Bain vs INAO

Alexandre Bain
Alexandre Bain (Photo (c) Jim Budd)

Je n’ai pas le plaisir de connaître Alexandre Bain, vigneron de Tracy, ni ses vins. Et peut-être que c’est mieux ainsi, si je veux tenter d’émettre un avis impartial.

D’après Corinne Caillaud, du Figaro, qui semble bien le connaître, bien qu’elle traite rarement de vin, il s’agit d’un bon vigneron. Il appartient à la mouvance nature, et selon ses propres termes « il cherche une autre voie ». C’est, je cite toujours, « un homme dont la passion est de réaliser un pur vin de terroir ».
Rien de mal à cela, mais pas non plus de quoi lui valoir une notoriété nationale, ni les honneurs de la rubrique économie/entreprise du Figaro; sauf qu’en septembre 2015, M. Bain s’est vu retirer l’appellation Pouilly-Fumé pour ne pas s’être soumis à un contrôle obligatoire.
Un peu moins de deux ans plus tard, le tribunal administratif de Dijon a jugé que la sanction était abusive, car disproportionnée, et vient donc de lui rendre l’appellation. Et avec elle, selon les termes de ma consœur, « sa fierté ».

Dont acte. La dignité de M. Bain et ses choix en matière culturale n’ont d’ailleurs jamais été mis en cause. Pour tout dire, je ne vois même pas ce qu’ils viennent faire dans un article censé faire la lumière sur une décision de justice. Les déclarations de M. Bain ne m’y aident pas vraiment non plus: « J’espère avoir ouvert une voie, parce qu’une autre viticulture est possible », souligne-t-il. Parle-t-il d’une viticulture sans intrants? Ou d’une viticulture sans contrôles?

Joker

Moi qui ne suis a priori ni pour ni contre le naturisme, la biodynamie, le bio, ou toute autre forme de conduite de la vigne, et qui ai plutôt tendance à me ranger du côté du vigneron sincère que de la machine administrative et des règlements superflus, je reste sur ma faim. Quel était donc l’objet du contrôle? Pourquoi M. Bain n’a-t-il pas pu s’y soumettre? Enfin, et surtout, quel sens faut-il donner à la décision du tribunal?
Si elle fait jurisprudence, quels seront donc à présent les moyens de contrôle d’une appellation sur les vignerons qui s’en réclament?
À quels contrôles peut-on se soustraire? À quels contrôles ne peut-on pas se soustraire? Et à quelle fréquence?
Si la perte de l’AOC est une sanction disproportionnée en cas d’impossibilité de contrôle, quelle sanction plus proportionnée peut-elle être appliquée, tout en défendant les intérêts du consommateur censé faire confiance à la mention?
Question subsidiaire, qui me semble découler du joli story telling de ma consœur du Figaro, les vignerons « qui cherchent une autre voie » devraient-ils bénéficier ils d’un joker face aux contrôles, au motif qu’ils seraient plus sympathiques, plus tendance ou parce qu’ils vendent bien leurs vins?
L’avocat de M. Bain, Maître Éric Morain, semble bien argumenter en ce sens: pour lui, « il est temps d’ouvrir le chantier des réformes des contrôles et la reconnaissance des pratiques de vinification naturelle». J’ai du mal à comprendre: si la vinification est naturelle, quel problème il y a-t-il à la contrôler?

Obligation de moyens, ou de résultat?

