Le Riesling de la semaine : Wineck Schlossberg, Grand Cru d’Alsace 2010, Paul Blanck

L’article d’Hervé, samedi dernier, sur un riesling d’Albert Mann (autre producteur dont j’aime beaucoup les vins et qui, comme celui dont je vous parle aujourd’hui, ose aussi la capsule à vis) m’a donné l’idée d’entamer, avec mes collègues, une petite série sur les vins du cépage riesling que nous avons dégustés et aimés (un peu, beaucoup ou à la folie). Samedi va donc devenir, pour un certain temps sur ce blog, rieslingday. Si des producteurs souhaitent nous envoyer des échantillons, c’est d’accord, avec le seul risque que nous n’en parlions pas si jamais ils nous déplaisent.

IMG_7262Philippe Blanck, vendredi matin à Paris lors d’une dégustation d’autres splendides rieslings du domaine dont je parlerai probablement une autre fois pour évoquer la complexité qui peut venir du temps

 

J’aime beaucoup les vins de Paul Blanck.  J’ai gardé plein de beaux souvenirs de dégustations chez eux ou ailleurs, comme récemment au salon Megavino à Bruxelles et en particulier, à cette occasion, d’un Auxerrois magnifique, ou bien hier au Grand Tasting à Paris. C’est bien le riesling qui nous concerne aujourd’hui, et celui-ci en particulier, que j’ai dégusté chez moi il y a un mois environ.

Wineck Shlossberg

Wineck Schlossberg Riesling Grand Cru d’Alsace 2010, Paul Blanck

(ce n’est pas le bon millésime sur la photo mais tant pis)

N’ayant pas pris de notes sur l’instant, je ne peux que vous parler de mémoire, mais le vin était si bon que j’ai terminé la bouteille avec un plaisir constant, voire croissant, sur une période de trois jours environ.

Voici ce que le site du producteur dit du lieu d’origine du vin :

« Les coteaux orientés Sud et Sud-Est, situés entre 280 et 400 m d’altitude sur les bans de Katzenthal, développent un beau vignoble de 27,40ha. Ce sont des sols de granite à deux micas de Turckheim fortement désagrégé.
La situation de ce grand cru, abrité des vents dominants, amène un microclimat particulièrement favorable donnant, avec la qualité des sols, des conditions optimales ».

NB. Au terme micro-climat utilisé dans le texte, je substituerais plutôt méso-climat, plus juste dans ce cas.

« Vinification :

L’extraction du jus se fait avec le maximum de soin grâce à un pressurage pneumatique. Ce pressurage lent respecte le raisin en évitant l’écrasement des rafles et des pellicules. La fermentation des moûts démarre spontanément grâce aux levures indigènes présentes dans le jus et dure en général de 4 à 10 semaines. Elle se déroule à température contrôlée dans des cuves en inox, pour favoriser l’expression des arômes typiques du cépage ». 

Je suis toujours un peu méfiant devant des expression du genre « des arômes typiques ». Et si c’était des arômes qu’on qualifie souvent d’hydrocarbure? Je déteste cela dans des rieslings, et c’est malheureusement assez courant ! Mais, dans ce vin, rien de la sorte : à la place, une grande finesse aromatique et une force incroyable au palais, mais qui se mesurent tous les deux sur la longueur, et non pas uniquement sur l’impact initial. L’acidité est si parfaitement intégrée qu’elle m’a semblé former la colonne vertébrale du vin, et non plaquée à son extérieur. Il était comme patiné par un fruité subtil sans excès, avec une forme de patience qui augure aussi d’un potentiel de garde extraordinaire. Ayant dégusté des millésimes plus anciens, je sais ce que cela peut donner, et le réservoir est profond (mais heureusement sans trace d’hydrocarbures !)

Le prix public : 22 euros et c’est une affaire !

