Gigondas, avec ou sans « minéralité ».

vins-gigondas-font-sane-slide05Dans cette photo du Domiane de Font-Sane, avec le Mont Ventoux au fond, on sent bien l’influence de l’altitude sur le vignoble

La sensation de puissance, en grande partie due à leur taux alcool, qui se dégage de bon nombre de vins de Châteauneuf-du-Pape peut inciter à la méfiance de la part de certains. Bien qu’il y ait beaucoup de vins magnifiques issus de cette appellation, on a parfois envie d’un peu moins de chaleur, même au creux de l’hiver. Cela explique peut-être pourquoi, confronté à des propositions de déguster à deux endroits différents les vins de Châteauneuf et ceux de Gigondas le même jour et à la même heure, à Paris, récemment, j’ai pris la deuxième option : mon plan « B ».

blocvisuel_2_490x400Certains domaines, mais pas tous, utilisent ce flacon qui singe celui de Châteauneuf. 

J’ai été heureux de mon choix car j’ai pu déguster beaucoup de bons vins dans un confort relatif, vu qu’il n’y avait pas trop de monde. Moins prestigieux, le Gigondas? Et alors? Je préfère de loin éviter les hordes bousculantes et mal-polies et déguster dans de bonnes conditions!


vignoble-la-bouissiereCette photo d’une partie du vignoble de la Bouïssière me fait penser que relief, pente, orientation et environnement jouent ensemble un rôle prépondérant dans l’influence du terroir et pèsent bien plus que la nature du sous-sol.

Au total, 42 domaines ont présenté des vins de différents millésimes, dont 28 avaient aussi amené des échantillons de leur millésime 2015, en cours d’élevage pour certains. Il y avait également une présentation de la géologie de l’aire de Gigondas par l’estimé Georges Truc, assortie d’une dégustation conduite par David Lefebvre qui était censé illustrer le concept « minéralité et terroir ». Vu que les propriétaires et vinificateurs des 6 vins étaient différents, que les techniques de vinification aussi, et qu’aucune information n’était fournie sur le matériel végétal ni sur l’orientation/altitude des vignes en question, cette dégustation ne prouvait rien quant à la validité d’un tel concept ! Mais les dégustations libres étaient très intéressantes et je vous livrerai quelques commentaires sur mes vins préférés.

gigondas_village_et_tourellesLe village qui donne son nom à l’appellation

Le millésime 2015

J’ai dégusté les 27 vins de ce millésime qui étaient présentés dans une salle à part des stands des producteurs. Joli millésime dans l’ensemble et qui devrait bien évoluer. Mes préférés (à peu près dans l’ordre) étaient :

Domaine des Bosquets

Domaine La Bouïssière

Château de Saint Cosme, Les Claux

Domaine de Cabasse

Domaine Montirius

Domaine du Pourra

Domaine du Cayron

Domaine de Font-Sane

Domaine du Goupillon d’Or

Domaine de Piaugier

Domaine Pierre Amadieu

La dégustation principale et mes producteurs préférés

Chacun présentait le ou les millésimes et cuvées de son choix à son stand. J’ai pu presque tout goûter.

Domaine Raspail-Ay 2014

J’ai connu les vins de ce domaine il y a plus de 30 ans quand j’ai commencé dans le vin comme caviste, et je l’avais visité à cette époque. Le millésime 2014 présenté avait une belle matière juteuse et une bonne longueur.

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Domaine des Bosquets, 2014 et 2015

Un grand coup de cœur pour les vins de ce domaine : avec le 2015 j’en ai dégusté 4 et ils sont au top, pour moi. Seul petit inconvénient : des prix un peu élevés; mais enfin, la qualité doit se payer, non? Dans le millésime 2014 j’ai dégusté trois cuvées : le vin d’assemblage qui est harmonieux, suave, long et équilibré ; Le Lieu Dit, délié mais avec une impression d’alcool assez présente ; enfin, mon préféré dans cette série très relevée, Les Collines, lequel, derrière un boisé qui demandera un an de plus pour s’assimiler totalement, est vif, avec des saveurs bien précises et une sensation vibrante qui donnera beaucoup de plaisir.

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Domaine de la Bouïssière 2014 et 2015

Leur 2015 est un bien joli vin, complet, chaleureux et plein. La cuvée Tradition 2014 a un bon fruité avec de la structure derrière, et la cuvée Font de Tonin 2014 est excellent avec une matière dont la fraîcheur éclate au palais.

Domaine de Coyeux, Imperis 2014

Très beau fruité juteux.