À défaut de mettre les points sur tous ces i-là, je crains fort que le message ne soit brouillé, chez les vignerons en appellation. Rappelons que jusqu’à présent, ces vignerons choisissent volontairement de revendiquer une mention et de se soumettre à ses contraintes. Il s’agit d’un patrimoine partagé.
Il convient d’être plus précis. Essayons donc de mettre de côté tout affect pour ne retenir que les faits. Une des cuvées de M. Bain a bel et bien fait l’objet d’un contrôle d’agrément (ou plutôt, comme il faut dire depuis 2008, d’habilitation). Dommage que ce ne soit pas précisé dans l’article du Figaro. Elle a été refusée au motif qu’elle était oxydée. Un défaut que M. Bain a contesté. Pour lui, « c’est une affaire de goût ». Dans ce cas, un recours est possible et une deuxième dégustation doit avoir lieu. Plusieurs rendez-vous pour ce faire ont été annulés entre mars et septembre 2015, dont un, en raison des vendanges. Cependant, M. Bain nie s’être soustrait aux contrôles; et déclare avoir fait appel de sa rétrogradation « pour une question de principe » (car ses vins, même sans appellation, ont apparemment continué à bien se vendre).
Il y a cependant une autre question de principe, pour moi: au fond, M. Bain reconnaît-il à ses pairs le droit de juger ses vins?
Il faudrait à présent ouvrir un deuxième procès: celui de la typicité. A quel point peut-on s’écarter du type moyen d’une appellation sans la perdre? Et que faut-il faire d’un vin qui respecterait l’obligation de moyens (le cahier des charges), mais qui présenterait un défaut à l’arrivée, ou au moins une déviance par rapport au type supposé de l’appellation, lors de la dégustation d’agrément (pardon, d’habilitation)? Même si dans sa décision, le Tribunal administratif de Dijon ne s’est pas attaché à la qualité du produit, mais s’est plutôt intéressé au déséquilibre qu’il pouvait y avoir entre la faute de M. Bain, jugée peu grave, et sa sanction, cette décision a tout de même pour effet qu’un Pouilly-Fumé jugé oxydé par la commission d’agrément retrouve sa place dans l’appellation. Ce qui n’est pas tout à fait anodin.
On pourrait bien sûr supprimer les dégustations d’habilitation. Ce serait le plus simple. D’autant que le pourcentage de refus est assez faible. Mais les AOC y perdraient sans doute en cohésion (ne parlons pas de crédibilité, elle varie trop d’une appellation à l’autre).
Une autre piste serait d’en dispenser les vins nature, moyennant un avertissement au consommateur, du genre: « Ce vin nature peut présenter de sensibles différences par rapport au type de son appellation ».
Le seul hic – très justement soulevé par l’avocat de M. Bain: les pratiques de la vinification dite naturelle ne sont pas reconnues légalement. Le mot même de nature ou de naturel prête à confusion; pensons aux Vins Doux Naturels (pourtant bien soufrés); et plus globalement, à tous les producteurs honnêtes qui soufrent leurs vins, mais qui n’auraient pas trop envie que le législateur réserve le mot  « nature » aux vins sans soufre.
Cette affaire nous promet de jolis développements.

Hervé Lalau

24 réflexions sur “Bain vs INAO

  1. Jocelyn Gombault

    Le souci, dans ce genre de débat, c’est que l’administration, l’INAO en l’occurrence, a toujours un devoir de réserve et qu’il manquera toujours sa version pour comprendre le débat… alors que la version du vigneron, on l’a en long en travers, relayée par la presse oenophile et les blogs bio-natures et libertariens, prompts à accuser sans même chercher à connaître les motivations de l’administration.

    Enfin, je note qu’il vaut mieux être vigneron que secrétaire d’Etat quand on a des soucis de phobies administratives…

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    1. Jehan Delbruyère

      J’ai suivi ce « dossier » de loin, mais il me semble qu’il mixe 2 problématiques :

      1. Les amateurs de vins doivent en convenir : on laisse passer du grand n’importe quoi en AOC (et même en crus, je pense à des Bourgogne GC indignes déjà goutés) tant que c’est « corrigé » par les outils technologiques disponibles. De l’autre côté, dans le cas d’Alexandre Bain, on refuse une (des?) cuvée parce que légèrement oxydative. Cependant, des quelques expériences que j’ai eues avec les vins du vigneron (que je ne connais pas), si on remarque souvent ce style un peu « délié » qui rappelle évidemment le nature, j’y ai toujours trouvé la tension que je j’attends derrière. Bref, un style d’AOC interprété, mais pas récusé. Nous ne sommes pas chez lui dans la négation de caractère terroir au profit d’un style de vinif uniquement typé « nature ». Le problème principal est peut-être au niveau de la dégustation d’agrément

      2. La non conformisation aux requis administratifs : Là je rejoins Jocelyn, s’il y a négligences, il doit y avoir sanction. Après, si je lis bien l’arreté du tribunal, on ne nie pas la nécessité de sanction, mais plutôt l’échelle de ladite sanction eu égard la faute commise.

      Bref, être « rebelle » ne doit je pense pas donner quelque passe-droit que ce soit, mais d’un autre côté on doit intégrer dans les AOC ces personnes qui pensent certes plus « out of the box » mais qui ont un but réel (et reconnu) de qualité, qui ne va pas à l’encontre de l’évolution de l’AOP

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  2. Querre vincent

    Bravo M. Lalau pour votre analyse pertinente et surtout frappée au coin du bon sens !
    Merci de continuer à nous soumettre une vision hors des sentiers battus et des propagandes !

