y avoir derrière. On ne nous laisse même plus le temps de questionner, de discuter, d’analyser, d’enquêter, de remettre en cause. Il faut tout obtenir et tout de suite. Le vin vient du Chili, il est rouge, il est bio, c’est un Merlot, il est cher ou pas, point final, avec ça, on aura tout dit ! Vrai, quoi, qui connaît encore sa géographie vineuse ? Qui sait comment la Bourgogne est foutue ? Qui connaît l’histoire de Bordeaux ? On se fiche de la région, de l’âge des vignes comme du procédé de vinification. Oubliés climats, terroirs, cultures, au diable le personnage qui est derrière la bouteille, à moins qu’il ne s’agisse d’un « people ». Le vin est cher ou abordable, la tablée semble ravie, la soirée s’annonce bien et c’est tout ce qui compte ! Non mais, vous n’allez pas en plus nous faire chier avec le passé de la propriété, la température, le juste mariage avec le plat et tout le tintouin ! Vade retro ! Dépité, j’ai constaté il y a peu que moi aussi je me sentais impuissant face à cette marée humaine si prompte à broyer du vin dans l’ignorance la plus totale, l’inculture crasse, la beuverie ordinaire.

Photo©MichelSmith
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Envoyé spécial pour moi-même, comme d’habitude, j’étais l’autre jour dans la capitale du vin. Non pas dans les vignes de Vouvray ou de Beaune, ni même aux abords du Quai des Chartrons, mais dans les rues grouillantes de Londres, métropole polluante et bruyante composée de buildings à ne plus savoir qu’en faire et de millions de fourmis consuméristes qui ne pensent qu’à une chose : travailler pour gagner plein d’argent à dépenser au plus vite dans les boutiques qui foisonnent. Que de futiles prétentions ! Lâcher des billets à la moindre occasion comme, par exemple, se bourrer joyeusement la gueule entre collègues histoire de célébrer une victoire commerciale, un match de foot ou de rugby, le départ d’une collègue ou l’enterrement de vie de garçon d’un copain. Tout est bon pour se lâcher avec des vins dépourvus de personnalité, prendre un selfy de ces bacchanales modernes pour mieux repartir le lendemain et participer au rayonnement mondial de la perfide Albion. Plus que jamais l’Angleterre est mûre pour la gloire, elle a du succès et la manne qui va avec doit être remise en circulation au plus vite : d’où le pot-pourri incroyablement plus riche qu’ailleurs proposé à chaque coin de rue dans une métropole qui ne dort plus tant elle s’enivre de consommer veillée par des tours toujours plus audacieuses.

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Parmi ces futilités, la bouffe débridée et le pinard décomplexé occupent une place de choix. Dans les pubs, bien sûr, où le vin est confronté presque à égalité avec la bière, mais aussi dans les gares, les aérogares, les grandes surfaces et les petits commerces ouverts le dimanche, l’offre vins est pléthorique. Les hôtels, les restaurants, les bars débordent de formules soigneusement griffonnées sur des ardoises où, à partir de 10 personnes, par exemple, vous bénéficiez d’un plat (enfin, ce qui ressemble à un plat) et d’une bouteille de vin (on ne vous dit pas laquelle) pour une somme forfaitaire très avantageuse. Et pour une étrange raison que je ne m’explique pas, depuis un couple d’années c’est le Picpoul de Pinet qui a la cote parmi les blancs dans les pubs. Pourquoi lui et pas le Mâcon ou le Muscadet ? Pourquoi est-il devenu impossible de trouver un dry Sherry dans les mêmes pubs ? Partout, il y a une liste de vins consultable, pas forcément très longue, mais assez complète, avec toutes les couleurs, presque tous les genres, tous les pays, des noms sérieux et illustres côtoient des vins inconnus réservés à toutes les bourses. Le tout étant proposé dans la plus extrême des politesses et avec le sourire en plus, sans oublier le petit accent slave, ibère, rital ou frenchy qui va si bien avec. Oui, Londres reste la capitale mondiale du vin.

