C’est un des raisins les plus anciens et les plus connus, sous son nom de «malvoisie». Un cépage blanc qui s’est reproduit en Méditerranée sous de nombreux génotypes – les Italiens à eux seuls en ont identifié dix-sept. Son nom vient du port fortifié de Monemvasia, au sud du Péloponnèse (Grèce) où, depuis 25 ans, le domaine éponyme entend réhabiliter sa culture : deux de ses «malvasia», 2010 et 2012, ont obtenu une médaille d’or au Concours mondial de Bruxelles 2022, à Marsala (Sicile).
Dans le prolongement de cette compétition, l’automne dernier, je me suis rendu dans les îles éoliennes, à la découverte de la «Malvasia delle Lipari», une DOC qui va fêter ses 50 ans en cette année 2023.
Ici, l’exotisme est à portée d’alyscaphes, ces bateaux qui fendent les flots sur des ailes de métal, depuis Milazzo, au nord de la Sicile, à trois heures d’autoroute de Catane ou de Palerme. Classées depuis 2000 au patrimoine de l’Unesco, les îles éoliennes accueillent des touristes par vagues successives. Et pour cause : elles possèdent un charme mi-grec encore, et mi-sicilien déjà…
La «Malvasia delle Lipari» est d’un génotype qu’on retrouve en Catalogne, à Sitges — le «dulce» 2011 de la Fondation Saint-Jean-Baptiste a également reçu une médaille d’or au CMB. L’antique cépage, cultivé sur ces sept îles volcaniques italiennes, où la vigne est présente depuis les Grecs, est sans doute arrivé bien plus tard, amené par les Vénitiens, au 15ème siècle. Les doges avaient la haute main sur la Grèce et sur le port fortifié de Monemvasia.
Quarante ans d’essor
Depuis quarante ans, la viticulture a connu une véritable renaissance dans ces îles; d’abord à Salina puis à Vulcano, à Lipari (la plus grande île), et au pied du Stromboli, où le volcan se manifeste par de régulières éruptions, comme cet automne… Une quinzaine de caves, principalement à Salina, dont plusieurs de construction récente, se partagent moins d’une centaine d’hectares de vignes. Elles produisent dix fois moins de vin qu’au 19ème siècle, avant le phylloxéra, qui a eu raison des ceps locaux, malgré le terrain sablonneux et de lave où le redoutable puceron ne devrait pourtant pas s’attaquer aux racines.
La plupart des producteurs ont des liens avec la Péninsule, et, singulièrement, le Nord de l’Italie.
Le «disciplinare» (cahier des charges) de la DOC Malvasia delle Lipari souligne le rôle de «quelques lumineux producteurs»… qui se traduit en italien par «illuminati». Pas besoin de faire un dessin : il fallait oser le pari d’une renaissance sur ces îles. Parmi eux, l’architecte Carlo Hauner, de Brescia (nord de l’Italie). Son fils, Carlo junior, 68 ans, prêt à passer le témoin à l’un de ses fils, Andrea, 40 ans, œnologue et sommelier, rappelle que son père était tombé amoureux de Lipari il y a 60 ans. Huit ans plus tard, il sortait sa première bouteille de malvoisie. Et c’est le fameux critique Luigi Veronelli, dans une chronique de journal, qui, en 1974, mit sa malvoisie en lumière. La cave fut construite en 1980, puis son fils ferma le studio d’architecture de Brescia en 1998, pour s’installer à Salina.
Carlo Hauner Jr
Des rouges issus de Vulcano
Ornées d’étiquettes tracées de la main du fondateur, ses bouteilles figurent dans toutes les œnothèques d’Italie et l’exportation représente 30%. Le domaine produit 140’000 bouteilles, dont 35.000 de malvoisie. Celle-ci n’est cultivée qu’à Salina, sur 10 ha, là où se concentrent encore 80% du vignoble des Eoliennes. Sur l’île voisine de Vulcano, sur 14 ha, Carlo Hauner a développé un important projet où, affirme-t-il, le terrain et le climat sont similaires à l’Etna, la région viticole sicilienne qui a le vent en poupe aujourd’hui. Au contraire de Salina, où tout doit se faire à la main, le vignoble y est mécanisé. Le sol, riche et volcanique, convient aux cépages rouges, comme l’alicante bouschet, le nero d’avola, et la nocera, variété locale, également cultivée du côté de Messine, et même le sangiovese. Des trois premiers, Hauner tire un rouge corsé, Hierà (le nom grec de Vulcano), en IGP Sicilia, aux notes sudistes, et avec le sangiovese, le calabrese et le corinto nero, un Rosso Antonello, en IGT Salina, aux accents toscans, avec une touche boisée.
Pierre Thomas
Textes et photos
Ci-dessous, le séchage au soleil des raisins de malvoisie, chez Virgona, sur l’île de Salina, comme il y a des siècles…
Suite la semaine prochaine!
On attend les autres épisodes avec impatience…
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Cher Pierre,
moi, en amoureux des langues et du vin ‘traducteur à l’occasion) j’aurais dit « …quelques producteurs illustrés…3, parce que c’est de l’esprit de l’Illustration dont on fait référence (je crois) dans le sans de perrsonnes avancées à leur temps.
« Illuminés3 a cette connotation de un pau fous (je pense, aussi).
Amicalement
JORDI VIDAL
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Bonjour Jordi,
Il y avait bien une notion de jeu de mots sur la traduction, littérale ou non, du terme «illuminati », qui figure texto dans le disciplinaire… Et il fallait sans doute être un peu fou pour se lancer dans ce renouveau!
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En effet, Pierre.
Au plaisir à Pampelune ou en Espagne!
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Excusez la pauvre qualité de mon texte, truffé de fautes…!!!
Voici le texte passé entre les mains de l’éditeur (oh, cette figure tellement nécessaire!)
Cher Pierre
moi, en amoureux des langues et du vin (traducteur à l’occasion), j’aurais dit « …quelques producteurs illustrés… », parce que c’est de l’esprit de l’Illustration dont on fait référence (je crois), dans le sens de personnes à l’avance sur leur temps.
« Illuminés » a cette connotation de un peu fous, « pazzi » (je pense), qui est moins juste.
Amicalement
JORDI VIDAL
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