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  3. je pense que la meilleure chose est de demander plus de précisions à Alexandre. Dans un reportage, il précisait que le premier RDV a été décliné par l’INAO ensuite ils lui ont proposé un autre RDV qui lui ne convenait pas. Ma question est toute simple est-ce-que les vignes désherbées représentent le terroir ? Ma seconde question : les grandes instances viticoles qui définissent les défauts dans la dégustation tel que WSET reconnaissent les défauts des vins natures. Alors qu ils oublient de reconnaître les arômes des intrants chimiques, je trouve cela invraisemblable. Je ne dis pas que les meilleurs vins sont les natures, je dis que nous devons approfondir la définition de certains arômes par exemple reconnaître le pipi de souris, l’acidification, la chaptalisation, la surdose de soufre et le levurage.

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  4. Merci Hervé de poser le sujet sans affect. C’est bien de constater combien la mention Nature provoque de réactions subjectives. Et pour cause puisqu’il n’y a pas de définition légale en France. Ce manque de cadre permet toutes les interprétations.
    On constate aussi que le vin Nature et son vigneron ont un capital sympathie très élevé souvent accompagné du syndrome de victime.
    Ton article remet au centre de la réflexion la notion et la définition de l’AOC. Mise à mal par quelques vignerons rebelles et les contraintes administratives, elle reste un « patrimoine partagé » qu’il serait temps de restaurer.
    Certaines AOC prennent le chemin des chefs d’oeuvre en péril, abandonnées par ceux qui les ont construites. Il est temps de réagir.

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  5. Cher M. Botte, merci pour votre commentaire.
    Vos arguments, pour intéressants qu’ils soient, et recevables par ailleurs (je ne suis pas fan du désherbage chimique), ne sont pas directement pertinents dans cette affaire.
    Le contrôle ne visait pas à vérifier si les vignes étaient désherbées ou pas, ni l’influence supposée que cela peut avoir sur la qualité du vin final (cet aspect ne figure d’ailleurs pas dans le cahier des charges de l’AOC). Mais à donner une chance à M. Bain de faire agréer son vin après un premier refus. Il s’est déjà amplement expliqué sur ce point dans la presse, qui lui a été plutôt favorable, d’ailleurs.Le rendez-vous ne lui convenait pas, c’est d’accord. On peut quand même trouver que ce n’était pas son intérêt de le refuser. Incidemment, et plus largement, je me demande ce qu’il en est des contrôles inopinés?
    Quoi qu’il en soit, je regrette que beaucoup d’articles soient passés à côté de la raison initiale du contrôle, pour aborder des aspects totalement étrangers à l’affaire, et ainsi, en quelque sorte, noyer le poisson.
    Quant aux défauts ou déviations du vin, ce n’est pas, en l’occurrence, au WSET ou à un jury de concours d’en juger, ni à moi, mais à la commission d’agrément qui peut très bien avoir ses propres critères, valables pour son appellation, et qui seraient différents pour une autre appellation. Cela ne me choque pas: pour moi, une appellation doit avoir le droit de s’autoréguler, un peu comme un club où les membres choisissent librement d’adhérer.

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  6. Bonjour, c’est vrai qu’il faut du temps…la question de la place de la dégustation basée sur la typicité organoleptique, nous sommes quelques vignerons à l’avoir posée depuis…1998, cela s’appelait « vignerons dans nos appellations ». Non seulement nous l’avons posée, mais nous avons travaillé, beaucoup. Nous (SEVE) avons fait un colloque scientifique en 2005, à Banyuls, avec l’appui de René Renou. Nous avons écrit, publié. Nous avons participé à la réécriture des circulaires de l’Inao sur la dégustation, avec le CAC, d’où nous avons supprimé le mot et le concept de typicité organoleptique. Donc pour moi le débat théorique, scientifique, est sinon clos, du moins très engagé, et je suis toujours étonné qu’on le redécouvre comme si rien n’avait été fait à ce niveau. Depuis, Jacky Rigaut et les rencontres Henri Jayer travaillent tous les ans sur la dégustation géosensorielle. La question est sans doute plutôt la résistance de la profession, pour des raisons sans doute liées à des intérêts de la viticulture de volume qui cherche le goût standard (à l’origine de la dégustation de typicité), et à …la nature humaine ? à la lenteur à intégrer les connaissances scientifiques des groupes humains…? la résistance de la profession donc à mettre en pratique ce qui est relativement maintenant écrit dans les règles de ce qui n’est plus la dégustation d’agrément, depuis la réforme de 2008. Quelques éléments sur http://www.patrick-baudouin.com/SEVE-LA-REFORME-DES-AOC.html?lang=fr. Bonne journée.

