On est bien en Terrasses…

Pour mon confrère Andrew Jefford, elles sont «l’essence du Languedoc». Sans vouloir mettre… le feu à la pyramide des AOC régionales avec cette essence, force est de constater que les Terrasses du Larzac ont bien des qualités. Un petit passage sur place, entre Jonquières et Montpeyroux, suivi par une dégustation plus large d’échantillons reçus du syndicat d’appellation, avec l’ami Marc Vanhellemont, ont confirmé tout le bien que nous en pensions.

Un peu de contexte

Si elles doivent leur nom au plateau ou Causse du Larzac, qui les borde au Nord, les Terrasses du Larzac se situent en dessous. Et le mot de terrasses leur convient assez bien, car les altitudes et les expositions y varient assez fort. Leur aire, en partie encadrée par des barrières naturelles, forme en effet un V ouvert de 45 km sur 20km. 

En route pour Montpeyroux

En moyenne, on y relève des températures plus fraîches que dans bon nombre des vignobles du Languedoc, ce qui s’explique par les entrées d’air froid descendant du Causse et par l’éloignement de la mer. 

Le vignoble s’étend sur 32 communes de l’Hérault. L’AOC regroupe 5 caves coopératives et près de 90 caves particulières, pour un total de 568 hectares en exploitation, et quelque 17.000 hectolitres de production (uniquement rouge).

Cette jeune appellation (elle est née en 2014) attire bon nombre de nouveaux vignerons (vingt-cinq en 5 ans). L’ODG s’en réjouit et tente de faciliter leur démarrage. Quant à nous, nous nous réjouissons de voir d’autres vins  de qualité apparaître au côté des grands anciens (Cal Demoura, Mas Julien, La Réserve d’O, Pas de L’Escalette…). A noter que plus de 50% des exploitations sont déjà en bio. Ce chiffre devrait encore augmenter, la plupart des nouveaux vignerons s’installant en bio dès le départ.

Autres chantiers d’actualité pour l’ODG: la demande de reconnaissance des blancs dans l’AOC et le renforcement de l’image de l’appellation.

Cette image est déjà solidement ancrée au plan régional, si l’on en juge par l’intérêt que montrent pour les Terrasses de gros opérateurs du Languedoc comme Paul Mas, Gérard Bertrand, GCF ou Advini: tous y ont acheté des domaines.

Le saviez-vous ?

L’aire des Terrasses du Larzac englobe pas moins de trois Grands Sites reconnus comme Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’Unesco : le lac de Salagou, le Cirque de Navacelles et le village de Saint-Guilhem-le-Désert. 

Les vignerons entendent mettre à profit ces atouts naturels, en les incluant dans la communication de l’appellation et dans les événements qu’ils organisent, à l’image de la «Circulade Vigneronne» qui, quand le Coronavirus ne s’en mêle pas, rassemble plus de 1.500 personnes.

Saint-Jean-de-Buèges

Notre sélection

On trouvera ci-après la liste des vins appréciés sur place (merci à Sarah Hargreaves pour son aide) et pendant la dégustation des échantillons reçus de l’appellation, avec Marc Vanhellemont.

Il se trouve que nous avons dégusté certaines cuvées que notre ami David, ici même, avait déjà commentées. Il il se trouve aussi que sommes tombés d’accord sur la plupart de ses choix, et partageons globalement son enthousiasme. Cela n’a bien entendu aucune valeur statistique; mais quand un Anglais, un Belge et un Français se retrouvent dans la même appréciation d’une appellation, cela représente quand même un indice de qualité.

Castelbarry Le Salut de la Terre 2018

Cette cuvée fleure bon la framboise et le cassis. La bouche est très franche, pointue, mais elle présente une belle mâche. Dans l’assemblage Grenache-Syrah, c’est plutôt la deuxième qui prend le dessus. Ce 2018 confirme ma bonne impression sur place, à propos du 2016, un peu plus rustique, mais prometteur. 

Castelbarry Seul L’Avenir m’intéresse 2018

Joli fruit noir, beaucoup de jus, des notes de cuir et de menthol, pas mal de tannins, c’est à la fois robuste et très «buvable», pour reprendre une expression à la mode. 

Castelbarry, alias Cave de Montpeyroux, me semble sur une belle trajectoire. Par rapport à ma visite en 2015, les vins ont gagné en définition, les gammes sont mieux séparées, et cette ligne des « vignerons engagés » n’est pas qu’un slogan, c’est une vraie réussite.

Château de la Sauvageonne Grand Vin 2016

Grand vin, cela peut paraître présomptueux, mais en l’occurrence, cela correspond à la fois aux ambitions, aux moyens mis en oeuvre (notamment en termes d’élevage) et au résultat: d’aucuns regretteront peut-être la dominante torréfiée, mais personnellement, je trouve que cela va bien à ce vin déjà agréable aujourd’hui, mais qui garde du potentiel. Et derrière les notes de café et de cacao, il y a pas mal de jus, des épices à revendre, un côté sauvageon, oui , peut-être, à moins que ce ne soit le côté rugbyman en costard…  Syrah, Grenache, Mourvèdre et Carignan sur schistes et ruffes, 12  mois en barriques.
 
