Rhône, les Parcellaires de Rhonéa

La parcelle devient une identité particulière dans la production vinicole. Elle n’est toutefois pas l’apanage des petits domaines, les entités plus importantes s’y mettent. Et ce n’est que pertinence. Les caves coopératives ont à leur disposition un patchwork important de sols, de terroirs, de vieilles vignes, d’enclaves, d’orientations, d’altitudes, … Identifier au sein de ce foisonnement quelques endroits singuliers met en valeur le savoir-faire de ces grands vaisseaux que sont les coopératives. Rhonéa qui rassemble depuis 2015 les caves de Vacqueyras et de Beaumes-de-Venise, rejointes en 2019 par celles de Rasteau et de Visan en est un bel exemple. Les Parcellaires issus des quatre entités et par conséquent de terroirs bien différents nous ont séduit.

Sur chaque appellation, notre savoir-faire s’exprime dans la sélection rigoureuse de parcelles, une vinification et un élevage précis pour des vins de garde, complexes et de caractère. https://rhonea.fr

À Beaumes de Venise

Bel Air 2018 Beaumes de Venise

La robe rubis pourpre enchante l’œil, tout comme les senteurs fruitées le nez. Fruit est le maitre-mot de ce vin qui déclare d’entrée sa gourmandise bien boostée par la fraîcheur de son jus. Jus qui coule généreux de la soie veloutée des tanins et amplifie encore le plaisir de dégustation. Du poivre blanc, du thym et de la cardamome relèvent les arômes de gelées de mûre, cerise et framboise.

Assemblage de 50% de Syrah et 50% de Grenache de 30 ans qui poussent en terrasses à 250 m d’altitude dans des sols calcaires et marneux datant de 100 à 140 millions d’années. Les parcelles se situent au nord-est de Beaumes de Venise au lieu-dit Bel Air.  La vendange subit un foulage léger et une cuvaison de 18 jours pour les Grenache, de 12 jours à basse température pour les Syrah, élevage de 12 mois en cuve béton. 15€

La Beaume 2019 Beaumes de Venise

Rubis carmin, au nez qui semble sortir de la garrigue avant de s’écraser dans les marmelades fruitées. Le serpolet et le romarin se maculent de fraise et de cerise, le cade et le ciste se colorent de figue noire et de prune sombre. Le charnu des fruits apporte du volume en bouche. Sphère délicate aux contours moelleux qui semblent sucrés sans l’être. La fraîcheur doit beaucoup au minéral qui vient tendre sur sa portée cristalline toutes les notes parfumées. Équilibre subtil des accroches terriennes et des envolées zénithales reliées par le fil gracile des vivacités aux accents d’agrumes.

Assemblage de 90% de Grenache et 10% de Syrah de 35 ans qui poussent dans des marnes noires de l’Oxfordien du lieu-dit Quartier de La Beaume au nord du Village de Lafare au milieu des Dentelles de Montmirail. Les raisins sont récoltés à maturité phénolique et triés à la main. Ils subissent un léger foulage afin de libérer les premiers jus. Cuvaison longue de 28 jours compris à 25°C. Pigeages 3 fois par jours. Élevage de 12 mois en cuve béton. 15€

Trias 2019 Beaumes de Venise

La robe rubis cramoisi offre au nez un fort délicat mélange de prunelle et de mûre, relevées de poivre noir et de sauge qui débusquent les tonalités fruitées de groseille et myrtille. En bouche, on s’attend à une suavité sans mesure, mais c’est une soie tannique un peu rêche qui nous accueille. Rusticité civilisée d’un crêpe de Chine qui comme un velours bucolique offre la tension de sa trame au développement fruité. Des arabesques se dessinent, s’arrondissent, se parent d’onctuosité, s’ornent de fleurs en plus des fruits et changent le rustique des premiers instants en dentelles exquises. Un vin de caractère qui s’apprivoise à mesure que nos papilles en apprennent la musique.

Assemblage de 73% de Grenache, 23% de Syrah, 3% de Mourvèdre et 1% de Viognier d’âge moyen de 40 ans qui poussent à 300 m d’altitude dans des sols triasiques (-230 millions d’années) faits de gypse, d’argiles rouges et de cargneule*. Vendange égrappée, cuvaison de 22 jours à 27°C. Pigeages 4 fois par jour au début des fermentations puis remontages réguliers. Élevage de 50% de la cuvée en ½ muids pendant 12 mois. Le reste en cuve béton. 16,50€

* Roche sédimentaire carbonatée due à la transformation de roches calcaire, à l’aspect carié, vacuolaire, souvent fortement fracturé. De couleur jaune, brun, rouille, les cargneules forment des masses peu ou non stratifiées et donnent des reliefs ruiniformes

À Visan 2020

L’Hérein 2020 Côtes du Rhône Villages

Robe grenat pourpre, au joli nez de framboise et de cerise qui semblent se confirent en apportant un quota d’épices douces comme la cardamome et le curcuma. La bouche s’entame par la soie tannique qui semble déjà se fondre dans la chair gourmande des baies. La texture nous touche les papilles à la façon d’un boutis dodu de fruits relevés de poivre, parfumé de genêt, souligné de réglisse. C’est un petit bonheur gourmand.

Assemblage de 51% de Syrah et 49% de Grenache de 40 ans qui poussent à 150 m d’altitude sur des terrasses anciennes de la rivière L’Hérein dans des galets roulés sur marnes avec une nappe d’eau à 3 m de profondeur. Vendange égrappée, fermentation de 25 à 27°C avec deux remontages par jour. Cuvaison d’une quinzaine de jours. Élevage de 12 mois en cuves béton. 13€

À Vacqueyras

La Ponche 2019 Vacqueyras

La robe grenat cramoisi se parfume de subtiles notes de mûre, de cassis et de cerise noire, relevées de poivre et de sauge, d’un rien d’aiguilles de pin. Il nous la joue à la provençale, mais avec beaucoup de fraîcheur en bouche. Cela met en évidence le fruité suave et croquant. Les tanins offrent leur soie un peu rêche aux arabesques épicées dont le relief agréable quoique coquin booste la fraîcheur. Elle a du caractère cette Ponche.