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    1. Merci Patrick.
      J’ai lu le texte le texte suivant sur le site de Sève:

      REFORME DE L’AGREMENT GUIDE PRATIQUE
      Posted on novembre 2, 2008 by admin
      Les principes de la réforme
      – Passage d’un agrément du produit) après analyse et dégustation (le certificat
      d’agrément disparaît à une habilitation de l’opérateur à produire et/ou transformer
      et/ou élaborer et/ou conditionner des vins d’AOC.
      – La réforme concerne tous les opérateurs qui interviennent sur la qualité du produit : les
      viticulteurs (producteurs de raisins, de moûts, vinificateurs, conditionneurs), les
      négociants, les conditionneurs.
      – Le champ des vérifications est élargi. Le contrôle du produit demeure (analyse et
      dégustation) mais on y ajoute la vérification des conditions de production, dé récolte
      et quelques points relatifs au chai (capacité de cuverie notamment).
      – Le principe du contrôle aléatoire gouverne la procédure. Exemple : contrôle aléatoire
      de deux lots par opérateurs et par an.
      – Obligation pour chaque opérateur de réaliser des enregistrements (auto contrôle)
      pour faire état du respect des points essentiels du cahier des charges.

      Il apparaît quand même qu’une dégustation de contrôle est possible, sur base aléatoire.
      C’est ce qui s’est appliqué dans le cas de M. Bain. Qu’on l’appelle agrément ou habilitation, et même si c’est vrai que l’encadrement et la portée du contrôle sont différents, cela reste du ressort de l’appellation.

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      1. Bonjour Hervé,
        il ne faut pas nous faire dire ce que nous n’avons pas dit. Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous citez précisément un texte qui n’est pas dans le lien que j’ai envoyé, qui n’est absolument pas ce que nous avons écrit, ce que nous revendiquons. Le texte que vous citez est sur un site que nous avions fait en tant que base de données http://vigneronsdeseve.org/. Sur la page d’accueil on y trouve en premier les textes de Sève qui figurent aussi sur mon site. Le texte que vous extrayez du site en allant le chercher au fin fond des archives est un point de présentation de la réforme officielle, à un moment donné. Si on clique sur « la suite », on tombe d’ailleurs sur une circulaire de…la Fédération Viticole de l’Anjou ! Mais si on veut respecter notre point de vue, on peut choisir parmi la dizaine de textes du lien que j’ai posté celui-ci, par exemple, lu par Marc Parcé à un congrès de la Cnaoc en 2009 : http://www.patrick-baudouin.com/IMG/pdf/DES_GOUTS_ET_DES_COULEURS—DISCUTER_NE_PAS_SE_DISPUTER_SEVE_AOUT_2007.pdf (la bonne date est sur le doc, 2009). Et le compte rendu du colloque de Banyuls :http://www.patrick-baudouin.com/IMG/pdf/DESGOUTSDESVINSINTEGRAL-2.pdf . Quand à la typicité, j’avais fait un article qui fut publié dans la revue des oenologues en mars 2003….et auquel je n’ai pas grand’chose encore aujourd’hui à reprocher..http://www.patrick-baudouin.com/IMG/pdf/AOC_ORIGINALITE_OU_TYPICITE_MARS_2003_PB_RDOENOLOGUES.pdf
        Pour répondre à Nadine, qui assista au colloque de Banyuls (bonjour !), je dirai que je pense que même si Sève n’existe plus vraiment en tant qu’association réelle, elle a porté un point de vue, apporté des éléments, un travail, reflétant un courant à l’époque très minoritaire dans la profession, qui en réalité infuse petit à petit le système de la dégustation, avec des hauts et des bas. Nous avons régulièrement des demandes d’éléments avec des acteurs de la filière sur ces questions…je pense que ce travail a été, est utile.
        Et aussi bonjour Georges. Moi aussi je fais partie de jurys de dégustation, formés par Maurice Chassin, que nous avions sollicité pour le colloque de Banyuls. Nous avons banni en Anjou, au moins formellement, la dégustation de « typicité ». Moi aussi j’ai été amené à dire « non » à des vins à graves défauts, chaussettes pourries etc… Mais, et c’est toute la limite du système, quoiqu’on y fasse, je me suis retrouvé plusieurs fois très minoritaire à les refuser, alors que des vins simplement « différents » étaient boulés majoritairement. C’est pourquoi sur ma page Fbook j’ai dit « merci » à Alexandre, que je connais depuis longtemps, car je suis content qu’il se batte pour ne pas se faire exclure de l’appellation, pour que les aoc acceptent les différences, acceptent le dialogue, et cessent de pousser dehors les jeunes vignerons qui bousculent la profession, même si c’est parfois avec …la fougue de la jeunesse ! Patrick