Ce domaine de 45 hectares se situe à Saint-Jean-de-la-Blaquière; depuis 2011, il est la propriété de Gérard Bertrand, qui en vante « la force abrupte des paysages, les couleurs contrastées des sols et l’harmonie de la nature ».

Château Malavieille Rouge Permien 2018

Un nez dominé par la griotte, les épices et le fumé ; mais quelle élégance en bouche! La griotte du nez se fait croquante, les épices poivrées, le fumé torréfié. Les tannins sont suaves sans être lisses, il y a de la vie, du dynamisme jusqu’au bout de la finale, très longue. Il s’agit d’un assemblage des vignes les plus anciennes du domaine : Carignans de 80 ans et plus, Grenaches, Oeillades, Mourvèdres. La cuvée doit son nom aux sols de ruffes, des argilites rouges car riches en fer, datées du Permien. 

Mas de Bertrand Causse Mos 2018

Le nez de fruit noir et d’épices (laurier, romarin), introduit une bouche assez gourmande, juteuse (orange sanguine), où l’acidité équilibre bien l’alcool, avec une finale sauvage. Il s’agit de très vieux Carignans complétés de Syrah.

Le Château Malavieille, dont les vignes se trouvent sur les terres rouges de la vallée du Salagou, et le Mas de Bertrand, à Saint-Saturnin de Lucian, sont tous deux dans les mains de la famille Bertrand. 

https://www.domainemalavieille.com/

Domaine du Joncas Cuvée Canta 2019

La robe sombre aux reflets violines est celle d’un vin jeune, le nez confirme, primesautier et très frais, avec pas mal d’arômes primaires, notamment de la cerise; la bouche, elle, évoque la feuille de laurier; sa texture est suave – la suavité d’une extraction en douceur.

Le domaine du Joncas (12 hectares à Montpeyroux), a été racheté l’an dernier par la famille Helfrich, dont c’est là le deuxième achat en Terrasses du Larzac, après celui du Plan de L’Homme.

Le Clos Rouge Alerte rouge 2018

Fin et racé, cet assemblage de Carignan, de Grenache et de Syrah sur ruffes nous offre des notes de romarin et de pivoine, mais aussi un joli fruit – rouge, bien entendu. Un fruit qui croque en bouche, mêlé d’épices.

Sous la conduite de Krystel Brot-Weissenbach et Joël Peyre, Le Clos Rouge exploite 8 hectares de vignes à Saint-Jean de la Blaquière, au milieu des oliviers et des garrigues.

https://www.leclosrouge.fr

Château de Jonquières La Baronnie Rouge 2017

Réglisse, fruit noir, fumée, poivre, gibier, tannins suaves, un seigneur à la poigne de fer dans un gant de velours. Ce dernier étant notamment apporté par l’élevage de 18 mois en fût de chêne, très soigné. Séducteur. Mourvèdre, Syrah, Grenache et très vieux Carignan sur cailloutis calcaires.

Depuis 7 ans, Charlotte et Clément de Béarn développent ce domaine de famille, dont l’histoire remonte à 900 ans (32 générations, qui dit mieux!), et qui s’étend sur 8 hectares autour de la superbe demeure du 17ème siècle.  

Mas de l’Ecriture Emotion 2018

Le nez est expressif (petites baies rouges et noires, prunelle, citron); la rondeur de ce fruit assouplit la bouche aux tannins fins, la finale offre quelques notes fumées, de la sariette et une belle touche de gentiane. Un vin civilisé, très bien fondu. Tous les vins ne suscitent pas une telle… Emotion.  Assemblage de Grenache, Carignan, Syrah et Cinsault à parts égales. 15 euros.

Pascal Fulla et sa fille Léa, qui s’intitulent « créateurs de vins poétiques » sont aux petits soins pour les vignes de ce domaine  de 10 hectares situé à Jonquières.

https://masdelecriture.com/

Plan de L’Homme Habilis 2018

La robe évoque l’encre, le nez offre de la prunelle et de griotte – une griotte dont le croquant revient en bouche, ainsi que son noyau. Après une petite phase d’austérité, une pincée de poivre noir booste la finale. A noter aussi, la belle assise tannique. Syrah, Grenache et Carignan. 16 euros.

Ce domaine de 13 hectares situé à Saint-Jean-de-la-Blaquière a été racheté en 2017 par la famille Helfrich.

