Non, je n’ai pas fait, ces jours-ci, un voyage dans ce beau pays qui souffre tant. Je souhaite beaucoup y retourner prochainement, mais je tiens d’abord à rendre compte d’une très impressionnante dégustation que j’ai eu la chance de faire la semaine dernière à Paris, grâce à la famille Mavrommatis qui possède plusieurs restaurants, une affaire de traiteur avec de multiples points de vente, une cave à vins et qui importe des vins de toute la Grèce.
La cave à vin Mavrommatis
49, rue Censier 75005 Paris
+33 (0)1 45 35 64 95
www.mavrommatis.com
Il est bien fini le temps ou l’image du vin grec était cantonné à des retsinas et des rouges volumineux et parfois durs. Cela a aussi changé depuis la période, plus récente, qui a vu certains producteurs grecs tenter d’imposer des cépages français dans un pays qui possède un réservoir de variétés autochtones parfaitement adapté à leur climat et plein de ressources.
Cette dégustation était dédiée, justement, à ces variétés autochtones qui nous ne voyons encore trop peu en dehors de leur pays d’origine, bien que quelques unes, comme le magnifique cépage blanc Assyrtiko ou le rouge Agiorgitiko commencent à faire parler d’eux. Lors de cette journée, en plus de vins issus de ces deux cultivars vedettes, j’ai pu déguster des vins qui faisaient appel, en totalité ou en partie, à de l’Aïdani, de l’Athiri, de l’Augustiatis, du Korinthiaki, du Limnio, de la Malagousia, de la Malvasia Aromatica, du Mandilaria, du Mavrodaphne, du Mavrotragano, du Moschophilaro, du Negoska, du Negroamaro, du Preknadi, du Refosco, du Robola, du Rhoditis, du Savationo, du Sideritis et du Xinomavro. Très rarement quelques vins que j’ai dégusté contenaient un complément d’assemblage qui faisait appel soit à du merlot, soit au cabernet sauvignon, à de la syrah ou au viognier, mais ce furent des cas d’exception parmi plus de 60 vins présents. Je sais bien que le Negroamaro et le Refosco, sans parler de la Malvasia, se trouvent plus souvent de l’autre côté de l’Adriatique qu’en Grèce, mais il s’agit tout de même de variétés régionales et cela fait, de toute façon, une très belle collection !
Mais la chose qui m’a le plus impressionné dans cette dégustation n’était pas l’aspect ampélographique, bien que cela ait son intérêt: c’était la qualité des vins présentés, autant que leur diversité géographique. Autant aller voir cela de suite, région par région en commençant avec les îles. Je traiterai de la partie continentale la semaine prochaine.
Santorini, les Iles Cyclades
Santorini est un archipel d’îles volcaniques situé au sud des Cyclades, en pleine mer Egée. Il possède son propre AOC pour des vins blancs élaborés avec les cépages Assyrtiko ou Nykteri, mais produit aussi vins rouges, en particulier avec du Mavrotragano et qui se vendent sous la bannière de l’IGP Cyclades. Mavro = noir en grec, donc on voit ce mot souvent incorporé dans des noms de variétés grecs de cette couleur. Il y a aussi des Vinsanto, qui peuvent être rouges ou blancs et qui sont aussi des AOP. La surface viticole à Santorini couvre environ 1500 hectares et le sol volcanique est constitué aussi de schiste et de calcaire. Cette nature de sol a eu l’avantage d’écarter le phylloxera et les vignes sont donc franches de pied. Les conditions climatiques sont sévères avec des apports en eau de pluie très limités. Les températures sont élevées pendant la longue période estivale et il y a aussi des vents violents. A défaut de précipitations, les vignes reçoivent les brumes marines durant les nuits d’été. Pour lutter contre les chaleurs extrêmes et les vents violents, une taille de la vigne en arbuste basse ayant une forme en spirale s’est développée. Cette taille, qui s’appelle « gobelet en couronne », a pour objet de résister aux vents et de concentrer les grappes à l’intérieur de l’arbuste pour les protéger du sable (voir photo ci-dessous). Certains expérimentent avec d’autres formes de taille, quand l’exposition l’autorise. Les rendements sont forcément très limités, ce qui explique les prix des vins (entre 20 et 40 euros pour les vins secs, et le double pour les vinsanto).
Domaine Argyros
AOP Santorin 2015
100% Assyrtiko, du village d’Episkop Gwnia
Ce vin élaboré en cuves inox est aussi frais que complexe. L’acidité fait corps avec le vin et la longueur est excellente. Un vin splendide et vivifiant. L’assyrtiko n’est pas une variété très aromatique mais il semble très intéressant par sa texture et sa longueur qui doit quelque chose à son acidité importante.
Prix public: 19 euros, ce qui n’est pas excessif.
AOP Santorin, Ktima 2014
100% Assyrtiko, et vignes de 150 ans (qui dit mieux ?), 20% de ce vin ayant été élevé en fûts pendant 6 mois.
Le nez est perçant et semble presque résineux via un accent légèrement oxydatif. Bien arrondi par son élevage, il conserve beaucoup de vivacité et une grande complexité de saveurs.
