Le Chardonnay selon sa marne

Comté life2015 (1)

Le minéral me turlupine depuis bien avant que ce soit à la mode… Et comme David va nous écrire un propos chiadé sur la minéralité, ce mot qui n’existe pas encore, j’ai trouvé bon, dans tous les sens du terme, de rééditer ce vendredi un article publié voici quelque temps déjà dans l’excellent In Vino Veritas.

Mimi,Fifi et Glouglou (2)Les excellents Mimi, Fifi et Glouglou

Le sol et ce qu’il donne dans les vins m’a toujours intéressé et en attendant une preuve scientifique (qui ne saurait tarder) à mes allégations, voici une enquête menée en Jura, où le Chardonnay pousse depuis un peu plus de mille ans. Il recouvre la moitié des surfaces viticoles, ce qui semble prouver qu’il y jouit par conséquent d’un terroir adapté.
Alors, parlons-en !

Le terroir

C’est un truc sérieux, toute la profession en parle. Mais, comme le disait avec pertinence Youri, pote et confrère: le plaisir du vin vient de sa diversité. Et la notion de terroir, bien qu’à prendre avec des pincettes, est l’un des garants de la diversité. Il existe partout dans le monde des vignerons qui continueront à produire des vins qui reflètent l’identité d’une région, millésime après millésime, dans un souci de réussite et non de perfection. Plaisir, diversité et identité, voilà trois mots clés qui circonscrivent ce que tout amateur aime trouver et retrouver dans son verre.

Recherche d’une clé (pas de 12)

Parlons des sols du Jura en laissant pour l’instant de côté l’oxydative production; et cherchons par facilité le goût du sol dans les Chardonnays ouillés, ils nous en donnent la clé.
Recherche du goût du sol ne veut pas dire que le vin ne goûte que ça, c’en est une fraction infime, mais qui existe.

JURA + ANDRE 2009 161

Mode opératoire

Chardonnay, issus tantôt de sols marneux, tantôt de sols argileux, apportent leur témoignage gustatif.
Chez Alain Labet, à Rotalier, un même Chardonnay occupe une croupe marneuse recouverte d’argiles à éboulis calcaires. La marne, roche mère, affleure en partie et donne la cuvée ‘Fleur de Chardonnay’. La fraction argileuse génère ‘Les Varrons’. Comparer les deux permet de mettre en évidence les nuances aromatiques et structurelles.
Les premiers indices suggèrent une différence fondamentale entre les deux types de sols. La marne semble se trahir par le goût alors que l’argile se repère à la texture.

 

Interrogatoire

Pour confirmer ou infirmer les soupçons, interrogeons quelques acolytes.
La Beaumette’ pousse sur des marnes grises et compactes du Lias, ‘En Billat’ sur des marnes bitumeuses, ‘En Chalasse’ pareil que ‘La Beaumette’, mais s’expose à l’ouest plutôt qu’à l’est. ‘La Bardette’ imite ‘En Chalasse’ en variant l’altitude. Chaque examiné confirme la piste aromatique de la marne : ail, amande et anis se retrouvent systématiquement chez chacun. Côté structure, un voile gras dissimule en partie les velléités tactiles, la finesse l’emporte sur la puissance. Le sol mixte du ‘Le Montceaut’, marne avec éboulis calcaires, apparaît comme un intermédiaire, plus sec, déjà plus tactile, aux nuances de pâte d’amande à l’anis. Il nous mène tout droit aux Varrons, venu de l’argile avec éboulis, plus costaud et granuleux sur la langue.
L’âge renforce les présomptions, l’ail et les notes anisées deviennent flagrants quand 3 à 4 ans se sont passés. Mieux, les mêmes terroirs en version oxydatives ne peuvent plus dissimuler leurs origines marneuses, les mêmes arômes s’impriment, subtils, au travers du voile.
Ces portraits robots en mémoire, la souricière se referme…

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Filatures

À La Combe les Rotalier
Filons chez le voisin Jean François Ganevat où quelques vins en fûts, entonnés selon leur parcelle, affinent les présomptions. ‘Chalasse’ sur marnes grise et blanche parle en finesse, ‘Les Grandes Teppes’ sur marne jaune qui s’effrite farine légèrement, alors que plus haut, les vieilles vignes de la même parcelle sur le recouvrement argileux renforcent le grain minéral qui en devient perceptible.
Les Grandes Teppes, sur marne jaune et blanche, élevé pendant 40 mois sur lies en barriques, colore sa robe d’or et de vert, au nez on perçoit le miel et le léger anisé d’une étoile de badiane. Agrume, acacias, amande se fondent dans la texture grasse du vin, un peu de poivre apparaît en fin de bouche.

