Foire aux vins: comment font-ils?

A nos confrères du Monde, le responsable des achats vins de Carrefour Market France, Jérôme Peter, déclare que le prix dans la Grande Distribution lors des Foires aux Vins doit être plus intéressant qu’à la propriété. Et de citer un cas précis: « Le Château Lagrezette 2009 d’Alain-Dominique Perrin, un Cahors, est proposé, par exemple, à 30 euros au caveau et à 16,95 euros dans notre catalogue».

Une seule question: comment font-ils?

carrefour-market-fav1

Soyons plus précis. M. Perrin marge-t-il trop dans son caveau (où il peut pourtant vendre sans aucun frais d’expédition)?

Ou bien Carrefour Market vend-t-il à perte?

Question subsidiaire: si c’est le deuxième cas de figure, est-ce légal, ou non? Et sur quels autres produits de son assortiment Carrefour Market reconstitue-t-il sa marge?

Même si la mention n’est pas obligatoire sur les catalogues, l’abus de position dominante est dangereux pour la santé des autres entreprises.

Pour en avoir le coeur net, j’aimerais bien en savoir plus sur le réseau d’approvisionnement de Carrefour pour ce vin; à quel prix M. Perrin cède-il son (excellent) Cahors?

Je me suis demandé un temps si M. Perrin avait été la victime d’un intermédiaire (comme ça a pu être le cas de Hugel, par le passé). A lire l’article de mes confrères de LSA, qui relate (avec émotion) l’arrivée du même vin dans les rayons du même Carrefour, l’année dernière, il n’en est rien. Je passe sur le commentaire ridicule sur le manque de notoriété de l’appellation Cahors (on devrait faire un micro-trottoir à propos de la notoriété du Malbec). Toujours est-il que M. Perrin sait ce qu’il fait.

Ce que je ne sais pas, moi, par contre, c’est qui gagne quoi. Ni pourquoi le client qui passe à Lagrezette doit payer plus.
Lagrezette2

D’avance, je remercie M. Perrin et M. Peter de bien vouloir m’apporter ces réponses, qui permettront d’éclairer les clients de l’un comme de l’autre.

Et en plus, ça leur coûtera bien moins cher que de la pub dans les magazines. En fait, ça ne leur coûtera rien.

Hervé Lalau

 

21 réflexions sur “Foire aux vins: comment font-ils?

  1. Je pense que Lagrezette travaille intelligemment avec les cavistes… C’est à dire qu’il le vend le vin à 30 ttc chez eux et lorsqu’un client appelle il doit certainement leur donner les adresses des cavistes où le client doit acheter. Le problème: la GD ne joue pas le jeu et comme cela, elle casse le marché des cavistes pour ce cahors, et s’en sert pour sa publicité. Les enseignes de la gd font une petite marge…
    C’est la même chose en Norvège où c’est la même taxe pour tout le monde. Résultat pour les grands vins, vous pouvez avoir des sacrés surprises. Comme par exemple le vouvray 59 de Huet à 400 E ttc est à moins de 3000 nok en Norvège…
    La GD tue encore les petits artisans… Mais j’ai une question: combien en ont-ils ?????? 600, 1200 ou 36 ????

    J’aime

  2. La loi en France interdit la vente à perte. En revanche, la vente à prix coûtant (ou a très faible marge) sur des produits dit « d’appel » est une pratique très courante dans la GD. Je troue que le fait que Perrin vend son vin chez lui à un prix qui correspond à celui d’un caviste, dont la coefficient multiplicateur est d’entre 1,8 et 2,2 en général, est une excellent chose car, comme le souligne J-C Botte, il protège ainsi le caviste. Mais il y a sans arrêt des « incidents de ce type qui fâchent les cavistes. Soit Perrrin a accepté de déstocker vers l’enseigne en question, soit il existe un marché gris, alimenté par un caviste ou grossiste peu scrupuleux qui revend à la GD. Tout cela est difficile à contrôler. Après tout, les cavistes représentent moins de 10% des ventes en France et la GD plus de 70%. L’aspiration est un phénomène naturel !

    J’aime

    1. David, il semble que la loi française de 1963 interdisant la revente à perte contrevienne à la réglementation européenne en la matière. La Belgique, qui avait une loi similaire, a déjà dû y renoncer. Il semble qu’il y ait un flou juridique – si une entreprise était condamnée en France pour revente à perte, elle pourrait faire appel au niveau européen. Quoi que l’on pense du bien fondé de la loi (à titre personnel, je suis pour l’interdiction de la revente à perte, qui me semble une forme de concurrence déloyale), la réglementation actuelle n’a plus l’air aussi tranchée.

