#Carignan Story # 300 : Le Rouge

Son domaine est le Clos Rouge. Rouge comme cette terre de ruffes édifiée en terrassettes qui sont autant de marchepieds menant sur le plateau du Larzac puis, par le bout du nez comme dirait Brassens, jusqu’en Auvergne. Quelque part en sortant de l’autoroute qui annonce Millau et son viaduc archi visité, sur la commune de Saint-Jean-de-la-Blaquière, on arrive à se faufiler par une petite route entre deux oliveraies jusqu’au hameau qui abrite une cave suffisamment grande pour recevoir le fruit de 5 ha de vignes variées, Grenache, Cinsault, Syrah et Carignan, en particulier.

Photo©MichelSmith
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Le nom donné au vin qui m’intéresse, un pur Carignan, est Kokkinos. Ne me demandez pas pour quelle raison, j’ai oublié de poser la question à sa maîtresse, Krystel, laquelle m’a reçu l’autre jour dans sa tenue la moins élégante, celle d’une vigneronne affairée au soutirage des ses vins me rappelant au passage la photo que j’avais d’elle pilotant son Massey Fergusson. La dame, qui vit à Montpellier, fait son vin toute seule, même si souvent elle est assistée de son époux, du moins pour les tâches qui nécessitent de la force physique.

Photo©MichelSmith
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Bon, et ce rouge alors ? Pour quelle raison est-ce un Vin de Pays de l’Hérault et non un Terrasses du Larzac comme les autres vins de la cave ? Comme toujours parce que le Carignan, pourtant chez lui, n’est toujours pas jugé digne d’une appellation à lui tout seul. Il doit être associé à d’autres cépages, même si en Languedoc quelques vignerons émérites déjà cités ici lui reconnaissent de grandes vertus.

Photo©MichelSmith
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Ce Kokkinos 2014 aurait-il un petit côté coquin ? Pas vraiment, quand bien même il paraît léger en bouche avec ses 12,5° d’alcool. Le nez est plus qu’engageant où l’on sent l’influence de la garrigue. En bouche, on pourrait croire qu’il manque un peu de caractère, mais son style est comme ça, facile, sans audace particulière, nous donnant de bon cœur un goût prononcé de fraîche vendange toute foisonnante de ses parfums de baies noires. Oui, bon, d’accord, il manque un peu de persistance, il se complaît dans une certaine rusticité, mais il est vrai que si on l’accorde avec des mets simples, salades, pâtés, viandes ou poissons grillés, il ne déçoit pas.. Son prix ? Autour de 12 € départ.

Michel Smith

10 réflexions sur “#Carignan Story # 300 : Le Rouge

  1. Tu aurais pu nous présenter un petit couplet sur la latéritisation, Michel, plutôt que tomber dans le cryptosexisme. Attention, ami: qu’une femme fasse son vin seule ne devrait plus surprendre. Ailleurs, on en lapide pour moins que cela mais le Larzac (ou en tout cas ses basses terrasses) fut terre de catharisme aussi. Il y avait des parfaites avec les parfaits. C’est le gentil Goldman qui chantait d’ailleurs: « Elle a fait sa bibine toute seule … ».

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  2. Toutes les formations géologiques de teinte « rouge » ne sont pas forcément des latérites, Luc Charlier. Ce sont majoritairement des grès ou des argiles. Dans la commune évoquée par Michel, ce sont des grès du Permien (fin du Primaire). Pas très hospitaliers pour la vigne, d’ailleurs (du quartz, encore du quartz et un peu d’oxyde de fer pour colorer le tout). Mais la végétation sait s’accommoder de conditions rudes ; elle nous le démontre partout. Chapeau aux vignerons qui sont installés dans de telles conditions et font des « vins de plaisir ».