 

David Cobbold

19 réflexions sur “Le Riesling de la semaine : Wineck Schlossberg, Grand Cru d’Alsace 2010, Paul Blanck

  1. Merci Hervé de vos remarques sur les origines d’arômes d’hydrocarbures. Il me tardait d’avoir une explication pour cela. Quand j’en ai demandé, occasionnellement, à des producteurs, il m’a été répondu que ce phénomène était dû à une année (ou climat) chaude. J’ai pu penser donc que cela pouvait expliquer, du moins en partie, la présence de ces arômes déplaisants (qu’on qualifie facilement de « typiques », ce qui démontre encore la stupidité de ce terme !). J’en trouve plus souvent dans les rieslings d’Alsace, ou d’Australie, que dans ceux d’Allemagne par exemple. Mais votre explication ouvre une autre piste plus subtile.

    On parlera peut-être de la distinction fine (et peu claire) entre « méso » et « micro » dans la climatologie une autre fois.

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  2. Cette question des arômes d’hydrocarbures est complexe. Qui, parmi les dégustateurs,sommeliers, cavistes, blogueurs, a jamais senti de l’huile brute d’un gisement d’hydrocarbure ? Ou simplement le bitume d’un gisement de calcaires ou de sables bitumineux ? Réponse : personne. Pour vous, contributeurs au blog des cinq, qu’entendez-vous par arômes d’hydrocarbures ? Ceux du super sans plomb ou du fuel servis à la pompe, ou autre chose ? De plus, cela relève uniquement de l’olfaction, tout au moins me semble-t-il. En bouche, difficulté à percevoir de tels composés.
    Une seule plante, assez commune dans le sud-est, peut prétendre à sentir le bitume, plus précisément le bitume de Judée (autrefois utilisé par les ébénistes pour teinter des bois). C’est la Bituminaria bituminosa, ou Psoralée bitumineuse (une Fabacée -légumineuse-). Feuilles et fleurs froissées dégagent un arôme très fin de bitume que l’on trouve quelquefois dans les syrah du nord de la vallée du Rhône et dans le gisement de bitume à ciel ouvert de Pont du Château, en Auvergne. Et je n’ai jamais retrouvé cela dans les rieslings ; les arômes dits d’hydrocarbures de certains d’entre eux évoquent certaines fractions gazeuses de la distillation du brut léger, plutôt de la famille des mercaptans et de l’hydrogène sulfuré.
    Curieux que cela provienne d’un pressurage et affecte des jus frais (cf ce que signale Hervé, mais sa remarque s’appliquait-elle a des jus effectivement frais ou a des vins d’un certain âge qui auraient subi ce pressurage énergique ?).
    Je pensais qu’il s’agissait d’un paramètre survenant sur des rieslings « âgés ». De toute façon, on doit se retrouver dans la famille des composés soufrés du vin. Certains « vieux » Condrieu sont également affectés par ces arômes. Donc, plus fréquent dans les rieslings que dans les Condrieu, mais famille identique de composés, vraisemblablement.
    L’Alsace possède un riche passé pétrolier : gisement de Péchelbronn, où l’huile et les fractions lourdes bitumineuses affleuraient à la surface du sol (gisement connu depuis plusieurs siècles). Le « nez » des alsaciens était-il habitué à ces arômes et les vignerons les ont-ils plus facilement utilisés dans la liste descriptive de la palette aromatique de certains de leurs vins ? Mystère…

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  3. Oui Georges, je suis assez d’accord sur l’aspect mystérieuse de cette accointance langagière avec ce qu’on appelle, communément, le « pétrole ». Savoir exactement ce qu’on entend par cella est une des questions, effectivement. Savoir quelle en sont les causes en est une autre. Personnellement je l’ai senti dans des rieslings jeunes et âgés, donc ce n’est pas une pure producteur du temps en bouteille. Mais je crois que vous avez raison avec la piste soufrée. Il y en a qui aiment, ou en tout cas qui accepte de type d’arôme. je le trouve déplaisant. Je vais essayer d’en savoir plus