Château la Croix des Pins 2014

Deux cuvées de très belle qualité dans ce millésime: Les Dessous des Dentelles, assez gourmand, puissant sans excès, avec une jolie texture, de la finesse et une bonne longueur ; Le Parpaillon, qui a davantage de densité et une belle force de caractère.

Domaine de Font-Sane 2014 et 2015

Après le 2015, bien équilibré, j’ai dégusté deux cuvées du millésime 2014: « Tradition » (mais pourquoi donc tant de cuvées utilisent ce mot qui ne signifie pas grand chose?), qui a un bon fruité, une structure moyenne mais des tannins un peu trop présents; puis « Terrasses des Dentelles », qui a un bien joli nez raffiné et un coeur solide.

Domaine du Grapillon d’Or 2013 et 2015

Le 2015 et juteux et fin. Je n’ai pas bien dégusté le 2014 présenté, mais la cuvée Excellence 2013 a une très belle qualité de fruit et une texture soyeuse.

Domaine Montirius 2011 et 2015

Leur 2015, juteux, élégant et frais, fait partie de mes préférés dans ce millésime. La cuvée Terre des Ainés j’ai trouvé asséché par des tannins trop dominants et j’ai préféré la cuvée Confidentiel 2011, aux arômes claires et à la matière affinée et longue, soutenue par une belle structure.

Maison Ogier 2014

Pour sa cuvée Dentelles 2014, propre et assez vif, au fruité clair et net.

saint-cosme

Château de Saint Cosme 2012 et 2015

Louis Barruol, dont nous avons souvent apprécié les commentaires pleins de sagesse sur ce blog et qui préside actuellement l’appellation Gigondas, présentait deux cuvées. La plus jeune, Les Claux 2015, est le meilleur des 2015 que j’ai dégustés à cette occasion, délicieux par la pureté de son fruit (nez splendide, mais je sais que cet aspect est mouvant à ce stade) et d’un caractère très vivant. Puis une cuvée de garde qu’il faudra attendre: Château de Saint Cosme 2012, fin et bien fruité, mais à la structure encore austère.

Domaine Saint Damien 2014

Cuvée Vieilles Vignes, 2014 souple et gourmande, très agréable, et une cuvée plus ambitieuse, La Louisiane 2014, au très beau fruité, fin et long.

Domaine Les Semelles de Vent 2013 et 2014

Deux millésimes d’une cuvée nommée Clos du Garde, aussi réussies l’une que l’autre. Le 2013 montre de jolies notes combinant fruité et fumé, une matière relativement déliée et souple et un caractère bien gourmand. Le 2014 est plus intense, aux notes de réglisse et de fruits noirs bien mur, aussi bien au nez qu’en bouche, avec des tanins longs et bien intégrés.

Domaine de la Tourade 2014

Une cuvée nommée Font des Aieux, issues de vignes de 70 ans. Intense, encore austère mais avec une belle matière. Un vin qu’il faudra attendre entre 3 et 5 ans à mon avis.

Par négligence de ma part, je n’ai pas dégusté les vins de deux producteurs : Famille Perrin et Domaine Les Teyssonnières 

gigondas003-1024x595Une autre photo du Domaine La Bouïssière, qui produit quelques uns de mes vins préférés de cette dégustation

Conclusion

Les vins de Gigondas utilisent, en gros, les mêmes cépages qu’à Châteauneuf et les assemblages sont aussi largement dominés par le Grenache, mais ils bénéficient d’une altitude supérieure et des expositions plus variées, du fait de la topographie accidentée fournie par les Dentelles de Montmirail et ses éboulis. Cela leur confère une fraîcheur et un équilibre que j’ai bien apprécié dans ce climat sudiste.

Les meilleurs vins de Gigondas offrent au consommateur un compromis intéressant entre fruit, structure et puissance. Leur puissance alcoolique, due largement au cépage Grenache, semble souvent mieux maîtrisé qu’à Châteauneuf, et les prix sont aussi plus abordables. Certains méritent amplement un peu de repos dans une bonne cave, car leur structure a besoin de temps pour se fondre et se patiner. D’autres ont été élaborés pour une consommation plus rapide, pendant la période ou leur fruité reste éclatant. Il convient donc de bien choisir sa cuvée (et son producteur) en fonction de son projet de consommation.

David Cobbold

9 réflexions sur “Gigondas, avec ou sans « minéralité ».

