A la santé de Saint-Vincent (et des autres)!

Notre invité de ce samedi, André Deyrieux (Winetourisminfrance), nous parle non seulement du saint patron de la vigne et des vignerons, Saint Vincent, que l’on fêtait ce mercredi, mais également une foule d’homologues moins connus. Comme on connaît ses saints, on les honore, dit le proverbe…

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Saint Vincent cache la forêt

Saint Vincent, l’archidiacre de Saragosse, s’est imposé depuis le XVIe siècle comme le saint patron des vignerons. En raison de son nom symbolique, composé de vin et de sang, mais aussi parce que le 22 janvier marque la nouvelle année vigneronne après la taille, il a envahi nos vignobles avec sa serpette, son seau et ses grappes de raisin. Il est largement fêté en Bourgogne, avec notamment la Saint-Vincent Tournante ; la prochaine, en 2017, aura lieu à Mercurey. On le fête aussi à Bordeaux, en Champagne avec l’Archiconfrérie Saint-Vincent des Vignerons de la Champagne, à Saint-Péray en Ardèche, à Visan dans le Vaucluse, dans la vallée de la Loire, le Languedoc, les vignes du Sud-Ouest et à Bellet près de Nice. Son succès en fait aussi le patron des vinaigriers et place malheureusement dans l’ombre ou envoie aux oubliettes bien d’autres saints reconnus comme protecteurs de la vigne, et liés au cycle de la vigne.

Une fontaine de vin

Ainsi, n’ayons pas peur de placer très haut Saint Martin ! D’abord, pour compenser une très faible vendange (le millésime 380), il creusa à l’abbaye de Marmoutier, à Tours, une fontaine qui donna du vin ; elle n’est malheureusement plus en fonctionnement.

Ensuite, on doit à son âne d’avoir révélé les secrets de la taille courte aux vignerons tourangeaux. Sa fête – le 11 novembre – vient enfin à point nommé pour boire le premier vin de l’année, le vin de la Saint-Martin, donc, et fêter joyeusement les derniers rayons de soleil avant la nuit de l’hiver, moment qui est le sujet d’un magnifique tableau de Bruegel l’Ancien (Musée du Prado, Madrid).

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Saint Vernier (ou, selon les lieux, Werner ou Verny) a traversé les vignobles depuis le Rhin allemand : Bourgogne, Franche-Comté, Auvergne. On voit apparaître des confréries qui lui sont dédiées en 1494 à Semur-en-Auxois, à Besançon en 1548, à Arbois en 1627, à Brioude en 1672, à Clermont-Ferrand en 1675… Dans le Puy-de-Dôme, aujourd’hui, on dénombre environ soixante-dix statues de saint Verny. Il y était fêté le 19 avril pour protéger contre les gelées printanières… S’il ne remplissait pas sa mission, on tournait sa statue contre le mur ou bien on l’immergeait dans l’eau glacée…

Courbet, saint patron des vignerons

Le professeur de dessin du peintre Gustave Courbet a même représenté celui-ci, lorsqu’il avait dix-huit ans, en Saint Vernier ; ce portrait de 1835 est conservé au musée Courbet d’Ornans. Tout y est : la serpe, la vigne, les guêtres, et le petit tonneau qui accompagnait le vigneron pour étancher sa soif durant sa journée.

Saint Urbain est, lui, le patron des vignerons d’Alsace. On le fête pour les derniers gels, le 25 mai, après les saints de glace et la germanique kalte Sophie (Sophie froide).

Pensons à d’autres saints patrons locaux : Saint Nicolas (le 6 décembre) pour Bourgueil ; Saint Marc (le 25 avril) en Alsace, à Châteauneuf-du-Pape, en Provence ; Saint Valéry, disciple de saint Émilion, pour le vignoble éponyme ; Saint Paul dans certaines communes de Champagne ; Saint Noé à Auvillar, près d’Agen… Quant à Saint Denis, fêté le 9 octobre, au moment des vendanges, notamment à Montmartre, c’est à Dionysos qu’il devrait son nom. Même la Vierge Marie est dans la course : on lui offrait lors de l’Assomption, le 15 août, les toutes premières grappes.

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A la Saint-Noé d’Auvillar

Et puis il y a, bien délaissés aujourd’hui, les saints patrons de la logistique viticole. Saint Abdon, patron des tonneliers en Bourgogne parfois aussi sollicité contre la grêle ; on dit que ses reliques furent transportées dans un tonneau. Étrangement, à Arles-sur-Tech, son tombeau est connu pour se remplir régulièrement… d’eau!

En Champagne, c’est saint Jean-Baptiste qui est honoré, avec moins de flamme qu’«avant», par la corporation des tonneliers et ouvriers des caves (24 juin). Il aurait été décapité par une doloire, la hache emblématique des tonneliers… Pour la tonnellerie, on parle aussi de Saint Jean Porte Latine, en raison du jeu de mots «porte la tine» (ancien mot pour tonneau) ; on invoque Saint Michel, saint patron à tout faire qui protège aussi les escrimeurs et les parachutistes ; on célèbre Saint Nicolas, qui fit sortir vivants d’un tonneau trois enfants mis à mort par un boucher…

Enfin, les marchands de vins ont Saint Nicolas de Myre, ou Saint Amand de Maastricht comme protecteurs.

Et j’en oublie… Les amateurs de vin adorent les histoires. Alors, vignerons, en route ! Chacun cherche son saint !

(Extrait de Cinquante jours pour comprendre autrement le vin, André Deyrieux, 2019, Ellipses)

André Deyrieux

 

Une réflexion sur “A la santé de Saint-Vincent (et des autres)!

  1. georgestruc

    Bel inventaire de saints que les hommes ont rattachés à la vigne et au vin. Toi, André, dont le saint patron a évangélisé des terres orientales (pourtour de la Mer Noire) parmi lesquelles plusieurs sont devenues des berceaux de la vigne, tu devrais l’ajouter à la liste bien que n’étant pas signalé au titre de la vigne. Cependant, nul doute que les peuples ainsi évangélisés ont reconnu dans la vigne et le vin des symboles forts de la parole de Jésus, transmise par André.
    Avec pour insigne la croix de Saint-André, te voilà tout désigné comme celui qui est au carrefour des idées, des pensées, des rencontres…Beau symbole !

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