Photo©MichelSmith
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En dehors de telles généralités trop grossièrement brossées, quel choix propose-t-on réellement au Londonien lambda pour ne pas dire moyen ? Hormis les quelques valeurs sûres que nous connaissons tous, je ne sais pas moi, un Michon en Vendée par ci ou un Bizeul en Roussillon par là, l’offre est tellement vaste que l’on pourrait la qualifier sans mal de « riche et globale ». Avec des vins où la nationalité apparaît plus importante que le reste, ce qui semble normal tant les rues de Londres sont occupées par les étrangers du monde entier. Londres joue à fond le cosmopolitisme. Avec des vins estampillés « Bordeaux » ou « Burgundy » surtout, côté Hexagone. Ou encore des vins décrétés « regional France » et dûment bouchés vis à des prix décents entre 8 et 12 £ (je vous laisse le soin de convertir) que l’on trouve en boutiques genre Oddbins ou Nicolas. Gigantesque fourre-tout où le Beaujolais est mêlé au Muscadet pour être mixé à la sauce Bergerac en passant par le Malbec, le Grenache ou le Pinot. Songez que le rayon Géorgie d’une boutique palatiale comme Hedonism, sise au cœur du très chic Mayfair, à un jet de bouchon de Champagne du Claridge’s et de la cave à cigares de Dunhill, est aussi vaste que celui de la Touraine, du Roussillon ou du Languedoc, régions qui de toute façon ne sont pas répertoriées comme telles car risquant de compromettre la donne. Dans ce nouveau « temple » du vin fondé cela va sans dire par un milliardaire Russe, « the crème de la crème », comme ils disent (le magasin, pas le Russe), l’espace Australie et Tasmanie s’offrant à mes yeux écarquillés propose des vins aussi chers que certains Rhône ou Bourgogne. Tout ce qui brille, tout ce qui évoque le fric et l’opulence – Champagne, Toscane, Piémont, Latour, Yquem, Montrachet… – , tout ce qui est d’un format démesuré, tout symbole de luxe et de débauche sonnante et trébuchante, est mis en avant sans aucun état d’âme. On est là pour faire du fric, oui ou merde ?

Photo©MichelSmith
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Ici, la connaissance du vin importe peu. Hormis quelques exceptions, on vient dans cette boutique – je n’appelle pas ça « caviste » – non pas pour découvrir, mais pour briller en société, pour s’extasier, pour épater, frimer, en mettre plein la vue et repartir avec une caisse de Cheval Blanc 1947 ou un petit vin de Hongrie de derrière les fagots. Confiant, l’acheteur s’en remet à une armada des vendeurs plus compétents que jamais, tous jeunes et propres sur eux. Bien éduqués, ouverts, plus aimables et serviables les uns que les autres, d’un chic nonchalant, rompus à toute négociation commerciale, ils viennent de tous les pays. Très larges d’esprits, ils s’adaptent aux situations les plus extravagantes et sont capables de livrer à votre hôtel la bouteille la plus rare, la plus grosse, la plus introuvable. Si vous venez en tribu, ils s’occuperont de garer la Rolls et conduiront vos enfants dans une salle qui leur est réservée afin que vous puissiez faire vos emplettes en paix. Ils peuvent même vous faire goûter des vins (50 bouteilles en machines Enomatic) de Grange, de Sassicaia ou de Haut-Brion. Alors pourquoi vous inquiéter ? Laissez-vous faire. Les livraisons ? Pas de problèmes puisque la maison dispose de quelques « eco-friendly vans »…