Prix public: 22 euros, ce qui me semble peu cher pour un tel vin.
AOP Santorin, Vareli 2013 (vareli signifie barrique)
100% Assyrtiko, et vignes de 150 ans. 100% barriques pendant 6 mois
Encore plus d’arrondi et de texture apportés par la barrique qui ne domine nullement les saveurs de ce vin. Grande suavité de texture qui enrobe un centre bien vibrant. Long et très harmonieux.
Prix public: 26 euros – et cela les vaut largement.
IGP Cyclades Mavrotragano 2012
100% Mavrotragano, élévage 18 mois en fûts de chêne
Ce vin m’a semblé assez austère, malgré son âge et l’élevage, à cause de tannins un peu justes en maturité phénolique. Malgré cette critique, la qualité du fruit est bonne et le vin a une certaine délicatesse qui surprend dans un tel climat.
Prix public: 40 euros, ce qui est trop cher
Je n’ai malheureusement pas eu le temps de déguster les vinsantos de ce domaine, ce qui est dommage car il en présentait quatre, allant du millésime 2003 à 1991
Winery de Sigalas, Santorini (photo Cephas)
Domaine Sigalas
Ce producteur cultive une partie des ses vignes sur fil, là où le climat l’autorise
AOP Santorin 2015
75% Assyrtiko, 25% Athiri, le tout en cuve inox.
Vif, centré et assez parfumé (la part d’athiri ?). Un beau fruité, vin long et salivant.
Prix public 23,50
AOP Santorin 2015
100% Assyrtiko, cuves inox
Un vin abordable et plaisant par son goût, très fin de texture, salivant et presque salin. Longueur à la hauteur de sa finesse.
Prix public 32 euros
AOP Santorin, Nychteri 2009
100% Assyrtiko, vendangé en sur-maturité et jus de goutte seulement.
Nychteri était le vin blanc traditionnel de Santorini, vendangé tardivement, élevé longtemps et sans ouillage. Une autre particularité était l’utilisation exclusive de jus de goutte. Sigalas a maintenu cette tradition sauf pour l’aspect oxydatif car l’ouillage et faite. Le vin reste sur lies pendant 30 mois dans des barriques (anciennes, je crois), ce qui lui donne le droit de porter la mention Grand Reserve.
Un vin dont le sucre résiduel le qualifierait pour la catégorie demi-sec, je pense, voire plus. Ce vin est puissant, long et totalement magnifique par sa complexité. J’adore cela et j’ai écrit dans mon carnet « grand vin, 18/20 »).
Prix public inconnu, mais je vais me renseigner
J’ai pu aussi déguster une « mini-verticale » d’Assyrtiko de ce domaine : 2013, 2012 et 2008. L’oxydation ménagée y était présente, les vins prenant aussi du volume et de la complexité avec le temps. Ce qu’on ne sait pas est l’impact du climat sur ces millésimes, comme des modifications dans les techniques. Ce qu’on peut affirmer en revanche est que ce cépage a une belle capacité de garde. La seule réserve que j’émettrai serait une tendance à une texture un peu rêche et à des saveurs amères en fin de bouche. On peut aimer, mais cela manque de finesse pour moi. Il est possible que la vinification ait évoluée depuis cependant.
Les îles Ioniennes : Céphalonie
Sur la côte ouest de la Grèce, en mer Ionienne, il y a moins d’iles qu’en mer Egée, mais deux de belle taille: Corfou et Céphalonie. C’est de cette dernière, tantôt grecque, tantôt byzantine, tantôt vénitienne, tantôt ottomane, tantôt italienne, et même, un temps sous administration britannique (ndlr: celle de Corelli’s Mandolin) que sont issus les vins suivants.
Domaine Gentilini
AOP Robola de Céphalonie 2015
100% Robola et 100% cuve inox
Fin et précis, d’une grande netteté, la finale est parfaitement sèche
Prix public 17 euros
AOP Robola de Céphalonie, Cellar Selection 2015
100% Robola de vielles vignes, 20% du vin élevé en barriques
Très bon et très vif. Vin salin et savoureux, plein de zeste et d’une belle longueur. Je ne connais pas l’âge de ces « vieilles vignes », mais ils apportent une dimension supplémentaire par rapport au vin précédent.
Prix public 20 euros, et les 3 euros de plus sont bien dépensés
IGP Mavrodaphne de Céphalonie, Eclipse 2014
100% Mavrodaphne, faibles rendements, 12 mois d’élevage et fûts puis 12 mois en bouteilles.
Vin aussi gourmand que fin, aux saveurs fruitées bien vibrantes. Très belle longueur. Excellent.
Prix public 21 euros, ce qui est raisonnable pour cette qualité
J’ai aussi dégusté Eclipse 2013 en magnum (photo ci-dessus). C’était une année plus chaude dans cette région et cela rajoute une dimension de rondeur au vin. Très bon vin que j’ai noté 17/20
Prix public 44 euros le magnum
Je reviendrai la semaine prochaine avec des vins du continent grec, tout aussi intéressants
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