Pourquoi le vin semble-t-il mieux traité à Londres qu’à Paris ?

Autant vous le dire de suite : je n’ai pas de réponse à cette question. Mais je viens de constater, un peu au hasard d’une récente pérégrination dans la capitale britannique, que cela semble bien être le cas. Je sais bien que mes trois exemples peuvent être considérés comme anecdotiques à l’échelle d’une ville aussi vaste que Londres, mais deux d’entre eux ont été choisis vraiment par hasard, comme le ferait un touriste moyen à Londres (que je suis devenu dans une ville que je ne reconnais qu’à peine après plus de 40 ans d’absence). Et je me demande si, au hasard de ses ballades à Paris pour voir et faire autre chose que de visiter des lieux du vin, un touriste étranger tomberait aussi bien que je l’ai fait à Londres.

La première étape fut choisie à l’occasion d’un rendez-vous d’affaires avec un client, et par ce client. Le 67 Pall Mall (http://www.67pallmall.co.uk/club.html) abrite un club dont le vin est la raison d’être et je n’en connais pas l’équivalent à Paris. Les 600 membres (et il y a une liste d’attente, paraît-il) règlent une cotisation annuelle de 1000 livres (500 si vous êtes un professionnel du vin) qui leur permets d’entrer dans ce club situé dans un des quartiers les plus chics de la ville, y loger une partie de leurs vins, en choisir aussi sur une liste longue comme un jour sans vin, manger très bien ou organiser des dégustation ou des rendez-vous d’affaires ou d’amis. La nourriture est excellente et les prix plutôt raisonnables pour le quartier. Il y a des salles privées et deux petites salles à manger. Le service est parfait.

Seconde étape : en allant voir une exposition au Tate Modern (Georgia O’Keefe, plutôt décevante dans l’ensemble à part les gravures et les dessins), je m’y dirigeais à pied depuis la gare de Waterloo quand j’ai remarqué dans une rue à droite un restaurant intitulé RSJ où j’avais mangé il y a des années avec un des mes cousins. J’en avais gardé un excellent souvenir et j’ai décidé d’y retourner pour déjeuner après avoir vu l’expo. Ce qui fut fait. Peu de monde à 13 heures un mardi, mais une cuisine de haute qualité, précise et avec des produits frais préparés sans chichis mais avec grand soin. Et une liste de vins de Loire énorme et exemplaire (Jim doit bien connaître). Là encore je ne sais pas si Paris a son équivalent. J’ai pris une bouteille de Saumur blanc de Frédéric Mabileau (à qui j’avais donné son premier stage dans le vin en dehors de son domaine familial à St. Nicolas, dans les années 1980). Un chenin blanc somptueux, aussi intense et succulent que vif et précis. RSJ, pour les profanes, ne signifie pas les initiales du propriétaire, mais Rolled Steel Joist, autrement dit une IPM, poutrelle métallique qui a du être insérée dans ce vieux bâtiment pendant sa conversion en restaurant.

Et voici ce qu’en dit la magazine Time Out si vous voulez une opinion plus avisée (je ne suis pas critique gastronomique !) http://www.timeout.com/london/restaurants/rsj

Troisième et dernière étape : Grain Store à Kings Cross (http://www.grainstore.com). Je logeais dans un hôtel miteux mais pas trop cher (tout est relatif à Londres en matière d’hôtels) à côté de la gare de St. Pancras pour prendre un Eurostar très tôt le lendemain. Pour aller manger un morceau et boire aussi, je me suis promené dans le quartier si bien réhabilité qui borde les deux gares (St. Pancras et Kings Cross) au nord, du côté de Camden. Plein de possibilités en matière de bars, de pubs, de restaurants, tous assez fréquentés par un public essentiellement jeune et cosmopolite. Par choix un peu hasardeux (décor, relative tranquilité) j’entre dans un d’eux, intitulé Grain Store. Je suis bien tombé. 12 vins rouges, 8 vins blancs, un rosé (largement assez) ; trois bulles, deux Sherries y sont servis au verre. Et très bien choisis aussi ! J’ai dégusté un superbe Godello 2015 de Benito Santos (Galice, Espagne) et un très bon Riesling 2014 de Peter Laueur (Saar, Allemagne). 4 des blancs et 3 des rouges étaient français, autrement le choix était très éclectique quant aux origines comme des cépages. Les prix au verre allaient de 4 à 15 livres (un Condrieu pour ce dernier). Lieu très agréable avec cuisine ouverte, décor industriel remanié avec goût, service souriant et bien informé, nourriture excellente sous forme de tapas intelligentes et créatives, mais on peut aussi faire un repas classique. Est-ce qu’on trouve cela à Paris ? Je ne le crois pas, malheureusement.

Je vous ai déjà parlé de la différence entre les gares de St. Pancras et de Paris Nord sur le plan des vins et de la nourriture. Elle est encore plus accablante pour la France !

Je vais devenir Français, en tout cas, j’en ai fait la demande, mais force est de constater qu’en France on traite le vin assez mal en comparaison avec ce qui semble se passer outre-Manche où le service se fait avec le sourire, en tout cas là ou je me suis rendu. Une autre chose m’a frappé : si j’en juge par leurs accents, très peu des personnels de service dans tous ces établissements étaient anglais. Qu’en sera-t-il lorsque le stupide « Brexit » sera consommé ?

