Il y a quelques années, peu de dégustateurs, amateurs ou professionnels, auraient été prêts à soutenir qu’une cave coopérative serait capable de produire une gamme de vins exemplaire. Cela relève bien entendu d’un préjugé absurde, mais il faut aussi dire que, depuis quelques années, un certain nombre de coopés (on les appelle ainsi pour faire court !) produisent des vins qui émergent régulièrement lors des dégustations comparatives et qui sont enfin reconnus par tous. La taille n’a rien à faire dans cette affaire, comme toujours. Il y a des grandes caves coopératives et des petites et on trouve de très bons vins dans les deux groupes. Aujourd’hui je vais vous présenter une petite structure, dont les 24 adhérents regroupent seulement 130 hectares.
Les Vignerons du Quercy ont leur base à Montpezat de Quercy, entre Cahors et Montauban (qu’on ne devrait jamais quitter). Les vignes des membres sont dispersées autour de cet épicentre dans un rayon de 20 kilomètres, essentiellement dans le département du Tarn-et-Garonne mais avec une partie qui déborde dans le Lot. Le terrain est très valloné, avec des orientations variables dont une partie sur plateau calcaire et un sol globalement argilo-calcaire, d’une épaisseur très variable selon le site et le relief. L’appellation Coteaux du Quercy a vu les jour en 2010, après être devenu VDQS en 1987 et Vin de Pays en 1984. La cave partage sa production entre des vins de l’appellation, qui n’existe que pour les vins rouges et rosés, et une gamme plus diversifiée, des trois couleurs, en catégorie vin de pays.
L’histoire du vin dans cette région suit celle de l’agriculture locale dans son ensemble. Le Quercy est une région de polyculture, avec de l’élevage, des céreales et du maraîchage en plus des fruits et d’autres produits de la terre. L’aire de l’AOP touche aussi celle du Chasselas de Moissac, et si la production de vin est accessoire chez la plupart des producteurs de la zone, ces agriculteurs comprennent bien la nécessité de produire un fruit de qualité, étant concernés par la vente directe d’autres produits de leurs exploitations, comme le raisin, l’ail, le melon, la prune, la truffe ou des fromages par exemple.
Et cette diversité d’activités, avec une surface viticole moyenne de cinq hectares parmi les adhérents, a rendu logique la mise en commun des ressources pour créer un outil de vinification et de commercialisation. Vous me direz qu’avec 5 hectares, on vit bien en Champagne ou en Bourgogne, dans certains villages ! Mais on n’est pas dans ces régions et les prix de détail des vins de la cave vont de 1,40 euro le litre pour des IGP vendu en vrac (une petite part de la production), à 21 euros pour une cuvée exceptionnelle en rouge avec vinification intégrale, tandis que le coeur de gamme si situe entre 4 et 7 euros en prix au public.
J’avais entendu parler par deux ou trois personnes du travail de qualité réalisé par cette petite coopérative qui se situe à un peu plus d’une heure de route de chez moi en Gascogne, de l’autre côté de la Garonne. Puis une amie m’a apporté cet été un flacon de chez eux (leur vin blanc appelé Mas Blanc) que j’avais beaucoup apprécié et je me suis décidé alors de leur rendre visité à la première occasion.
J’étais reçu mercredi dernier à la cave par Laurent Lamarénie (voir photo ci-dessus, en train de travailler sur la vinification en pièce de 400 litres de son vin rouge haut de gamme intitulé Le Mas : c’est du boulot car il faut répéter ces opérations tous les jours pendant un certain temps), l’oenologue de la structure qui est aussi enthousiaste et bon communicant que compétent (voir mes notes de dégustation pour ce dernier point !). Il m’a bien raconté l’histoire de la cave et nous avons passé trois heures et demie ensemble à visiter les installations, à explorer la gamme disponible dans la boutique, puis à déguster une bonne partie de cette gamme.
L’AOP Côteaux du Quercy, qui vaut uniquement pour les vins rouges et rosés comme je l’ai dit, repose sur des assemblages qui imposent une part dominante de cabernet franc, plus au moins deux autres cépages parmi ceux-ci : malbec, tannat, merlot et gamay (avec un maximum de 15% pour ce dernier). Je trouve cela aussi byzantin que les règles qui prévalent pour bon nombre d’appellations du Languedoc, mais passons ! Pour se garder une espace de liberté dans ce carcan administratif un peu absurde, et notamment pour faire des vins blancs qui ont, à mon sens, un bel avenir sur ce terrain calcaire et dans ce climat, il leur reste l’option IGP Comté Tolosan. Pour les vins blancs, les cépages plantés sont le sauvignon blanc, le chardonnay et la muscadelle, mais il y a aussi un peu de gros manseng et de viognier.
