Bordeaux, ce très, très grand terroir

Si l’on en croit le nouveau site officiel des Vins de Bordeaux, ceux-ci sont pluriels; mais leur terroir lui, est (au) singulier: c’est Notre Terroir.

D’où un paradoxe: comme les vins sont l’expression du terroir, ou pour être plus précis, doivent démontrer un lien au terroir, nous avons donc affaire à des vins à la fois différents et identiques.

Trêve de plaisanterie: pourquoi ne pas simplement écrire « Nos terroirs ». Ce serait tellement plus exact.

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Hervé Lalau

 

19 réflexions sur “Bordeaux, ce très, très grand terroir

  1. Bonjour Hervé. En tant qu’ancien concepteur-rédacteur de publicité j’ai toujours, comme vous semble-t-il, accordé une importance capitale au choix des mots et à leur expression. Je me contenterai de citer la formule que l’on attribue à Boileau  » ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément ». La dernière partie n’étant d’ailleurs pas toujours pour nous aussi facile que ce que Boileau affirme.
    En fait l’inexactitude que vous relevez fort justement donne d’intéressantes indications sur l’esprit de ceux qui ont conçu le site internet. En quelque sorte comme un acte manqué en psy. Je tente une interprétation bien que je ne me sente pas un élève de Freud.
    Les « vins de Bordeaux »sont un amalgame syndico-administratif de torchons et serviettes très comparable à mes Côtes-du-Rhône. Comment mettre tous ces gens dans le même sac ? Telle est la tâche du publicitaire. Finalement, on fait comme en démocratie, on nivelle par le bas et je ne veux pas voir une tête dépasser. Entre-nous, je n’ai jamais cru à l’intérêt de ce qu’on nomme les « campagnes collectives » et pourtant le monde des appellations y consacre de très importantes sommes d’argent. Pour quel résultat ?
    Autre conclusion, y-at’il au sein de l’administration de « vins de Bordeaux » une personne ou deux qui aime le vin, qui sait ce que le mot de terroir veut dire pour un amateur de vin ? Je ne suis pas sûr que ce soit le cas chez nous .

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  2. georgestruc

    Confusion classique entre le « territoire » et les « terroirs ». On peut aller plus loin et décliner l’orde des choses : un territoire comporte des terres cultivées parmi lesquelles on compte des terroirs viticoles… C’est d’un simplicité enfantine, mais les gens de com aiment bien utiliser des termes qui titillent l’esprit du lecteur, quand bien même ils commettent une erreur grossière . Les meilleurs d’entre eux utilisent le mot « terroir » avec un sens patrimonial (Heureux qui comme Ulysse…) la terre paternelle, celle des aïeux…Mais ceux de Bordeaux on carrément fait une « cagade » dirait-on chez moi, en Provence.
    Dominique, votre réponse est pleine de bon sens. Une nuance cependant, relative aux campagnes collectives. Tout dépend de leur qualité dès lors que l’on s’adresse à des populations de pays lointains, qui ont beaucoup de mal à lire nos AOC…

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  3. Merde alors, le Thoroude, il est encore plus toxique que moi! Mais il a raison. La justification de l’existence des grosses campagnes publicitaires généralistes ne tient pas dans leur succès, mais dans le fait que c’est une manière de filer du pognon (celui des cotisants « volontaires obligatoires ») aux petits copains parmi ce que j’appelle « les parasites » des vignerons.
    Par contre, la démocratie vraie ne nivelle pas par le bas. Ce sont les politiciens professionnels qui l’ont dévoyée. Si Robespierre (et les autres) avaient fait le boulot à fond, on n’aurait plus de Macron (hihi).
    Et pour finir, il n’y a pas de disciple de Freud en France: ce fou de Lacan les a tous tués!

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  4. Hervé, tu nous reviens en forme après la rentrée scolaire (David aussi). Est-ce le bon air de Golfech qui vous a ainsi revigorés?
    Le vin est un produit de grande consommation. Il répond à une partie de ses mécanismes. Toutefois, comme avec les médicaments, il existe un intermédiaire important (hélas, trois fois hélas, car je ne sais pas bien le manipuler), le corps des « prescripteurs ». Et ceux-là réagissent souvent très peu, ou, comme toi, de manière adverse, aux campagnes généralistes.
    Comme pour le « médoc » (jeu de mots), le prescripteur influence de forte manière l’acquisition du vin mais ne le paie pas. C’est le « client » qui le paie , qui le consomme et qui en subit les conséquences ou les bienfaits.
    Les publicistes qui ne sont pas spécialistes des boissons alcoolisées à image forte négligent presque toujours cet aspect. Et ceux qui sont spécialisés dans le vin, font toujours copain/copain avec une partie de leurs annonceurs, perdant ainsi de leur recul.
    Mais que faut-il faire, alors? Si je le savais, mon banquier serait content de moi. Je ne suis pas en position de donner des conseils, oh que non!