Là au-dessus

Sur les hauts de Lons le Saunier, à Montaigu, le Domaine Pignier cultive ses vignes sur les fortes pentes des reculées* du val de Vallière et du val de Sorne. Et élève ses vins dans la quiétude chartreuse d’une cave aux ogives élancées du 13es. Parmi les différentes cuvées, un Chardonnay Cuvée Cellier des Chartreux passe son élevage sans ouillage en foudre et en barrique. Il révèle l’origine de son sol de marne micacée du Lias par sa forte note d’amande, le micas nuance la structure par un relief tactile granuleux. En parallèle, mais ouillé en pièces cette fois, ‘A La Percenette’, sur marne schisteuse, se parfume de brioche. En bouche, ce lieu-dit du val de Vallière taquine les papilles d’un grain délicat, où l’anis et le gras enrobe le minéral pulvérulent, finale sur l’agrume.
*recul de la falaise dû à l’érosion provoquée par un cours d’eau

Jura 2008 blancs typés 088

 

Sur le chemin d’Arbois

Jean Berthet-Bondet, à Château Chalon, nous propose la double accent minéral calcaire + marne avec sa cuvée ‘Alliance’. Doré vert, finesse de l’anis vert et du fenouil confit, texture soyeuse à la trame très serrée qui sourd d’anis comme le nez, mais qui juxtapose un relief renforcé par la moitié de Savagnin dans l’assemblage. Les deux cépages poussent sur le même type de sols, des marnes en profondeur recouvertes d’éboulis calcaires. Le vin est ouillé.
Un vieux Chardonnay, que Jean faisait pur et ouillé à l’époque, sent le miel un rien aillé. En bouche, l’expression délicate de la marne noire suggère des arômes d’humus et d’ail, l’amande enchaîne ses étapes, fleur d’amandier, fleur séchée, puis fruit pilé, l’anis vient plus tard en touches éthérées, la menthe et la réglisse terminent le rapport de police.

Escale à Pupillin

Jean-Michel Petit du Domaine de la Renardière, possède quelques Chardonnay plantés en 1980. Ces déjà vieilles vignes croissent en un sol mixte courant en Jura, des marnes grises recouvertes de graviers calcaires à matrice argileuse. Après la cuve, le vin loge en foudre, contenant qui ne masque ni son caractère variétal, ni ses origines territoriales.
Le Chardonnay fait très marne, poivré, anisé, il goûte l’humus et l’ail, très terrien, la fraîcheur du millésime met bien en évidence son expression aromatique, mais souligne également son relief tactile. Bien en dessous toutefois des Vendanges Oubliées qui ajoutent un tiers de Savagnin à l’assemblage granulent sur la langue. Le Savagnin ouillé des Terrasses, issu des marnes, retrouve l’ail du premier.

Jura 2008 blancs typés 048

Arbois

A la lisière du plateau de Pupillin, vers Arbois, le Domaine de la Pinte plante quelques Chardonnay.
Le sol mixte se répercute dans la bouteille d’Arbois-Pupillin, ail léger, anis et amande glisse sur le galbe gras qui enrobe le minéral finement ouvragé. Avec d’exotiques poires cuites saupoudrées de coriandre. Une année de plus renforce le fenouil et l’absinthe.
Terre de Gryphées du Domaine de la Tournelle illustre la vigne sur calcaire coquillé. Un calcaire plus dur, composé de fossiles d’huîtres, qui compacte le sol de marne grise. Un terrain qui génère puissance et longueur en bouche. Une roche qui parfume le vin d’anis, de poivre et d’éclats de silex. L’élevage de 24 mois en fût sur lies fines nuance la cuvée d’une pincée de vanille et d’un glacis beurré. Ce dernier amortit la fraîcheur du millésime. La ‘Terre de Curon’, des argiles à cailloutis calcaires sur marnes grises, inverse les caractéristiques structurelles. Il apparaît élégant et aérien. Côté aromatique, l’amande verte et l’anis reflète la marne.

