« Indigènes », le salon des vins naturels des Catalognes et d’Occitanie

 

17629587_1940181562878779_2876521055781357693_nOrganisé par l’association Slow Food Roussillon, présidée par Jean Lhéritier, avec l’aide du sommelier Laurent Roger, « Indigènes » est le premier salon perpignanais consacré aux vins naturels. Il s’est tenu les 30 avril et 1er mai et a réuni près de 90 vignerons des deux Catalognes et de l’Occitanie, parmi eux, une cinquantaine issue des Pyrénées Orientales.

Succès total pour ce salon qui a connu une affluence record, avec près de 2000 visiteurs; les Catalans du Sud sont venus en force, les allées parlaient « fort » catalan, je n’ai pas été vraiment dépaysée. Parmi eux, des professionnels, en nombre, des étudiants et beaucoup de jeunes. J’ai vu moins de professionnels parmi les Catalans du Nord, mais beaucoup de vignerons curieux et cherchant à comprendre ces vins, enfin et surtout un public d’amateurs. Ce qui m’a frappé, comme souvent dans ce type de salon, c’est la jeunesse de l’assistance, l’ambiance très bon enfant et très familiale surtout le 1er mai ! Si les vins nature ramènent les jeunes vers le vin, on ne va pas s’en plaindre, il reste juste à espérer qu’ils auront aussi la curiosité d’aller découvrir les vins traditionnels.

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Après Barcelone, Perpignan ambitionnerait-elle à son tour de devenir une capitale des vins naturels ? Ce que l’on avait tendance à considérer comme un phénomène de mode prend de plus en plus d’ampleur, le nombre de domaines qui se reconnaissent dans cette mouvance explose littéralement dans les 2 Catalognes : il fallait un évènement majeur pour en rendre compte.

Selon Jean Lhéritier, « Ces vins représentent aussi un poids économique dans le département : 50% d’installations en nature et ces producteurs exportent, ça se développe beaucoup, il y a un vrai dynamisme ». Laurent Roger, lui, déclare « Le mouvement est encore assez jeune, il faut laisser le temps au grand public de le découvrir, et le temps aux papilles de s’acclimater aux arômes (vraiment) très naturels, ou plutôt de se désacclimater des arômes ultra-standardisés. L’aventure gustative est ensuite passionnante » !

J’ai du mal à adhérer à ce type de propos, faut-il vraiment diaboliser, pour employer un terme à la mode, les vins traditionnels, pour mettre en avant les vins naturels ? Les deux peuvent parfaitement cohabiter, et tous les vins traditionnels ne sont pas ultra-standardisés, comme tous les vins nature ne sont pas à mettre à l’évier. Quand les vins sont bons, je ne leur demande pas leur feuille de route et je respecte le savoir-faire des vignerons « normaux », ceux qui vinifient en nature ne détiennent pas le monopole de la passion pour le vin, ni du plaisir des papilles !17156034_1929034247326844_6156180688316670830_n

Pourquoi « Indigènes » ? Jean Lhéritier, que j’ai interrogé à ce sujet, explique les multiples raisons de ce choix :

  • Employer le terme vin naturel dans le département pouvait prêter à confusion avec nos VDN.
  • Ensuite, personne n’étant d’accord sur la terminologie vins nature ou naturels, ils ont pensé aux levures « indigènes », naturellement présentes sur le raisin.
  • C’est une philosophie qui épouse l’éthique et les termes chers à Slow Food : le bon, le propre et le juste. Bon pour le goût, propre pour la planète, juste pour le vigneron. Les producteurs présents partagent le souci de la défense de la nature, de sauvegarde de la biodiversité, de promotion d’un monde paysan authentique.
  • Aussi « hommage à Chris Albero et à son intuition », lui qui avait ouvert le premier bar à vins dédié aux vins naturels rue de la Cloche-d ’Or à Perpignan, et qui est disparu trop tôt, début 2016. J’ai bien connu Chris, il avait travaillé dans mon équipe à Barcelone, nous avons beaucoup pensé à lui ces 2 jours de Salon, il y aurait été heureux, lui qui aimait tant ce monde.

Enfin, un mot sur l’affiche, le l’ai aimée car elle ne cherchait pas à provoquer, tout le monde aura reconnu le tableau de Botticelli, La Naissance de Vénus, revisité : « C’est la beauté et la pureté que nous avons voulu exprimer, une pureté et une beauté un peu sauvage celle qu’on retrouve dans les vins nature » (Jean Lhéritier).

