Comté, mariages à l’italienne

Des mariages en blanc…

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Le Comté aime le changement et sa complexité lui permet d’aborder une multitude d’accords. Le voilà en Italie pour une expérience pétillante – ou pas.

Pour les aficionados du fromage jurassien, je préciserai le nom de la fruitière qui l’a produit, le degré d’affinage et le nom de l’affineur.

Cela pourrait s’appeller Trois Comtés et tre vini del Norte dell’Italia…

accord Comté et vin

Le premier Comté

Un Comté de Gillois, âgé de 9 mois, affiné par Rivoire-Jacquemin à Lons-le-Saunier

 Pâte ivoire.

Odeur de lait frais à la crème de châtaigne, d’aiguilles de pin, de poivre noir et de muscade, de vanille et d’amandes effilées, légère note iodée.

Texture élastique.

Goût aérien où l’on retrouve l’acidulé d’une groseille blanche, le végétal frais d’un vert de poireau, l’amande pilée, le poivre et la muscade, le champignon juste cueilli.

Le vin

Sorti du Spritz, le Prosecco peut se révéler des plus intéressants, tout dépend de la volonté du producteur. Ici, chez les Coletti, on pratique les deux méthodes, la Charmat et la traditionnelle www.vini-coletti.com

bouteille Phoja Phoja Vino Frizzante Prosecco Azienda Agricola Coletti

Robe blanche au très léger vert aux nombreux cordons nacrés.
Nez de pomme douce au poivre, de poire à la cannelle, avec une pointe anisée.

Impression sucrée en bouche alors que le vin est sec. Puis viennent les accents minéraux qui rappellent la terre humide. Le fruit vient après et transforme la pomme en pomme au four, ajoute de la poire tatin, des épices douces. L’ensemble baigné de fraîcheur citronnée.

Cépage Glera 100%, Prosecco élaboré en cuve close, mais avec un affinage de 5 mois sur lies pour lui donner du corps et de la rondeur, ainsi que de la complexité. Il titre 11°, contient 5 g d’acidité et est dosé à 10g/L.

Un accord pointu

Les bulles rendent le fromage d’un minéral presque tranchant, aigu à couper les fruits blancs, poires fondantes et pommes juste acidulées se voient en un instant détaillées. Puis viennent les épices et le floral des deux partenaires. Le poivre blanc et le cumin, la réglisse qui apporte son amertume délicate, la fleur d’amande qui les parfume avec grâce.

Rivoire Jacquemin (11)

 

Le deuxième Comté

Un Comté les Fins de 20 mois, affiné par Rivoire-Jacquemin à Lons-le-Saunier

 Pâte jaune ivoire prononcé étoilée de concentrations de tyrosine.

Odeur de miel de châtaignier et de lavande, confiture de quetsche, poivre blanc qui poudre le cuir, crème vanille à la chicorée.

Texture cassante.

Goût acidulé de tarte au citron et de confiture de rhubarbe qui installe une grande fraîcheur sapide en bouche. Vient ensuite l’amertume des zestes d’agrumes, citron, mandarine qui renforce encore la fraîcheur. Puis les épices qui relèvent le lait bouilli et les crèmes aux fruits secs.

Le vin

Un vin de la région montagneuse du Trentin au pied des Dolomites élaboré par l’excellente Elisabetta Foradori. www.elisabettaforadori.com

 bouteille fontasanta

Fontanasanta Manzoni Bianco 2013 IGT Vigneti delle Dolimiti Elisabetta  Foradori

Jaune doré.

Nez floral de bouton de rose, de fleur d’amandier, vivifié de citron confit, adouci de kumquat, viennent ensuite des impressions méditerranéennes d’aiguilles de pin et de pignons grillés.

Bouche ample rafraîchie de citron confit, de marmelade de groseille blanche, fraîcheur renforcée par l’amertume superbe qui nous rappelle le cédrat confit. Il y a aussi cette impression tannique qui renforce le caractère de ce vin blanc et qui aidé du minéral installe un relief perceptible en milieu de bouche. Grande longueur très épicée.

Cépage Manzoni 100% qui est un croisement entre Riesling et Pinot Blanc. Macération pré fermentaire pendant une semaine en cuves béton. Élevé dans des barriques d’acacias durant 12 mois.

Accord imprévu

Un accord très sec, très minéral, presque austère. Et d’un coup, des saveurs gourmandes de liqueur de poire et d’amande surgissent, puis l’élégance parfumée de fleur d’oranger, l’amertume gracieuse des zestes d’orange. Comme quoi, il ne faut jamais se fier aux premières apparences…

 

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 Le troisième Comté

 Comté des Majors, 35 mois (mai 2013), affineur Marcel Petite au Fort Saint Antoine

Pâte blanc nacré.

Nez minéral qui évoque les pierres calcaires chaudes de soleil, puis viennent les odeurs de fenil où sèche le foin, le tabac blond que roule le bouvier, le pot de lait un peu aigre qui parfume l’encaustique des meubles de la cuisine.

