Notre collègue et ami Pierre Thomas nous parle aujourd’hui d’un vignoble en pleine mutation – en plein Rinascimento, comme on dit en italien.
Entre Milan et Turin, au sud des Alpes du Valais, le pied des collines est occupé par 800 hectares de vignes réparties en deux DOCG et huit DOC. Il y avait 50 fois plus d’hectares de vigne avant le phylloxéra et l’industrialisation. Mais, à la faveur de la crise industrielle, ces terroirs revivent, grâce aussi au succès du nebbiolo du «grand» Piémont, celui de Barolo et Barbaresco.
Il n’y a sans doute que le Priorat catalan ou l’Etna sicilien pour afficher un tel dynamisme ! Fin mars, au château de Novare, la capitale du riz et du Gorgonzola, mais aussi des «nebbioli», sur cinquante caves présentes à la troisième édition de la foire-dégustation, «Taste Alto Piemonte», la moitié ont été fondées après 2000, les deux tiers après 1990, et 10 ont moins de 10 ans. La plupart des domaines sont petits: de deux ou trois à une quinzaine d’hectares.
Une image symbolique: un nouveau vignoble se prépare sur fond d’usine métallurgique désaffectée…
Dix DOC méconnues au Nord tout proche
D’ici cet été 2019, les «dénominations d’origine historiques» fêtent toutes leur demi-siècle d’existence, avec, du 12 mai à Ghemme au 9 juin à Briona (DOC Colline Novaresi) et Fara, des dimanches dédiés à des visites dans chaque vignoble, et trois expositions vinicoles, du 25 avril au 5 mai à Ghemme, du 17 mai au 2 juin à Boca et du 22 au 30 juin à Sizzano. S’ajoutent Gattinara, la plus célèbre des appellations de la région, consacrée DOCG (l’unique de ce haut Piémont, avec Ghemme), et, du sud au nord, les DOC de Lessona, des Coste della Sesia, de Bramaterra, et, tout au nord, les Valli Ossolane, autour de Domodossola. Soit dix appellations au total…
Si les vignes se replantent parfois au bulldozer, sur les coteaux de la Sesia, dans les Colline novaresi, une tradition de cinquante ans a laissé des traces. Les appellations au nord de Novare se réclament du «supervolcan» de la Valsesia consacré par un géo-parc inscrit à l’UNESCO. Et c’est vrai, qu’en dehors de toute analyse, on a pu reconnaître un goût et une texture proches dans certains nebbiolos récoltés sur terres volcaniques héritage de 280 millions d’années et dans certains nerellos de l’Etna, toujours actif aujourd’hui !
Vignoble de Nebbiolo (qui vient de brouillard…) dans le microclimat de la DOC Boca
Une mosaïque de sols, de cépages et de types d’élevage
Cette mosaïque de terroirs, sols calcaires morainiques, porphyres et tufs volcaniques, ou graviers alluvionnaires, et d’exposition en coteau ou sur des terrasses, module les vins. Tout ce bassin bénéficie du climat frais généré par les neiges éternelles du Mont-Rose, deuxième massif alpin, après le Mont-Blanc…
S’y superposent les cépages. Le nebbiolo y est le roi. Encore faut-il savoir qu’il existe 46 clones du cépage d’origine turinoise dans le catalogue. Et qu’en sélection massale, il constitue ses propres «biotypes» locaux : dans l’Alto Piemonte, on l’a longtemps appelé «spanna». S’ajoute un cépage local en pleine redécouverte — en vin rouge jeune, peu cuvé, et frais —la vespolina. Puis l’uva rara, la bonarda novarese et la croatina. Ces variétés peuvent entrer dans la composition des vins DOC en diverses proportions, avec 50% de nebbiolo (jamais moins), les plus restrictifs exigeant 85% de nebbiolo (Lessona, Ghemme) et même 90 % (Gattinara).
La cave ultramoderne d’Enrico Crola, à Mezzomerico, dans les collines proches de Novare.
A ces conditions viticoles se superposent les exigences d’élevage, de la plus large, en Valli Ossolane (Riserva, 6 mois de bois, qui tolère aussi le merlot, parfois vieux de plus de 80 ans), à la plus contraignante, la DOCG Gattinara, pour 24 moins d’élevage en bois (barriques ou plus grands fûts) et 36 mois pour la réserve, avec une mise en marché après trois, respectivement quatre ans d’élevage en cave…
De plus en plus de vignerons préfèrent les grands fûts de chêne de Slavonie aux barriques.
Il faut un «vademecum» pour s’y retrouver parmi les huit DOC et deux DOCG regroupées depuis vingt ans dans le «Consorzio di tutela nebbioli Alto Piemonte». On peut encore ajouter d’autres transformations du raisin, comme la macération carbonique sur la croatina et la vespolina, le style amarone (raisins séchés sur claies), le vin doux, le mousseux (avec du nebbiolo ou de l’erbaluce) et un peu de blanc. La «seule variété autochtone de l’Alto Piémonte» apparaît sans autre précision sur les étiquettes: il s’agit de l’erbaluce, que les vignerons des coteaux près d’Ivrea ont réussi à protéger exclusivement dans leur propre DOC, Erbaluce de Caluso (au mépris des règles européennes qui interdisent à un cépage de devenir une appellation géographique (on se rappellera sans doute que les producteurs de Prosecco ont dû débaptiser leur raisin en glera pour garder l’appellation Prosecco).
A Boca, certaines vignes sont cultivées en «maggiorina», non admise pour les vins DOC.
Une sélection parmi 100 vins
Parmi les vins quelque 100 vins dégustés, quelques belles réussites, comme le Mötziflon 2015, Colline Novaresi Nebbiolo DOC, de Brigatti, le «simple» nebbiolo 2015 et le vendange tardive 2013 d’Il Roccolo di Mezzomorico, le Giulia 2009 de la cantine ultramoderne de l’entreprenant Enrico Crola, le remarquable Prünent (100% nebbiolo) 2016 de Garrone (Domodossola), le Bramaterra 2015 d’Antoniotti et le Bramaterra Riserva 2015 de La Tur, le Lessona La Provestura 2015 (100% nebbiolo), les deux Boca 2015 de Guardasole (en bio) et 2013, très classique, de Garona, les cinq Ghemme 2012 de Pietraforta (1er millésime !), Santa Fé 2013 de Ioppa, Riserva 2013 de Rovelotti et Vigna Cavenago 2011 de Mirù et les trois Gattinara (tous 100% nebbiolo), Galizja 2012 d’Il Chiosso, Riserva 2012 de Luca Caligaris et Osso San Grato 2014 (année pluvieuse très difficile…) d’Antoniolo, une référence de l’Alto Piemonte, qui est aussi le domaine de la présidente du Consorzio, Lorella Zoppis.
De retour de Novare, Pierre Thomas
2 superbes vins bus récemment : Gattinara Antoniolo Osso San Grato 2010 et 2011 …
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Absolument! Et c’est le vin de la présidente du Consorzio, avec qui j’ai partagé le repas du dernier soir de la visite…
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