Entre deux fêtes, un peu de mixologie pinardière

L’art du cocktail… Pour peu que je puisse avoir une quelconque autorité en la matière, je précise toutefois que ce qui suit marque, à mon humble avis, une nouvelle tendance revenue par effraction dans ma vie. D’aucuns m’objecteront qu’il était temps que je m’aperçoive que la mode change depuis une dizaine d’année, du moins chez les jeunes, et que la mixologie (quel horrible mot au passage…) est aujourd’hui bien installée dans nos habitudes de consommation.

Sachez que je n’ai aucune prétention au regard du métier de barman, métier que je respecte au plus haut point d’autant que je l’ai exercé moi-même pour quelques mois. J’admire le barman, le vrai, celui qui se pique d’inventer à l’instant une boisson à la hauteur de la joie ou du désespoir de son client. Depuis le bon vieux kyr de mon enfance (au Bourgogne Aligoté bien sûr) et jusqu’au désastreux et plus récent mélange Sautertnes/Perrrier – non encore essayé, je l’avoue -, sans oublier le fameux spritz (Aperol, Prosecco, eau gazeuse, glaçons à profusion et deux tranches au moins d’une belle orange sanguine de Sicile) qui fait fureur et égaie mes séjours dans les villes italiennes, j’avoue de plus en plus me laisser entraîner dans le jeu du cocktail. À mes yeux, ce temps passé à les concocter, puis à les siroter, permet de faire un break, de sortir du train-train habituel qui veut qu’entre deux fêtes on s’emploierait obligatoirement à déboucher ses plus belles et plus onéreuses bouteilles pour prolonger un état quasi comateux.

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Cet été, le spritz d’un prince dans un grand hôtel cannois…

Et c’est là j’en conviens toute l’ambiguïté de cet article un peu vaseux. Je reste convaincu en effet que de toutes les vacheries que l’on inflige au vin en général, en plus de celles qu’on nous impose à nous pauvres buveurs par la force des choses, les queues de coqs (cocktails) à base de vin peuvent faire partie des pires saloperies. Mais ces petits jeux peuvent aussi révéler de vrais moments de bonheur. Cela étant dit, je n’irai pas jusqu’à affirmer que c’est une raison pour imposer aux cocktails vineux des vins de second ordre, des piquettes de supermarchés. Bien au contraire : sans forcément chercher ce que l’on a de meilleur dans sa cave pour composer un mélange des plus judicieux, il faut être capable de trouver en magasin un bon vin, le meilleur possible dans une gamme de prix que je qualifierais d’abordables, c’est à dire entre 8 et 12 €. Lorsqu’on y arrive, avec l’ardeur de celui qui cherche à faire plaisir (ou à se faire plaisir), on rassemble toutes les chances d’obtenir des résultats réjouissants, en particulier avec les vins à bulles, tel le Crémant.

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Le Pimm’s raté et trop chargé du Savoy

Dans l’art du cocktail où le vin joue un rôle, les pros ne sont pas toujours les mieux placés comme en témoigne ce désastreux Pimm’s au Champagne testé récemment à Londres en compagnie de mon fils dans le bar américain du Savoy. Le vin était nul et le barman pourtant archi titré et médaillé avait oublié le traditionnel ruban de peau de concombre qui fait toute la différence. Après les vendanges, pour remercier une amie chère venue me rendre visite dans mon gourbi sudiste, j’ai tout naturellement pensé aux vins de Limoux pour servir de base à mes élucubrations cocktailistiques. Cela tombait bien, car en plus de quelques bouteilles de Crémant de Limoux rosé Domaine J.Laurens achetées chez mon caviste, je venais de recevoir six échantillons du même domaine, propriété que j’ai l’honneur de suivre depuis quelques années et qui, soit-dit en passant, ne cesse de progresser.

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Mon spritz façon Blanquette de Limoux

Le spectacle allait pouvoir commencer ! D’abord avec la Blanquette (méthode ancestrale) du même domaine venue telle le messie en lieu et place d’un Prosecco peu amène disponible sur la place de Perpignan, j’ai pu réaliser sans me vanter l’un des plus beaux spritz de ma carrière ! Très légèrement sucrée, dotée d’une effervescence et d’une mousse des plus fines, élément qui manque parfois dans les vins best-sellers de notre sœur transalpine, cette Blanquette de Limoux à 90% Mauzac, cépage qui perd hélas du terrain en terre limouxine, a su revigorer mon spritz devenu ces temps-ci quelque peu morose faute de bulles adéquates pour étayer sa construction. Afin de ne pas trop noyer le vin, j’en ai profité pour tricher un peu en réduisant le nombre de glaçons et en limitant l’apport en eau gazeuse.