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Normal que le vieux journaliste spécialisé en choses du vin se fasse tout petit à côté d’une telle démesure. Pourquoi s’évertuer à vouloir fouiller dans les campagnes savoyardes ou catalanes à la recherche de trésors cachés quand ils sont connus avant presque de naître par les trois-quarts de la planète qui, même si elle n’a pas les moyens de se les procurer, rêve de les posséder un jour ? À quoi cela sert-il de déguster 50 vins de Carmenère ou 100 Bordeaux Sup’ et de les commenter quand c’est de la Syrah que tout le monde réclame ? Le vin s’est globalisé. Sournoisement, il s’est uniformisé à la manière d’un parfum de marque pour mieux rassurer une clientèle qui ne souhaite prendre aucun risque et s’en remettre, question culture, qu’aux commentaires de quelques experts patentés qui eux mêmes ont savamment rationalisé leurs discours afin de plaire au plus grand nombre à la fois. Le vin d’aujourd’hui ressemble à cette clientèle : il est inculte. On n’achète plus un Minervois ou un Madiran par souci d’entretenir je ne sais quelle flamme sentimentale, on paie un rouge ou un blanc par tranches de portefeuille : moins de 5 €, 10 €, moins de 20 €, 1.000 €, etc. Le vin n’est plus qu’un vulgaire prix. Standardisé, il est le reflet de notre société qui consomme sans chercher à savoir, un monde qui se nourrit de clichés et de trophées. Le pire dans tout cela, c’est que même bouchonné le public trouvera au vin quelques qualités.

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Pour s’en remettre, il faudra attendre une ou deux générations. Attendre qu’une société s’écroule pour mieux se reconstruire sur de nouvelles bases. Le temps de reformer des générations d’amateurs rompus à l’érudition, à la curiosité. Le temps de redonner soif à un monde aveuglé par le paraître. Le temps de privilégier la connaissance face à l’ignorance. Quand je vous disais que j’étais un éternel optimiste…

Michel Smith

30 réflexions sur “Le vin peut-il se complaire à jamais dans l’ignorance ?

  1. Ping : Le vin peut-il se complaire à jamais dans l’ignorance ? | Wine Planet

  2. jacob Got

    Ni spécialiste , ni expert , je vous lis chaque jour … et vos avis font mon bonheur .
    En séjour long à Madére , j’y ai trouvé, en cherchant bien ,une sélection d’excellents « alvarinho » découverts grâce à l’un de vos articles

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  3. Un petit coup de Carignan et le moral remonte ! Allez courage Michel, dans quelques jours c’est millésime Bio avec son large choix de vins débridés, atypiques, innovants, classiques, sincères, bref pas qu’une histoire de business…

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  4. Luc Charlier

    Michel, presque aussi « VC » que toi, je fais le même constat, mais pour TOUT. On vit un monde de connaissance facile, immédiate et superficielle, héritée elle aussi du Plan Marshall, « the American way of life ». On est tout de suite « copain » avec tout le monde, mais rarement ami. Le « politically correct » prévaut, sans aucune attaque ad hominem. Résultat; on ne se querelle avec personne, on a tous le même avis (en apparence) et tout ce qui est différent devient forcément hostile. Le pire, en parallèle avec ton constat, c’est que j’élabore des vins pour ce petit nombre de connaisseurs, parce que ce sont eux que je fréquentais et parce que ce sont les vins que MOI j’aime. Ils ne sont pas forcément « vendeurs ».
    Enfin, il n’aura pas échappé à tes lecteurs que nous sommes quelquefois d’un avis différent (sur certains vins, sur la vie, sur les buffets où s’attabler) et qu’on ne se l’envoie pas dire. Cela n’empêche pas des « revoyures » toujours agréables et sans malaise. Un Michel Smith qui serait ma copie conforme, qu’est-ce que cela m’emmerderait! En plus, j’ai l’air ridicule avec un chapeau sur la tête.
    Continue à être le « grincheux » de Monsieur Mauss.

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  5. C’est la Saint Vincent aujourd’hui, cher Michel. Une petite pensée pour les vignerons en France, en Espagne ou en Italie qui vont perpétuer la tradition, réunir les confréries et démarrer la taille. Le vin est le reflet de notre civilisation comme le dit Hugh Johnson. Rien de plus normal que Londres, temple mondial de la finance et du luxe, soit l’épicentre du commerce mondial du vin, comme la cour des Ducs de Bourgogne le fut au 14ème siècle.
    « La liberté commence là où l’ignorance finit » nous a dit Victor Hugo. Profitez bien de cette liberté, fruit de votre travail éclairé, persévérant et apprécié de vos lecteurs.