La cave, qui fut fondé sur une histoire humaine et avec quelques vignerons très motivés, vend un petit peu à l’export (USA et Belgique essentiellement) puis, pour la France, 25% se fait en ventes directes, 25% en grande distribution, et 50% en clientèle prescripteur (cavistes, CHR etc). Il y a 5 salariés pour gérer le tout, plus des prestataires pour la mise en bouteilles par exemple.
Les bâtiments ont cru d’une manière organique suivant l’augmentation progressive de l’activité. Les équipements sont fonctionnels, plus ou moins modernes selon le cas. Ils respectent une claire volonté de faire le mieux possible avec des moyens nécessairement limités vu la taille de la cave et la modestie des prix pratiqués. Quelques éléments techniques méritent d’être signalés, comme l’usage, pour quelques vins de la gamme, de barriques de 400 litres d’un tonnelier local, Orion, près de Montauban, ou une table de tri fait sur mesure et placé en dessous de l’égrappoir. D’une manière générale, Laurent utilise de l’azote pour protéger ses vins pendant des transferts, limitant ainsi le recours au sulfitage, mais il ne pratique pas le « sans soufre ».
Après une série de très beaux millésimes, hormis 2017 pour les rouges, l’année 2020 s’est avéré compliquée à gérer, avec des vendanges précoces et en deux temps. Elles ont débuté le 25 août, y compris pour certaines parcelles en rouge, ce qui représente l’année la plus précoce depuis 2003. L’essentiel est vendangé à la machine (coût et main d’oeuvre obligent), ce qui a engendré des difficultés dans la deuxième phase des vendanges survenue après des pluies qui ont rendu les terrains pentus très glissants. Et il a fallu finir en vitesse avec une météo devenu défavorable.
Je n’ai pas dégusté les vins de l’année car il est bien trop tôt. Il faut aussi signaler que cette cave a la volonté de conserver certains vins pendant quelques années afin de parfaire leur elevage en bouteille. La gamme que j’ai dégusté sera aussi amené à être modifié en 2021 par une refonte des étiquettes et, dans certains cas, des noms afin de trouver davantage de cohérence visuelle. J’approuve cette décision car la gamme actuelle m’a semblé, dans ses aspects visuels, trop disparate.
Ma dégustation (les prix sont ttc à la boutique de la cave)
1). Les entrées de gamme dans les trois couleurs
Etc… blanc sec 2019, IGP Comté Tolosan (5,10 euros)
Assemblage entre sauvignon blanc, chardonnay et muscadelle. Cette cuvée devra, à l’avenir, incorporer aussi du gros menseng. De beaux arômes avec une dose de complexité. Du volume et une texture mi-ferme en bouche avec une pointe d’amertume en fin de bouche qui l’aidera à bien de tenir à table. Excellent rapport qualité/prix.
Etc… rosé 2019, IGP Comté Tolosan (4,50 euros)
Assemblage de gamay, cabernet franc et malbec. De jolis parfums au nez et une impression de fraîcheur et de délicatesse en bouche qui doit certainement beaucoup au gamay. Très correcte pour un rosé.
Etc….rouge 2019, IGP Comté Tolosan (4,50 euros)
Malbec et cabernet franc pour ce vin fermenté autour de 24°C, sans recours à une thermo-vinification. Beaucoup de fruité dans ce vin pur, net et juteux. Un rouge d’été irreprochable à ce prix !
2). Autres vins blancs
Le Grannes 2018, IGP Comté Tolosan (9 euros)
Vin bio issu d’un assemblage de chardonnay et sauvignon blanc avec 15% de viognier. Il a été elevé penand 6 mois en barriques (pas de bois neuf). Assez riche avec une belle puissance dynamique. La longueur est soutenue par une point d’amertume. Devrait bien vieillir.
Mas Blanc 2018, IGP Comté Tolosan (13,50 euros)
Issu d’un parcelle unique exposé sud-est et des vignes de 35 ans qui sont vendangés manuellement, ce vin est un pur sauvignon blanc qui ne sauvignonne pas ! Il est vinifié en barriques neuves de 400 litres ou il reste sur lies fines pendant 14 à 16 mois, selon le millésime. Le nez est complexe mais très discret pour un sauvignon : aucune trace de thiols ici ! Sa très belle texture est gage de la richesse et la maturité de sa matière bien savouruese et sapide. Il dégage par moments des sensations inetenses de curry et de fruits murs. C’est un très beau vin blanc qui aurait sa place en belle campagnie !
3). Autres vins rosés
Bessey de Boissy 2019, AOP Coteaux de Quercy 2019 (5,20 euros)
Issue d’un assemblage est des vins de presse et des vins de saignée, il a plus d’ampleur que la cuvée Etc.., ainsi qu’une belle intensité de fruits autour de la cerise. Tactile est assez long. Excellent à ce prix !