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J’ai fait de nombreuses haltes, il fallait jouer des coudes pour arriver à déguster, j’ai beaucoup gouté d’autant que j’y suis allée le dimanche et le lundi ! Une constatation s’impose, la qualité générale des vins était au rendez-vous. Je n’ai trouvé que très peu de vins déviés, radicaux ; certes des vins quelquefois marqués, mais buvables. Beaucoup de très jolis blancs, très purs, francs et savoureux, des rouges souvent de soif, gourmands, mais aussi des vins structurés et fruités, je vous livre mes découvertes et mes coups de cœur :

Dans les coups de cœur:

Au Domaine Gauby (Roussillon), incroyable mais vrai, Gérard et Gislaine étaient là en personne, ça faisait des années qu’ils désertaient les Salons laissant à Lionel le soin de s’en « dépêtrer ». Jean Lhéritier a réussi à les convaincre d’être présents. Pour moi qui ai participé à leur début, ce fût un grand bonheur, Gérard est toujours aussi enthousiaste et aussi « révolutionnaire », il veut maintenant « climatiser ses vignes », projet dont je vous reparlerai quand il me l’aura mieux expliqué. Il obtiendra ce résultat en plantant certaines variétés d’arbres et de plantes dans ses vignes.

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J’ai dégusté 2 vins qui m’ont beaucoup émue :

  • Les Vieilles Vignes 2014 – j’ai retenu ses notes florales, épicées et sauvages, en bouche, sa délicatesse, sa structure épicée, sa finesse
  • La Muntada 2014, un vin d’exception, frais, floral, délicat, élégant, épicé, absolument inattendu dans le Roussillon : un très GRAND VIN.

Chez Milène Bru (Languedoc), deux cuvées :

  • Lady Chasselas 2016, une cuvée qu’elle travaille depuis le départ, 100% chasselas comme son nom l’indique, des vieilles vignes qui donne un vin libre tout en fraicheur et en tension : un régal, en Vin de France bien sûr.
  • Les Moulins de Mon Cœur 2015 : Cinsault, carignan, syrah; ce que j’ai aimé dans cette bouteille : les fruits noirs, la garrigue, la fraicheur, sa structure domptée, don côté sauvage. En Vin de France aussi.

Chez Ledogar (Corbières):

  • Son Carignan blanc 2015. Tout simplement remarquable parce que différent. D’une grande intensité aromatique, très pur, sèveux, avec beaucoup de gras et une acidité rafraichissante : un grand blanc du Sud.
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Xavier Ledogar

Chez les Enfants Sauvages (Fitou):

–      Ché Chauvio 2016, IGP Côtes catalanes rouge, c’est un assemblage à parts égales de syrah, en pressurage direct, et de Cinsault en vendange entière macéré dans la syrah, pas commun ! J’ai aimé la fraicheur de ce vin, sa gourmandise, son fruité éclatant et croquant, sa bouche aérienne pleine d’énergie : que du plaisir !

Carolin Bantlin

Chez Jean-Louis Tribouley (Roussillon):

–      Les Copines 2014 Côtes du Roussillon rouge ! une grande réussite que cet assemblage Carignan – Grenache sur schistes qui offre une bouche toute en rondeur et en puissance, d’un équilibre plus que remarquable, d’une belle finesse et d’une grande complexité ! Grande qualité de fruit, fraîcheur, pureté, structure.

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Au Domaine Jean-Philippe Padié (Roussillon)

  • Sa dernière cuvée Le Pacha 2015 issue de 3 vieilles parcelles centenaires, deux sur calcaire et une sur schiste, m’a bien plu, finesse et complexité sont au rendez-vous : une très belle expression du Carignan au travers d’arômes complexes,  d’une texture soyeuse et d’une concentration intense. L’ensemble est élégant et savoureux.