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  6. Mike Rijken

    @ Michel
    Je suis actuellement en route pour Inter Rhône et j’enseigne dans des écoles hôtelières aux Pays Bas et en Suisse sur nos vins de la vallée du Rhône. Je constate que les jeunes gens apprennent beaucoup sur les accords mets et vins; le niveau monte chaque année en qualité. Il faut dire que j`ai la chance de montrer des vins de très bonne qualité et représentatifs de leur AOC/ AOP. C’est un long trajet, mais je suis convaincu que l’éducation sur le vin doit se faire le plus jeune possible. Mais pour passer le message , il faut des profs et des intervenants enthousiastes, chaque jour. Pas des représentants d`une grande maison d`importation venus pour vendre du vin. Je me rappelle encore la marque de Champagne ou la bière qui était présentée dans mon école hôtelière, en Allemagne, dans ma jeunesse; ce sont des souvenirs que l’on garde pour la vie. Finalement, avant de vouloir exporter nos produit, il faut d`abord bien les connaitre. Je dit souvent: Pour Vendre il faut d`abord Comprendre. Et pour les jeunes gens il faut capter leur attention, ce qui est difficile parce qu’ils sont collés à leur smartphone du soir au matin. L’éducation, c’est primordial, alors qu’on soit journaliste pour ce Blog , ou enseignant, nous n’avons pas le droit de baisser les bras. Car le vin a beau n’être qu’un simple produit d`agriculture, il a beaucoup de influence dans la Culture.

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  7. jp glorieux

    Le Goût des Autres !

    Pour ses 40 ans mon fils avait discrètement émis le souhait d une fois dans  » sa jeunesse  » déboucher un beau flacon /
    Nous pûmes dégoter un magnum de Krug .
    Outre l esthétique de l emballage cadeau nous avions choisi le lieu surprise de la dégustation
    bref
    Le bouchon ôté (sans bruit nous sommes Champenois ) les verres ad hoc ,regard sur le dégagement des bulles
    le nez ! ça pinote ou pas ? je sais pas j ai le rhume !

    Les verres s élèvent s entrechoquent ,les jeunes veulent goûter (ça pique !) retournent à leur light drinks
    Alors ?Mon fils ? Qu en dis tu ?…
    Silence haussement de sourcils hésitation

    mouais ! pas mal mais sincèrement très sincèrement le blanc de blancs des B… à Cramant me plait tout autant
    Les B… de Cramant possèdent 3 ha de Chardonnay ,n ont pas de site WEB ne savent pas communiquer et ne boivent jamais de Krug .

    Chacun dans sa sphère socio culturelle peut trouver son bonheur
    les blogs tels celui-ci sont au vin ce que les audio casques sont à la visite d une expo
    on peut s en passer mais c est un précieux atout

    Merci Michel pour cette franche introspection .

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  8. Article fort bien écrit, mais je ne suis pas d’accord sur le fond. Quand on se spécialise et qu’on est passionné, on oublie bien souvent que la personne en face à d’autres centres d’intérêt. Et qu’il y a un gouffre entre les spécialistes et le grand public, et ce depuis depuis des siècles. Ce n’est pas pour autant que le public n’est pas intéressé ou consomme bêtement. En outre, de tous temps, les spécialistes enfermés dans leurs univers aux codes et langues propres, ont du mal à se mettre au niveau de celui qui l’écoute. Alors le public, découragé et incompris, se lasse et se tourne vers ce qui est plus simple d’accès pour lui. Pour moi, c’est surtout un problème de communication. Quand l’orateur est passionnant et accessible, l’oratoire se tait et écoute, puis en ressort enrichi et enthousiaste, prêt pour partir à la découverte. Croire que cela se fait sur une seule étincelle d’inspiration serait illusoire. Il en faut plusieurs, pour certains carrément un feu de camp, et encore. Et oui, c’est du boulot.
    Alors au lieu de tirer à tout va, pourquoi pas montrer à celui à qui s’adressent les écrits que le vin est un univers généreux, où chacun trouve sa place ?