  1. Tu mets le doigt sur quelque chose d’important, David. On me contredira sans doute mais CNP, Gigondas, Vacqueyras dans une moindre mesure, Rasteau et Cairanne partent tous d’une base similaire. A l’aveugle, je crois qu’on peut aisément prendre certains crus des uns pour des vins des autres. Mais les cinq ont leur personnalité propre. Et tu as raison, souvent Gigondas est un peu plus fin, policé, que CNP. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de CNP très élégant aussi. Par contre, même les exemples à titre alcoolométrique plus élevé peuvent atteindre l’équilibre aussi. C’est affaire d’homogénéité. Les Cairanne sont souvent … solides, mais quel plaisir de dégustation ne procurent-ils pas néanmoins !
    Je n’ai qu’un reproche à faire à la zone des Dentelles, que tu illustres abondamment : m’y allant promener (comme Brassens à la Claire Fontaine) avec mon setter (un Gordon puissant) après une solide averse, il y a plus vingt ans, je l’ai vu s’enliser dans une parcelle plus glaiseuse. Je suis parti le secourir et … je n’ai jamais pu sortir mes bottes en caoutchouc de la terre. Nous avons regagné le chemin carrosable à quatre pattes (huit à nous deux), tout crottés. Je pense que mes « Wellies » sont encore fichées en terre par là.

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  2. Ce qui est très remarquable aussi est que tous les Gigondas sont de haut niveau, évidemment j’ai mes préférences, mais un Gigondas seulement « bon » je ne l’ai jamais trouvé. Chaque vin de l’appellation a du caractère. Un grand terroir bien sûr mais bravo au vignerons!

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  3. @Lucawine : je n’irai pas jusqu’à dire, comme vous, que « tous les Gigondas sont de haut niveau ». Cela serai un déni de l’individualité des vins et cela ne serait pas vrai du tout ! Si vous lisez mon article, vous verrez que je ne parle que d’une fraction des vins qui étaient présentés à cette dégustation.

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  4. « Tous les Gigondas sont de haut niveau ». Il en a bu combien, la semaine passée, le monsieur? Et quel est son hidden agenda? Je précise que j’aime beaucoup les bons vins de cette appellation, à titre personnel, et qu’ils recoupent en partie la sélection cobboldienne. En fait, des Gigondas qui ne sont même pas « seulement bons », on en trouve aussi des tonnes, comme partout. Certaines de mes interventions peuvent irriter: parfois je le regrette sincèrement, parfois c’est fait exprès. Mais ce commentaire-ci, cher Lucawine, il est totalement inepte. Regardez la signification exacte de cet adjectif en français, qui fait faux-ami avec l’anglais. Il ne s’agit pas d’une simple nuance.

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    1. Si vous dites que « tous » est un’exagération je l’accepte. Je connais une quarantaine de domaines, évidemment j’ai toujours eu de la chance. En tout cas le Clos du Joncuas, le Domaine de la Fourmone et le Domaine du Redortier font des Gigondas magnifiques, franchement je ne me souci pas s’ils ne sont pas mentionnées dans cet article. P.S. L’Anglais n’est pas la langue du mon pays d’origine.

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  5. BEO

    Sachez que les vignerons qui utilisent la bouteille du Syndicat de l’appellation Gigondas ne singent en rien CNP! Armoiries du village fortifié de Gigondas ! La bouteille écussonnée est très usité dans les CDR sud et n’est pas l’exclusivité de CNP.

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  6. Bruno Delaroque

    Bonjour,
    Il me semble qu’aujourd’hui le grand attrait des vins de L’Appellation Gigondas réside dans la diversité de ses crus bien sûr, mais surtout dans son formidable rapport qualité prix(plus pour longtemps au train où vont les choses) par rapport aux vins de Châteauneuf qui flambent et continuent de flamber. On trouve quantité de 2015 et 2016 aux alentours d’une quinzaine d’euros(livrés franco par 12 au caveau) et ce sont de grands vins. Je suis moins d’accord avec certaines des cuvées qui ont vos faveurs et atteignent allègrement 20€ ,24€ voire plus, et là, je trouve que le R/Q/P n’y est plus et que leurs tarifs sont aspirés et inspirés par ceux de son illustre voisin. Ils sont très bons et c’est bien la moindre des choses, mais à partir de 20€, c’est un prix plancher max qui me fait décrocher. Les acheter ,c’est encourager les producteurs qui exagèrent. N’oublions pas qu’il n’y a pas si longtemps , 10€ était un prix « normal » pour un Gigondas. Euh ,ça fait 65 francs quand même. Je suis d’accord pour que le travail soit reconnu, mais pas à n’importe quel prix. Sinon, ça va devenir un grand n’importe quoi comme à Châteauneuf avec des cuvée hors d’atteinte. Après, c’est vrai, on peut toujours comparer à Ausone, Margaux et Pétrus. Mais le vin est fait pour être bu et partagé, pas pour alimenter des discussions d’experts qui se gaussent sur tel ou tel vin que plus personne ne boira à cause du prix !

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