Beychevelle, grand cru de précision

C’est sur le site de Terre de Vins: le Château Beychevelle se dote d’un nouveau chai qui devrait « amener de la précision ».

Vous allez dire que j’accorde trop d’importance aux mots. Mais c’est le genre de phrase qui m’interpelle au niveau de mon vécu de dégustateur.

Qu’est-ce que la précision, dans le vin?

Voyons le dictionnaire. Précision: « Exactitude stricte; netteté rigoureuse dans la pensée et dans l’expression; exactitude dans l’action; détermination stricte; étroitesse de l’accord entre les résultats… »

Voila qui ne nous aide pas beaucoup dans notre quête. Peut-on dire d’un vin qu’il est exact ou au contraire, qu’il est erroné?

Les nouveaux propriétaires de Beychevelle trouvent-ils que leur vin n’est pas tout à fait net?

Je sais, je cherche la petite bête.

Mais avouez avec moi que parler de précision, pour un vin, c’est vague.

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Château Beychevelle (Photo (c) H. Lalau)

Ses arômes sont-ils flous? Sa construction bancale? Ou veut-on dire qu’il manque de cohérence, selon les millésimes? Ou bien de cohésion entre ses différentes composantes – nez, bouche, finale? Ou bien encore Castel et Suntory jugent-ils que les procédés de vinification actuels sont imprécis?

Je lis que le nouveau cuvier permettra de mieux respecter les raisins. Total respect.

Pourtant, ils ne me semblaient pas trop malmenés: parlant du Beychevelle 2012, mon confrère Fabian Barnes évoquait dans In Vino Veritas « un vin élégant, bien élevé et complexe »; il en faisait un de ses coups de coeur de l’année, lui donnant la même note (16/20) qu’au Château d’Issan, et juste un point de point de moins qu’au Château Palmer.

Quant au 2011, il en fait même une de ses rares « Belles bouteilles » du Médoc pour ce millésime, à l’égal de Château Lagrange, de Château Lafon Rochet, de Château Haut-Marbuzet, de Château Sociando-Mallet et de Château Poujeaux. Il figure aussi dans sa sélection des primeurs 2014.

Pas de quoi rougir! Pas de quoi non plus justifier la construction d’un nouveau chai ultramoderne, sauf peut-être pour renforcer sa comm? Il est amusant de voir comment des propriétés qui se réfèrent sans arrêt à un classement vieux d’un siècle et demi, font aujourd’hui dans la surenchère architecturale contemporaine – voyez Faugères, voyez Cheval Blanc…

Je saurais gré aux nouveaux vinificateurs de Beychevelle de m’apporter quelques… précisions.

Hervé Lalau

18 réflexions sur “Beychevelle, grand cru de précision

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  2. Naviguer avec précision Vincent ?
    Plus sérieusement Hervé, si seulement ce mot était le seul utilisé souvent pour parler de vin et qui manque singulièrement de précision (justement). Est-ce que quelqu’un peut me définir « minéral », par exemple ?

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      1. Christophe Libaud

        Et pourquoi pas une petite nouvelle » de précision » pour égayer cet échange :
        Le Vin & la Mer – à l’usage des épicuriens et des marins
        Marc Lagrange – Editions Féret

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  3. Un nouveau chai qui va amener de la précision me paraît justement imprécis vu dans ce sens. En revanche, un vin (pas Beychevelle) que je décris comme ayant de la précision, est dans l’idée qu’il va droit au but, qu’il ne tergiverse pas, qu’il est précis au lieu d’être gauche, malhabile et indécis. J’utilise volontiers ce terme quand je tombe sur un vin qui ne triche pas. Un vin précis, je pense que cela veut dire avec justesse ce que cela veut dire.

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  4. Luc Charlier

    Tous ces termes: « fin », « élégant », « féminin », « tendu », « complexe » et j’en passe des dizaines veulent bien évidemment DIRE QUELQUE CHOSE pour celui qui les emploie. Mais c’est un message sans contenu pour le lecteur. A l’inverse; acide (ou vif, synonyme), sec, fruité (plus vague) … ont un sens. Quand je chroniquais encore, je tentais de n’utiliser que ceux-là mais je suis sûr qu’on peut me prendre en faute très facilement en parcourant les archives d’IVV. Je me suis « bagarré » amicalement (ou pas) avec certains des collaborateurs de Philippe Stuyck pendant les 2 années où il m’avait confié les relectures. Jusque là, j’ai été consensuel. Le fond de ma pensée est que les critiques (tous les critiques: gastro, musique, automobile ….. ) font surtout du verbiage, vendent du vent et n’ont, généralement aucune raison d’être, sauf quand ils traitent de manière généraliste et générale un sujet plus vaste (« les » St Julien, « les » Mercédès série C, « les » symphonies de Schubert …). D’ailleurs, ils sont en train de disparaître. Vous vous souvenez de « Video killed the radio star » … ? Ici, c’est internet.
    Mais, car il y a un « mais ». Dans le cas que cite Hervé, il ne s’agit pas de journalisme, mais bien de PUBLICITE. Si la première discipline – dans laquelle j’ai donné, peu ou prou – n’est pas exempte de critique, au moins on peut espérer que, by and large, elle CROIT bien faire. La pub n’a aucune éthique, elle, et les agences de com’ sont à l’information ce que les pauvres filles qui travaillent au bord de la nationale de Narbonne sont à l’amour.