Plan de L’Homme Sapiens 2018

Le nez d’abord discret s’ouvre à l’aération sur des notes de cacao et de romarin; une note fraîche qui relance la bouche. Très beau travail du bois. L’ami Marco a particulièrement aimé: « J’ai apprécié son côté cistercien, avec cette assise minérale  et ses tanins serrés qui en sont la pierre angulaire. »

70% Syrah, 30% Grenache. 18 euros.

https://fr.labaume.com/

Mas des Arômes Le Dernier Charbonnier 2017

Fruit noir au nez, sauge en entrée de bouche. De jolis tannins enrobés de fruit noir laissent une impression juteuse.  Syrah, Mourvèdre, Grenache et Carignan. Pour Marco, « Il est bien représentatif de son terroir, avec ses senteurs de garrigue qui explosent tout de suite au nez: du fruit, de la fraîcheur, de la structure, en bref, un beau 2017, qui n’a pas été un millésime facile. »

Ce petit domaine de 6 hectares est situé à Montpeyroux. Son écrin de rochers, de chênes verts, de cades et de thym est certainement propice au développement de ses Arômes.

https://fr-fr.facebook.com/DomaineMasdesAromes/

Mas Combarèla Ode aux Ignorants 2017

Si le Languedoc avait des grands crus (et pourquoi pas, un jour, qui sait?), il ressembleraient sans doute à ça. Et si ce vin était une musique, il serait symphonie. Quelle matière, et quelle harmonie d’ensemble! Une fois passées les notes de mûre, de café et de cèdre du nez, on entre dans un royaume de confort, une couche à l’assise ferme mais profonde, des tannins soyeux,  avec, en finale, la petite touche de menthol qui rafraîchit l’ensemble. Le coup de coeur.

Olivier Faucon est aux commandes de ce jeune domaine fondé en 2016, et dont cette cuvée assemblant Syrah, Carignan, Grenache Noir et Cinsault est la quintessence. 

http://www.mas-combarela.com

Secret de Gellone Croix Chaptal 2016

Le nez d’abord serré s’ouvre peu à peu sur du café, de la violette et de la mûre. La bouche est dense, les tannins arrondis, on termine sur une belle note de cacao et de cèdre. Encore du potentiel. L’ami Marco semble abonder dans mon sens: « Un vin qui est resté jeune et pimpant, avec sa belle fraîcheur fruitée, joie et plaisir, sans oublier l’élégance due au soyeux des tanins et la gourmandise des notes chocolatées ». Syrah, Grenache, Carignan et Mourvèdre.

Nous avons déjà eu l’occasion de saluer les Clairette du Languedoc de ce domaine, qui est un des initiateurs de la remise à l’honneur de cette vieille appellation. La famille Pacaud-Chaptal produit également des Terrasses du Larzac. Le nom de la cuvée fait référence à l’abbaye de la Gellone, dont les moines ont planté ce qui est aujourd’hui le domaine de La Croix Chaptal, à Saint-André-de-Sangonis.

http://www.lacroixchaptal.com

Egalement apprécié sur place

Le Clos du Serres Les Maros 

Je suppose que c’était un 2018, mais je n’ai ni retrouvé le millésime, ni mes notes de dégustation. J’avais déjà apprécié cette cuvée issue d’un terroir de schistes lors de la Circulade (c’était un 2015). Et si j’ai gardé la photo de ce millésime-ci, c’est que je l’ai trouvée bonne. Alors, pour le coup, vous devrez me croire sur parole, ou pas.

Béatrice et Sébastien Fillon ont fondé le Clos du Serres en 2006, à Saint-Jean-de-la-Blaquière; il compte 15 hectares répartis en plusieurs parcelles, dont le domaine tire ses trois cuvées de lieux-dits: Les Maros, Saint-Pauline et Le Palas. 

http://www.leclosduserres.fr/

 

Hervé Lalau

 

 

 

5 réflexions sur “On est bien en Terrasses…

    1. agnesgo

      Oui on est bien en Terrasses du Larzac ! Que cette dégustation fait envie et me donne des pistes pour organiser ma prochaine (post-confinement!) ! J’ai refait un séjour dans ce secteur il y a 2 ans, pas loin du lac Salagou. J’y ai découvert le Mas des Chimères à Octon, délicieux et très abordable.

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  1. georgestruc

    Magnifique ! vous nous avez livré l’essentiel d’une « dégustation géosensorielle » : tous ces vins sont attachés à un lieu, terme qui rassemble, en apparence tout au moins, plus d’éléments que le mot « terroir » (maudit ou adoré…). Un très bel espace, des paysages superbes, une géologie passionnante, des vignerons très investis ; 50 % en bio ! les lieux s’y prêtent, certes, mais on doit attacher à cette information tout le poids d’une démarche que d’aucuns ne peuvent plus considérer comme marginale, fumeuse et que sais-je encore.

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  2. Sévérac Alain

    Très bel article…je conseille de vous promener autour du lac de Salagou au
    printemps, c’est une explosion de couleurs,…toujours à la recherche de vins et
    fossiles,c’est une région que j’adore et…j’ai bien sûr dans ma collection,la cuvée
    Permien de Malaveille ,.. en faisant un échange avec un paléontologue ,j’ai dans
    ma collection Permien,. 1petite plaque avec 3 empreintes de vertébrés,…et suis tout à fait d’accord avec vos observations

    Bravo les 5 du vins vous me régalez ….
    ps j’ai à ce jour 54 cuvées vins et terroirs…voilà mon autre passion

    Aimé par 1 personne

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