      Plus d’info ici:
      http://www.vogel-vogel.com/blog/la-revente-perte-est-elle-encore-condamnable-en-france

      Un avis de juriste serait le bienvenu…

      J’aime

  3. David, il me paraît TRES PEU vraisemblable qu’un caviste ait accès à suffisamment de bouteilles (à l’insu du producteur) que pour alimenter la GD « en parallèle ». Pour du DRC ou bien un BBM, d’accord (quelques douzaines de flacons) mais pas pour un Cahors, même excellent. Il ne représente pas le « must » absolu dans un linéaire. En plus,le caviste qui ferait cela est réellement un malade mental: la GD est son MEILLEUR ENNEMI, surtout en période de foire aux vins.
    Il y a deux explications plus plausible: le Cahors a été vendu à la GD par le producteur à des prix voisins de ceux des cavistes (un peu en-dessous vu le volume probable), et l’enseigne a margé très peu, ou pas du tout.
    Ou alors, un gros acheteur (importateur étranger par exemple, ou Nicolas, Oddbins …) a fait une commande importante – souvent pour honorer le quota convenu – et s’est « débarrassé » d’une partie.
    C’est pratique habituelle dans le monde pharmaceutique aussi, car souvent les prix des médicaments (à l’achat en gros mais ausi à la vente en officine) est très disparate d’un pays à l’autre. Je rappelle aux LIBERAUX (David?) que le marché qui « s’auto-régule », c’est une théorie vraie, mais qu’elle aboutit TOUJOURS à la disparition des petits, à des situations de monopole et à une baisse de la diversité de l’offre. Les capitalistes ne veulent qu’une seule chose: TOUT.

    J’aime

  4. C’est assez juste Luc, dans l’ensemble. mais les grossistes font cela souvent. Ensuite tout dépendra du volume présent chez Carrefour. La vente directe par Lagrezette à Carrefour reste la réponse la plus probable.

    J’aime

  5. Par ailleurs, la question est posée – directement – ici. C’est le principe de la lettre ouverte, on prend à témoin le public (comme M. Peter l’a fait dans le Monde) et bien souvent, cela a plus d’effet qu’une demande par voie de mail ou de téléphone.
    Je ne suis pas sûr d’obtenir une réponse (mais je ne l’aurais certainement pas eue autrement non plus). En attendant, peut-être aurai-je permis à quelques lecteurs de prendre conscience que certaines bonnes affaires cachent parfois des choses un peu obscures. C’est déjà ça.

    J’aime

  6. P. Serres

    Etes vous certains que cette bouteille se vend a 30€ au domaine, ce prix me semble être très élevé!!!
    Pour en avoir goût, je n’ai jamais trouvé cela extraordinaire, je préfère largement, Eugénie, le Cèdre, Mas del Périé ou Combel la Serre, à des prix nettement plus bas. Il doit avoir du mal à les vendre!!!

    J’aime

    1. Amateur de Cahors (et de Bandol rouge, et de Madiran …), je me réjouis du nouveau succès – justifié – de ces jus de malbec. Leurs prix ont effectivement flambé. Il ne m’appartient PAS (producteur dans une appellation proche) de juger du bien-fondé. Vous avez raison de souligner la qualité élevée des autres domaines que vous citez, mais il y en a au moins 10 qui entrent en ligne de compte. Lagrezette dispose de très gros moyens et les utilise TRES BIEN, notamment au niveau marketing. A Toulouse (si mon souvenir est exact), une épicerie fine présente une vitrine entière de ce vin, dans tous les formats possibles et des cuvées encore plus spéciales coûtent bcp plus cher.
      Il est très difficile de juger, à Cahors ou ailleurs, de la « difficulté à vendre » en se fondant uniquement sur un rapport qualité/prix SUPPOSE. En règle générale, l’énorme majorité des vins de Vougeot (dans le clos ou en dehors) partent « comme des petits pains », alors que leur prix est très élevé et leur qualité fort quelconque, sorti de quelques exceptions. Et que penser du rosé de Brad Pitt?
      J’aimerais que vous ayez raison, M. Serres, mais l’élasticité du prix du vin est un sujet très complexe.

      J’aime

      1. P. Serres

        Oui vous avez raison le prix c’est le prix, t’en achètes ou pas, ce qui me surprend c’est de vendre 33€ au château à des clients qui font l’effort de venir, et ensuite de vendre à moitié prix aux hypers. Faut avoir l’esprit commercial très élastique, ou beaucoup de stock !! y doit être ravi le caviste de Toulouse !!
        j’ai gouté le rosé de Bratt bof c’est pas mon taff, maintenant si ça donne droit à un sourire d’angelina c’est autre chose!!!