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    1. Luc Charlier

      Chère WB: tu viens de commettre le plus BEAU lapsus que j’aie lu depuis des décennies: quand l’orateur est passionnant, l’ORATOIRE se tait. Tu enchaînes d’ailleurs sur … croire. Le cerveau humain est décidément une bien belle machine, même quand son chef de gare embrouille un peu les aiguillages.
      Plus généralement, tu as raison dans ton commentaire qui indique que notre tendance, à tous, est de suivre la pente qui nous emmène sans effort vers l’accès le plus facile. Les lois de la thermodynamique valent pour l’esprit aussi. Simplement, Michel constate, et moi aussi, que par rapport à jadis (tu sais que le passé est toujours le temps béni), le « connaisseur » se faisait plus rare. Deux explications au moins: si on boit moins de vin (en volume) que jadis, par contre le nombre de gens qui en boivent occasionnellement a augmenté (surtout dans les pays non-producteurs). Autre raison: notre âge, à nous. L’enthousiasme cède le pas à un peu d’amertume, à force d’accumuler les déconvenues.
      Enfin, l’univers du vin n’est pas du tout un monde généreux, oh la la non. Mais on y rencontre des gens généreux, parfois. Moi, j’essaie de fréquenter surtout ceux-là. Pas facile.

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      1. Cher Luc,
        Oups, j’en ai fait une belle ! Je parlais du public qui se tait, évidemment. Le français n’étant pas ma langue maternelle, effectivement, l’aiguillage a mal fonctionné,d’où ce raccourci étonnant. Le fou-rire de la journée.
        Mais revenons à la dégustation : étant plus jeune (quoique), je suis entourée de personnes qui ont soif d’apprendre sur le vin, mais qui sont vraiment très intimidées par tout ce langage et cérémoniel avec lequel ils ne sont pas familiers. Alors ils roulent les mécaniques, se rassurent avec des prix et des étiquettes, jouent les décomplexés, car personne n’a envie de passer pour un benêt. Et personne n’a, d’ailleurs, envie de se faire accuser d’être un consommateur écervelé. Ca n’encourage pas à faire des efforts. Je comprends qu’avec l’âge on a une vue bien plus réaliste sur la vie et l’être humain, mais il me semble qu’il faut tout de même encourager ses qualités. Alors courage les garçons, faites fi de l’âge et du pessimisme (vous allez me traiter de bisounours, mais tant pis…) et continuez à rire, de la vie, du vin, de vous-même.
        La vie est bien trop courte et assezdifficile déjà comme ça.
        Cheers 🙂

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  9. Henri Vernant

    Un article qui peut être juste sur certains points, mais qui rappelle le verre à moitié vide plutôt que celui à moitié plein. Or il serait dommage de ne pas considérer cette deuxième partie.
    Car oui, si la City représente bel et bien tout ce consumérisme de buveurs d’étiquettes, décrit dans l’article, Londres comme toutes les capitales mondiales ne se résume heureusement pas qu’à ça. il faut sortir du centre ville et regarder la vie des petits quartiers. Il en est de même pour le vin, oubliez les grandes enseignes au cœur de la City et vous verrez qu’il y a aussi des petits cavistes indépendants où l’on peut trouver des vins bons en dehors des Burgundy et Bordeaux area! Il en est de même pour Paris où l’offre en vin ne se résume pas aux caves Lavinia, Nicolas ou autres Lafayette Gourmet, bien qu’ils existent et ont leur public celui que vous dénoncé…

    Une autre chose, s’il vous plait n’ayez pas les yeux écarquillés quand vous voyez un vin du nouveau monde au même prix qu’un Bourgogne car je me ferais un plaisir de vous donner quelques noms de domaines qui n’ont rien à envier au vins d’ici… Le bon vin n’est pas que Français, et le nouveau monde n’est pas que yellow Tail, ou un merlot Bio du Chili…

    Pour finir sur une note positive, il n’a jamais été aussi facile pour vous blogueur, de nous faire découvrir des pépites d’ici et d’ailleurs, et c’est aussi un progrès.