Finale nordique à Montigny

Stéphane Tissot propose une étude comparative de Chardonnay de différents types de marne. Les vignes de la cuvée ‘Les Graviers’ poussent sur une terre habituellement allouée au Trousseau, des graviers gras faits de marne caillouteuse, le vin en sort grillé, fruité, minéral tactile, gras et puissant.
Les Bruyères’ se plante sur des marnes bleues et grises en sous-sol avec en surface un étagement de marnes noires en haut du coteau, jaune au milieu et rouge dans le bas de la pente. Le Chardonnay en adopte les goûts aillés, l’amande, très floral, avec un léger minéral tactile et poivré.
La Mailloche’, qui vient de terres d’argiles jaunes et profondes avec très peu de cailloux, confirme avec netteté les indices pressentis chez Alain Labet, un goût de silex éclatés accentue le relief minéral qui en devient très tactile. L’acidité recule et le fruité dépasse le floral.
En Barberon’, sur des marnes très compactes avec de gros blocs de calcaire, sent l’absinthe frottée d’ail, le raisin un rien sec se rafraîchit d’agrume. La structure extrêmement élégante évolue avec la sensualité de la soie sur la langue.

Il faudra que je fasse un comparatif de ses Jaune parcellaire, histoire d’y retrouver la trame du lieu.

Fin d’enquête

En Jura, on peut jouer au ‘flic’ et rechercher ce qui se cache derrière les arômes variétaux des Chardonnay. Ou plus simplement, se laisser aller au plaisir de la variété et de l’identité. Le vigneron, selon sa manière de faire, y ajoute encore un regain de complexité, une première fois dans toute sa production ouillée, une seconde dans ses élevages en vidange.

Et espérons que ces propos n’auraont pas fait l’effet d’une douche jurassienne…

Travaux de vacances juillet 2010 428

Ciao

Marco

21 réflexions sur “Le Chardonnay selon sa marne

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  2. J’ai eu l’occasion de déguster les cuvées Bruyères et Barberon chez Stéphane Tissot, et je ne peux que confirmer: les deux cuvées sont bel et bien différentes, avec une sensation plus « confortable » pour le Barberon, Et c’est d’ailleurs ce genre de différences qui fait tout l’intérêt des cuvées parcellaires; sinon, pourquoi est-ce que Tissot (ou d’autres) se décarcasseraient? Ce serait tellement plus facile d’avoir une seule grande cuvée…

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  3. Je trouve tout de même curieux que le monde du vin ne se lasse pas de répéter l’histoire du « goût du sol » et de la minéralité (terme tout récent qui n’est même pas encore repris dans l’avant-dernière édition du Oxford Companion to Wine, 2006) alors que de nombreuses études scientifiques ont démontré que la quantité de minéraux du sol présente dans les raisins est infime et en tout cas bien en-deça du seuil de perception du dégustateur. C’est un beau conte certes, et très romantique, mais aux fondements scientifiques extrêmement fragiles. Le sol influence le goût, j’en conviens (le contraire étonnerait), mais de là à prétendre qu’on pourrait sentir la craie dans un champagne de la côte des blancs, ou le granite dans un Riesling allemand?

