Gaillacnecdotes

Récemment1, j’étais À la Bonne Franquette, à Montmartre. Le vignoble de Gaillac présentait ses vins à la presse sous un titre sans tromperie : « Gaillac, un vignoble singulier ». C’était l’occasion de lancer aussi le club Les Comptoirs gaillacois, bistrots et restaurants pour le moment largement parisiens, où l’on est assuré de trouver de bonnes bouteilles du pays. La semaine dernière, c’était le week-end des Z’elles gaillacoises2, festivité avec vente aux enchères au profit de la réfection d’un pigeonnier patrimonial3. Ce 23 juin, aura lieu une Promenade gourmande gaillacoise. Début août, ce sera la fête des vignerons de Gaillac.

Illustration de GAB pour Les Comptoirs gaillacois

Un vignoble pour flâneur

Tout ça est hyperactif. Cependant, Gaillac est l’un des vignobles qui convient le mieux au flâneur. Il est tout en routes douces, en ondulations de reliefs, en replis de vignes, de cultures, en chapeaux ou en écharpes de forêts. Tout en histoires aussi, surgies de ses châteaux (Lastours, Saurs, Mayragues, Lacroux, etc4), de ses pigeonniers, de ses villes au passé vigneron5. Déroulées par exemple au fil de l’histoire à Gaillac, en bord de Tarn, de la villa romaine au monastère (l’Abbaye Saint-Michel) puis à la coopérative et enfin à la Maison des vins6. Le vignoble de Gaillac est structuré par cet axe millénaire de circulation, l’artère fluviale du Tarn, coulant d’est en ouest et affluent de la Garonne.

La Maison des Vins de Gaillac et le Tarn

Bois, verres, forêts

Le Gaillacois fournissait le marché bordelais en vins mais aussi en barriques neuves ; la création des jurats-tonneliers, gages de la qualité de la profession, remonte à l’année 1387. Les forêts du vignoble de Gaillac – celle de la Grésigne, mais aussi celles de Sivens, Broze ou Giroussens – fournissaient le bois de tonnellerie mais également les échalas et les cerclages de tonneaux. Elles étaient exploitées aussi par les charbonniers et les verriers, une tradition de verrerie qui explique la création des bouteilles spécifiques aux vins du Gaillac primeur.

Accompagnés par les rituels de la Confrérie de la Dive Bouteille de Gaillac7, les vignerons pratiquent une hospitalité aimable et classique, autant dire heureuse. Qui dans sa maison d’hôtes, qui dans ses fêtes dansantes, qui dans ses apéros gourmands et ses concerts.

Maison d’hôtes La Maison de Romain8

On ne peut les citer tous : le Mas Pignou, Alix et Romain au château de Terride, le domaine de Gayssou. Faites-vous raconter l’archéologue et botaniste Philadelphe Thomas (1826-1912) au château de Tauziès. Visitez le site archéologique de Montans qui, riche en argile, était dans l’Antiquité un immense atelier d’amphores. Prévoyez quelques heures pour découvrir les patrimoines uniques de la plus grande collection-conservatoire d’outils vignerons d’Europe : L’Invincible Vigneron9, à Broze. Quelle inventivité ! Rappelons que c’est ici à Cahuzac-sur-Vère qu’a été inventé le sécateur électrique par Daniel Delmas ; c’était il y a quarante ans et la société INFACO qu’il a fondée est toujours très active. Que de chemin parcouru depuis la poda, la serpette romaine !

L’Invincible Vigneron

Richesse et diversité

Gardez quelques moments de lecture pour les écrits de Robert Plageoles10, érudit et pionnier des cépages autochtones, si vous ne le croisez pas dans la forêt de Grésigne devant ses vignes sauvages.

L’ampleur du vignoble (60 km sur 40 km) offre une grande diversité de terroirs, le vignoble se situant dans la partie la plus chaude et la plus sèche du département du Tarn, sous l’influence du vent d’Autan. Les vins sont variés : rouge, primeur, rosé, blanc sec, doux, vendanges tardives, vin de voile, perlé. Effervescents même ; le poète Jasmin (1798-1864) allait jusqu’à écrire :
« Paouré Champagno ! Gaillac t’espargno
Car, sé boulio, Té toumbario !! »
(Pauvre Champagne ! Gaillac t’épargne car, si il voulait, il te tomberait ! !)

Ici ou là11, on les dégustera tranquillement. Il faut y ajouter une richesse ampélographique unique. En zone de limite climatique des cépages méditerranéens, elle tient à un héritage multiple : celui des vallées pyrénéennes ; celui des voyages par les chemins de Saint-Jacques de Compostelle ; celui des vignes sauvages. Goûtez le braucol, le prunelart, le loin de l’œil, le duras, l’ondenc… Et le mauzac vert, vous connaissez ?

Vous voulez que je vous dise ? Il est toujours trop tôt pour repartir de Gaillac.

Pigeonnier du Château de Mayragues12
  1. Le 11 juin. ↩︎
  2. https://www.leszellesgaillacoises.fr ↩︎
  3. Ces originaux pigeonniers sont un symbole de la qualité traditionnelle de la viticulture, la fumure à la colombine, la fiente de pigeon, ayant été rendue obligatoire dès le XIIIe siècle. ↩︎
  4. J’en oublie. ↩︎
  5. Outre Gaillac, Lisle-sur-Tarn et Rabastens vinifiaient intra muros. ↩︎
  6. https://www.vins-gaillac.com/venir-nous-voir/la-maison-des-vins/?legal=1 ↩︎
  7. http://www.divegaillac.fr/index1.html ↩︎
  8. https://lamaisonderomain.com/ ↩︎
  9. https://invinciblevigneron.wixsite.com/museedesvignerons ↩︎
  10. On lira avec profit ses Vignes premières, vignes de demain ou La Saga des cépages gaillacois et tarnais en 2000 ans d’histoire. ↩︎
  11. Rendez vous aux domaines Borie-Vieille, Sarabelle, Gayrard, Vaysette, Rotier ou à la cave de Labastide de Lévis, par exemple. ↩︎
  12. https://www.chateau-de-mayragues.com/ ↩︎

André Deyrieux

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