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  10. Pierre Sauvage

    Je suis le public, ni pro ni érudit, surtout pas « amateur qui se prend pour un pro » (ce sont les pires -et pas que dans le vin- et ils pullulent dans le monde de l’internet du vin … »les passionnés… »).

    J’aime vous lire, j’aime apprendre et découvrir. J’ai besoin d’en savoir plus, pas de faire ou de lire des classements complètement inutiles, de hiérarchiser ou de comparer tout le temps, de penser que je peux noter un vin comme un instit amateur (mais « passionné »…), de suivre la meute à la recherche du nouveau truc à acheter. Les gens sont idiots, c’est vrai. Idiots parce qu’ils ne savent pas, ou ne veulent pas, penser par eux-mêmes. Ils sont aussi victimes, de leur époque, de leur environnement etc. On ne refera pas le monde, à mon sens la seule chose qui compte pour les esprits libres c’est de bien s’entourer et d’essayer de trouver du sens.

    Le vin c’est (c’était) un produit culturel mais la France perd (a déjà perdu?) sa culture. Le vin c’est aussi un produit prestigieux et, en France, au RU ou en Scandinavie etc (là où il y a du fric pour faire simple), le vin devient un accessoire de mode. Un signe d’appartenance. Quelque part c’est un marqueur d’une nouvelle culture. Qui n’est pas la votre, ni la mienne, ni celle du Français ou de l’Italien moyen. Changement de paradigme.
    Malheureusement on peut sérieusement se demander si nos enfants (ou nos petits enfants…) boiront dans 20/30 ans encore du vin (potable, accessible, français et plus ou moins artisanal). Je ne crois pas que dans 1 ou 2 générations les choses « aillent mieux », bien au contraire : la forme et le rôle du vin et de la nourriture (le repas, notre culture) tels que vous les avez connus c’est bientôt mort et enterré. Ca ne reviendra pas. Les augmentations tarifaires annuelles normalisées, la faiblesse de l’offre de qualité en GMS, la propension pour beaucoup de domaines à vouloir en priorité exporter… est-ce des causes ou des conséquences de la parte de lien de la population avec sa boisson nationale ? Quel pourcentage de Bourguignons se payent encore des Grands ou même des 1er Crus ?

    Je déplore qu’il soit rare et difficile d’accéder à des livres, des blogs, revues… infos intéressantes, argumentées, intelligentes, indépendantes en français sur le vin. Pour un Anglais, un Allemand,… on est en tant que Français un connaisseur du vin mais en réalité la grosse majorité des Français n’y connaissent rien, ne s’y intéressent pas et le pays ne produit que peu de sources d’infos utiles ou même personnelles alors qu’il est tellement plus facile de trouver des blogs, des livres, etc en anglais.
    En France, la presse spécialisée, beaucoup de forums ou blogs, fluctuent entre traditionalisme et « victime de la mode ». C’est un monde médiatique chiant. Ce blog, et vos interventions personnelles et documentées, sont une des rares richesses, courage Michel ! Le monde est parfois triste ou décevant mais il faut se concentrer sur le beau, le bon. Il n’y a pas de 2ème chance… même si je préfèrerais aussi que Perpignan, et non ce moloch qu’est Londres, redevienne le centre du monde (du vin) 😉

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    1. J’approuve la totalité de ces propos, Pierre. 😉
      Aux autres commentateurs, j’admets que mon propos puisse être un peu confus. Sans faire de réelles découvertes, j’ai bu de bons vins à Londres et j’en boirais encore ne serait-ce que pour célébrer le sourire de ma petite-fille qui est née là-bas et que je compte voir plus souvent.
      Jeudi prochain, j’évoquerai la restauration Londonienne. Là encore, je n’en ai vu qu’une petite partie, mais j’espère que ce sera gratiné !

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  11. Pierre Sauvage

    Au fond, la meilleure chose à boire en Angleterre, et aussi à Londres malgré son statut particulier, c’est la Real Ale !

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    1. Oui, à condition d’en trouver : en ce moment, c’est surtout Stella, Estrella et consorts…. Les gros groupes, quoi. Le seul avantage, c’est que l’on a dix fois plus de choix que dans un bistrot de Perpignan !