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Au Celler Can Credo (Recaredo, Penedès):

  • Son blanc Cap Ficat me séduit toujours autant, ce 100% Xarello issu d’une vigne plantée en 1940 est d’une grande pureté et finesse. Cette pointe de salinité en finale, sa fraicheur étonnante, son équilibre, son gras lui donnent une grande personnalité.
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Ton Mata, un des propriétaires de Recaredo

Au Clos du Rouge-Gorge (Roussillon) :

  • Les Jeunes Vignes 2015 Vin de Pays des Côtes Catalanes. Les vins de Cyril Fahl sont toujours empreints de finesse et d’élégance, celui-là en plus, est sensuel ! C’est un grenache, une bouteille pleine de fruit, de fraîcheur, et de pureté, mon dieu que c’est bon !

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Au Domaine Léonine (Roussillon):

  • Entre Cœur 2015, Vin de France, une cuvée de grenaches noirs, magnifique, mais hélas assez confidentielle ; j’ai admiré la pureté du fruit, sa fraicheur, son intensité, et à la fois son côté aérien.
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Je garde pour la semaine prochaine les découvertes.

Hasta Pronto,

Marie-Louise Banyols

Les organisateurs du Salon, en compagnie de Pitu Roca, fervent supporter des Vins Naturels, qu’il aimerait baptiser plutôt « vins pas habillés »; il n’a pas oublié de réaffirmer son respect pour les clients et sa volonté de ne pas servir n’importe quoi!

9 réflexions sur “« Indigènes », le salon des vins naturels des Catalognes et d’Occitanie

  1. Hervé LALAU

    Une question me taraude: il y a t-il plus de ressemblances entre les vins de deux vignerons nature, dont l’un vinifie à Saint-Chinian, et l’autre à Tarragone, qu’entre deux vignerons, nature ou pas, de Faugères, par exemple?
    Si la réponse est oui, c’est que la méthode de travail gomme l’effet terroir.
    Si la réponse est non, c’est que la catégorie du vin nature est peu pertinente.

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  2. C’est une vraie question, je ne sais pas si je suis capable d’y répondre? Qu’il y ait des ressemblances entre deux vignerons nature dont l’un vinifie à Saint-Chinian et l’autre à Tarragone, ça parait assez normal, mêmes cépages dominants, climatologie méditerranéenne, sols de schistes, style de vins…. plus de ressemblances qu’entre deux vignerons nature ou pas de Faugères? La réponse est difficile, j’aurais tendance à répondre que oui, si je mets en avant le style des vins nature qui pour la plus part, même si on ne peut pas généraliser, est moins dans l’extraction, moins dans l’élevage. La méthode gomme certainement l’effet terroir dans les cas extrêmes comme il y en a encore beaucoup encore, mais si je prends en exemple les vins de Gauby, ou de Padié ou encore de Recaredo, je pense qu’ils expriment le terroir.

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  3. Hervé LALAU

    Juste pour le plaisir de l’argumentation: il n’y a pas que des schistes à Saint Chinian. Tout le Sud de l’AOC est calcaire ou marneux.

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  4. Vincent Dasnoy

    Marie-Louise, avez-vous pu goûter les vins de Wilfried Valat, domaine de la Nouvelle Don(n)e ? Je serais curieux de connaître votre avis. Ce sont des vins que j’apprécie beaucoup (mais je n’ai pas goûté les 2 derniers millésimes). Et pour être transparent je les ai importés jusqu’en 2013.

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  5. Non, je n’ai pas gouté les vins de ce domaine, et je dois vous avouer à ma grande honte, que je ne connaissais pas ce domaine: je le découvre avec vous. Et, en plus, je viens de voir qu’il est à Calce! je ne comprends pas comment il a pu m’échapper.
    Dès que je le peux, j’irai gouter les vins et je reviendrai vers vous.
    Encore désolée.
    MLB

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    1. Vincent

      Aucune raison d’être désolée ! Vous n’êtes tout de même pas sensée tout goûter et tout connaître… Ses vignes se trouvent en effet à Calce, voisines de celles de Padier, Pithon et co. Il a commencé en 2007. Ses blancs entre autre sont assez remarquables par leur côté « non sudiste ». J’ai déjà servi à l’aveugle Mustango 2009 (Grenache) à de bons dégustateurs qui le plaçaient en Bourgogne !

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  6. André Devald

    Quels sont les critères pour faire partie des « Indigènes » ? C’est vrai qu’on n’a pas une stricte définition des vins natures, mais le plus souvent on pense aux « sans soufres ». À ma connaissance, plusieurs des vignerons sur la liste utilisent toujours du soufre, même s’ils en mettent le moins possible.

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