Les cépages rares de Lionel Osmin

En cette semaine qui va me voir entamer un processus de demande de naturalisation française, si l’Etat m’y autorise, je préfère parler d’un coup de cœur pour des vins plutôt que me désoler devant le petitesse d’esprit et la bêtise de 52% de mes concitoyens britanniques. Quelle tristesse !

Il s’agit d’une petite série de 3 vins que j’ai reçu et dégusté la semaine dernière. J’ai déjà parlé dans ce support de Lionel Osmin, négociant/vinificateur (avec son associé Damiens Sartori) du Sud-Ouest de la France et de tout le bien que je pense de sa démarche et de ses vins. Ces trois vins se démarquent du reste de la gamme, non seulement par leur présentation très dépouillée, mais aussi par le fait qu’ils mettent en avant trois cépages très rares rares du sud-ouest qui ont tous failli disparaître : abouriou (rouge), prunelard (rouge) et ondenc (blanc).

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Les deux derniers ont probablement été sauvé d’extinction par le très estimé Robert Plageoles, à Gaillac. J’ai le souvenir, il y a une trentaine d’année, d’une visite de son vignoble lorsqu’il me montrait une courte rangée de vignes à côté de son chai en me disant qu’il s’agissait de plantes d’un cépage que son père avait conservé. Il s’agissant de l’ondenc et il a poursuivi l’expérience en plantant cette variété à plus grande échelle et en a fait, notamment, de très grands liquoreux. Il a aussi beaucoup œuvré pour la conservation du prunelard/prunelart et son fils, Bernard, réalise de magnifiques vins rouges aujourd’hui avec ce cépage.

L’Abouriou vient plutôt du Lot et Garonne et tient son nom de l’occitan aboriu qui signifie « précoce ». Autrefois très présent dans la région entre Villeréal et Marmande, il a beaucoup reculé, mais quelques vignerons, dont Elian Da Ros, l’utilisent encore. Cette variété précoce, résistante aux maladies, coloré et tannique mais peu acide, est certainement ancienne dans le coin car il a de multiples synonymes : Gamay Beaujolais à Puy l’Evêque, Loubejac en Dordogne, Gamay du Rhône, Malbec argenté, Négret de la Canourgue, Noir hâtif, Pinotou, Plant Abouriou, Précoce Naugé, Précoce Noir, Pressac de Bourgogne. Malgré certains synonymes mentionnés, il n’a aucun lien génétique avec le Gamay, mais a des liens de parenté avec le Malbec et avec le Merlot, via la Magdeleine Noire des Charentes.

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Le Prunelard a des origines tarnaises ou haut garonnaises et tient son nom du mot occitan prunel qui signfie prune, en référence à la forme de la baie. Il est l’un des parents (avec la Magdeleine Noire des Charentes) du Malbec.

L’Ondenc fut mentionné dans le Tarn en 1783 par Rézeau comme étant « un des meilleurs raisins que je connoisse pour manger et faire du bon vin ». Il fait partie du groupe ampélographique Folle. Le sens exact de ce nom n’est pas très certain. Il signifie « ondulante » en langue occitane, soit pour souligner sa capacité de faire des vins secs ou doux, soit pour décrire l’aspect de ses feuilles.

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Les trois vins de Lionel Osmin sont d’une belle présentation dans des flacons relativement lourds et larges, sans exagérer sur ce plan. Les étiquettes sont d’une parfaite sobriété, élégantes et efficaces. Ont-ils une appellation ? Je dois dire que je n’en sais rien et que je m’en fous totalement. Il sont très bons, ils ont du caractère qui vient à la fois de leurs cépages et de leurs climats, et cela suffit amplement à mon plaisir.

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Je ne vais pas vous ennuyer avec des notes de dégustation, surtout parce que je n’en ai pas pris. Mais j’ai aimé chacun des ces vins à sa manière. D’abord l’Ondenc : parfaitement sec, « tendu » comme on dit en ce moment, mais avec une texture qui m’a fait penser à du lin, très doucement accrocheuse sans être aucunement agressive. Ce n’est pas exactement gras, mais il a de la substance et un fond assez ferme, ce qui lui donne du caractère. C’est généreux et austère en même temps, ce qui intrigue et rend la complexité des impressions passionnante. Je l’ai bu sur une période de trois jours, en le partageant à une occasion avec Sébastien, mon collègue de travail. Le vin n’a pas flanché, ce qui semblerait indiquer une bonne capacité de garde. Puis vient l’Abouriou : le plus austère des trois, avec des tannins secs mais fins, une texture néanmoins délicate et une légère amertume qui semble remplacer l’acidité. Il a ce caractère rocailleux des accents du sud-ouest, mais sans la chaleur des vins du Languedoc. Il semble même relativement léger en alcool. Ce n’est pas un charmeur, mais il est l’image d’une certaine droiture authentique, franc de collier et frais d’esprit. Enfin le Prunelard, certainement le plus complet des trois, avec cette alliance parfaite entre rondeur gourmande et une structure qui signe tant de cépages rouges de la région. J’ai adoré ce vin et la bouteille n’a durée qu’une séance à deux.