        J’aime

    1. Etant caviste sur Bruxelles, je constate ce genre de problèmes régulièrement. Je pense qu’il n’y a rien d’illégal dans le parcours de cette bouteille, juste un manque d’éthique commerciale de la part de Carrefour. Le Château Lagrazette, par ses tarifs, respecte le commerce traditionnel et veille à ce qu’il n’y ai pas de conflit d’intérêt entre ses revendeurs et lui. De plus, ces marges supérieurs faites au domaine sont un apport nécessaire pour le vigneron, car bien que le vin soit un produit « de luxe » les vignerons ne roulent pas tous sur l’or pour autant…. Le problème vient plutôt du fait que la GD peut se permettre de prendre un coefficient minimum sur le vin, elle se rattrape sur les autres produits, ne vous inquiétez pas pour eux…. Avant de faire vos achats en GD, dites vous juste que le service, les conseilles et une recherche pointue de la qualité, vous ne l’aurez pas en Grandes Surface. En cautionnant de tel prix vous vouez les petit commerces à la disparition….. Mais la qualité disparaitra aussi…. Cher David Cobbold sachez que les cavistes qui font une marge de 1.8 à 2.2 ne sont pas légion en Belgique. Personnellement, chez Mouchart nous sommes entre 1.5 et 1.6 sur le prix HTVA. Nous sommes, malgré tout, plus chers que la grande surface sur les grands Bordeaux qui sont des produits d’appel. Hormis ça, nous ne travaillons pas sur les mêmes qualités. Prenons l’exemple d’un Chablis…… Le nôtre est certes plus cher que celui de la GD, mais nous travaillons avec le domaine Bessin et le Chablis de Domaine untel que vous trouverez en GD ne tient pas la comparaison…. Pourtant c’est 2 Chablis…… C’est tout le dilemme du commerce du vin.

      J’aime

  7. P. Serres

    « Le Château Lagrezette, par ses tarifs, respecte le commerce traditionnel et veille à ce qu’il n’y ai pas de conflit d’intérêt entre ses revendeurs et lui », dîtes-vous.
    Quand il livrera 500 bouteilles à l’hyper au coin de chez vous, on reparlera ensuite de votre façon de voir le respect! Quand on vend aux hypers, il ne faut pas s’étonner du sort qu’ils font des bouteilles, produits d’appel, marges cassées.
    Caviste à Toulouse, avec ma vitrine remplie de jolies bouteilles de Lagrezette, je ferai un joli scandale au château!!!

    J’aime

  8. A la lecture des commentaires, je me demande s’il y a encore des gens qui pensent que le vin devrait se trouver au meilleur prix à la propriété ?
    Manifestement, l’exemple de Lagrezette donne l’avantage à la GD, du point de vue du consommateur.
    Et dans le fond, j’ai du mal à comprendre les producteurs qui entrent dans le jeu de la GD. Selon moi, la GD utilise simplement les vins pour corriger son image très négative dans l’ensemble (un magasin qui a des grands crus en rayon ne pourrait pas être du genre à vendre des raviolis à la viande de cheval ou des merguez périmées !)

    J’aime

    1. J’adore votre commentaire. Bien sûr, comme La Rochefoucauld, nous accordons la possession du bon sens à ceux qui partagent notre opinion. Mais quand même, pourquoi passer par la GD pour vendre du vin de qualité? Ce qui revient à dire, pourquoi en produire autant s’il faut le vendre dans ces conditions-là. Je crois que ce serait un beau cas d’étude pour le MBA de Harvard (ou pour son « diminutif », HEC). Par contre, oui, il me semble que c’est au domaine que le vin devrait être le moins cher: pas forcément de beaucoup afin de pas casser le marché des autres, mais un peu moins cher, oui.

      J’aime

  9. Et dans tout cela, on ne sait pas à quel prix Lagrezette a vendu son vin à la GD. Prix de base multiplié par « n » (« n » étant très faible pour la GD, voire nul), par « NN » pour un caviste et par « N » au caveau du propriétaire…On ne le saura jamais, n’est-ce pas ?

    J’aime

    1. Bastien de Keirle

      Ce sera peut-être très bas, mais ça m’étonnerait que la grande distribution multiplie ses prix par un nombre strictement inférieur à 1.

      J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.