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  3. Ca a marché. Je me doutais bien que le tiers d’une demi ouverture (un sizième donc) pour me contredire suffirait. Beaucoup de vignerons communiquent sur ce thème et j’avoue ne pas m’y retrouver plus que cela. J’ai passé quinze ans de ma vie à étudier d’autres sujets, alors que ma tête était plus disponible que maintenant. Il est tentant de s’intéresser aux sols délavés quand on est vigneron et j’ai donc suggéré à Michel d’aborder le sujet. Entre ( ), où ai-je écrit que c’en était? Un joli papier – pour les amateurs comme moi – fait le point sur les rougeurs de l’Hérault:
    http://atlas.dreal-languedoc-roussillon.fr/Herault/fondements12.asp.
    Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour éduquer les masses laborieuses?
    Au passage, j’ai failli me faire agresser – physiquement, ce que je suporte mal alors que la contradiction m’excite de manière agréable, elle – en prenant de l’essence près de Lodève, en pleine nuit. Un petit groupe patibulaire s’est approché de moi en me demandant de les emmener … au Lac du Salagou, justement. J’ai vu rouge et ai regagné le siège du passager, démarrant rapidos pour ne leur laisser que le temps de voir mes feux … rouges arrières. Et Christine est l’arrière petite-fille d’un Italien nommé Civale qui a creusé la première carrière de Saint-Pons: mais ce n’était pas celle de marbre … rouge, de l’autre côté de la bourgade. Enfin, chez Iris à Bédarieux, on décrit des bauxites – il y avait d’ailleurs de l’industrie de l’aluminium par-là – qui semblent, elles, bien provenir d’anciennes latérites.
    Pour toi, ami lecteur, qui partage jusqu’à un certain degré mon intérêt de profane, voilà en gros ce que j’avais retenu:  » … le sens large désigne l’ensemble des matériaux, meubles ou indurés, riches en hydroxydes de fer ou en hydroxyde d’aluminium, constituant des sols, des horizons superficiels, des horizons profonds de profil d’altération. On trouve des latérites surtout en domaine intertropical. Elles recouvrent 33 % des continents. » Mais tout ce qui est ROUGE n’est pas forcément latérite, de même que tout ce qui est VERT n’est point prose!

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  4. Mon petit couplet précédent n’était en rien destiné à vous contredire, cher Luc, mais à livrer une précision ; dont tout le monde se contrefiche peut-être, mais peu importe. Quel chatouilleux, vous faites. Mais on est habitué ; ne changez pas.

    Je continue au sujet des formations géologiques rouges (pas que de l’Hérault), juste pour livrer quelques données succinctes, sans aucun parti pris de contradiction ; elles appartiennent à trois grandes catégories :

    • Des sables et grès rouges, détritiques, d’origine souvent continentale (lacs) produits de l’érosion de terres émergées (les ruffes du Permien proviennent de l’érosion de terres émergées du Massif Central, à la fin du Primaire ; on en trouve beaucoup dans le Var) ; on y associe fréquemment des argiles, de même origine.

    • Des altérites (produits d’altération) parmi lesquelles les plus fréquentes sont des latérites, formées sur place grâce à l’action des sols sous climat tropical humide (chaleur et forte hauteur des précipitations nécessaires) ; les bauxites sont des phases ultimes de l’altération (climat équatorial). Elles sont riches en alumine (Al2O3), molécule peu mobile ayant bénéficié de phénomènes de concentration in situ. Minerai d’aluminium autrefois exploité en France (Hérault, Var et Bouche du Rhône, le village des Baux de Provence ayant donné son nom à cette roche).

    • Les argiles rouges dites de « décalcification » sont des altérites communes élaborées sous un climat qui peut être de type méditerranéen ; sols fréquents dans le Midi de la France et en Espagne. Des quantités considérables au piémont des Monts Liban, côté plaine de la Bekaa, terres très viticoles.

    Le site dont vous donnez la référence (atlas.dreal-languedoc…) est bien réalisé mais il contient une inexactitude. Citation bauxites : « Anciennes latérites, elles sont issues de dépôts et d’altération sur place de sols formés sous climat tropical humide ou chaud et sec, durant 30 millions d’années, à la fin de l’ère secondaire. » Pas chaud et sec, uniquement chaud et humide ; il faut bp d’eau chargées d’acides humiques provenant du couvert forestier pour dissoudre certains minéraux coriaces.
    Nota : les ocres de Provence (Roussillon, Rustrel) sont des altérites formées sous climat tropical humide également à la fin du Crétacé.