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  5. Petite réponse à Georges et Léon, de quoi distraire ce samedi consacré aux papiers du vin et des chambres d’hôtes.
    Ok pour des campagnes collectives pour présenter nos AOC mais on parle alors de plus petit commun dénominateur. C’est de l’information basique, point. Que faut-il penser des actions où l’on invite les gens à déguster du vin dans un dirigeable ou de la location d’une ancienne gare de la petite ceinture parisienne avec des déguisements ad-hoc genre invitation en ticket de train, serveurs en tenue de contrôleurs et j’en passe. Si, si, c’est vrai, ils en sont tellement satisfaits qu’ils recommencent à la rentrée à Lyon. On ne change pas une équipe qui gagne. Pendant ce temps, on paye des cotisations qu’on nomme volontaires obligatoires. Il va bien falloir se mettre un jour à mettre de l’ordre là-dedans.
    Quant à la démocratie, c’est probablement comme on l’entend souvent le système le moins mauvais mais j’ai bon espoir avec le développement du numérique dans ce qu’on nomme la démocratie participative ou directe. Ai-je mal compris ou n’est-ce pas ce qu’ils font en Suisse avec leurs votations à répétition.
    Il faudra que j’en discute avec nos hôtes, plus de 12 % d’entre eux sont des suisses et ils ne peuvent passer plus de 12 bouteilles de vin sans s’arrêter à la douane pour faire une déclaration.

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  6. Patrice Foissac

    Ben si on raisonne à l’échelle des temps historiques et si on ressort notre Roger Dion, il y a bien UN terroir bordelais bâti autour d’une opportunité exportatrice vers l’Europe septentrionale… Le reste, la distinction DES terroirs n’est qu’une justification naturaliste des querelles de voisinage entre bourgeoisie marchande ou ecclésiastique, chacun revendiquant l’exceptionnelle qualité de son cru par « son » terroir. Comme l’ont fait les Bourguignons avec leurs « climats » où la dérive terroiriste confine au mysticisme. Mais cette orthodoxie historique dionesque est devenue aujourd’hui hérétique, à l’heure du vin de parcelle et bientôt peut-être de rang ou de cep.

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  7. C’est une façon de voir. Mais je vous rappelle la définition OIV: « Le «terroir» vitivinicole est un concept qui se réfère à un espace sur lequel se développe un savoir collectif des interactions entre un milieu physique et biologique identifiable et les pratiques vitivinicoles appliquées, qui confèrent des caractéristiques distinctives aux produits originaires de cet espace.
    Le «terroir» inclut des caractéristiques spécifiques du sol, de la topographie, du climat, du paysage et de la biodiversité. »
    Et qui peut prétendre que les 125.000 ha du vignoble bordelais présentent le même sol, la même topographie, et même les mêmes pratiques viticoles. Ne serait-ce qu’entre Saint Emilion et Médoc, Graves et Sauternais?

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  8. Patrice Foissac

    Loin de moi l’idée de nier les différences de sol, de topographie et de pratiques dans le cadre de la définition OIV mais l’expression que vous critiquiez, « notre terroir », est loin d’être historiquement absurde. Les terroirs, si on ne peut les nier aujourd’hui, n’en restent pas moins une construction historique, on leur a trouvé des spécificités pédologiques, climatiques au fil du temps. Il y a encore une communauté d’intérêts des vins de Bordeaux, ne serait-ce que pour résister à la stigmatisation « anti-pesticides » des derniers numéros de Que choisir ou Alternatives économiques par exemple.

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  9. Patrice Foissac

    Et les terroirs actuels du Bordelais sont des entités à géométrie variable, je pense au fameux procès Raoux vs INAO au sujet du « terroir » du margaux. Plus près de chez moi le vignoble de l’AOP Cahors devrait bientôt se scinder en deux entités « causse » et « vallée » sans qu’il y ait la moindre différence qualitative entre les deux futurs terroirs et alors que le vignoble ancien était essentiellement de coteaux aujourd’hui abandonnés car mécaniquement impraticables.