Assemblage de 71% de Grenache, 22% de Syrah, 4%, de Carignan et 3% de Mourvèdre âgés de 50 ans qui poussent à une altitude de 150 m dans les argiles, les limons et les calcaires du lieu-dit La Ponche. Vinification entre 27 et 29°C. La fermentation dure 10 à 15 jours. Le Carignan est vinifié en grappes entières. Cuvaison de 25 jours avec remontage biquotidiens. Élevage de 12 mois pour 30% de l’assemblage en barriques de 1 et 2 vins. 17€

 

À Rasteau

Les Encostes 2020 Rasteau

La robe grenat se fait aérienne et promet de beaux élans à la bouche.  Elle n’est pas déçue et retrouve bien le caractère Rasteau avec sa force fruitée, mais tout en proposant de la légèreté, de la subtilité, des tanins fins et veloutés. Un vin qui assouvira avec facilité les belles soifs.

Assemblage de 55% de Grenache, 25% de Mourvèdre, 10% de Syrah et 10% de Carignan âgés de 30 à 40 ans et qui poussent à une altitude de 190 m dans des sols sableux mélangés de colluvions calcaires reposant sur des marnes bleues du Pliocène. Les parcelles sont orientées au nord à flan de colline du lieu-dit Les Encostes. Vendange égrappée. Vinification traditionnelle avec longue macération, pigeage partiel et élevage de 12 mois en cuve béton. 15€

                                             vignoble de La Beaume

Voilà de belles surprises qui mettent bien en évidence le pourquoi des différences entre les différentes cuvées. Les détracteurs habituels des précisions géologiques, territoriales, sous-régionales et autres spécifications, trouveront cela futile. Rien, ni personne ne leur demande d’en tenir compte, ni même de les lire.

D’autres se réjouiront de mieux connaître l’endroit d’où vient le raisin qui a généré chaque cuvée. Comprendre certes que le vin peut être multiple tant en saveur, qu’en texture, qu’en complexité, … et qu’on aime parfois en connaître l’origine.

Enfin, d’autres encore adopteront l’un ou l’autre flacon tout simplement parce qu’ils l’ont apprécié.

Ciao

Marco

8 réflexions sur “Rhône, les Parcellaires de Rhonéa

  1. Daniel Marcil

    « Équilibre subtil des accroches terriennes et des envolées zénithales reliées par le fil gracile des vivacités aux accents d’agrumes. »
    Mon cher Marc, tu es un véritable magicien, tu d’OZ les mots et les images de telle sorte que le bon génie sort de la bouteille et nous transporte bien au-delà des Dentelles…
    MERCI

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  2. Paule Ambroes

    Merci Marc, c’est toujours un plaisir et une découverte de lire tes commentaires.
    Seul regret : jamais aucun chroniqueur ne mentionne le % d’alcool des vins. Pour ma part, je refuse de boire des vins dépassant les 13,5%n d’alcool. Amitiés. Paule

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    1. Bonjour Paula, merci pour le petit plaisir suscité par mon article, ça me fait plaisir aussi d’avoir, par le biais des 5, de tes nouvelles. Quant au degré alcoolique, je ne l’indique jamais, je déteste cette nouvelle manie qu’on les consommateurs de regarder d’abord le titre alcoolique avant d’acheter le moindre flacon. Ce qui compte pour moi, c’est l’équilibre du vin. Comme le dit Hervé, un vin à 12,5° peut avoir un déséquilibre et nous les les papilles avec un goût d’alcool. Les Rhône, comme la plupart des vins du sud passent allègrement la barre des 14,5° et les Bourgogne, comme les Bordeaux, suivent le même chemin. De plus, quand on ne boite qu’un verre ou trois, 2° de différence ne font pas grand chose. Dans un verre normal, il y a à peine une cuiller à moka d’alcool, pas de quoi être ivre.
      Merci de nous lire (j’espère que tu lis également les articles de mes partenaires de blog) .
      Marc

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      1. Paule Ambroes

        Tes articles toujours, ceux des autres parfois.
        Je suis d’accord pour dire que ‘l’alcool n’est pas un critère absolu et que l’équilibre joue un rôle prédominant. Toutefois je persiste à dire que les vins riches en alcool me fatiguent. J’ai abandonné un vigneron de Juliénas car ses vins dépassaient 14% et que le plaisir n’était plus de la partie. Je suis persuadée que les vins dont tu parles ont un équilibre gustatif sans quoi tu n’en parlerais pas.
        Amitiés

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  3. Chère Madame Ambroes,

    Merci pour votre commentaire.

    Dans le cas des vins du Rhône, rares sont ceux aujourd’hui qui ne franchissent pas la barre des 13,5°. Mais il s’agit d’une barre assez symbolique, pour nous: un vin peut très bien avoir un taux d’alcool réel plus élevé et ne pas sembler trop alcooleux, en fonction des autres paramètres.
    Quant aux effets de l’alcool, il est vrai que l’on doit faire plus attention aujourd’hui qu’avec les vins à 10° des années 1960, mais notre devise, aux 5duVin, serait plutôt « MMM »: moins, mais meilleur

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  4. Nadine Franjus

    C’est bien ces étiquettes qui mettent le terroir en avant, même si ce n’est pas très joli. Merci pour ces commentaires qui nous éclairent, avec poésie, sur l’effet terroir.

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