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Non content de ce résultat encourageant, j’en ai profité une seconde fois pour mettre le rosé à l’épreuve en lui offrant un mariage avec quelques cuillérées à café de fruits frais de saison, en l’occurence les derniers brugnons et pêches de vignes. C’était satisfaisant, certes, mais décevant en même temps sachant que ce Crémant de Limoux à majorité chardonnay (25% de chenin et 15% de pinot noir) est tellement agréable à boire seul… La même idée allait me servir à prolonger mes expériences. Quelques jours plus tard, je me procurais au marché une rare confiture de pêche que j’affectionne particulièrement et tandis que que j’ouvrai une bouteille du Crémant, devenu le classique du domaine (60% chardonnay), me vint l’envie de glisser dans la flûte une ou deux cuillerées de cette confiture.

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Mon Crémant se transformait subitement en un divin Bellini, bien meilleur que celui du très touristique Harry’s bar, haut-lieu du Venise touristique. Grisé par ce succès, lors d’une seconde tentative, j’ai même essayé de glisser deux ou trois gouttes d’Angostura à l’orange amère, juste pour voir : j’avais là une sorte de quintessence où chaque élément, le sucré, l’acide et l’amer avait sa part, son rôle à jouer. Si j’avais opté pour la traditionnelle Blanquette, le mariage eut été plus sucré et probablement plus décevant.

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Toujours est-il que je crois bien que ce soir-là nous avons vidé plus de deux bouteilles – ainsi qu’un pot de confiture – sans nous faire prier ! Y’a pas de mal à se faire du bien… Et mon amie est devenue illico accro au Domaine J.Laurens

Michel Smith

(Toutes les photos sont de Michel Smith)

7 réflexions sur “Entre deux fêtes, un peu de mixologie pinardière

  1. Michel, je te suis bien, en parallèle, sur tes chemins de mélanges (je déteste aussi l’affreux terme de « mixologie ») heureux autour des vins à bulles : plus ou moins heureux, certes,, mais souvent plus si on use d’un peu de discrimination dans le choix des ingrédients.
    Je pratique le genre surtout en été, et avec de bonnes bulles de diverses origines que je trouve en profusion chez mon caviste local quand se suis gascon (Plaisirs du Vin à Agen). Limoux du Domaine Mousacaillou, Cava de Peres Balta, Crémant de Loire de Jacky Blot, etc. J’utilise pas mal de bon jus de fruit, un trait de gin ou de vodka, (ou d’Armagnac blanc) un verre de Campari, des fruits de saison, un trait d’Angostura, et des feuilles de verveine. Parfois un peu de vin doux pour arrondir et donner du volume. Si on veut allonger, je mets du San Pellegrino.

    J’ai aussi pratiqué, pour un cours sur les vins rosé, une mixture de divers vins blancs et d’un peu de rouge, d’origines diverses mais de bonne qualité et dans la gamme de prix que tu mentionnes. Mes élèves du jour l’ont élu meilleur vin rosé de la série de 6 vins servis à l’aveugle et comprenant un Bandol de bonne facture (je vais encore me faire conspuer par les tenants de la ligne sacro-sainte en matière de vin rosé ! )

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  2. Un petit peu d’histoire : le Domaine J.Laurens a été, à l’origine, d’après mes tablettes, crée par le champenois Michel DERVIN, (champagnes Dervin) et déjà, dans les années nonante lorsque, aux clients de mon restaurant j’offrais, à l’apéritif le Crémant J.Laurens, j’entendais des clients (et pas les plus ignares viniquement…) me dire : « Monsieur, votre champagne est excellent ! ». Depuis, excusez-moi pour cette arrogance, je suis un peu… comme votre compagne !!!

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  3. 1) En cliquant sur le lien de l’intervenant précédent – qui doit être un (ancien ?) propriétaire de restaurant belge – on tombe invariablement sur une annonce pour des locations à Serre-Chevalier et Monêtier-les-Bains. Je me suis rendu une fois dans cette station près de Briançon vers les années 1966, par là, et c’était fort sympathique, mais quel est le rapport?
    2) Quelle est la bonne facture pour un Bandol rosé? Autour de 15 € la bt ou bien plus?

    3) …. BONNE ANNEE A VOUS TOUS (sauf quelques-uns qui se reconnaîtront)

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    1. Avec mes excuses, je ne suis pas belge du tout… mais effectivement créateur du restaurant La Sérafine à Veynes, dans les Hautes-Alpes… personne n’est parfait ! J’ai encore, en tant que sommelier, quelque activité vinique et habitant désormais Briançon, je propose également à la location deux appartements à Serre Chevalier, l’un à Villeneuve, l’autre à Chantemerle… mais rien au Monétier-les-bains ! Avec mon adresse mail, vous pouvez trouver site et blog de l’association que je préside, mais qui ne fait aucun prosélytisme, c’est pourquoi je n’ai pas indiqué directement ce site-là !
      Avec mes meilleurs VŒUX vinques pour le millésime 2016 !!!

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  4. Et le verjus? beaucoup de pays ont aujourd’hui une vraie présence de verjus (Europe de l’Est, notamment Autriche et Hongrie et d’autres régions du monde, surtout anglophones) mais cela reste assez anecdotique en France, alors que pour les cocktails c’est top, des pistes d’explications?

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