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    1. Certes on peut et le type de sol influence aussi la qualité des tannins dans les rouges, expérience faite à Châteauneuf.
      Quant au terme « minéralité » j’ai bien écrit qu’il n’existait pas encore!
      Mon propos vient du fait que le minéral a été repris d’une façon disproportionnée et par conséquent le terme s’est totalement galvaudé. D’où le rejet de nombreux dégustateurs qui en ont assez de l’entendre mis à toutes les sauces. On ne peut toutefois nier que le sol joue un rôle que je qualifie d’important à la fois dans structure, la texture, la couleur, … du vin. Des quantités infinitésimales peuvent influencer d’une façon importante les choses, il suffit de regarder du côté des molécules aromatiques.
      Il faut arrêter de rejeter ou d’adopter à 100% les choses, rien ou tout blanc ou tout noir.
      Marco

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  4. 1° L’Oxford Companion to Wine n’est quand même pas la référence suprême en matière de vin, surtout pour les expressions de langue française! Si vous cherchez des vraies références en français, voyez plutôt le Goût du Vin, de Peynaud,édition 2013, P62 et suivantes. On décrit même son utilisation.
    Je veux bien laisser leur expertise aux Anglais en matière de thé, de whisky ou de sauce à la menthe, mais de grâce, qu’ils ne se mêlent pas trop de notre façon de voir le vin. Si le terroir les ennuie, ou qu’ils ne comprennent pas le concept, qu’ils n’en dégoûtent pas les autres!
    2° Personne ici ne dit qu’il y a un goût de marnes ou de calcaire ou de schistes ou de granite dans le vin. On dit seulement qu’il y a une influence. Liée au pH, notamment. Une parmi d’autres, d’ailleurs, comme celle du climat.
    3° Le fait que les communicants récupèrent le mot terroir en l’élargissant de manière ridicule à des appellations ou des régions entières ne donne pas le droit de nier tout en bloc, et notamment la marque d’un vrai terroir homogène, à l’échelle d’une parcelle.

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    1. Comme je l’ai dit, il serait étonnant si le sol n’était pour rien dans le résultat final. Bien sûr les caractéristiques du sol sont pertinentes. Mais il existe clairement un penchant pour un raccourci métaphorique comme quoi on goûterait le sol directement. Quant au terroir, la seule preuve vraiment concluante pour l’unicité totale d’une parcelle serait si un nombre appréciable de dégustateurs arrivait à identifier un vin de cette parcelle parmi d’autres à l’aveugle et sans faille…Mettons 4 vins de chaque appellation communale du Médoc, même millésime, même encépagement. Combien réussiront à l’aveugle à les distinguer? Je ne nie pas le concept de terroir, mais il est utile de rappeler que le sol n’en est pas nécessairement l’élement prédominant.
      Je laisse pour votre compte l’appréciation du monde anglo-saxon et du OCTW…

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  5. Votre exemple du Médoc ne tient pas: des assemblages identiques sur sol identique et vinifiés exactement pareil ça n’existe pas là-bas, les domaines sont trop vastes. C’est pour cela qu’il faut chercher ailleurs, dans les régions de mono-cépages et sur des sols homogènes.
    Et pour ce qui est de l’identification sans faille, vous vous trompez d’adresse: nous sommes des journalistes, pas des robots.
    Quant aux Anglais et à l’Oxford Companion, allez donc voir ce qu’en pensent Jim Budd et Andrew Jefford – deux Anglais. Pour eux non plus ce n’est pas une référence.

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  6. Ok, j’avoue que le Médoc est mal choisi comme exemple. Toujours est-il qu’il n’a aucun sens de parler de différences de terroir s’il n’y a pas de corrélation fiable avec des différences décernées lors de la dégustation à l’aveugle. Sans faille, certes pas, mais quand même… C’est une constante que même les plus grands dégustateurs se trompent largement quand il s’agit de déterminer à l’aveugle l’origine d’un vin. Ou pensez-vous que les juges français du « jugement de Paris » de 1976 savaient qu’ils accordaient la première place à des vins californiens?

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  7. ça chauffe sous les cailloux, mais tu as raison Hervé, les références qu’on croit infaillibles ne le sont pas toujours…
    Et les exemples pour dénigrer une affirmation sont totalement inefficients quand ils sont mal choisis.
    Marco

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  8. Aucun rapport avec le terroir, le Jugement de Paris! Combien de vins, parmi tous ceux en compétition, pourraient revendiquer un terroir au sens restrictif, celui que Marc emploie?
    Et par ailleurs, bien sûr que beaucoup de vins tendent à se ressembler, à croire qu’on a trouvé la recette pour faire des vins « à la Bordeaux Grand Cru » un peu partout dans le monde; et nous pouvons nous y tromper. Mais si vous lisez ce blog, vous savez que ce n’est pas vraiment ce type de vin que nous mettons en avant.