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  12. Discussion riche et intéressante. Je suis assez d’accord avec des remarques de Henri Vernant, de Pierre Sauvage et de Birte Jantzen. Foin de tant de pessimisme Michel et sors un peu des « beaux » quartiers à Londres ! Il est intéressant aussi de comparer l’offre du vin à la gare de St. Pancras avec celle de la Gare du Nord. Cela renforcera ton idée quant au capital du vin, mais tout n’est pas nécessairement si cher que cela.
    Personnellement je donne beaucoup de cours à de jeunes amateurs en France, et je constate beaucoup de curiosité, peu de prétention et une ouverture d’esprit admirable. Je suis bien moins pessimiste que toi.

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    1. Luc Charlier

      David, tu renforces nos impressions: ceux qui font la démarche, active et volontariste, d’aller à des « cours » (séminaires, dégustations, master-classes …) deviendront (sont déjà un peu) les connaisseurs de demain. Et comme il y a plus de gens qui boivent du vin que jadis (si si, partout et dans toutes les tranches d’âge), bien sûr que leur nombre n’est pas nul. Mais, par le même phénomène, la masse de ceux qui ne font PAS cet effort s’y connaît de moins en moins. Et ils sont plus nombreux que jadis. Enfin, slurp, slurp, TES élèves (ce mot vaut pour les deux sexes) sont fascinés par ta personnalité … curieuse, sans prétention et avec une ouverture d’esprit admirable, et optimiste en plus. Goodnight to you, Mr. Cobbold.

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  13. « Discussion riche et intéressante », cela prouve que mon article a au moins de quoi susciter un débat. Peu importe les beaux quartiers puisque j’en ai vu d’autres. Ce qui me désole, me mine, c’est de constater que j’ai de plus en plus de mal à m’exprimer sur le vin dans le cadre de mon métier. Je n’ai plus l’impression de me faire comprendre, de déclencher de l’intérêt, de la passion. Pourtant, je suis peut-être plus optimiste que ce papier pourrait le laisser croire et d’ailleurs je le dis à la fin. Le vin perd de son aura culturelle et je le déplore. C’est que je dois vieillir prématurément. Mais je ne nie pas qu’il existe des lieux – donc des gens – où le vin est très éloigné du vulgaire produit consumériste que j’ai pu voir dans certains endroits. À Londres comme ailleurs. Cela n’a rien d’élitiste non plus. Je vais me mettre à l’eau pour quelques jours… 😉

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  14. Jean Natoli

    Tout ayant été dit (ou presque) sur ton article, cher Michel, je ne peux que rajouter qu’un coup de blues, pour un amateur de jazz comme toi, ce n’est pas si grave.

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  15. Marc Bickart

    Le vin perd de son aura culturelle… Je ne sais Michel, quand j’étais petit j’accompagnai mon grand père à la coopérative de Buzet, il amenait des bidons en plastique, choisissait le degré d’alcool et une fois à la maison on embouteillait le vin dans des bouteilles réutilisées, et avec des bouchons réutilisés eux aussi. Il buvait son vin coupé à l’eau naturellement, et m’en mettais un peu dans le verre dés mon plus jeune âge « pour ne pas rouiller! ». D’excellents souvenirs, par contre il n’y avait sans doute pas beaucoup de place dans ce mode de consommation (pas si lointain que cela) pour les blogs, les revues spécialisées, les beaux livres, suppléments vin, émissions radio et tous les autres contenus qui foisonnent aujourd’hui!

    C’est vrai que tout va vite et qu’il est difficile de s’y retrouver, mais l’information est là sous une multitude de points de vue pour qui s’y intéresse. et l’ignorant qui boit du vin à Londres aujourd’hui a sûrement quelque chose de plus sympa qu’il y a 30 ans… Même si je ne connaissais pas Londres à cette époque là….

    Continuez Michel à écrire, moi j’ai envie de goûter du carignan à chacun de vos articles! ET sans ce blog il ne me serai jamais venu à l’esprit d’en acheter!

