Une soirée chez Bollinger

À la mi-octobre, j’étais invité à prendre la parole lors de la journée technique « Terroir et Champagne », organisé par la section régionale de l’Union des Oenologues de France.

La veille au soir, les orateurs étaient reçus chez Bollinger, à Aÿ.  Je dirai même plus, dans la cave de Bollinger, en compagnie du chef de cave, Gilles Descôtes. Moi qui ne suis pas un aficionado des grands Champagnes – ni des repas au Champagne, d’ailleurs, j’ai donc eu droit à une formation express, que je m’empresse de partager avec vous.

D’abord, sur la sole, j’ai pu apprécier la Cuvée Grande Année 2005, très vineux – le genre de bulle qui me remplit d’aise – qui me remplit tout court, tellement c’est riche.

Mais j’ai surtout adoré le RD 1988. RD –  pour récemment dégorgé. « Récemment », dans ce cas, ne doit pas être pris au pied de la lettre, puisque le dégorgement remonte quand même à 2003! La preuve que dans de bonnes conditions de stockage, les bonnes cuvées peuvent se maintenir à leur optimum pendant pas mal d’années après dégorgement.

Ce qui frappe d’emblée, dans ce Champagne (servi d’un magnum), outre sa belle robe dorée, c’est sa fraîcheur.

Ensuite viennent les notes de fruits secs, de fruits blancs; le petit côté crémeux qu’on aime, la complexité, la trame, le tissage multicouche – je vous fait un prix sur les éléments de langage, même les plus acrobatiques; mais ce qui sort du lot, c’est l’alliance entre l’acidité et le gras, la vinosité,  qui fait que pas une seconde, on ne s’ennuie avec ce vin, cet opus qui affiche pourtant une longueur record.

Comme avec un bon James Bond.

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Tiens, c’est rouge!

A la toute fin du repas, Gilles Descôtes est allé chercher une dernière bouteille: « Bizarre », me dis-je, y a pas de bulles, et c’est rouge. « Normal », que je me réponds du tac au tac, c’est un Coteaux Champenois. « Ouille », me dis-je encore, descendant tout au fond de mon for intérieur, échaudé que j’ai pu être dans le passé par les vins portant cette confidentielle mention.

Et bien, j’avais tort, car cette Côte des Enfants 2009 a été un grand moment.

Un nez de fruit mûr, fraise, cerise, mêlé de fumé, ni herbacé ni infusé de bois, une bonne acidité, mais en équilibre avec la rondeur du fruit, relativement léger en alcool, c’est un superbe pinot noir – à l’aveugle, pas sûr qu’on ne le prendrait pas pour un grand Bourgogne – et en écrivant ces mots, je me pose la question: est-ce flatteur pour Bollinger, ou pour la Bourgogne?

Bref, deux vins exceptionnels. Vous me direz qu’ils sont rares, et chers; je vous dirais que je suis juste contents qu’ils existent, même s’il ne sont pas dans mes moyens. J’espère juste que ceux qui les ont, les moyens, auront la bonté d’âme de les partager.

Surtout, j’avais envie de saluer le travail de l’équipe de Bollinger, une maison qui, manifestement, met toujours le produit au premier rang de ses préoccupations.

Hervé Lalau

PS. Pour me faire la bouche, avant le dîner, j’avais eu droit à une dégustation sur fût de monocrus de cépages rares (Arbanne, Petit Meslier, Pinot Blanc). Intéressant à plus d’un titre: la Champagne possède là un trésor méconnu, une réserve de diversité; et même, osons le mot, de véritables produits de terroir, au sens strict du terme. Faut-il les marketter? C’est un autre débat que je garde pour d’autres circonstances. Le temps de mettre de l’ordre dans mes idées – car à écouter les autres, c’est sûr, on apprend toujours plus qu’à s’écouter soi-même!.

9 réflexions sur “Une soirée chez Bollinger

  1. Pour ceux qui doutent encore de l’importance du PR! Chez Bayer et Hoechst, ils vous apprenaient à bien « betreuen » les clients importants. C’est le terme qu’on emploie pour les enfants: s’occuper d’eux, pouponner en somme. Et bien, je crois que « PR » veut dire « pouponné récemment ». Et vous voyez que ça marche. Même Hervé Lalau confesse que sa « formation express » l’a conduit à être bien rempli. Gonflé d’air par des bulles, en somme. Et merde au CIVC et vive Champagne Jayne.