Texture qui garde encore de l’onctuosité.

Goût étonnamment fruité, perception renforcée par l’impression sucrée de confiture de lait, mais aussi de rhubarbe, de prune et d’orange, avec la note brûlée de la chicorée, de la fève de cacao, de la croûte de pain. La fraction salée du bouillon cube se renforce et s’iode. L’amertume de la réglisse se fait discrète. La finale retrouve la douceur en forme de pâte de poire et de datte.

Remarques : seuls quelques Comté atteignent un tel degré d’affinage. Leur sélection se fait avec beaucoup de rigueur par l’affineur qui sait jauger leur potentiel. Ces «raretés» répondent aux attentes de quelques consommateurs amateurs de fromages puissants…

Le vin

Une deuxième bulle qui vient de l’est de Vérone www.giovannimenti.com

bouteille Menti

Ommomorto 2011 Menti Vino Azienda Agricola Giovani Menti

 Doré ocré.

Nez de confiserie, de miel de fleur d’oranger, puis de gelées de pomme, de rhubarbe, de framboise, avant de trouver les nuances oxydatives de la pâte de coing bien épicé, de la feuille de tomate et de la branche de céleri.

Bulle fine, intense à la saveur minérale. Perception fruitée d’eaux-de-vie de fraise des bois et de framboise que vient perturber le croquant du sel, puis une impression sucrée suivi d’amer racinaire. Il y a aussi cette élégance florale et gourmande de gelée de rose et d’angélique confite.

Assemblage de 97% de Durella et 3% de Garganega en méthode traditionnelle avec prise de mousse en bouteille, conservée sur pointe (c’est-à-dire la bouteille le col en bas) et dégorgement à l’ouverture à table, c’est assez fun !

 Accord minéral (habillé)

Il démarre en nous offrant de jolies pâtes de fruits, des tartes pâtissières à la crème de chicorée, épicée de poivre et de curcuma. Puis viennent encore les fruits secs, comme les noisettes, amandes et arachides, qui habillent le développement minéral aux accents presque austères. Austère certes au début, puis de plus en plus riches. Finale longue qui reste minérale et fruitée.

C’est sympa l’Italie…

Ciao

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Marco

7 réflexions sur “Comté, mariages à l’italienne

  1. Cher Monsieur Heydon, il y a une différence entre vins tranquilles et vins mousseux;
    du côté des vins tranquilles, le demi-sec est un vin dont la teneur en sucre est supérieure à 4g et inférieure à 20 (norme européenne). Du côté des effervescents, les catégories ne sont pas du tout les mêmes: le brut va jusqu’à 12g.
    Le demi-sec, lui, commence à 32g et finit à 50g.

    Merci de votre commentaire

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    1. Thierry Heydon

      Cher monsieur Lalau, les normes sont une chose, mais on ne peut pas dire qu’un vin brut avec 10 à 12 g/l de sucres résiduels soit sec au sens gustatif du terme. Les normes sur ces vins effervescents sont là pour contrecarrer les acidités souvent mordantes des vins (ce qui n’est a priori pas le cas dans ce vin car il possède une acidité fixe, d’après votre papier de 5g/l, sans doute exprimée en g d’acide tartrique, ce qui fait une acidité très très faible…)
      Dans ce type de vin , un dosage à 10g/l est donc obligatoirement fortement ressenti à la dégustation

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      1. À la limite, on s’en fout, ce qui compte ici c’est l’accord qui fonctionne bien, le reste c’est du détail technique que je donne pour que le lecteur ait une indication supplémentaire si cela l’intéresse, c’est tout.
        Marco

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      2. Une dégustation récente de bruts dosés à 8 et 11 g (Crémants de Bourgogne) m’incite à émettre des doutes; j’ai été incapable de déceler le plus dosé des deux.
        Et non, ce n’est pas qu’une question de norme: si le mot brut est plus adapté que le mot sec aux vins à bulles, c’est juste que c’est le plus employé.

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  2. mauss

    Bravo pour une telle dégustation, et l’image finale nous rappelle le grand discours d’Angelo Gaja qui comparait les vins italiens à Marcello Mastroianni et les californiens à John Wayne !

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  3. georgestruc

    Quelle chance d’avoir pu déguster des comtés aussi prestigieux !! Fromages de terroirs bien identifiés (une thèse d’état sur le sujet) dont l’association avec les vins offre de belles surprises. Tu as osé des mariages très inhabituels avec ces vins italiens inattendus et l’on constate avec plaisir qu’ils ont été concluants. J’ai beaucoup aimé, en matière d’arômes concernant le Comté des Majors, cette note de « tabac blond que roule le bouvier ». Nous voici projetés dans un tableau de Millet, cher à notre école primaire, ou dans un poème du père Hugo :

    Mugissement des boeufs, au temps du doux Virgile,
    Comme aujourd’hui, le soir, quand fuit la nuit agile,
    Ou, le matin, quand l’aube aux champs extasiés…

    Tu est le plus parnassien des dégustateurs, cher Marc.

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