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  16. Mickael Kara

    Ha elle a bon dos la « soiciétédeconsommation »… au contraire, je crois qu’on ne s’est jamais autant soucié du vin et de son origine. Que cela s’accompagne d’une frange bling bling, soit, mais on fait comme si il y a 2 générations les Français se passionnaient pour le terroir de leur rouge. Ils s’en moquaient éperdument, pour une large majorité. Quant à votre vin du Chili, il n’était même pas possible de s’en procurer je présume. Et puis en quoi cela vous perturbe? On dirait un critique ciné sur la croisette qui déplore le succès de blockbusters américains auprès de la plèbe, et encore, la diversité du vin est sans aucune mesure avec celle du cinéma, je pense. Donc, aimez ce que vous aimez et continuez à en parler, c’est déjà pas mal, non?

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  17. Christophe Libaud

    Merci pour votre dangereux optimisme « de garde » Monsieur Smith,
    La voilà l’équation complexe de l' »oenovation » : curiosité x érudition / temps !
    Donc, les choses étant ce qu’elles sont et ce qu’elles doivent être – toutes choses égales par ailleurs – entre les certitudes médiatiques et les élucubrations expertes, sous réserve de disponibilité « asapienne », le choix de la fenêtre de tir reste très limité dans la zone calendaire à déterminer, n’est-ce pas. Ce qui nous renvoie à quelque calende d’un saint qui vous est cher.
    Quant à la soif, ce sont les dieux et leurs affectataires qui s’en chargent, actuellement. Sinon, il nous reste la poire… d’angoisse ?
    Question, qui ne nécessite forcément pas de réponse : Are you « blasé »* or do you refer to « You’re blasé »**?

    * = https://www.youtube.com/watch?v=TpE9SN81H6E
    ** = https://www.youtube.com/watch?x-yt-ts=1422327029&x-yt-cl=84838260&v=oA15lLkAeQc#t=51

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  18. mouais, faut arrêter de se lamenter aussi… Des consommateurs qui veulent connaître mieux le vin, il y en a des milliers, faut aller les chercher… Et peut-être que le vieux métier d’écrivain du vin n’est pas le meilleur moyen aujourd’hui.

    Et à Londres, fallait aller à The Winery par exemple, ou Planet of the Grapes dans la City par exemple… Des lieux qui mettent en avant la multitude des vins, il y en a légion.
    Hauts les coeurs et santé !

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  19. pphil13

    Bonjour Michel
    « Le vin perd de son aura culturelle et je le déplore »
    Et … si ce n’étais pas plus mal ?
    L’aura culturelle c’est ce qui reste quand on a partagé toutes les saveurs de toutes les rencontres possibles autour d’un verre, d’une table, d’une salle de concert, d’une galerie, d’un paysage, d’un silence, d’un regard, d’une peau.
    L’aura culturelle ça se touche, se palpe, se sent, se voit, se partage pour créer du lien, du souvenir, du commun.
    Aujourd’hui, les extensions techniques censées nous relier, nous coupent de nos sensations, de nos rencontres … en présentiel, et cette période bizarre ne fait que révéler ce fossé.
    La culture (du vin mais pas seulement) ne s’apprend pas avec la tête si elle ne s’appuie sur une expérience. Ce qui sauve le vin, c’est sans doute son inutilité alimentaire qui le rend juste indispensable pour ce qu’il vient combler en nous.
    Et ce qu’il vient combler ne s’apprend pas pas au bout d’une appli !
    Le meilleur moyen que cette histoire perdure, c’est de ne pas chercher à en faire une culture, mais à la vivre pour ce qu’elle est, un merveilleux moyen de rencontrer les autres. La Culture suivra.
    Bonnes Fêtes.

    “ Ce survol du vignoble français n’est rien d’autre que la quête d’une vérité caché dans les paysages et d’une tradition que chaque génération essaie de retrouver avec ses outils propres ” (Jean-Paul Kauffman dans la préface de l’âme du vin de Maurice Constantin-Weyer)
    Philippe Pouchin

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