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    1. Vous voyez bien, c’est un dialogue de sourd. Et entre des personnes qui croient s’y connaître. Alors pensez à la majorité des gens qui achètent un jour ou l’autre du vin. Que comprennent-ils ? D’ailleurs j’ai cru comprendre moi-même que le mot terroir ne peut pas se traduire en anglais. Le « terroir » fait pourtant partie du socle de la communication des différentes appellations.

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      1. georgestruc

        Mais non, Dominique, c’est un dialogue entre personnes qui connaissent un sujet et d’autres, qui ne cherchent même pas à entrer dans le chemin d’un minimum de « lecture » en la matière. Désolé, Je vais me faire démonter, mais je vais aller plus loin : qui ne veulent même pas connaître ; ce qui est grave. Le socle de la communication des AOC souffre terriblement de cet état d’esprit et l’effet de ces « négationnistes » va devenir difficile à effacer alors que nous avons besoin de clarté, de dynamisme, de bonne communication, fondée sur des paramètres authentiques.

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  10. Hervé LALAU

    La seule chose que je peux affirmer, en temps que » personne censée s’y connaître », c’est qu’il faut s’efforcer d’employer les mots à bon escient, éviter le vague. Après tout, viticole ou pas, le journaliste est censé informer le lecteur et lui donner les clefs pour comprendre.

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      1. georgestruc

        Dominique, pourquoi voir la complexité dans un concept qui reste simple et qui peut se communiquer de façon élégante pour un amateur qui vous rend visite, à Venterol, dans vos paysages magnifiques, et que vous pouvez conduire dans vos vignes à la découverte des sols et des micro-climats de votre propriété ? Je sais qu’au fond vous resterez attaché à cette notion et que vous en parlerez. Un jour prochain, il me faut lever des coupes au dessus de conglomérats de Nyons, dans le Tortonien, entre le Cléduny et la toute des Estangs… j’irai vous faire un petit bonjour.

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    1. georgestruc

      Réponse à Patrice Foissac, suite à la mise au point de Hervé, ci-dessus ; effectivement, ce n’est pas parce qu’un mot a été utilisé à tort et travers jusqu’à se trouver privé de sa substance, qu’il ne possède plus de sens. Il convient donc de faire acte d’analyse objective, puis de pédagogie, afin que le « consommateur » s’y retrouve, et pas que lui… ; mais je constate, avec quelque lassitude, que la négation de certains faits reste présente et que des contributeurs s’obstinent à vouloir compliquer les choses, alors qu’ils prétendent souhaiter le contraire. Patrice, lorsque vous écrivez : « il y a bien UN terroir bordelais bâti autour d’une opportunité exportatrice vers l’Europe septentrionale », vous commettez l’erreur dont j’ai parlé plus haut ; ce n’est pas d’un terroir qu’il s’agit, mais d’un territoire. Attention à ne pas faire dire à Dion ce qu’il n’a pas voulu dire…et de ne pas lui prêter toutes les vertus en la matière.

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  11. Patrice Foissac

    Georges, je ne suis pas idolâtre de la pensée de Roger Dion et on peut tous se perdre dans les définitions multiples de « terroir ». Celle qui semble faire consensus chez les historiens- géographes des vignobles et chez des chercheurs-viticulteurs comme Denis Dubourdieu c’est, je cite ce dernier « La manifestation du terroir est donc le goût du vin lui-même, difficile sinon impossible à reproduire ailleurs ». Michel Bettane – je ne suis pas certain que ce soit lui, qu’il me pardonne- l’a dit de façon plus provocante : « c’est le bon vin qui fait le terroir et non l’inverse ».
    Ce qui me préoccupe c’est le fractionnement extrême en « terroirs » qui vont se réduire à la taille d’une parcelle ; je ne suis pas pour autant un collectiviste nostalgique de la coopérative ou du culte du tout-cépage mais je crains que le consommateur et le producteur se perdent dans l’excès inverse, dans ce foisonnement terroiriste outrancier. Et j’adhère totalement à ce qu’en dit le géographe bordelais, Jean-Claude Hinnewinkel : « la durabilité d’un terroir est directement liée à celle du territoire qui le porte et implique que sa gouvernance associe aux professionnels du vin tous les acteurs territoriaux concernés, soit les politiques comme les consommateurs ». C’est peut-être ce souci qui a justifié le « Notre terroir » ?

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