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    1. un Meursault Charmes ou un Bâtard Montrachet ne méritent donc pas la qualification de vins de terroir? Les Bourguignons seront contents de l’apprendre 🙂 Sérieusement: je n’ai pas dit que je suis en total désaccord avec cet article (loin de là – il me semble évident que le sol a un impact sur le vin, comme je l’ai dit à deux reprises ci-dessus), ni que la notion de terroir est inexistante, ni d’ailleurs que l’OCTW est LA bible en matière de vin (mais au moins il est un indicateur de ce qui vit dans le monde du vin, et le fait que le terme minéralité n’apparaît que dans la toute dernière édition est révélateur) . L. Gautier a réalisé des études linguistiques très intéressantes sur ce fameux terme à l’université de Dijon, voir par exemple https://www.researchgate.net/publication/259772770_La_%27mineralite_du_vin%27_mots_d%27experts_et_de_consommateurs
      Mais par ailleurs toute mon admiration pour votre joli blog que je lis toujours avec beaucoup d’intérêt.

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  9. Très beau travail, en effet, Marco, sur ces vins et ces sols du Jura, tout spécialement les marnes. Stijn, vous n’avez pas compris ce que veut dire le mot terroir et vous vous référez aux dépassements et exagérations qui fleurissent partout dans les flyers, les contre-étiquettes, et autres formes de communication mal maitrisées. Le galvaudage, la déformation du contenu des mots, sont des phénomènes très communs. Ce n’est pas une raison pour les vilipender.
    Marco a évoqué les expériences réalisées à Châteauneuf du Pape, sur des bases solides : monocépage grenache, de vignes de même âge, vendangées aux mêmes périodes et vinifiées avec les mêmes méthodes et avant toute forme d’élevage. Les trois familles de terroir de ce cru se révèlent, et ceci de façon récurrente ; le millésime, sauf dans des cas extrêmes (vendanges altérées en particulier), n’ayant que peu d’influence sur les effets terroirs dans ces vins. Et on peut transposer cette manière d’aborder les choses vers d’autres AOP, à condition de respecter un certain protocole.
    Autre confusion que les détracteurs utilisent constamment : le goût du sol dans le vin. Les personnes qui « expérimentent » sérieusement les effets terroir ne disent pas que le goût du sol est transmis directement dans le vin, mais que les constituants du sol possèdent une influence sur certains paramètres que l’on détecte dans le vin. Nuance…
    J’ajouterai que les négationnistes du terroir ne connaissent en général rien à la physiologie de la vigne et des plantes en général, au fonctionnement des réactions enzymatiques, ainsi qu’aux itinéraires de la minéralisation (j’ai bien écrit minéralisation ; cf David Lefebvre, voir plus loin) que le jus subit au cours de la fermentation. Le fait que le terme minéralité, ainsi que les processus de minéralisation, ne soient pas mentionnés dans la bible d’Oxford signifie simplement que les auteurs n’ont pas travaillé sur le sujet. Révélateur, j’en conviens, mais essentiellement d’un manque de curiosité. Pour être un tant soit peu éclairé sur ce thème, voir les écrits de David Lefebvre.
    Et ils n’ont jamais humé ou goûté les sols. Combien de personnes ont-elles « dégusté » des argiles, constituants fondamentaux des sols ? un pourcentage infime…j’en suis certain.
    Et les fromages ? pas d’effet terroir ? Lisez la littérature à leur sujet, la plus significative état celle relative au Comté, objet d’une thèse remarquable. Pourtant, entre l’herbe et le lait, l’itinéraire n’est pas plus simple que celui de la fermentation du jus de raisin…
    Et les cultures en hydroponie ? Prenons l’exemple de la tomate : le fait de modifier la composition des solutions nutritives influence le goût du fruit. Curieux, non ? On me rétorquera que la tomate est consommée crue et ne donne pas lieu à un processus fermentaire qui, à propos du vin, serait censé ne laisser aucune trace de l’influence du terroir. Les faits sont têtus, tous les vignerons la connaissent, cette influence, ainsi que les blogueurs et journalistes sérieux.
    Je suis allé sur le site de l’article de L. Gautier, que vous citez : étude uniquement lexicale, intéressante, truffée de néologismes qui donnent un léger mal de tête, mais qui n’apporte rien au contenu du mot minéralité.
    Hola, bientôt 1 h 30 du matin, stop pour ce soir. Faites tous de beaux rêves. Il y peut-être des fautes de frappe, mais tans pis…

