Douces bulles de montagne, la Clairette de Die

La Drôme, affluent du Rhône, rétrécit son cours à l’approche de Die et des contreforts du Vercors. D’assez plat et ouvert, le paysage s’encaisse, se resserre autour de la rivière. C’est là que naît, après Crest, le vignoble du Diois, peuplé d’une multitude de parcelles. Elles s’accrochent aux éboulis des coteaux, colonisent les vallées transversales et montent jusqu’à 700 mètres d’altitude, profitants des meilleures expositions. 

Du Muscat et un rien de Clairette

Voilà qui semble compliqué, on nous parle de Clairette de Die alors qu’elle est faite avec du Muscat à petits grains, accompagné ou non de Clairette. Tandis que l’autre production effervescente, le Crémant de Die, lui, s’élabore principalement avec de la Clairette, avec en option un peu de Muscat à petits grains et quelques autres cépages. C’est comme ça, retenez juste que la Clairette de Die, cette agréable douceur crépitante, a le goût fruité et floral du Muscat (avec ou sans Clairette).

La Clairette de Die

Les raisins, issus de vendanges principalement manuelles mais pas obligatoirement, sont légèrement foulés, puis partent à la presse. Les moûts s’assemblent à une température de 0°C pour éviter tout départ de fermentation. Ils sont clarifiés par microbullage des particules en suspension. La température s’élève doucement, de 0° à 8°C, les levures cryophiles présentes dans la pruine des grumes entrent en action. La température de fermentation basse évite la perte d’arômes par diffusion du gaz carbonique. Ce dernier reste dissout dans le milieu à cette température. La fermentation n’est pas totale, elle est arrêtée à 5° acquis et 90g de sucre. Le vin est mis en bouteille avec ses lies pour la suite du processus fermentaire, prise de mousse et gain alcoolique. Le dégorgement se fait après 4 mois pour préserver la fraîcheur aromatique. La Clairette titre alors 7° pour 60 à 65 g de sucre en moyenne, le cahier des charges permet toutefois de descendre jusqu’à 35g, un nombre de caves travaillent sur des cuvées moins sucrées. La mise en bouteilles s’opère par dégorgement et filtration isobarométrique. Le cépage Muscat est en effet un cépage qui donne des vins gras qui laissent un dépôt impossible à éliminer par la méthode de dégorgement classique champenoise.

Les Clairette de Die se composent d’un assemblage de Muscat à petits grains, 75% minimum, et de Clairette. Elles peuvent contenir 100% de Muscat.

Une vieille dame

Si la Clairette de Die reçoit son appellation d’origine en 1942, elle remonte à bien plus longtemps. Pline l’Ancien, auteur et naturaliste romain, en parlait déjà dans les années 70 après JC. Il aimait parcourir l’empire et rencontrer les peuples qui le composaient. Du côté de Darentiaca, l’actuel Saillans, entre Crest et Die, ou dans une taverne de Dea Augusta, aujourd’hui Die, il a dû être impressionné par cette boisson douce et effervescente que lui proposaient les Voconces qui disposaient presque certainement d’une variété de Muscat. Ces Gaulois, habitants des Préalpes, avait remarqué qu’en plongeant leurs fûts de mout soutiré à la cuve dans l’eau glacée des rivières jusqu’au solstice d’hiver, le contenu fermentait peu et gardait sa douceur fruitée comme son effervescence. Ils obtenaient ainsi leur fameux aigleucos. Légende ou pas, Pline en parle dans son Histoire Naturelle Naturalis historiae publiée vers 77.

Si la vigne s’étendait au 19es sur une surface de 6.000 ha, stoppée net par l’arrivée du phylloxéra en 1870 qui fait disparaître 80% du vignoble, l’AOP avoisine aujourd’hui les 1.600 ha compte.  

Un paysage à couper le souffle

Le bouillonnement de la Drôme encore sauvage, la blancheur des calcaires, offrent un cadre puissant à la Clairette de Die. S’y balader, c’est retenir souvent son souffle devant la beauté des paysages. Partout, de 200 à 700 mètres surgissent de-ci delà les parcelles, hachurant de vert tendre une clairière, un pan de montagne, le piémont d’une falaise. Réparties dans un périmètre d’une trentaine de kilomètres d’espace naturel aux contrastes importants, tant en couleurs qu’en températures, qui va d’Aouste  à Poyols à l’extrême sud-est. On y passe du sombre à l’éclatant, de 40°C en été à moins 15°C en hiver. La vigne s’y plaît rafraîchie de la torpeur estivale par les coulées d’air frais qui descendent du Vercors dès la nuit tombée.

Un terroir propice au Muscat

Le relief très tourmenté et fort marqué par l’érosion des chaînons subalpins du secondaire offre toutefois des poches de microclimats déterminés par les orientations des parcelles, leur proximité par rapport aux courts d’eau (risque de gel si trop proches), les durées d’ensoleillement dans un relief aussi encaissé tout en tenant compte des effets d’écran des barres rocheuses, la nature des sols.

Les sols, quels sont-ils ?

La Drôme a entaillé au cours des temps géologique (c à d sur une très très longue durée) les calcaires durs de la barre du Tithonien, étage supérieur du Jurassique, qui domine le vignoble du Diois. Cette barre repose sur une alternance de marnes et de calcaires qui ont été mis en évidence par l’action de la Drôme et de ses affluents. Les sols lourds, peu caillouteux, issus de ces marnes ont donné les terres noires qui conviennent à la robustesse et à la vigueur du Muscat. Ce dernier ne renie pas pour autant les éboulis et colluvions calcaires à matrice argileuse.

Quant au climat…

On pourrait le qualifier de climat méditerranéen de montagne. Situé à la limite nord de l’influence méditerranéenne les contrastes dus au Vercors y sont importants. L’emblématique massif protège malgré tout le vignoble du Mistral sur une grande partie de sa surface, sauf là où la Drôme suit un trajet est-ouest. Côté précipitations, la région reçoit en moyenne 1.500 mm de pluie par an et garde ses sommets enneigés tout l’hiver.

C’est un endroit où il fait bon se promener. La biodiversité rencontrée entre partie sauvage, champs de vignes et autres cultures agricoles, dont bon nombre conduites en mode biologique, donne envie de mieux connaître ce pays à la fois doux et rude.

Espérant vous avoir mis la Clairette de Die à la bouche, il serait dommage de ne pas vous en parler dans un prochain épisode                   https://clairette-de-die.com/  

Ciao

Marco

2 réflexions sur “Douces bulles de montagne, la Clairette de Die

  1. Nadine Franjus

    Ah mince alors, j’étais en parfaite condition pour pouvoir goûter quelques bulles de muscat!!! Belle introduction pleine d’information sur cette appellation méconnue. Merci c’est beau. J’attends la suite…

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