Et le commercial, dans tout ça?

Les articles de presse ou les commentaires de vin sur les blogs font-ils vendre du vin?

Comme le dit très bien l’ami Luc Charlier, « ça dépend du vin ». Ca dépend aussi du media. De l’adéquation entre les deux.

Je serais surpris qu’un commentaire de vin dans L’Humanité puisse faire vendre beaucoup de Mouton-Rothschild. Mais qui sait?

Moi, en tout cas, j’ai très rarement l’aspect commercial à l’esprit quand je commente un vin.
C’est paradoxal, puisque sans vente, plus de vin. Mais j’essaie de faire abstraction de tout ce qui n’est pas le contenu de la bouteille.

Tout au plus me permettrai-je, une fois le vin dégusté, de m’enquérir de son prix et le cas échéant, d’insister sur son bon rapport qualité-prix. Je m’efforce en tout cas de ne jamais faire varier mon commentaire en fonction de la notoriété du vin, de sa disponibilité, ou même du volume produit.

Ce qui vous vaut le plaisir (?) de lire mes notes sur des trucs parfois difficiles à trouver, genre fino chypriote, rosé et muscat tunisiens, rouge crétois ou traminer slovène. Mais aussi, à l’occasion, des bulles de Loire ou d’Alsace produites en très grosses séries et vendues pour de très modiques sommes. Aucune coquetterie là-dedans. Juste le plaisir d’avoir découvert quelque chose et de le faire partager.
A l’inverse, je suis plutôt moins intéressé par les produits possédant déjà un grand statut. Parce que j’ai l’impression que je n’ai rien à apprendre à quiconque, que le service après-vente est déjà fait, et bien fait.

Aucun mépris de ma part. Ces vins-là peuvent être très bons.

icone

« Iconic »

Il y a quelques années, pour In Vino Veritas, j’avais lancé la rubrique Icones, ce qui m’a permis de passer en revue quelques « incontournables » – et même, de les déguster (car bien souvent, même chez les pros, on en parle plus qu’on en boit).

Le premier, je crois, c’était Haut-Brion. Si ma mémoire est bonne, il y a eu aussi Château Margaux, Beaucastel, Quinta de Noval. Et puis Klein Constantia. Grange, Tignanello, Egon Müller (grâce à Luc, d’ailleurs). Mon copain Gérard Devos a commenté Le Clos Sainte Hune, aussi. Marc (oui, notre Marc), Vega Sicilia.

J’ai bu de belles choses. C’était sympa. Surtout pour le côté historique: comment devient-on une icone? Pourquoi celui-là et pas un autre? Est-ce que c’est toujours du vin? Combien ça coûte? Est-ce que ça se garde? J’avais encore quelques idées (notamment pour la Bourgogne et puis l’Italie); mais ça ronronnait un peu; alors on a mis la rubrique en sommeil.

Et puis, je n’ai qu’une vie, mes journées sont déjà longues, je dois faire des choix.

« A quoi sert une chronique si elle est convenue,

Me disaient des Chiliens, les mains pleines d’invendus » (merci à Roda Gil).

Ma « mission », c’est moins Haut-Brion que le plaisir de la découverte partagée.

Alors je crois que je vais continuer à déguster à l’aveugle et à faire semblant que le prix et le statut n’ont pas d’importance. A ne pas déguster beaucoup d’icônes parce qu’on les voit rarement dans les dégustations organisées par leurs appellations; et qu’à 52 ans, non seulement je n’ai toujours pas de Rolex, mais je ne reçois toujours pas de Romanée Conti à déguster pour mes étrennes.

Quitte à gâcher mon beau talent, je crois que je vais me garder les vins trop abordables, méconnus, limite insignifiants.

Et vous savez quoi: le pire, c’est que ça me plaît!

Hervé Lalau

6 réflexions sur “Et le commercial, dans tout ça?

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  2. Luc Charlier

    Ma Mission, c’est Haut-Brion: Lalau, one point, à la campagne comme à … la ville!
    Il arrivait à la placer, celle-là (Oufti!).
    Et mon anecdote qui tue: quelque part vers 1995, par là (la législation était plus souple), nous avions organisé un symposium pour des cardiologues belges (une centaine tout de même), sur la « fulguration », une technique nouvelle à l’époque dans le traitement de certains troubles du rythme cardiaque, dont l’école de cardiologie de Bordeaux était devenue experte. Le soir, grâce à Olivier Bernard qui était alors le président des crus des Graves (Pessac-Léognan), un banquet avait eu lieu dans le chai de Chevalier, complètement vidé de ses barriques pour l’occasion (formidable travail) et où des tables avaient été dressées (participants, conjoints, personnel de la firme qui sponsorisait …). Claude Ricard avait vu un Steinway prendre place au milieu et avait donné un récital d’une qualité impressionnante.
    Ensuite, les propriétaires (ou oenologues ou maîtres de chai) des GCC avaient présidé une table chacun: les Sanders, Bernard, Cathiard, et autres étaient là. Je pense que le « symphoniste des grands crus » n’avait pas encore acquis Pape Clément ou bien il n’était pas libre ce soir-là. Je ne me souviens pas de l’avoir croisé. Et l’exquis M. Delmas avait dû se faire excuser. Manque de bol pour les invités de la table Haut-Brion (moitié Flamands, moitié Francophones), c’est à votre Léon qu’on avait demandé de représenter le domaine, c’est à dire de servir le vin (je fais très bien l’échanson, quand je ne suis pas ivre) et de faire un petit commentaire. J’avoue un faible coupable pour Haut-Brion, malgré son boisage « costaud ». Je continue à ne pas comprendre pourquoi les gens souhaitent payer autant d’argent pour une bouteille de vin, mais celui-ci est sans doute le plus constamment bon de la Rive Gauche, et possède une « sève » qui me plaît beaucoup. Cela étant dit, le dernier millésime que j’ai goûté était …. 1986, plus ceux servis ce soir-là mais je ne me souviens plus des détails.
    Vingt ans plus tard, je rends encore hommage à Olivier d’avoir rendu possible cet événement, et à mon ami Xavier Vanderghinst d’en avoir été la cheville ouvrière.
    Vous savez qu’on invite toujours un gauchiste à la table des riches ….

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  3. Grave question David. Ou même, question Pessac. L’abaissement du centre de gravité et l’afflux de sang vers certaines parties basses du corps peuvent indéniablement avoir une influence sur l’impression ressentie, et pas seulement en bouche. Il faudrait aussi tenir compte du débit. Je m’étonne qu’aucune étude in situ n’ait encore été effectuée, alors qu’on a déjà stocké du vin sous la mer, au fond d’un lac ou en montagne, par exemple.

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