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  10. Merci Georges pour ce long commentaire qui précise les choses et que je viens de lire à l’instant. Mais ce qui me chagrine, c’est que quand on dit ‘le goût du sol’ les détracteurs prennent cela au premier degré et pas dans le sens de l’influence qu’a ce sol dans le résultat final, le vin. C’est comme si, pour prendre une image forte, on nous dirait: « mais monsieur, comment pouvez-vous affirmer que ce vin a le goût de la framboise et du cassis, c’est fait avec du raisin et pas autre chose si je ne m’abuse… ». Prochaine étape , les marnes et autres sols de Rasteau, c’est dans le tube, faut que ça sorte.
    Marco

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  11. Je m’aligne assez largement avec Stijn sur cette question. Personne ne nie l’influence du sol, mais on a trop tendance à situer sa compositions chimique bien trop haut sur l’échelle des éléments pouvant contribuer au goût d’un vin. Son rôle dans la gestion de l’eau est essentiel en revanche, et c’est pour cela que les différentes types d’argile dont parle Marc sont importants. Je pense aussi que la microbiologie des sols est très influent, et ce domaine n’est pas encore totalement compris, il me semble.

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  12. Ai été absent « du bureau » pdt 4 longues journées, admirationis causa, comme dirait Michel qui ne s’exprime plus que dans la langue des anciens curetons. Vous lire ici m’amuse (et me gonfle un peu en même temps).
    En vrac:
    – Meursault les Charmes, pas plus que Montrachet ne sont FORCEMENT des vins de terroir. J’ai été journaliste pdt assez longtemps pour avoir la possibilité d’en déguster BEAUCOUP (et gratuitement). Pourquoi le seraient-ils plus que d’autres? Même en Alsace, où on a délimité APRES COUP des parcelles, souvent très exiguës, leurs qualités ne sont pas homogènes (je parle des vins qu’on en tire).
    – Pourquoi les Britanniques seraient-ils moins abilités à décrire des vins français que les « nationaux »? Je pense, en toute honnêteté (mais je me trompe peut-être), déguster les vins de mon département avec beaucoup plus de justesse et d’expérience que bcp de locaux, collègues vignerons inclus. Et je parle et écris le français beaucoup mieux qu’eux (je ne fais pas allusion à l’accent), sans aucune exception. Il n’y a qu’en latin que beaucoup de Français me surpassent (un certain « Faber » par exemple).
    . les journalistes ne sont pas des robots. Hélas! Quand les piles d’un robot s’épuisent, même les « Duracell », l’automate s’arrête de parler. Bettane et ses copains – faut que tout le monde profite de ma générosité – ne s’arrêtent JAMAIS de parler, eux.

