Un mot, d’abord, en guise de mise en perspective: le Châteauneuf-du-Pape blanc représente moins de 7% de la production de l’appellation; et pourtant, mais on en plante.
Une grande partie de ce faible volume se boit rapidement… c’est du blanc, pardi ! Du Sud, en plus ! Reste donc une portion congrue qu’on laisse vieillir. Et là, émerveillement (si l’on ouvre les bouteilles au bon moment, toutefois !). Capricieux comme tous les grands blancs, il se ferme et paraît durant cet intervalle d’une ingratitude féroce. Bref, il semble oxydé, même parfois franchement dégueulasse, c’est le mot le plus approprié ! Cette phase ne dure qu’un temps, heureusement. En gros de 4 à 8 ans selon le millésime avec des exceptions pour confirmer toute bonne règle. À sa sortie, pas d’usine, mais plutôt de prison, le Châteauneuf blanc récupère de la fraîcheur, prend du volume, de l’aisance, une sagesse tranquille, reflet de sa complexité tertiaire acquise pendant sa mutation.
Un bon exemple
Le Château de Vaudieu a toujours eu une excellente réputation pour ses blancs. J’ai donc récupéré avec bonheur deux millésimes qui ont 10 années d’écart. Et du Clos du Belvédère, en plus – un 100% Grenache Blanc, le haut de gamme du château.
Clos du Belvédère 2019
La robe d’un jaune doré brillant aux reflets verts éclatants se parfume de grillé aux senteurs d’anis et de céleri, de noisette et de feuille de tomate. Elle aime ajouter des notes d’agrumes teintées de verveine, de fruits blancs colorés de thym. La bouche au toucher velouté se montre fraîche ce qui lui donne du punch. Fraîcheur qui allie le citron givré aux saveurs de poire fondante, de marmelade de groseille à maquereau au charme des gelées de rose. Les épices alanguies au fond de la langue se réveillent et viennent titiller les papilles d’un coup de poivre, d’un autre de cardamome ou de muscade, fait rouler un grain de coriandre, use avec modération de la fève de Tonka. Avivée par cette spontanéité épicée, notre sensibilité remarque le relief minéral générateur de cette tension qu’on aime palper, retourner, titiller. Plaisir d’un sens trop souvent oublié dans le monde bacchique, peut-être par crainte d’une bacchanale ainsi suscitée…
Ce 2019 a gardé de l’ouverture, n’a pas versé dans l’ingrat. Mais il a fallu toutefois l’attendre. Lors du débouchage du flacon, il était d’un discret. Et puis, il n’a pas résisté à l’appel de la clarté et s’est révélé.
Prix indicatif sur le site du domaine: 60 euros pour le millésime 2020. (Ndlr: à ce niveau de qualité, cela n’est pas exagéré – pensez un peu aux grands Puligny, ou aux grands Pessac-Léognan blancs…)
Clos du Belvédère 2009
Jaune cuivré où l’émeraude se reflète encore. Le nez embaume la crème moka, la pâte de pistache, l’écorce d’orange confite, mais aussi la poire douce parfumée de mélisse. C’est très gourmand avec des arômes de café dont l’amertume gracieuse se mélange à la rondeur fruitée. Il y a aussi cette fluidité qui comme un jus léger coule avec une générosité envahissante. Il nous comble d’amande et d’écume de mandarine, de figue blanche au miel, de gelée de bigarreau au safran. La texture se touche avec la langue, sensation d’un relief à peine marqué, crêpe de Chine tâté avec sensualité, vite outrepassé pour du bout des papilles ne plus goûter que le sel à l’accent iodé. Moment qui nous voit après alangui, heureux de cette trop rare expérience.
Le temps a joué et nous permet de déguster ce que mes collègues, Hervé et Daniel, ont qualifié de waouh !! Comme moi d’ailleurs.
Côté technique
La cuvée Clos du Belvédère est issue de la meilleure parcelle de Grenache Blanc. Le sol s’y compose de galets roulés sur argile rouge. La parcelle se situe sur un des points culminants du plateau villafranchien de Châteauneuf-du-Pape. Vendange manuelle en caissettes tôt le matin. Les grappes sont pressées en douceur dans un pressoir pneumatique. Les moûts sont sélectionnés, puis envoyés vers la cuverie inox, thermorégulée. Après débourbage au froid, les Grenache sont entonnés pour effectuer la fermentation alcoolique. A la fin de la fermentation, la fermentation malolactique est bloquée. Élevage de 9 mois en barriques de 500 L. 60€
Merci à Laurent Bréchet de nous avoir confié ces deux merveilleuses cuvées. Je vous donne ce que les consommateurs désirent lire avant d’acheter une bouteille de vin, le titre alcoolique. En dégustant, sans en être informé, on oscillera entre 13,5% et 14%, conquis par la fraîcheur du vin. C’est 14% qu’on lit sur la contre-étiquette.
Situé au cœur de l’Appellation Châteauneuf-du-Pape, le château de Vaudieu fut édifié en 1767 par Jean-Jacques de Gérin, lieutenant de l’amirauté de Marseille.
Le vignoble de 70 ha d’un seul tenant est une véritable mosaïque de terroirs, où se côtoient des sols de sables, de safres, de grés, des terrasses de galets roulés, des marnes et des sols calcaires.
Plus d’info:
alban.rabasa@famillebrechet.com
Jef
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Merci Marc pour l’ article, je l’ai partagé sur FB avec plaisir. Je clame aussi depuis 30 ans que nous avons des blancs de garde dans la vallée du Rhône. 13 ans chez Beaucastel m’ont bien appris la leçon, mais j’avais déjà l’ experience au restaurant Montrachet en Bourgogne . Tu explique les vins exactement comment je le fais à mes clients des Etats-Unis et de temps en temps j ai la chance de prendre un vieux millésime de blanc dans la cave du vigneron pour finir la dégustation après tous les rouges. Chaque fois ils sont sur leur cul. Je pense à bientôt sur Découverte en Avignon
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