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  4. On entend tout et son contraire.
    D’abord, moi j’aime bien cela, à condition d’en être averti, à cause des accords à éviter (turbot, sole, saint-pierre, huîtres …. ). Cela se retrouve en Allemagne également et, dans une moindre mesure, à Montlouis sur du chenin! J’avais entendu (et c’est un peu mon expérience aussi, mais « hunting story ») que la fréquence de ces parfums était plus haute sur des sols argileux (plus froids) et quand la quantité d’acide malique est plus élevée, ce qui pourrait aller ensemble. Le Rosacker (y compris Ste Hune) et certaines parcelles sur Bergheim y sont propices. En Franconie (les « Keuperbödens ») et dans la Sarre (schisteuse pourtant), on le retrouve aussi. Pour corser le tout, et là je peux en témoigner, une année splendide comme 1976 (et en Alsace et en Moselle) en a produit bcp!
    Je trouve que TOUT LE MONDE sait de quoi on parle et suis d’accord pour qu’il y ait un petit aspect soufré, comme quand on entrechoque des silex (flintstones) ou quand on fait cuire du chou.
    Jamais rencontré sur des vins jeunes, sauf quand ils avaient 100 de SO2 libre !!!!! (so to speak).
    Enfin, apparaît aussi sur du sauvignon (sancerres, ménetous) âgé.
    David, je te rejoins totalement pour dire que certains détestent cela (j’en connais), que d’autres l’acceptent, et qu’une troisième catégorie s’en délecte. Idem pour le « goût de jaune » (sotolon), d’ailleurs. Aux US of A, il existe des amateurs de « foxy » wines, caractère souvent obtenu au départ de producteurs directs. Moi, cela (le « foxé ») m’est insupportable! Idem avec le caractère « caoutchouteux » du Scheurebe (une vraie infection mais il existe pourtant des clubs d’amateurs!).
    Un souvenir fabuleux: un Ste Hune 1976 bu à Versailles après le salon des caves particulières de décembre 1988, Gérard Vié était encore aux 3 marches et moi j’avais encore un peu d’argent pour fréquenter ces établissements. Le sommelier nous avait prévenus du caractère « pétrolant ». Un REGAL.

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  5. Hervé, pour moi qui déteste cette odeur, je ne suis pas convaincu qu’on puisse la qualifier d’arôme tertiaire souhaitable ou recherché dans les vieux vins de riesling. D’ailleurs, ayant dégusté (j’imagine comme vous) des vieux rieslings vendredi chez Blanck , je n’ai trouvé ce type d’arôme nul part dans leurs vins admirables. Je ne partage donc pas l’amour de Luc pour les vins de Trimbach qui en sont souvent bourrés !

    Il serait intéressant de creuser davantage cette affaire. Trois ou quatre pistes sont proposées (c’est beaucoup!) : la nature du sol, le climat/météo, le traitement de la vendange, et l’effet du temps. Autre chose ?

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  6. Tu as raison pour Trimbach, David. Et Ste Hune, et Frédéric Emile en sont souvent « atteints ». Kientzler, qui vinifie les mêmes crus sur Ribeauvillé, ne m’a jamais semblé présenter cela. Mais ce n’était pas forcément le même millésime, ni au même moment. Je répète que c’est TRES difficile d’étudier ce genre de phénomène. Mais tu fais d’ordinaire preuve de plus de rigueur, ami. Je n’ai pas dit que j’étais forcément amoureux de tous les vins de cette … GRANDE maison (hihi) mais leur trouve souvent beaucoup d’intérêt dans les cuvées « haut de gamme » (Ste Hune, FE, Seigneurs de Ribeaupierre en Gewurz et le pinot noir réserve). Et « certains » millésimes pétrolent.
    Je n’ai plus bu Deiss depuis longtemps (ai encore des 1990 en cave), mais on en trouvait aussi chez lui, ainsi que chez G Lorentz dans le même village.
    Enfin, le climat doit être précoce aux bisbrouilles aujourd’hui, car j’admets BIEN VOLONTIERS que ce soit insupportable pour certains, mais il ne faut pas en dégoûter tous les autres.
    Hervé, les arômes liés à la botrytisation (et non au passerillage en général), sont d’un autre ordre, il me semble. Là aussi, la « cire d’abeille vs térébenthine » peut déplaire.

