Barcelona Vineyards

Fin juin, j’ai quitté mon cher village de Sant-Sadurni d’Anoia pour aller m’installer à Badalona, Commune de l’Area Metropolitana de Barcelona dans la banlieue Nord. J’ai par la même occasion changé d’appellation, me voici dans la DO Alella, une des plus petites du pays, mais surtout,  la plus petite de Catalogne :  314,7 hectares de vignes qui ont une valeur naturelle et agricole incalculable face à l’impact urbanistique dont souffre ce territoire depuis les années 1970.

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Située entre mer et montagne, on se surprend encore de l’existence de ses petites vignes discrètes cachées dans les vallées,  entre les forêts de pins des villages, avec presque toujours en fond, la bucolique image de la mer : elles offrent un paysage attractif inimaginable, à l’abri du regard curieux des passants.

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Les Vins d’Alella s’exportaient déjà du temps des romains vers la Rome impériale, et la bourgeoisie barcelonaise d’il y a cent ans, les considéraient  comme un breuvage prestigieux. Mais il a fallu attendre le premier tiers du XXe siècle, avec en 1906, la création de la coopérative Alella Vinicola, pour que le vin d’Alella vive son âge d’or. Son vin généreux jouissait d’une réputation internationale, populairement connu sous le nom de “Violette” ainsi que son blanc demi-sec vieilli en chêne : le Marfil blanc classic. (Il se produit encore 20000 bouteilles de ce blanc dont 50% partent à l’export).

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Puis, le vignoble est tombé dans l’oubli car de plus en plus les vignes qui pendant de nombreuses années ont lutté pour leur survie, ont été abandonnées au profit d’une urbanisation de luxe qui a bien failli avoir raison de lui. Par chance, aujourd’hui, la bataille est gagnée, la plupart des vignes de la DO Alella font partie de zones protégées et, 8 domaines se partagent l’appellation : Roura, Alella Vinícola et Bouquet d’Alella, à Alella; Alta Alella et Quim Batlle, à Tiana ; Marquès d’Alella et Can Roda, a Santa Maria de Martorelles; Altrabanda, a Martorelles. Il existe d’autres petits producteurs, qui même s’ils ne disposent pas d’une cave produisent des vins qu’ils vinifient à la Coopérative ou dans un autre domaine.

Traditionnellement, la DO Alella est un territoire de vins blancs, mais depuis quelques années on y élabore également des rouges dont certains sont de très grande qualité. Après y avoir planté des cépages comme la syrah, le merlot et le cabernet sauvignon, les vignerons récupèrent maintenant les variétés traditionnelles comme le grenache, le mataró et le sumoll. Vous y trouverez également des rosés, des vins doux et surtout des vins effervescents qui ont droit à l’appellation Cava, mention spéciale pour les cavas du Celler Alta Alella.

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Si je vous parle de cette DO, c’est que j’ai eu l’occasion avant hier de participer à une dégustation où j’ai pu goûter la presque totalité des domaines. Je ne vous parlerai que des blancs, car je pas eu le temps de m’arrêter sur les rouges: se sera pour une autre fois!

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En ce qui concerne les blancs, les cépages recommandés sont: la Pansa blanca et le Grenache blanc, tandis que ceux autorisés sont : le Macabeu, la Malvoisie, le Muscat à petit grain, la Parellada, le Picapoll blanc, le Chardonnay, le Chenin blanc et enfin le Sauvignon blanc (ici on n’a pas peur de « ratisser » large).

J’ai choisi de m’attarder plus particulièrement sur les blancs issus de Pansa blanca ou ceux d’assemblage Pansa blanca/grenache blanc qui m’ont paru les plus intéressants.

Ici on parle uniquement de Pansa blanca qui est en réalité le xarel.lo. Une équipe de chercheurs de l’Université de Barcelone a découvert que  la pansa blanca  -ou xarel·lo-, est la mère de toutes les variétés de raisin blanc. Ainsi le chardonnay, l’albariño, le verdejo, etc. seraient issues d’une variété plus ancestrale : la pansa blanca qui elle ne s’est pas modifiée depuis des siècles…

C’est dans tous les cas la base de la majorité des vins de la DO Alella et la plus part des domaines la mettent en avant.

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Les uns la proposent sans élevage barrique, et je dois dire que se sont mes préférés. La majorité des vins sont bien élaborés et même s’il est certain qu’ils se ressemblent, ils n’en gardent pas moins un profil méditerranéen agréable. Ils montrent, une robe pale aux reflets verts, le nez offre des notes fraiches et fruitées parfois dominées par les fruits exotiques (ananas, bananes) et la pomme verte, la bouche est suave, agréable, onctueuse, offrant une belle fraicheur finale, une acidité équilibrée.

Parmi eux : Origens 2015 de Masia Coll de Canyet, Marfil Sec d’Alella Vinicola, Marqués de Alella Pansa Blanca 2015 ,The Wine of the city 2014, Vora la Mar 2014, Dotzevins Alella 2015, Bouquet d’A blanc 2015 de Bouquet d’Alella, Sol de Masia Can Roda 2015,  Pensa 2015 de Albert Federico, Serralada de Marina Altrabanda 2015.

