Malheureusement, j’ai ouvert un Drappier !

Je ne sais pas ce qu’il m’a pris d’ouvrir ce Blanc de Blancs de chez Drappier, mais ce fut une erreur. Oh, pas mortelle, bien heureusement, mais une maladresse, voire une faute de goût.

Je suis rarement détracteur, vous me connaissez, mais il y a parfois des moments où il faut avoir la franchise de dire ce que l’on pense !

Voilà l’histoire

Je voulais offrir un apéritif digne de ce nom, me la péter un peu aussi auprès de mes quelques invités. J’avais donc opté pour ce fameux Blanc de Blancs de chez Drappier. Excuse-moi Michel, ce qui va suivre ne va pas te plaire. Bien frais, je le débouche, je le sers, l’effervescent vient se lover délicatement au sein du cristal. Chacun en admire la belle couleur, comme un doré lumineux légèrement moiré. S’émerveille devant autant de cordons délicats, guirlandes de perles fines et nacrées qui s’entrelacent et nous fascinent. On le porte au nez, l’éclatement des bulles nous en mouille un peu le bout. Des fragrances subtiles d’agrumes et de fruits blancs hantent nos narines. Chacun se concentre pour en humer plus. Quelques notes graciles de camomille et de fougère suivent le léger grillé et le poivre blanc. On s’impatiente, vite dire ‘santé’ et en enfin porter à nos lèvres ce champagne de rêve qui j’en suis sûr va répondre à toutes nos espérances.

Quelle déception !

Contre toute attente, la désillusion se lit sur chacun des visages. Je ne sais plus où me mettre. Que viens-je de proposer à mes convives! Moi qui voulais faire effet, me voilà bien défait. Cette petite merveille, je l’ai ouverte bien trop tôt. Tout est là, un potentiel fabuleux, mais encore au stade du potentiel et pas de la gourmandise raffinée escomptée. Donc critique OUI ! Envers moi ! Moi qui n’ai pas eu la patience d’attendre cette merveilleuse bouteille quelques années de plus. Rien que la longueur de bouche nous révèle tous les trésors à venir. Et puis, il y a cette fraîcheur, cette structure, déjà l’amorce d’une onctuosité, cette richesse qui se touche aujourd’hui du bout du bout de la langue. Le plus frustrant, c’est que je n’avais qu’une bouteille.

Conclusion

Il est toujours compliqué de savoir quand déboucher un flacon, qu’il soit effervescent ou tranquille. Et il est plus facile, quand on se trompe de moment, d’en accuser la cuvée, le vigneron, l’appellation, le monde. Mais cela fait partie du jeu, il y a tout au long de notre parcours de dégustateur/buveur (on ne fait pas que cracher) comme dans celle de tout amateur des moments de grâce extrême qu’on aimerait reproduire, de jolis instants et d’autres anachroniques. C’est comme ça. Faudrait pouvoir déguster avant et sans ouvrir la bouteille.

Deux mots sur le Blanc de Blancs

 

Cette cuvée est issue des seuls jus de première presse de 95% de Chardonnay et 5% de Blanc vrai (Pinot blanc). La gravité est de mise dans les chais, histoire d’éviter les pompages, ce qui réduit les risques d’oxydation. L’utilisation minimale de soufre ne réduit absolument pas la durée de vie du champagne, cela s’est bien démontré. Débourbage naturel et fermentation alcoolique durant environ 2 semaines à basse température, suivie de la fermentation malolactique naturelle et complète. Pas de de filtration et élevage en cuves afin de garder la plus grande fraicheur. Mise en bouteilles après 2 à 3 ans sur lattes.

Dosage : 8 g/l

Quant au domaine, il est situé dans le trou du cul du monde, comme le dit Michel Drappier; à Urville, terre d’accueil du Pinot noir.

Michel Drappier

Heureusement, quand on pratique l’infanticide, on peut toujours sublimer en imaginant ce que le bébé aurait pu devenir ? Ça ne réjouit pas nos papilles, mais ça flatte notre intellect.

Ciao

 

Marco

21 réflexions sur “Malheureusement, j’ai ouvert un Drappier !

  1. Sera-t-il meilleur plus tard?
    Faut-il avoir la foi?
    S’il est mis sur le marché, c’est que le producteur le juge bon à la consommation.
    S’il n’est pas bon, c’est qu’il n’est pas bon tout simplement.
    Pourquoi chercher des excuses?
    Pourquoi dire « cette merveilleuse bouteille » si le vin n’est pas bon? C’est étrange !

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  2. jean-marie PAUL

    il me semble que l’élevage d’un Champagne se fait à la propriété sur lattes , quand il contient des levures . Chez vous , il se conserve , c’est tout !

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  3. Merci Guénael, nous sommes bien d’accord, le champagne de qualité évolue bien et quad on le boit trop tôt, on passe à côté de ce qu’il aurait pu nous apporter.
    Donc Marc André, n’as-tu jamais ouvert une bouteille d’une cuvée que tu connaissais et te dire, zut, le vin est fermé, il est bon (je n’ai pas écrit que ce Blanc de Blancs n’était pas bon, mais qu’il ne répondait pas à nos attentes) donc, il est bon, mais vu son potentiel et le souvenir que j’en ai, aujourd’hui, il est fermé. Donc, oui, il sera meilleur plus tard, mais pas dans 20 ans (quoique cela peut). La foi, c’est une question de foi, mais certes plus l’expérience (que tu dois avoir).
    Par conséquent Jean-Marie Paul, le champagne c’est du vin et comme tout vin, il évolue dans la bouteille, faites-en la démonstration, achetez-vous 6 bouteilles de champagne et buvez-les à 2 ans d’intervalle, vous allez être surpris, sauf si vous aimez le côté vif des bulles bues trop jeunes.
    Merci à tous les trois pour vos commentaires.
    Marco

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  4. D’accord avec Marco sur ce coup.
    Oui, les grands Champagnes évoluent bien, voire très bien, en bouteille après dégorgement et je les préfères très souvent après quelques années dans ma cave. Les marchands de Champagne « simples » nous ont longtemps abreuvé du « le Champagne est prêt à boire quand il est mis en vente » pour mieux nous en vendre d’autres quilles derrière ! Il faut évidemment distinguer un Champagne simple d’un vin plus complexe : dans ce dernier cas, le vieillissement, dans de bonnes conditions, permettra un épanouissement plus complet du vin, comme avec la plupart des grands vins d’ailleurs.

