Le vin suisse, ça se boit, et ça se lit aussi!

Deux ouvrages sur les vins suisses coup sur coup : « ça va le chalet? » Eh oui, il se publie beaucoup sur ces 15.000 hectares d’un confetti sur la planète vitivinicole mondiale (l’équivalent de l’Alsace). A défaut de s’exporter, les vins suisses suscitent l’intérêt.

Notre ami et invité régulier sur ce site, Pierre Thomas, nous a déjà fait (très modestement) la promo  du premier livre – le sien  (« 111 vins suisses à ne pas manquer »). Il nous parle aujourd’hui d’un autre ouvrage – l’épatant «La Suisse», publié par https://journaldusommelier.ch/

Son éditrice, la jeune Yanna Delière, a été formée aux arts de la table dans le Jura français, au Lycée de Poligny; elle est aussi titulaire du «Brevet fédéral (suisse) de sommelier», pour lequel, à présent, elle élabore et donne des cours de préparation. 

Elle vit depuis dix ans en Suisse et confesse : «Ma rencontre avec le vignoble suisse a fait l’objet d’une révélation inattendue, qui m’a ouvert les portes d’un univers aussi complexe que délicieux».

Un patchwork de témoignages

La jeune femme a débarqué chez moi un lundi matin, à l’heure convenue. Elle a installé une petite caméra, branché son portable et — moteur ! — pour deux bonnes heures d’interview à bâtons rompus sur l’histoire récente du vin suisse. Celle des 30 dernières années. La jeune femme sait faire parler les gens et les écouter… Son livre, véritable patchwork, est une réelle «création» à plusieurs mains. 

Elle a interviewé une centaine de vignerons, mis en ligne sur Youtube des extraits plus ou moins longs de ces interviews (qui sont accessibles au moyen du scannage d’un QR-code dans les pages du livre), et en a tiré des portraits, où elle adhère par la plume à la personnalité de chacun. Un livre engagé, donc… et qui n’existe qu’en format papier.

 

Une mise en pages originale

L’objet, plutôt grand (17 cm x 24 cm) et fort de 400 pages, se révèle original déjà par sa forme. Sa couverture, aux tons pastels nuancés, avec ses bouteilles et ses sapins, ses traces neigeuses, campe le décor. Yanna Delière, qui sait tout faire, y compris de remarquables commentaires de dégustation, à l’époque où sur les réseaux sociaux, on affirme ne plus les lire, s’est entourée de toute une équipe, qui va d’auteurs «parrains», jusqu’aux réalisateurs, et notamment des dessinateurs et dessinatrices qui jalonnent le livre de vignettes. Le tout dans une souplesse qu’amène le chantier mené en toute liberté. Et ces 400 pages, on peut les lire comme ça aussi, en les picorant, en les dégustant… Du reste, le livre ne comporte ni table des matières, ni index, ni infos pratiques (adresses Internet, prix des vins, no de téléphone).

Des plumes et des avis variés

D’entrée, Noémie Graff, talentueuse vigneronne bio vaudoise, se souvient qu’elle a des lettres (et un titre universitaire ès-lettres : son mémoire portait sur l’énigme de la disparition des grands vins de la Rome antique…) et brosse une histoire du vin au pays des Helvètes. Le Dr José Vouillamoz donne son avis sur les cépages et le Valais; le sommelier champion du monde Paolo Basso explique comment il produit des vins, aujourd’hui, avec deux des œnologues les plus en vue du Tessin, Michele Conceprio et Alfred de Martin. En fin de livre, des recettes de cocktails 100% suisses et plusieurs belles rencontres entre des sommeliers et des chefs, internationaux, autour des vins suisses sont très intéressantes.

Pour quelques éléments sur la Suisse récente, Yanna Delière m’a gentiment permis de sortir quelques éléments de son interview-fleuve. 

Deux livres : le jeu des 70 différences

Nous devions publier en même temps nos deux livres. Le sien a eu quelque retard. Quelles différences, alors, avec «111 vins suisses à ne pas manquer» (chez emons:)? Un peu les mêmes qu’entre le petit Larousse illustré et le grand Robert… sur le mode de l’exercice strictement imposé (111 vins, pas un de plus, une page par sujet, une seule photo) et l’exercice parfaitement libre (parfois deux pages, ou moins, pour chaque vigneron, un ou plusieurs vins, des photos et des dessins). Yanna Delière met l’accent sur les caractéristiques géologiques des vignobles. Mais il n’y a pas place, dans la sacralisation du terroir, pour un hommage au «vigneron inconnu». Car derrière chaque bouteille se cache ou se révèle une femme ou un homme. 

Ce choix de vignerons, justement, que dit-il? Une quarantaine se retrouvent dans les deux ouvrages. Calcul vite fait : 70 sont évoqués d’un côté ou de l’autre, portant ainsi à plus de 180 (70 + 70 + 40), les vignerons des deux livres, complémentaires. 

Si j’ai misé sur des valeurs sûres à travers, parfois, un seul vin insolite, Yanna Delière a choisi, à l’inverse, à côté d’incontournables, de nombreux petits artisans, artistes parfois en marge ou nouveaux venus, et souvent à travers des cépages classiques — nombreux pinots noirs, chasselas et merlots, les trois principaux cépages suisses. Le «noyau dur» des 40 vignerons est, à quelques exceptions, celui des vignerons cooptés de la Mémoire des vins suisses, dont Yanna Delière fera partie désormais (nouveau site Internet : www.memoire.wine).

Ces deux livres, ces deux panoramas publiés à quelques mois d’intervalle, montrent une Suisse extraordinairement diversifiée, éclatée en des dizaines de talents, à découvrir sur place. Ou au restaurant, pour les sommeliers qui en prendront de la graine…

«La Suisse», www.journaldusommelier.ch, 45 euros, 49 francs suisses.

Pierre Thomas

PS : L’opus 1 de la même société d’édition, «Le Cidre», était déjà remarquable !

2 réflexions sur “Le vin suisse, ça se boit, et ça se lit aussi!

  1. georgestruc

    Merci Pierre, pour ce signalement et bravo pour la publication de votre ouvrage et de celui de Yanna Delière. Je ne me souviens plus si un papier avait été fait dans le blog des 5 suite à la parution en 2018 de « Roche et Vin à la découverte du vignoble suisse » un ouvrage magistral, le plus complet, à ma connaissance, sur le sujet. Un livre et 10 livrets (1 par région viticole) sous boîtage ; la bible des vignobles suisses. Au total, avec ces deux contributions, l’amateur éclairé de vins peut sans difficulté entrer dans le monde des vins suisses et partir à leur découverte avec un solide bagage.

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  2. georgestruc

    Autant pour moi ! Toutes mes excuses. Vous l’aviez fait en décembre 2018 et j’avais même échangé quelques coups de griffes avec David Cobbold sur le sujet des terroirs (un grand classique désormais).
    Ma première visite en territoire helvétique date de 1952. Mes parents avaient de vieux amis à Genève, dans un quartier (Sécheron) situé non loin du jardin botanique (petites villas, à cette époque…. ) Dix ans plus tard, nous dégustions encore dans leur minuscule jardin un « Fendant » qui ravissait nos palais de rhodaniens, formatés par des Grenaches opulents.

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