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      2. Dont acte, Patrick. Désolé si l’on a pu croire que c’était la vision de Sève que je présentais. Mon propos était tout autre: il s’agissait de présenter un aperçu du nouveau règlement post 2008, pour montrer qu’il pouvait toujours y avoir des dégustations de contrôle, comme pour le cas de Pouilly.

        Et pour être précis, en ce qui me concerne, je trouve qu’il est bien qu’il y ait encore un moyen d’éliminer les vins à défaut, du point du vue du consommateur qui fait confiance à la mention AOC et au lien au terroir.
        Bonne journée.

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      3. Hervé, quand on discutait avec René Renou, son point de vue en privé était qu’il aurait fallu supprimer la dégustation (qui n’existait pas avant dans la procédure d’appellation, lire les docs du Cofradep). Comme c’était estimé impossible, tout le travail a consisté à la rendre secondaire dans l’habilitation des domaines à produire des vins d’appellation, à remettre le centre de gravité dans les vignes, et à éliminer l’élimination par la typicité…restent les défauts. Mais pour, comme toi, goûter des xxx vins, et pour moi à faire partie des jurys pros de dégustation, la limite de l’accord sur le défaut est parfois très difficile à définir…et dépend aussi du moment du vin, de la neurobiologie du dégustateur, de sa culture, de son rapport au plaisir des vins..voir Mac Leod, Danzart, etc…C’est donc souvent très peu fiable. Il ne faut jamais oublier que le goût du vin est au moins à 50% dans celui qui le boit, c’est une notion humaine, c’est souvent très difficilement quantifiable. Pour y avoir travaillé avec Olivier Nasles, oenologue et président du cac, Olivier disait qu’il était impossible de quantifier certaines données d’exclusion par l’analyse au labo, comme les fameuses bretts, par exemple. Donc il faut être très très très prudent quand on recale un vin.

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      4. Patrick, merci. Je suis bien conscient de la difficulté de l’exercice de l’habilitation. C’est aussi pour cela qu’il faut un jury bien formé et pluriel. Rien ne serait pire qu’un refus mal motivé, pour raisons de préférences personnelles.

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  7. Le travail remarquable de l’association SEVE n’a pas été mis en oeuvre. C’est regrettable que toutes ces recherches, ces réflexions et ces propositions ne soient pas passées à la concrétisation. Savez-vous pourquoi il n’a pas abouti? Si ce travail est toujours disponible comment peut-on le ranimer?

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  8. georgestruc

    Fine analyse, Hervé, merci. Ne connaissant pas le détail de ce dossier spécifique et très méfiant de ce que la presse a pu en rapporter, je n’entrerai qu’à pas de loup dans le débat. Les dégustations de contrôle, bien organisées calendairement ou inopinées, sont des opérations que le vigneron, responsable du produit qu’il propose à la vente, se doit d’accepter. Ou bien il est droit dans ses bottes ou bien, volontairement ou involontairement, ce produit n’entre pas dans un cadre déterminé. Qui songerait aujourd’hui à se soustraire au contrôle obligatoire concernant nos chers véhicules à moteur ? Personne ! Le côté « Robin des Bois » séduit toujours la presse et le « bon peuple » et certains vignerons ont peut-être une fâcheuse tendance à user ou abuser de ce ressenti positif. La vinification « Nature » ne peut représenter un prétexte à fabriquer des vins qui sont hors du cadre des règles d’une AOC…Au-delà, se posent des questions plus « molles » : la qualité du panel de dégustateurs, l’intervention des enjeux économiques et politiques…et la liste serait bien longue de tous les paramètres qui ne devraient rien avoir à faire dans ce contexte.
    Il m’est arrivé de faire partie d’un jury d’agrément ; dégustations à l’aveugle, comme il se doit, et deux années de suite j’ai recalé un vin qui puait l’hydrogène sulfuré ; pas un soupçon, mais quelque chose de puissant…Chaussettes levées : il s’agissait du même vigneron ; il m’a été rétorqué que « cela allait s’arranger » et que les vins de ce vigneron étaient toujours comme cela et qu’il fallait le laisser passer. Désolé, il était inadmissible de livrer au marché un vin de ce genre.
    Au passage, cordial salut à Patrick Baudouin.