Mas Rosé 2017, AOP Coteaux de Quercy (9,00)
Vin toujours en vente mais il faut se dépêcher ! Issu d’une saignée de cuves de cabernet franc, malbec et merlot et d’une vendange tardive afin de produire un rouge concentré. Après le pressurage, la fermentation se poursuit dans des barriques de 400 litres dont 2/3 sont neuves, et l’autre tiers ayant contenu du vin blanc. Le vin passe 6 mois sur lies après une fermentation lente de 2 mois. Le toucher est suave et le vin très savoureux, aussi équilibré que long. Je pense que c’est une des rosés le plus intéressant que j’ai dégusté cette année. Excellent, et un très bon vin. Les provençaux peuvent s’aligner !
4). Autres vins rouges
Grannes 2019, AOP Coteaux du Quercy (6,80 euros)
Le « bio » de la gamme, issu de deux domaines qui travaillent ainsi. L’un sur sol argilo-calcaire et l’autre sur le plateau calacaire. Le vin est elevé pendant 6 mois dans des barriques de plusieurs vins et assemble cabernet franc, malbec, tannat et gamay. C’est un vin très parfumé (iris, pivoine etc), juteux et gourmand en bouche avec un toucher mi-ferme et une belle fraîcheur élégante qui rend hommage au calcaire sans verser dans le végétal.
Bessey de Boissy 2016 AOP Coteaux du Quercy (5,60 euros)
Voilà un autre côté que j’apprécie chez ce producteur : la volonté de vendre des vins ayant un peu d’âge. Celui-ci assemble cabernet frand, malbec et marlot venus de vignes de plus de 30 ans. Il a un caractère plus austère et « classique » que le précédent. J’ai trouvé qu’il manquait un peu de chair.
Peyre Farinière 2015, AOP Coteaux du Quercy (8,60 euros)
18 mois en barrique pour ce vin d’une belle élégance très classique. C’est encore dense et charnu et sa très belle mantière tourne autour de tannins qui restent vigoureux. Aussi fin qu’intense et long. Très beau et une belle affaire.
Collection Rouge 2015, AOP Coteaux du Quercy (8,60 euros)
Comme le vin précédent, celui-ci est ussu d’un assemblage d’une majoroté de cabernet franc, plus du tannat, du malbec et un peu de gamay, mais il ne voit pas de bois. A l’aveugle on aurait dit un vin élévé en barrique américaine à cause de ses arômes de moka et de fumé, mais il paraît que le cabernet franc par ici, à pleine maturité, exhale ce type d’arômes : de qui se planter dans une dégustation à l’aveugle ! C’est dense, charnu et même un peu collant. Lino Ventura et compagnie n’auraient pas recraché cela !
Mas Rouge 2015, AOP Coteaux du Quercy (21 euros)
Tout le travail de ce vin est manuel, ce qui explique son prix : c’est le vin de loin le plus char de la cave, mais sous d’auyres cieux il serait vendu le double ! Avec des fermentations lentes dans des barrique de 400 litres (vois image plus haut), la version 2019 a fini sa fermentation pendant l’été 2020 ! Pas surprenant de trouver une note un peu volatile au nez de ce vin, en plus d’une grande intensité autour de fruits noirs. C’est dense, chaleureux (15;5%) et très intense. J’en ai acheté pour passer l’hiver avec les canards du coin et cela devrait bien le faire !
Conclusion
Une gamme sans reproche et à tous les prix. Qui dit mieux ? Il y a de la précision et du caractère partout, sans aucune déviance ni approximation. Les vins sont tous francs et bons et vous en avez toujours pour votre argant. J’ai dit exemplaire ? J’attends la suite avec impatience car si j’ai une seule reproche à faire, c’est la complexité de la gamme.
L’article n’apparait pas
*JJ Vastiau*
*jjv@telenet.be*
Slow down and enjoy life. It’s not only the scenery you miss by going too fast – you also miss the sense of where you are going and why. Eddie Cantor (1892 – 1964)
J’aimeJ’aime
Merci pour votre attention. Cet article ne paraîtra que lundi, c’est une petite erreur de manipulation.
J’aimeJ’aime
Dans le Tarn-et-Garonne, il y a aussi Saint-Sardos, mais je ne visualise pas très bien la limite géographique. Les Côteaux du Quercy sont au Nord de la Rivière Tarn (et donc de la Garonne), alors que Saint-Sardos est au Sud, je crois.
Quoi qu’il en soit, David, merci de parler de ces vins, dont on ne sait pas grand chose.
J’aimerais bien aussi en savoir plus sur les vins de Corrèze, et notamment leur chenin.
J’aimeJ’aime
C’est vrai, et aussi la Cave du Brulhois qui est à cheval sur le Lot-et-Garonne et sur laquelle j’ai déjà écrit. Va falloir investiguer Saint Sardos alors….
J’aimeJ’aime