Quand je déguste des vins, il arrive très souvent que je n’en connais pas les prix et, du coup, j’essaie de mettre un niveau de prix sur les bouteilles en question. Je les avais estimé, vu leur qualité, la présentation et leur très faible tirage, dans une fourchette qui se situerait entre 15 et 25 euros la bouteille. Mais je me suis largement trompé car ils valent un peu moins de 10 euros départ chacun, ce qui constitue, selon moi, un excellent rapport qualité/prix. Du coup, j’en ai acheté. La vie est simple, parfois !

Je vais tâcher de me consoler de cette stupidité sans nom qu’on appelle Brexit (tout n’est que slogans débiles dans la tête de ces gens) et buvant ces trois vins formidables sans la moindre trace de modération et en rêvant à mon passeport français (ou, encore mieux, gascon/européen).

David Cobbold

11 réflexions sur “Les cépages rares de Lionel Osmin

  1. Il ne faut pas désespérer de la nature humaine.
    Les Britanniques peuvent peut-être changer d’avis.
    Quoique je les crois bien têtus.
    M’enfin! Nous verrons.
    De toute manière, ce ne sont pas eux qui font le meilleur vin.
    Laissons-les dans leur thé.
    Je vais prendre en verre à votre santé David le Gascon.

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  2. Malgré l’aversion que vous semblez avoir maintenant pour tout ce qui est britannique, et que comme tout rugbyman je partage forcément, je dois reconnaître que leur vénérable institution Decanter Awards vient de décerner une note de 95/100 et une médaille d’or à notre vin fait de 60% d’Abouriou et 40% de Merlot (Domaine de Beyssac L’Essentiel 2014, AOP Côtes du Marmandais).
    Même si je ne leur pardonne pas de lâcher ainsi notre communauté européenne, vous ne pouvez pas renier cette qualité que vous avez en commun avec ceux qui sont encore vos compatriotes, d’identifier les bons vins et les bons cépages, comme vous venez de le faire dans votre article !
    Vive l’Abouriou et vive le Sud-Ouest !

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  3. Merci Fredo. Je n’ai point d’aversion pour « tout », mais uniquement pour le bêtise, la peur de l’autre et l’enferment dans des illusions. Quant au rugby, les performances de toutes les équipes anglaises (et aussi britanniques) en ce moment sont plus qu’honorables comme les matchs de ce weekend viennent de prouver. Et bravo au XV de France pour cette belle victoire en Argentine. J’ai hête de déguster votre vin. Une petite visite cet été ?

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  4. ONTIVERO

    Nous sommes tous citoyens du monde. L’humain a perdu le sens de sa vie sur terre. Il ne devrait pas y avoir de frontières, pas de guerre. Oh, je sais c’est utopiste mais… j’étais tellement heureuse quand Chirac a aboli le service militaire. L’idée des armes me fait frémir. Bon, il aurait dû le remplacer par un service civique, nos jeunes seraient moins tourmentés aujourd’hui. Pour ce qui est de l’utopie, mon fils qui ne manque pas de l’humour british dont il a sûrement hérité de son père me disait récemment : « c’est ça va au devant de Daesh leur dire qu’ils posent les armes avec ta guirlande de légumes bio autour du cou ! »
    David, on vient tous d’un ailleurs qui n’est pas le pays dans lequel on vit aujourd’hui. Mais… Ceux qui veulent le pouvoir savent se nourrir des peurs des autres. Et si nous ne nous donnons pas un peu plus d’amour et de respect au quotidien, ils gagneront !

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  5. mauss

    De David : « ou, encore mieux, gascon/européen » : bravo = ***

    Ça viendra, mais quand… ?

    Fédération européenne de grandes régions : un vrai sage, David ! 🙂

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  6. David, je respecte ton indignation, tout en te signalant qu’en matière de slogans débiles, l’Union européenne sait faire aussi: par exemple, « Unie dans la diversité » (c’est sa devise officielle, particulièrement parlante et mobilisatrice); sans parler de ses réglementations incompréhensibles ou inutiles, de sa propension pour une démocratie très indirecte et son incapacité à régler des choses importantes (glyphosates, Turquie, migrants… sans oublier la dimension des bouteilles de vin jaune).

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    1. Ik capisco nada sir !
      Je suis d’accord pour les réglementations honteuses ou le manque de réglementations qui sont souvent le fruit d’un lobbying acharné, sauf pour les 62cl des bouteilles de Vin Jaune.

      Rappelons qu’il faut se méfier des mecs qui vous veulent du bien et qui se disent être là pour nous protéger…

      Quant à Osmin, j’aime beaucoup ce qu’il fait, j’ai eu l’occasion de déguster à Vinisud les cépages rares et anciens, ils m’ont quasi tous plu. J’attends avec impatience qu’il nous les envoie pour que je puisse en parler dans IVV (the best revue in the world comme disent les Bengali), dans ma vieille rubrique « ces pages oubliées » top le jeu de mots.
      Bises à tous et claquons-nous sur les genoux
      Marco

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