C’était cette année, en Juin dernier, chez Rémi Duchemin en son Domaine du Plan de l’Homme qui possède une adresse prédestinée pour un fidèle du Carignan, au 15 avenue Marcellin Albert, à Saint-Félix-de-Lodez, presque à l’ombre du Mont Baudile, ou Mont Saint-Baudille, haut-lieu sacré des Terrasses du Larzac. Une de ces dégustations d’après réunion de l’Association Carignan Renaissance faisant suite à un ordre du jour bien tassé lui-même suivi d’une de ces discussions sans fin où chaque passionné tente de refaire le monde du Carignan. Bref, l’ambiance était joyeuse et plusieurs membres avaient même marqué leur intérêt pour l’organisation d’une festive Carignan Pride (avec défilé de tracteurs !) chez un ou plusieurs cavistes de Perpignan. Finalement, une première ébauche de cette fête se fera le Samedi 14 Novembre, chez Jean-Pierre Rudelle à la cave du Comptoir des Crus où tous les lecteurs de cette rubrique sont cordialement invités à partir de 16 heures, qu’on se le dise !

C’était donc une de ces soirées où les flacons s’ouvrent à tout berzingue et se retrouvent illico sur une table à la merci des goûteurs-buveurs-brouillons que nous sommes tous tellement nous avons hâte parfois de nous mettre à table. Il y avait le Casanova du Mas de Martin, le Vieilles Vignes de Claude Vialade, L’Interdit d’Yves Simon, L’Infini du Domaine Lanye-Barral, le Mas Coutelou blanc, le rosé Marcel illustré par Anna Kühn, sans oublier un fameux Carignano del Sulcis Riserva 2008 déniché par l’ami Bruno Stirnemann et sur lequel je reviendrai un jour. Ce vin, Is Arena, de la Cantine Sardus Pater, dominait les autres de par sa fraîcheur et la qualité de son fruit.

Sauf un seul vin – il n’y avait pas de Roussillon cette fois-là, du moins si mes souvenirs sont bons -, un seul rouge qui tenait tête au vin sarde. Ce vin était héraultais, arborant fièrement l’IGP Côtes de Thongue. Son nom : La Font de L’Olivier. Son vigneron : Bruno Granier. Son territoire : Magalas, commune au nord de Béziers. Aux yeux des initiés, ce domaine et ce gars ne sont pas des inconnus. Sauf que pour moi, qui suis toujours en retard d’une guerre, c’était la première fois (du moins, je le croyais…) que je goûtais ce vin provenant de vieilles vignes de Carignan plantées sur Villafranchien. Ici, les raisins sont vendangés à la main pour une vinification en carbonique du plus bel effet. Renseignements pris, on me dit que le type est très méticuleux dans son travail et qu’il bichonne ses vignes avec amour. Je n’en doute aucunement car son 2012 est non seulement d’une chaleur bienveillante qui évoque à merveille le Midi avec ses subtiles touches de garrigue, mais il est d’une structure, d’une densité et d’une longueur qui ne peuvent être que le résultat d’un travail bien soigné. En plus, il paraît que le vin est très raisonnable en prix.

Mais par quel détour de mon esprit se fait-il que je repense à ce vin ? L’autre jour, j’ai tenté de mettre de l’ordre dans ma « salle de dégustation » où trônaient une centaine de bouteilles vides, celles qui m’avaient impressionné ces dernières décennies. Or, une bouteille a attiré mon attention. Comme par hasard, il s’agit de la même Font de l’Olivier, mais dans un millésime 2003 (voir photo) qui m’avait coûté à l’époque 7,40 €. Comme quoi, bien avant de songer à cette rubrique qui va bientôt s’arrêter, j’avais déjà en moi le goût du Carignan ! Et j’avais même signalé ce vin dans mon livre Les Grands Crus du Languedoc et du Roussillon paru en 2005 !
Michel Smith