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Tous ces vins sont proposés à des prix très raisonnables, ils valent entre 6 et 12€ la bouteille.

Ceux qui m’ont paru avoir le plus de personnalité offraient une couleur plus intense, des arômes plus profonds de fruits blancs comme la poire, la pêche, la pomme, les amendes vertes, des notes subtiles de fleurs blanches, une bouche plus structurée, plus longue faisant ressortir des fruits blancs murs, des notes de paille de  fenouil,  de fleurs sèches, belle persistance et fraicheur finale. J’aime beaucoup la subtile salinité que laisse la fin de bouche.

  • Artiga 2015, de Ramon González, 600 bouteilles PVP 7,20€, Vinifié chez Alella Vinícola
  • Alquimia 205 de Carles Sanchez, issu de vignes de 62 ans, 12º, 1000 bouteilles PVP 10€, Vinifié chez Alella Vinícol

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  • AA Cau d’en Genis 2015, Alta Alella PVP 12,50€
  • AA Tallarol Celler dels Aus 2015, vin sans soufre PVP : 12,95€

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  • La Rumbera 2015 Oriol Artigas, sans DO ; 80% pansa blanca et 20% grenache blanc PVP : 15€

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  • Peça d’en Blanch Verd de Oriol Artigas, sans DO ; 90% pansa blanca, 5% pansa rosada et 5% Malvoisie, c’est un parcellaire 42€, prix élevé justifié par le vigneron : la production est de une « bota » de 500l.
  • Pansa Blanca Alella Raventos, 7,75€

Les autres proposent des vins avec un élevage bois de plusieurs vins, que personnellement, je trouve moins convaincants, parmi eux j’ai retenu :

  • Vinya d’en Mundu 2015 toujours de Oriol Artigas, sans DO, PVP: 28€
  • Lanius 2014 de Alta Alella, PVP : 16,50€
  • 3 de Testuan 2015, 70% pansa blanca et 30% grenache blanc PVP : 9€

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Conclusion:

Actuellement, la DO Alella est un territoire vinicole qui renaît de ses cendres, il est en pleine vitalité. Les domaines de l’appellation offrent des vins variés, les uns plus singuliers et plus complexes que les autres, certains même très radicaux, mais tous d’une grande fraicheur et d’un très bon rapport qualité/prix. Des vins qui sont faciles d’accès agréables et, qui plaisent aux consommateurs ; j’ai la sensation que cette appellation va faire parler d’elle, elle a tout pour ça, des paysages spectaculaires, des vins qui semblent prendre le chemin de la grande qualité même s’il reste du travail à faire, la proximité de Barcelone et des cépages uniques comme la pansa blanca ou le sumoll qui associés au grenache donnent des vins très expressifs. Il est évident que leur futur passe par la récupération des cépages traditionnels. Et, la bonne nouvelle, c’est que presque tous les domaines pratiquent l’agriculture biologique, certains même se sont lancés dans les vins natures. C’est une appellation à ne pas perdre de vue.

Ces vins sont parfaits à l’apéritif, mais ils accompagnent très bien les fruits de mers, poissons blancs, les crèmes et certains fromages.

Hasta pronto,

Marie-Louise Banyols

14 réflexions sur “Barcelona Vineyards

  1. Allô, enfants de l’Occitanie, le jour de boire est arrivé …
    Je m’attendais à une inversion des rôles, avec votre Hervé national y allant d’un couplet patriotique.
    Et pourtant, on a bel et bien assisté à une inversion des rôles: ce n’est pas Marco qui nous entretient d’une appellation marginale, voire inconnue, mais Mme Banyols. Moi, j’adore cela, notez bien.
    Il n’y a guère, de « grands génies » (français) du marketing nous expliquaient – et je me suis fait vilipender car je n’approuvais pas le raisonnement, inepte à mes yeux – que les vins de l’Aveyron n’avaient aucun avenir car « les appellations sont trop petites ». Pour Entraygues (blanc de chenin) et pour Marcillac, je pense moi que le public les apprécie de plus en plus. Pour le Fel (rouges pas mûrs), Estaing et Côtes de Millau, c’est la qualité qui n’est pas au RV.
    Je suis donc très heureux que MLB (on peut?) promette un bel avenir à une appellation, cadenassée en superficie, de 300 ha. Autres exemples: Cornas (une centaine d’ha je crois) et surtout la Côte Rôtie, qui n’en comptait plus que 30 en 1955!
    Ara jo probi tots els vins de Alella!

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    1. Moi, j’y suis allé il y un bon 3 ans, mais que dans un seul domaine qui ne m’a pas convaincu, c’était il me semble Laietà. Beaucoup d’esbroufe et guère de fond, mais un beau site sur sable granitique si mes souvenirs sont bons. Mais un domaine ne fait pas la chanson.
      Marco

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      1. Depuis 3 ans, les choses changent. Sable granitique, c’est exact. Le style des vins a bien évolué, et comme je l’ai écrit, c’est une appellation en pleine mutation.