David

12 réflexions sur “Pourquoi le vin semble-t-il mieux traité à Londres qu’à Paris ?

  1. mauss

    … cordonnier plus mal chaussé…

    Peut-être aussi que le vin, en dehors de ses pays d’origine, bénéficie d’un supplément de respect qu’on n’a pas ou plus sur place. Mais ton titre doit être modifié : change le verbe semble-t-il pour « est-il ». Tu as ma permission 🙂

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  2. Une autre petite cantine que je te recommande, cher would-be néo-Français, est située au 35 Maiden Lane, du côté de Covent Garden. Le vin qu’on m’y a servi en accompagnement de ma grouse était parfait, et à la bonne température. Le verre était propre. Le serveur ne portait pas de tatouage (j’ai cela en sainte horreur), ne mastiquait pas de chewing gum et avait les cheveux propres.
    Je n’ai pas réglé l’addition moi-même et c’était ma dernière visite à Londres (hélas): vers 1998, par là!

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  3. Si tu désires réussir les examens d’aptitude à la francitude, David, je te conseille l’acquisition du Lagarde et Michard. Ces ouvrages collationnent tous les vieux poncifs de la littérature française. Parmi eux, certains textes sont sublimes. Je me souviens – les cours de français sont pollués par la « grande soeur » en Belgique – d’un intitulé « Comment peut-on être persan? » qui servait d’introduction au subtil Montesquieu. A l’époque (16 ans), cela me barbait. J’avais tort, ayant repris cet auteur bien plus tard, alors que mon esprit s’était ouvert quelque peu à cette intelligence. Je voudrais détourner ce titre, par ce glissement qui me caractérise, tu le sais. Comment peut-on vouloir être français?
    Personnellement, je tente de me conformer aux habitudes du pays qui m’a toléré sinon accueilli, c’est la moindre des choses. Mais je le quitterais sur le champ si on me forçait à en embrasser la nationalité. J’aimerais d’ailleurs n’en posséder aucune mais c’est interdit par les conventions internationales (pas d’apatrides). Je pourrais ainsi dire: « Mon nom est Personne ». Mais c’est déjà pris!

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    1. georgestruc

      Faut mettre en place une enclave territoriale à Corneilla la Rivière, la « Charliérie », et flanquer un péage pour y entrer ; double tarif pour les français, cela va sans dire ; moitié prix pour les belges et gratuité pour les british ; cela peut rapporter quelques sous…

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      1. Je vais suggérer cette excellente idée à Madame notre Maire. Elle est inspectrice des impôts au ministère des finances, et d’obédience communiste. Le péage, ça plaît beaucoup en France, même si on a supprimé dans l’entre-deux-guerres ceux dus aux portes de Paris. Le père adoptif de Christine (91 ans), qui était horticulteur « hors les murs » à Champigny-sur-Marne, les a encore connus. Malheureusement, alors qu’ils créaient de l’emploi aux barrières d’autoroute, on les remplace tous par des automates et par le télépéage. Une enclave similaire, avec « route franche », existe déjà dans le département, en Cerdagne (voir Llivia) et ce depuis le Traité des Pyrénées (sous Louis XIV). Par contre, tout en rendant hommage à qui de droit, je me permets de ne pas comprendre la grille tarifaire. De toute façon, les Français resquillent toujours (et s’en vantent). Il ne sert à rien d’interdire ce qu’on ne peut empêcher et je ne les ferais donc pas s’acquitter de cette taxe. Moitié prix pour les Belges (majuscule svp!) me paraît frappé au coin du bon sens par contre: ils apportent des devises et sont les seuls à acquérir mon vin. Il n’y en a malheureusement pas beaucoup pour faire le détour car j’aligne mes tarifs sur ceux des revendeurs dans mon pays. Bien sûr, ils profitent d’une belle dégustation, d’un petit cadeau et de l’honneur de parler au vigneron (hum). Enfin, les Britanniques supportent déjà un change au cours défavorable, Ils ont donc l’habitude d’être pris pour des pigeons. Qu’on les saigne, qu’on les ponctionne! Sus à l’Anglois.

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  4. georgestruc

    Combien d’années a-t-on mis pour que l’apéro classique (pastis, Cinzano, Dubonnet…) revêtant le palais de vilains arômes qui affectaient ensuite le goût du vin, soit remplacé par du vin ? Cela montre à quel point notre pays a négligé de respecter, d’aimer et de faire apprécier le produit phare de son territoire…On ne peut que le regretter ; espoir : la culture du vin n’a jamais été aussi développée que de nos jours ; les jeunes générations apprennent à la connaitre et il s’agit de la maintenir et de la développer. Le blog des 5 y contribue de façon significative. Merci messieurs.

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  5. Jim Budd

    52% unfortunately voted for the stupid Brexit – confusion still reigns and looks likely to continue for some considerable time. As you say the restaurants, bars in London employ many of their staff from outside the UK – EU countries and elsewhere. It is the same in our National Health Service. Regrettably the referendum campaign has unleashed a wave of intolerance and racism, so a number of workers from outside the UK no longer feel welcome.

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  6. Jim Budd

    David – glad you had a good meal at the RSJ. I have being doing consultancy work at the RSJ for some 20 years which has included giving tasting, translating at winemaker dinners etc. The era of busy lunchtime trade in London seems to be largely passed.

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