    Plus sérieusement, vous semblez TOUS quand même arriver à une sorte de consensus – qui n’était pas gagné au début – sur lequel David et moi nous étions déjà exprimés il y a TRES longtemps. Si les conditions locales (= terroir ou sol, plus restrictif) ont une influence quelconque sur le vin (on ne le nie pas), elle est INDIRECTE, par l’action qu’ils exercent sur le métabolisme (au sens large) de la plante. Il faut être IDIOT (et même certains Anglo-saxons ne le sont pas tout-à-fait …) pour nier que, toutes choses étant égales d’ailleurs, une parcelle largement argilo-sablonneuse donnera des vins différents de parcelles calcaires et/ou schisteuses. Mais je suis prêt à parier que, en année très humide, un sol de schiste fournira des vins MOINS acides que des parcelles d’argile (avant la FML). Et une parcelle située sur la « crasse de fer » ne laissera sans doute pas plus de résidus ferreux/ferriques (heureusement) que n’importe quelle autre. Le vin n’est PAS un ultrafiltrat du jus avalé par les racines. Le vin est le résultat d’une transformation (fermentaire et cycle de Krebs) d’un liquide SYNTHETISE par une plante et enfermé dans ses baies, modifié par les conditions climatique (vent, sécheresse …) et ensuite par les interventions techniques de l’homme.

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  13. Luc, tu interprètes (mal) ce que je dis. Je ne nie pas aux Britanniques le droit de parler de nos vins (je ne suis pas sectaire à ce point, et je sais reconnaître l’intérêt d’un avis venu d’ailleurs), je leur nie simplement le droit de nous dicter leur manière de concevoir nos vins, notre organisation. Si le terroir nous intéresse, et pas eux, s’il fait partie de notre histoire, de nos références, c’est notre affaire. C’est pour ça que je dis « n’en dégoûtez pas les autres ». Ce sont nos producteurs, nos appellations, nos terroirs – merci d’avoir choisi de t’installer chez nous, Luc, mais ça reste chez nous. Avec nos petites qualités, nos gros défauts (que je ne suis pas le dernier à dénoncer), et tout le toutim.
    De même, je ne me permets pas de juger du bien fondé de l’indépendantisme flamand, du socialisme wallon et toutes autres spécificités du pays qui m’accueille – elles me sont étrangères.
    Bien entendu, comme immigré, je respecte leur façon de penser et j’essaie même de parler flamand quand je vais en Flandre, et de ne pas discuter de la politique wallonne. C’est ma politesse à moi – when in Rome, do as the Romans do…
    Oui qu’il en soit, toute discussion est enrichissante; je ne nie pas que certains des arguments de David font mouche, comme les tiens, d’ailleurs. Nous apprenons tous les uns des autres, même si cela n’induit pas qu’on doive se convertir à la façon de penser de l’autre, ni à abandonner sa propre culture.

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  14. D’accord sur le respect à avoir pour les coutumes (et les lois, a fortiori) de l’endroit où on se trouve. Mais la terre appartient à TOUT LE MONDE, y compris à ceux qui n’y sont pas nés. Et si les lois ne sont pas bonnes (cela arrive), plutôt que de les bafouer, il faut essayer de les faire changer. Je suis un « rebelle légaliste ».
    Il n’y a pas d’indépendantisme flamand. Ce pays (la Belgique unie) n’a jamais existé et on reviendra, tout naturellement, au statu quo ante. J’en suis convaincu mais n’en suis pas/plus partie prenante. Ma mère est née près d’Ostende, mon père était issu de la banlieue de Charleroi et moi je suis un internationaliste qui réside dans les Pyrénées Orientales, sans revendiquer le titre de « Catalan ». Parmi ceux qui le revendiquent, 80 % ne parlent d’aillurs PAS la langue (en France, je veux dire). Note que Charles-Quint, gantois de naissance, n’a jamais parlé convenablement l’espagnol. Des siècles plus tard, Dona Fabiola n’a jamais d’ailleurs parlé convenablement ni le français, encore moins le néerlandais et pas un mot d’allemand, les langues de son « peuple » pourtant.
    Pour la Wallonie, il y a longtemps qu’elle ne possède plus de parti socialiste. Du clientélisme, cela oui, comme en France.
    Après, je suis d’accord avec toi: « When in Sodoma, do as Sodomites do! « 

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  15. Bonjour Marc,
    Lorsqu’on va dans une cave, chaque vin de chaque barrique goûte différent.
    Maintenant que l’on sait que les levures Saccaromyces Cerevisaene ne proviennent pas des raisins, mais sont plutôt dans la cave et dans les cuves, les fûts, les barriques, comment faire la part des choses entre ce qui vient du terroir et ce qui vient de la cuve?

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