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    2. Bien sûr que je vais « vindre » à Badalona, mais il faut me laisser encore un an ou deux. Je n’ai pas pris un seul vrai congé depuis le 12 février 2005, car mon exploitation ne le permet pas encore, mais ça viendra. J’ai promis à Christine que nos premières vacances se dérouleraient au Portugal mais après … « No bastara el mon enter »
      NB: je ne suis pas sûr du futur simple

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  2. Luc, j’ai regardé quelques minutes le défilé – Maoris compris. Après j’ai dû tondre ma pelouse – ici ce n’est pas férié, et comme il pleut tout le temps, il faut se dépêcher.
    Je n’ai pas à m’excuser d’être patriote. J’ai donné un an de ma vie à la France, à une époque où ça se faisait encore. Je ne l’ai pas vécu comme une punition, plutôt comme l’occasion me rendre utile et de rencontrer d’autres gens. D’autres avant moi avaient donné bien plus. Je n’ai pas de mépris pour ceux qui pensent autrement. Je leur demande de faire de même avec moi.
    Et malgré tout, je préfère quand même Bach à la Madelon…
    « La Madelon, viens nous servir à boire… »

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    1. Te fâche pas, il y avait un brin de taquinerie. Moi, on peut me reprocher de ne rien en avoir à cirer de ma « mère patrie ». En tant qu’entité, bien sûr. Les racines, c’est autre chose. On n’est rien sans elles, je crois. Et les nationaux des « grands » pays (superficie et importance historique) ont tendance à avoir un peu plus le sens patriotique, cela se comprend. Tu me parais hyper-susceptible. Dans quel mot as-tu déniché du mépris? Par contre, même si je suis moins intervenu qu’avant sur votre blog commun, j’ai continué à le lire (et le tien perso aussi) et tu te radicalises clairement: défense des « terroirs » français, pré-éminence de votre façon de faire et de voir (notamment pour tout ce qui concerne les appellations, du pipeau à 95 % pourtant). Note que c’est quand même là que je me suis établi (quoique, la Catalogne nord?), même si je ne recommencerais pas. Pour Bach, je me range derrière toi mais dans ton cas, tu penses sans doute à ses … Suites françaises (812 à 817 dans son Werke-Verzeichnis). Et approprie-toi César Franck. On le classe d’habitude dans les « symphonistes français » ce qui n’est pas rigoureusement exact. Il était liégeois, non?
      Tiens, tu postais à 13:58, c’est le petit pouss’ qui te donne tant de mordant ?

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  3. Hervé LALAU

    Juste deux questions, Marie-Louise

    – La mère des cépages blancs (dont le Chardonnay), ne serait-ce pas plutôt le Gouais, alias Heunisch? Ou bien est-il également lié au Xarello?
    – Tu ne parles pas de Parxet. Ils sont pourtant bien à Alella, non?

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    1. Pour la mère des cépages, je ne suis pas capable de te répondre, il faut faire davantage de recherches.
      Je ne parle pas de Parxet, parcequ’il n’était pas présent à la dégustation, que je n’ai pas gouté ses vins depuis des années, et qu’il ne figure pas parmi les domaines de l’appellation. Mais tu as raison, il est dans la DO Alella, la bodega est à Tiana, et c’est l’une des plus ancienne……et j’imaginais bien que quelqu’un allait me poser la question. Je n’ai pas eu le temps de vérifier le pourquoi du comment, je dois le faire. Je me suis aussi demandé pourquoi, on ne parlait nulle part de Parxet???? Je vais enquêter et te répondrai. Moi-même quand j’étais à LAVINIA Barcelona, je travaillais avec Parxet, le fait qu’il fasse partie de Glave Estate y serait-il pour quelque chose?

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  4. Merci pour les leçons de langue vivante, MLB. Baragouinant à la fois le castillan, le portugais et l’italien, je lis (et peu suivre une pièce de théâtre aussi) en catalan et en occitan. Mais personne ne parle jamais catalan avec moi. Donc, je « devine » (les dicos et traducteurs automatiques sont une mauvaise aide, dans mon expérience). Et les faux-amis sont fréquents. Je voulais faire une allusion (fine) au James Bond movie: « The world is not enough » mais n’aime pas les constructions « passives » ni les auxiliaires, que je trouve pauvres. Comment dirait-on: « Ceci ne te suffit pas? », sans employer sujet + être + attribut ?

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    1. Vu et retenu. Merci.
      Ce midi – c’est son jour de relâche – nous avons été manger des gambettas et des langoustines côtières à l’Escala, ma fille et moi. Avec un très bon xarel-lo (en tranquille). Ensuite … 4 heures de route vers Perpinyà (A9 coupée suite à incendie, AP7 déviée depuis Figueres) en passant par Maçanet, Coustouges, Arles s T et Céret! Sempre endavant … tu parles!

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