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  7. Oui, Luc, d’un autre ordre en effet. Avec la cire d’abeille vendue dans le commerce et l’huile et/ou essence de térébenthine, nous sommes dans le registre des molécules terpéniques qui ne possèdent pas d’atome de soufre dans leurs réseaux. Elles sont très volatiles, en sorte que de faibles quantités sont capables d’atteindre nos fosses nasales et de se solubiliser partiellement sur la pellicule d’eau qui les tapisse et protège.
    La cire d’abeille brute, celle que l’on croque dans un « gâteau » sorti de la ruche avant extraction du miel par écoulement ou centrifugation, possède un tout autre arôme/goût, que l’on retrouve surtout dans certains blancs oxydés. Marco, qui a tout senti et goûté dans le monde du vin, des fleurs et des fruits, naturels ou confits, afin de se forger ce vocabulaire descriptif inégalable que nous lui connaissons, devrait pouvoir nous éclairer.
    Autre molécule, moins commune : le camphre (famille des cétones) qui, lorsqu’il est présent de façon discrète, est très intéressant dans les vins et, fait se tourner le dégustateur vers l’huile de lavande aspic, voire l’eucalyptus. Tous n’aiment pas…
    Pour revenir et terminer sur les vins qui pétrolent, il ne doit pas être très difficile de remonter le chemin qui va de ces molécules soufrées relativement simples (assez peu d’atomes de carbone) vers les molécules beaucoup plus « longues » présentes dans le jus fraîchement obtenu. Le processus de minéralisation de ces matières organiques originelles doit être connu. Je vais voir ce que l’on peut trouver sur le sujet.

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  8. Florian Beck-Hartweg

    Oui c’est un arôme qui est issu en grande partie des pellicules des raisins, donc exacerbé en cas de trituration au pressurage ou à la vendange (vendange machine, foulage ou autre). Mais je rajoute une deuxième facteur à celui évoqué par Philippe: la maturité. Ces arômes sont plus présents sur des raisins récoltés à maturité moyenne (je ne suis pas péjoratif en le disant) que sur des raisins très mûrs. Jeune, cela donne les notes « muscatées » avant d’évoluer plus ou moins vite vers ce que l’on nomme « pétrole ».
    Le descriptif est en effet important, car on ne parle pas forcément tous de la même chose. En raisins très mûrs pressés soigneusement, on trouvera plutôt selon le terroir des notes grillées, fumées, de pierre à fusil etc, qui entreront dans la complexité du nez sans dominer. Mais certains dégustateurs le décriront tout de même comme pétrole…. ce qui n’est pas forcément plus faux mais en tous cas ce ne sont pas les mêmes molécules concernées. De là à parler de minéralité il y a encore un pas que je n’oserais pas franchir, tant je pense que cette dernière laisse plutôt une sensation tactile en bouche qu’une notion arômatique, qui en devient « fourre tout ».

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  9. Florian Beck-Hartweg

    Oui les précurseurs sont les thiols (à l’origine de ce côté muscaté en jeunesse), qui ensuite donnent une molécule au nom hyper complexe dont le nom total m’échappe mais il y a « naphte » dedans… méthylnaphtaline ou quelque chose comme ça? Quelqu’un de plus calé en chimie répondra plus précisément.

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  10. Closure choice is also a significant factor. When AWRI researchers investigated the ability of five different closure types to absorb different aroma/flavour compounds, they discovered that TDN was affected the most. The study showed that cork and synthetic closures absorbed more than 50% of the TDN present in a wine over two years in bottle. Wines under screwcap were found not to loose any TDN.

    Cliquer pour accéder à Sept-Oct-2012-AWRI-Report.pdf

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    1. Makes sense. One of France’s best cooks ever, the late Raymond Oliver, allegedly said: « Quand on congèle de la merde, on dégèle de la merde ». The same holds essentially true for closures: what you bottle is what you get (WYBIWYG)!

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  11. Il y aurait des dizaines de rieslings alsaciens à mettre en avant et nous ne nous en privons pas sur ce blog. Je reste proche du témoignage de David concernant Trimbach et je suis comme lui assez admiratif du travail des Blanck. À ce propos, on parle souvent de mon camarade Philippe Blanck, infatigable promoteur des vins de sa famille, mais il ne faut pas oublier de louer la personnalité de son cousin, Frédéric Blanck, qui est aux manettes du vignoble.
    Voilà, c »est tout…

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