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  5. Michael Kara

    C’est bien de commenter un article, c’est mieux de le lire avant. « Leur remplissage fonctionnant comme, c’est désormais la norme dans les grands crus, par gravité. « On rentrera les raisins par le dessus des cuves, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, précise Philippe Blanc, le directeur.» ». On peut trouver le terme impropre, mais ça aurait éviter à M. Lalau de parler de la précision du vin dont il n’est pas question. Je sais, je cherche la petite bête.

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    1. georgestruc

      Si aujourd’hui les raisins n’entrent pas par le dessus des cuves, il faut nous expliquer comment fait le maître de chai !! Par le côté, en poussant sous pression ; par le bas et une porte de décuvaison nouveau modèle ? Non, je pense qu’il voulait signifier que les raisins, au lieu d’être acheminés depuis le poste d’éraflage et élevés par un tapis jusqu’au sommet de la cuve vont y arriver désormais par gravité, avec ou sans éraflage (je ne sais pas qu’elle est leur pratique en la matière) ; d’où un trajet plus court. Cependant, faisant ainsi, je ne vois ce que le vin va gagner en « précision » ; tout au plus, la vendange circulera de façon plus « respectueuse » pour les baies entre la caisse (ou le conquet) et la trappe sommitale…D’accord avec Michel pour l’utilisation du terme précis à propos de la dégustation/description d’un vin ; à titre personnel, j’emploie essentiellement le terme « droit » pour marquer le fait que le vin va au but sans détour. Cela possède un peu le même sens.

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      1. Michael Kara

        Bon alors je me suis amusé à taper précis dans le moteur de recherche des 5 du vin. Paf, ribambelle de résultats: « beaucoup de précision » le 2 avril, 2 fois employé dans l’article du 30 mars, on le retrouve encore dans le dernier carignan story… Ha oui sauf que là c’est pas un méchant Grand Cru classé bordelais qui le dit, donc ça va.

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    2. Oh, mais j’ai lu l’article, M. Kara, rassurez-vous. Je cite: « Un nouveau cuvier de 1600 mètres carrés va être construit au château Beychevelle, 4ème Grand Cru Classé 1855 (Saint-Julien). S’il ne passera pas inaperçu, il amènera surtout de la précision dans l’élaboration des vins ». Et plus loin: « Cerise sur le gâteau, sous ce cuvier, qui amènera donc de la précision, sera aussi construit un chai de vieillissement de 1600 mètres carrés également ».

      Je maintiens que les vins ne souffraient en rien d' »imprécision », ni de quoi que ce soit, d’ailleurs, jusqu’ici.
      Par ailleurs, contrairement à ce que vous semblez penser, je n’ai rien contre les grands châteaux de Bordeaux (ni les petits) – j’ai visité celui-ci, et j’ai apprécié ses vins, de même que mon confrère Barnes, qui, en plus, est oenologue, ce qui lui donne un avantage sur moi quand il s’agit de juger l’équipement et ce qu’on en tire.
      Autre aspect de la question: je suis en droit de m’étonner qu’on puisse construire un nouveau chai sur un site que je pensais classé.

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  6. Luc Charlier

    « Nous rentrons tout de suite dans le vif du sujet avec le Château Beychevelle, du fruit, de la droiture, de la tenue et de l’élégance.
    Le Château Branaire Ducru, lui ressemble fort, en un peu plus charnu.
    Le Château Talbot, et le Château Gruaud Larose sont de très belle facture, avec sans doute plus de fraîcheur, de nervosité.
    Le Château Gloria s’impose, tout comme le Clos du Marquis : délicieux, l’un comme l’autre.  »
    Lu à l’instant …. sous la plume de Fabian.
    Je suppose que, pour obtenir DROITURE, TENUE, ELEGANCE, BELLE FACTURE, FRAÎCHEUR, NERVOSITE, et « DELICIOSITE », il faut obligatoirement encuver par gravité, càd effectivment par au-dessus – comme le font 99,9999 % des vignerons dans le monde. C’est à ça que sert le couvercle ou la cheminée de dessus de cuve.
    Signé: micca-schiste

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  7. Christophe Libaud

    Tout aussi intéressant, me semble-t-il, est ce que l’on trouve, aujourd’hui, derrière les mots. Car, Monsieur Lalau, à curiosité piquée il faut donner ses développements.
    L’article de Terre de Vins nous promène, par la grâce des hyperliens, dans un dédale viti-vino-sémantique qui trouve, je le crois, son aboutissement dans la logique marketing de marque.
    C’est peut-être moins aux vinificateurs qu’il faut « chercher querelle » mais bien plus aux stratèges-prosateurs qui tentent de concilier patrimoine et contenu de marque.
    Partant, pourquoi ne pas se demander si le culte du chiffre, ou de la donnée, n’est pas à interroger dans l’utilisation sémantique qui porte à confusion…somme toute.
    Les mots ont de ces maux qui usent et abusent des sens, non ?

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