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  2. Un commentaire de Béotien en matière de champ; pire, d’adversaire si cela existe pour une boisson. Je suis ami de Dirk van der Niepoort qui ADORE le Bollinger. Pour ses 40 ans (il est né en 1964), il avait offert à ses amis réunis DES MAGNUMS de ce millésime, qu’on a bus ensemble. Beaucoup se sont extasiés. J’ai trouvé cela sans aucun intérêt, limite même dégueu: de la vieille pomme blette et du poussiéreux, sans aucune vinosité. Pourtant, d’ordinaire, je préfère les blancs de noirs. Dans le thème: n’en dégoûtez pas les autres, j’estime que cette adoration pour ces cadavres – on peut appeler cela de la nécrophilie – signe un snobisme profond, ou de l’aveuglement. Intolérant, moi ?

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  3. mauss

    Pour connaître tout aussi bien Dirk, membre du GJE et pour avoir eu la chance d’acquérir des magnums RD 1964 chez Nicolas du temps des grandes heures, je peux vous dire, Monsieur Charlier, que mon propre commentaire est à mille lieues du vôtre. En fait, exactement le contraire. Un immense vin, une sommité en la matière, une émotion unique. Mais il est vrai que vous êtes pro et moi simple amateur.

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  4. Non. Un « pro » est quelqu’un qui gagne sa vie dans un domaine. cela ne signe AUCUNE compétence, juste un hasard de circonstances. Mauss est bougon ce soir. Mon commentaire était humble et humoristique. Il ne justifie aucunement cette agressivité gratuite. Gratuite? Pas forcément. Les Champenois savent être reconnaissants envers leurs défenseurs.
    J’élabore du rouge méridional de manière professionnelle, et je le crois bon (35 étoilés Michelin en B et Fr parmi mes clients). Là s’arrête ma prétention. Je ne connais rien aux bulles. J’aime quelques cavas, des espumantes portugais (dont le rouge de Pato), des effervescents italiens, la blanquette de Limoux et certains de leurs crémants; tous en-dessous de 20 € TTC pour un amateur comme moi. J’ai un producteur à la Montagne de Reims (millésimé = 18 €) et j’adore Sélosse (du chardonnay pourtant). Le reste est du marketing, comme le caviar, les pauillacs, la majorité des négociants bourguignons, le Barbartesco etc …
    Et on a le droit d’avoir des avis différents.
    Smith était peut-être grincheux, mais il plane dans le bonheur amoureux pour le moment.
    Moi, Léon, ne vois pas ce qui justifie votre ire. L’âge ? Rassurez-vous, je termine l’année qui me mène à 60, moi aussi.
    J’ai beaucoup aimé votre phrase: « Mon commentaire est à mille lieues du vôtre ». La diversité est un dogme chez moi et je la respecte. Votre chute est mesquine. Il a trop bu, le Luxo? Ca le désinhibe?
    Tu vois, je peux être mordant aussi. Ca s’appelle ad hominem, et cela n’élève généralement pas le débat. Mais ça soulage …

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  5. mauss

    C’est hyper simple : il était hors de question de laisser ce commentaire :

    « Beaucoup se sont extasiés. J’ai trouvé cela sans aucun intérêt, limite même dégueu: de la vieille pomme blette et du poussiéreux, sans aucune vinosité »

    …sans y apporter une réponse basée sur une expérience totalement différente.

    Mais pas de souci ! J’ai connu bien plus mordant dans ma vie de bloggueur 🙂

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  6. Krug Collection 1964 en magnum … Une IMMENSE bouteille, que j’ai eu la chance de boire à table chez Marc Veyrat.
    Je l’ai noté 20/20.

    Possible que M. Charlier soit tombé sur une bouteille défectueuse pour le Bollinger.
    La dernière bouteille de Selosse que j’ai croisée était superbe (Contraste, base 2002/2003, blanc de noirs).

    Bien aimé le Bairrada Espumante Kompassus 2010, blanc de noirs (pinot noir, baga, touriga nacional). Mais je ne pense pas que l’on soit au niveau de ce qui se fait de mieux en Champagne, vignerons et maisons inclus.

    Partant pour siroter RD 1996, déjà goûté très bon plus jeune. 🙂

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