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    1. Cette fois, je suis entièrement d’accord avec GT. On n’est pas OBLIGE de solliciter un agrément.
      Mais bien plus que cela, à part quelques amateurs traditionnalistes, il me semble que les buveurs de vin se distancient de plus en plus de l’appellation du vin. Ce sont en fait les appellations elles-même qui jouent avec le feu. A force d’ostraciser, si elles « évincent » les meilleurs, ou les plus médiatisés, ou les plus charmeurs, ou les plus créatifs … elles ne se retrouvent qu’avec le « ventre mou ». Je ne suis pas sûr que le cru y gagne, à moyen terme. Interrogez MLB à ce sujet, elle vient d’en faire une belle expérience, je crois. Et deux autres personnes, indépendamment, viennent de me le confirmer.
      L’immense Gérard Gauby dit souvent, avec humour et une fausse provoc’: « Je suis incontournable sur une carte de restaurant ». Il sait comme moi que ce n’est que partiellement vrai, surtout au Carlton ou à Singapour, mais il n’a pas totalement tort non plus. On a besoin des ténors.
      Capucon et Wispelwey sont tous deux membres du jury du Reine Elisabeth cette année, et cela contribue au prestige et à la crédibilité du concours, plus que s’il s’agissait de Garou ou de Pierre Wynants, en dépit de la renommée des deux derniers!

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  9. JJSalvat

    M. Truc, deux précisions sur les commissions d’agrément:
    – l’anonymat est intégral, pas de levée de l’anonymat à l’issue de la séance (comment avez vous identifié le producteur?)
    – la commission est constituée de 5 membres, l’agrément est délivré à la majorité, il faut donc 3 avis négatifs pour refuser un vin. En cas de refus, les défauts sont définis sur une liste normalisée fixée par l’Inao et communiqués au vigneron
    NB: appellation Côté Roussillon

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    1. georgestruc

      M. Salvat, mon propos a été un peu condensé : l’anonymat au sens strict n’a pas été levé ; les bouteilles comportaient une étiquette sur laquelle les organisateurs avaient noté des indications, mais pas le nom du producteur. J’ai simplement fait remarquer que, deux années consécutives, nous avions eu un vin très marqué par le même défaut majeur. C’est à ce moment-là qu’a été porté à ma connaissance qu’il s’agissait du même producteur et que ce défaut était en quelque sorte « connu »…et que…etc., etc. J’ai maintenu un avis non conforme avec remarque.

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  10. Hervé, alors que je n’ai jamais eu de heurts avec les organismes de contrôle – des refus, oui, par contre – j’ai décidé depuis 2015 de ne plus jamais réclamer aucune appellation (pas même en IGP). La seule raison, chez moi, est de ne plus avoir à me soumettre aux fantaisies de caciques, au bon vouloir de quelques bonzes et à l’incompétence organoleptique occasionnelle de certains jurys d’agrément. Il n’y a là aucune démarche politique, militante ou vertueuse. Si j’avais des centaines de milliers de bouteilles à vendre, et besoin du secours de l’AOP pour cela, ma décision aurait sans doute été autre. C’est probablement du « luxe d’enfant gâté », dans mon fait.
    Pour les VDN, cela va me poser un problème de stratégie: ne plus élaborer de vin doux ou bien « aller en vin de liqueur », avec tous les inconvénients fiscaux que cela comporte. Ma décision n’est pas arrêtée.
    J’en profite pour contester ton affirmation concernant le sulfitage de cette catégorie de produits qui serait – d’après toi – « pourtant bien soufrés ». En règle générale, tu as raison. Mais on peut parfaitement agir autrement et muter sans ajout de SO2. Je suis allé « récupérer » l’autre jour chez un ami restaurateur une bouteille de Rivesaltes 2011 (et 2 autres par sécurité) qui pétillait et donnait les signes d’une FML (je n’ai pas analysé): c’est le SEUL incident depuis 2007 sur la totalité de mes vins mutés.