    Et la vigne dans tout cela ? Pas (trop) de pb sur les grès et les argiles de décalcification ; en revanche, sur des latérites anciennes et surtout des bauxites, difficultés (sols et sous sols d’une extrême pauvreté). De toute manière, les bauxites viticoles sont inexistantes (trop peu de superficies bauxitiques cultivables sur notre territoire) ; la question est vite réglée. Dans la vallée d’Apt, l’un des fiefs des Côtes-du-Ventoux, les sables ocreux sont fréquemment viticoles ; mais ils sont très riches en grains de quartz et comportent pas mal d’argile, d’où une aptitude à la culture de la vigne.

    Vous ne voyez pas trop rouge ? Non ? Précision : je ne faisais pas partie du groupe qui vous agressé à Lodève…

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    1. Un de mes meilleurs amis, professeur de microbiologie à la section française de l’Université de Louvain, possède une jolie maison (un vieux prieuré du 14ème siècle aménagé) dans un hameau proche de Saint-Saturnin (côté Rustrel et Villars, justement), où il m’invite quelquefois. Il y a souvent un vin local sur sa table, quand ce n’est pas le mien ou un cru plus huppé. Et je visite régulièrement la jolie librairie près du parking à Apt, ainsi que le marché dans la ville. Nous avons quelques clients par-là, sauf au « Phébus » où le personnel, terrorisé par le chef , nous a fait assez mauvaise réception. Je n’y ai pas vu rouge non plus: sa démesure m’a amusé. Au milieu de tout cet ocre, effectivement, cela aurait fait tache! Pour ce qui est de la bonhommie, je le considère comme un … fesse-Mathieu, si je peux me permettre ce jeu de mot trivial.

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    1. Merci Professeur Truc pour ces indispensables précisions. Je vais supprimer un de vos commentaires doublés afin que l’ensemble soit lisible.
      Encore une précision : Kristel, la vigneronne, me fait dire que Kokkinos signifie « rouge » en grec… C’est un peu le cas de mon compte en banque qui frise l’alerte !

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      1. Je croyais que c’était « érythros » (ce programme ne prend pas les caractères de l’alphabet grec), comme dans érythrocyte, le globule rouge, ou Erythrée, le pays. Depuis que je l’ai apprise (durant 4 ans), mais sans doute surtout depuis les 25 siècles (environ) qui séparent l’âge d’or d’Athènes (Périclès) de notre époque, la langue a beaucoup changé. Kokkinos, donc, sans doute associé à kopinos pour faire plaisir à feu Michel Poniatowski.

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  5. Un différend m’oppose souvent à ma compagne: je préfère les discussions quand on m’apporte la contradiction. Là au moins, j’apprends quelque chose. Tout en étant « assez sûr de moi » (litote), j’accepte très facilement de me tromper et de le reconnaître. Elle n’aime « discuter » que quand tout le monde est du même avis. C’est du temps perdu, parfois même du verbiage.
    Au cours des 5 années où j’ai donné mes cours au CERIA de Bruxelles (Centre d’Enseignement et de Recherche de l’Industrie Alimentaire), j’ai eu la chance de compter sur les corrections d’un docteur en géologie, qui m’a aidé à préparer mes exposés (notamment sur la région de Bandol, pas facile). J’ai bcp appris à son contact. Mais cela ne m’a pas transformé en expert.
    Oh, vous, je vous aurais conduit bien volontiers au Lac de Salagou, où on aurait peut-être vidé une bouteille de Santa Duc ou de Raspail-Ay ensemble. Une fois les diatribes passées, je suis très convivial à table (redondance). Ces types-là, eux, avaient vraiment une sale tronche: ils devaient être des Français de souche ou quelque chose comme ça!

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