Dans le monde entier, le Chablis est l’image même d’un bon vin blanc… français. La notion d’AOC se trouve résumée à sa plus simple expression. C’est particulièrement vrai pour « Chablis » ou « Champagne », tous deux de renommée internationale dont le nom est souvent emprunté pour définir un style de vin quelle que soit son origine. Cette utilisation abusive de la marque est le signe incontestable de leur qualité exemplaire. Mais quelle est donc le modèle original de Chablis ?
Un premier élément de réponse se trouve dans les racines du vignoble d’après le Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne, BIVB.
- L’origine du monde ou la formation géologique
Le BIVB propose une série de documents pour découvrir les AOC de Bourgogne. Tous commencent par l’explication sur la formation géologique du vignoble. Je vous invite à visionner celui-ci « Bourgogne, à l’origine des terroirs » qui vous fait comprendre la géologie et les terroirs bourguignons en 7 minutes 38 secondes.
Pour Chablis, vous avez une vidéo avec Jean-Pierre Renard qui décrit la formation du terroir avec la géologie en premier, puis le relief, et la climatologie : Les calcaires riches en fossiles datent du kimméridgien inférieur, environ -155 millions d’années en bas des coteaux puis en remontant des couches de marnes du kimméridgien moyen puis du kimméridgien supérieur. Une citation incontournable des petits fossiles d’huitres appelés « exogyra virgula ». Et la géographie des différents niveaux hiérarchiques de l’appellation Petit Chablis, Chablis, les climats de l’appellation Chablis premiers crus et les climats de l’appellation Chablis Grand Cru. L’intégralité de sa présentation ici.
Le décors est planté, cette origine-là n’est pas exportable. Seuls les vins ayant bénéficié de ce terroir peuvent s’appeler Chablis.
Geste vigneron© Maison Drouhin
2. Le geste vigneron : Terroir, typicité et style de vin
En faisant des recherches sur le terroir de Chablis et la viticulture, j’ai retenu une question pertinente du professeur Alain Deloire dans sa leçon sur le concept de terroir viticole :
« Peut-on changer la typicité d’un terroir en jouant sur les techniques culturales et les dates de vendanges ?» (en vidéo ici)
La définition de la typicité reste compliquée par le grand nombre de facteurs impliqués. Alain Deloire, comme bien d’autres scientifiques, utilisent plutôt l’expression « style de vin » et parfois même « profil aromatique des vins ». Il s’explique ainsi : « En effet la typicité est un consensus sur le goût du vin mais l’on sait qu’à partir d’un même vignoble il est possible d’obtenir plusieurs profils aromatiques par certaines techniques culturales comme par exemple l’effeuillage (rôle de la lumière au niveau de la zone des grappes sur les arômes des baies) et par la date de vendange ». Vous notez qu’on ne s’exprime plus au singulier comme dans LA typicité mais au pluriel avec « LES profils de vin ». Dans le détail, ces études analysent les facteurs qui influencent la production de molécules aromatiques (plus ou moins végétales ou plus ou moins fruitée, par exemple), ainsi que l’équilibre du vin. Un sacré pouvoir d’influence.
De plus, on ne fait pas le vin aujourd’hui comme il y a vingt, trente ou cent ans. La « tradition » évolue pour s’adapter aux changements et c’est là un vrai signe d’intelligence. Un exemple avec les vins de la Maison Drouhin Vaudon que nous vous présentons.
Maison DROUHIN VAUDON CHABLIS© Maison Drouhin
- Tradition et innovation à Chablis
La maison familiale de Joseph Drouhin est installée à Beaune depuis 1880. Robert Drouhin fût le premier à acheter des vignes sur Chablis en 1968. Petit à petit ce domaine s’agrandit et s’attache au Moulin de Vaudon en 1987. C’est aussi le début de la conversion en Bio qui sera complétée par la biodynamie et achevée en 1997. En 2008, le Domaine chablisien est renommé Drouhin Vaudon et continue sa progression vers une production toujours plus attentive à l’expression du terroir et à la recherche de goût du lieu dans ses vins.