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  5. Pour savoir s’il est seulement fermé, le Champagne comme tout autre vin doit être carafé. Pourquoi n’as-tu pas essayé Marc?
    Rien ne t’empêchait de reprendre les verres de tes convives, de leur proposer un autre flacon et dans ta cuisine, tu mets en carafe ce qui reste du Drappier. Le lendemain, le surlendemain ou plus si nécessaire (et si possible), tu regoûtes le vin.
    Un exercice simple qui répond très bien à la question sur le potentiel ou pas.

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    1. Certes Nadine, mais le souci, ce sont les bulles. Après une bonne heure de carafe l’effervescence s’en est en partie allée. Je ne suis pas fan de la carafe pour ce type de vin.
      Marco

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      1. On est d’accord, tu perds en bulles mais tu gardes la matière, l’équilibre et l’aromatique du vin. C’est juste pour vérifier ton hypothèse sur le potentiel.
        D’ailleurs les bulles en bouche tu en as très peu parlé.

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  6. Emmanuel Clément

    Cela fait longtemps que les viticulteurs de Champagne nous trompent. Aucune date sur les bouteilles sauf les millésimées, même pas la date de mise en bouteille, alors comment savoir de quand date le Champagne – pardon, la mixture, car c’est cela le Champagne, un assemblage d’années, de vins rouges pour les rosés…

    Pour les bons vins, l’année est clairement indiquée sur les étiquettes ce qui nous permet de choisir en cave en fonction. La moindre honnêteté serait d’indiquer la date de mise en bouteille pour éviter d’acheter en grande surface des vins oubliés et ceci c’est du vécu.

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    1. jean-marie PAUL

      Certaines maisons ( Ch Heidsieck ) notent l’année de mise en crayères et année de dégorgement . C’est un plus certain.

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    2. Emmanuel, tous les vins sont des « mixtures » comme vous le dites, car ils sont issus soit de différentes parcelles et cépages, soit de différents contenants (barriques, cuves, etc). Seul un vin mono-cépage, mono-parcellaire et issu d’une seule cuve ou barrique n’en serait pas, éventuellement, mais n’aurait peu d’intérêt vu le volume concerné (sauf pour une grande cuve) ! L’assemblage fait partie intégrale de la panoplie de tout producteur, grand ou petit.

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      1. Emmanuel Clément

        Je ne parle pas d’assemblage de cépages, je parle de production d’années différentes qui sont assemblées.

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  7. Emmanuel, même dans ce cas, je ne vous pas pourquoi il s’agirait d’une tromperie. Un vin a tout à fait le droit de ne pas porter un millésime s’il n’est pas issu d’une seule année de récolte à au moins 95%. Jusqu’ récemment et grâce au réchauffement climatique, au moins la moitié des vendanges en Champagne ne méritaient pas d’être vendu en une seule cuvée. L’assemblage verticale, comme la deuxième fermentation en bouteille, sont des manières de contourner un obstacle de la nature climatique de la région. C’est astucieux mais pas malhonnête et cela a permis à cette région d’exister.

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  8. Marc, tu sais oh combien j’ai dégusté de bulles et je suis d’accord avec toi un champagne peut aussi se garder en cave mais tu m’étonnes quand tu dis que n’as pas oser le carafer. Certes on perd un peu de bulles mais l’aération et le degré qu’il prend lors du transvasage fait que généralement il explose. Si tu étais si déçu pourquoi ne pas avoir ouvert un autre flacon et garder celui-là pour ton épouse et toi ?
    Grande pensée pour l’équipe,
    Gérard Zorro

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    1. Salut Gérard et bonne année! C’est vrai, j’aurais pu le mettre en carafe, mais comme j’ai serve sans goûter, ça ne valait plus la peine et puis, il y avait d’autres choses à boire. Ici, ma réflexion tournait autour du moment d’ouverture d’une bouteille qui reste aléatoire. Je parle du moment optimum de dégustation. On n’est pas dans le flacon, alors ce qu’il y a dans le verre peut être génial, sympa, bon ou décevant, quand on parle de quelque chose de grand. C’est plus simple d’ouvrir un vin de plaisir immédiat, c’est ce que l’on boit en grande majorité aujourd’hui. Garder quelques bouteilles et puis les ouvrir au moment opportun reste un exercice de style.
      Je t’embrasse mon Gérard, mais dis-moi, c’est quoi ce sobriquet? Eres ahora un caballero de la justicia?
      Marco

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  9. Marco, merci de ce très bel article qui prouve que le Champagne quel qu’il soit et d’où qu’il vienne a toujours besoin d’un long séjour de repos et de maturation dans une bonne cave. Le problème c’est déjà d’avoir une vraie bonne cave et de compter sur sa patience. Pour ma part, j’applique une règle : deux années minimum avant de considérer l’ouverture d’une bouteille. Dès lors que je m’impose cette règle dictatoriale, je suis rarement déçu !
    Pour info, j’ai encore plein de 1996 en cave. J’espère qu’il t’en restera une pour ton prochain passage à Béziers !
    Bises
    Michel
    (Smith)

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