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  11. Hervé LALAU

    A titre d’information, voici la procédure suivie pour les dégustations de contrôle externe à Fitou, dans le cadre du Plan d’Inspection propre à cette appellation. Je ne pense pas qu’elle soit très différente à Pouilly-sur-Loire.

    Organisation de l’examen organoleptique :

    1- L’examen porte notamment sur la couleur, l’odeur et la saveur.
    2 – Les échantillons soumis à l’examen organoleptique sont présentés de façon anonyme selon une numérotation établie par QUALISUD.
    3 – Le nombre d’échantillons minimum soumis à cet examen est de cinq par commission. Le nombre d’échantillons maximum soumis à cet examen est de quinze par commission.
    4- Les dégustateurs sont choisis par QUALISUD sur la liste des jurés formés par l’ODG. Ils devront obligatoirement avoir participé aux formations initiales et de perfectionnements mentionnées ci-dessus et seront évalues par l’Organisme d’Inspection au cours des examens organoleptiques (Evaluation de leur fiabilité par la présence d’échantillons en double lors des dégustations).
    Ils sont répartis en trois collèges : Les Porteurs de mémoire, les techniciens et les usagers du produit.
    5- Chaque jury comprend au moins cinq membres (représentant au moins deux collèges dont au moins celui des porteurs de mémoire) convoqués par QUALISUD..
    6 – Les fiches individuelles des dégustateurs sont renseignées en fonction des termes tels que codifiés sur la feuille d’évaluation sensorielle
    7 – L’avis du jury est donné à la majorité. Il est formulé selon l’une des mentions suivantes :
    Les avis exprimés ne peuvent être que « conforme » (constat sans remarque) ou « non- conforme » (constat avec remarque).
    Dans le cas où l’échantillon est jugé « non-conforme » par la majorité des dégustateurs, un commentaire détaillé de non-conformité doit être rédigé de manière concerté entre les dégustateurs ayant relevé cette « non-conformité » afin d’être transmis à l’opérateur par l’INAO.
    8 – Un agent de l’organisme d’inspection établit le procès-verbal de la séance de dégustation. L’avis de chaque membre est communicable par l’agent de l’organisme d’inspection uniquement aux services de l’INAO.

    Rapport de constat:

    L’organisme d’inspection communique les rapports de l’examen analytique et de l’examen organoleptique aux services de l’INAO suivant les modalités ci-dessous :
    1 – Examen analytique et examen sensoriel
    a) – Si les résultats analytiques et l’examen organoleptique sont conformes, l’organisme d’inspection avise l’opérateur dans le délai de dix jours à compter de la date de l’avis de la commission d’examen organoleptique.
    b) – Si les résultats analytiques sont reconnus non conformes à la réglementation ou au cahier des charges, le rapport est transmis aux services de l’INAO dans les plus brefs délais et au plus tard :
    – dans les cinq jours ouvrés à compter de la date du constat si le manquement ne peut donner lieu à un déclassement ou une sanction plus importante
    – dans les deux jours ouvrés à compter de la date de constat si le manquement fait encourir un déclassement ou une sanction plus importante.
    L’échantillon n’est pas soumis au contrôle organoleptique.
    c) – Si le rapport de l’organisme d’inspection, suite à l’examen organoleptique, fait état d’un constat « non conforme », il est transmis aux services de l’INAO dans les plus brefs délais et au plus tard :
    – dans les cinq jours ouvrés à compter de la date du constat si le manquement ne peut donner lieu à un déclassement ou une sanction plus importante
    – dans les deux jours ouvrés à compter de la date de constat si le manquement fait encourir un déclassement ou une sanction plus importante.
    L’échantillon n’est pas soumis au contrôle organoleptique.
    Les services de l’INAO notifient, sans délai, ce rapport à l’opérateur.
    2 – Demande d’un deuxième examen organoleptique
    L’opérateur peut solliciter qu’un nouvel examen, à sa charge, soit réalisé selon les dispositions prévues au II du C de l’annexe 1 du présent plan d’inspection relative au traitement des manquements.

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