Fabien Fayette et Philippe Drouhin © Maison Drouhin
Philippe Drouhin (à droite sur la photo) et son chef de culture Fabien Fayette, veillent sur le vignoble de plus en plus soumis aux aléas climatiques. Il faut savoir prendre les bonnes décisions tout au long du millésime pour accompagner le raisin à sa « juste maturité ».
Véronique Boss-Drouhin © Maison Drouhin
En cave, Véronique Boss-Drouhin et le Directeur Technique Jérôme Faure-Brac ajustent leurs vinifications et l’élevage afin de « respecter l’intégrité de la matière première venue du vignoble ». Extraction, macération et vinification se font dans la douceur, dans le même esprit que pour la biodynamie. L’élevage se fait en en cuves ou en fûts (dans le cas des Premiers et Grands Crus) de 350 ou 500 litres, « sans bois neuf pour ne pas maquiller l’identité des vins et préserver la personnalité de chaque climat » et quelques essais dans des œufs en grès « afin de sublimer encore davantage l’expression du chardonnay chablisien sur sol kimméridgien ». Beaucoup de réflexion et d’intelligence pour créer chaque année le style Chablis signé Drouhin Vaudon.
Après les mots, la découverte du goût
Chablis AOC, Réserve de Vaudon, 2021
La robe limpide et brillante porte l’or à peine teinté de vert, belle apparence d’un vin bien fait. Au nez, la richesse du fruit se mêle à la légèreté des fleurs, on trouve la pomme et la pêche qui côtoient la fraise des bois, l’acacia et la pivoine semblent proposer leur nectar. Une harmonie qui se fait délicate et fine en bouche. La texture est tendre et laisse une empreinte discrète bien que persistante, portée par une fraicheur iodée. Une étrange sensation d’être effleuré par le voile printanier de Déméter.
100% chardonnay, 25,50 €
Terroir de la vallée de Vauvilien, versants très pentus et sol de cailloux à fossiles.
Chablis Grand Cru Vaudésir 2021
A peine plus doré que le précédent, l’élevage sous-bois est discret. D’un premier abord plutôt fleuri, il se laisse approcher par touches. Florales aussi légères qu’un menuet, elles nous attirent dans leur univers de fraicheur et de douceur, Fruit et fleur mêlés, ils offrent leur propres odeurs complexes et délicieuses. En bouche, c’est une musique plus charnelle, comme une peau soyeuse et parfumée, avec ce qu’il faut d’épices douces et de grillé pour satisfaire la gourmandise. Si on prend le temps d’écouter sa symphonie, on est touché par d’infinies sensations tactiles et savoureuses. Un vin comme celui-ci vous raconte une histoire qui se savoure. Et l’on boit ses paroles.
Chardonnay sur les coteaux pentus du kimméridgien, jonchés de fossiles marins, exposés sud et sud-ouest. Élevage en fûts de 500 L. (pas de bois neuf), 64 €
A lundi prochain
Nadine Franjus
Les 5 du Vin 
Effleurée par le voile de Déméter… Belle expression…
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« En bouche, c’est une musique plus charnelle, comme une peau soyeuse et parfumée, avec ce qu’il faut d’épices douces et de grillé pour satisfaire la gourmandise. »
Serait-ce un phitre d’amour ? Je bois tes paroles et en frissonne de plaisir. Merci Nadine.
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C’est la texture de ce vin qui fait sa qualité et sa singularité, les sensations qu’il provoque, les émotions qui l’accompagnent sont charnelles. Le plaisir des papilles peut être sensuel, non? 😉
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Entièrement d’accord avec toi, car pour ma part, en dégustation j’accorde la priorité au toucher de bouche (structure, texture et volume), le profil aromatique se greffe ensuite à cette première perception. Il en résulte une impression de cohérence qui se traduit en terme d’harmonie finale.
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Ou « un Grand Calin » petit mot laissé par une amatrice
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Grand Calin, GC comme Grand Cru?
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