Croisade pour l’encruzado

A moins que vous ne soyez un aficionado du Dão, ou un lecteur assidu des œuvres complètes d’ampélographes portugais, vous n’aviez sans doute jamais entendu parler de l’encruzado. Tentons de réparer cette lacune.

Si je vous dis qu’il répond aussi au joli nom de Silgueirinho (de Silgueiro, un village près de Viseu), cela ne vous avance pas beaucoup. Mais j’ai le regret de vous annoncer qu’en plus, dans l’état actuel de la recherche, ce cépage est orphelin. Aucun parent, aucun cousin connu. Et même son nom («le croisé») garde une part de mystère – viendrait-il de Chypre ou de Jérusalem? Rien n’est moins sûr.

Aujourd’hui, le Dão, demain, le monde ?

Quoi qu’il en soit, l’encruzado est une des valeurs sûres de la viticulture du Dão ; c’est d’ailleurs son principal cépage blanc, avec environ 3.000 ha plantés. Et qui sait, un candidat possible pour une nouvelle «croisade»: une implantation dans les nouveaux vignobles du Sud (Alentejo, Algarve) et même au-delà des frontières portugaises.

Assez productif, il a longtemps été employé en assemblage – ses notes citronnées et sa bonne acidité permettant de donner un peu d’éclat à certaines cuvées. Mais de plus en plus de caves de la région l’utilisent seul – la Quinta do Roques, la Quinta da Fata et la Quinta Moraz, notamment, en tire des blancs tout à fait délectables.

Mais pour illustrer mon propos, j’ai choisi un autre vin, celui de la Quinta dos Carvalhais.

Quinta dos Carvalhais Branco Encruzado 2022

Attention, un train de sensations peut en cacher un autre…

Au nez, d’emblée, déboule le citron vert, à laquelle s’ajoute des fruits à chair blanche et du miel d’acacia.

La bouche, elle, est toute en tension – c’est comme si les embruns de l’Atlantique avaient apporté leur grain de sel. Sans oublier une belle fraîcheur acide. Sous cette charpente acide, cependant, on perçoit un très joli gras (l’effet bâtonnage?).

La finale, avec quelques notes d’anis et de curry, et puis quelques fruits secs, parachève cette oeuvre liquide et multi-couches.

Je vous conseille d’aérer le vin et de ne pas le servir trop frais.

On le voit bien sur un plat de poulpe en croquette (polvo migas de grelhos); mais si vous n’en avez pas sous la main, un poisson grillé fera parfaitement l’affaire. On peut aussi très bien l’envisager à l’apéro, c’est vous qui voyez…

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La Quinta das Carvalhais

Ce domaine du groupe Sogrape est un peu le nôtre, puisque ses installations à l’architecture résolument modernes ont été en partie financées par le fonds de développement de l’Union Européenne, dans les années 90. Au moins notre argent a-t-il été bien employé! Son nom (Les Chênaies) était prémonitoire, car la plupart des produits qui sortent de cette cave s’habillent de chêne. Français, en l’occurrence (c’est ça, l’Europe du vin !).

Le slogan de la Quinta «Un savoir immense, une saveur immense» est peut-être un peu grandiloquent, mais créditons Sogrape d’un grand savoir-faire et d’une propension à l’expérimentation peu commune chez ce type de grands groupes : déjà, l’idée d’un 100% Encruzado mérite à elle seule respect et attention. 

Hervé Lala

 

3 réflexions sur “Croisade pour l’encruzado

  1. floraud

    merci Hervé pour ce souvenir de vacances. Je vous rejoins complètement sur ce cépage et les Quinta Da Fata et Do Serrado, qu’un caviste de Faro m’avait fait découvrir lors de vacances estivales.
    Les vins portugais sont à découvrir. Comme partout dans le monde. On peut y trouver des pépites. Et une lueur d’espoir quant à l’évolution de notre climat. Et pour cela les vins portugais ont une longueur d’avance.
    Bien à vous.

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  2. dcobboldorangefr

    Lors d’une récente escapade à moto à travers plusieurs régions, essentiellement viticoles, de Portugal, j’ai déguste un verre d’un excellent vin blanc issu partiellement ce ce cépage encruzado (avec aussi du malvasia fina). Cela s’est passé dans un très agréable restaurant à Coimbra appelé Papa. J’ai trouvé ses saveurs délicieuses et son équilibre parfait. Je m’étonne un peu du prix du vin que tu mentionne Hervé, car le vin que j’ai dégusté, Quinta do Sobral Santar (colheita branco), se vend au Portugal et en Espagne pour 6,50 euros, ce qui en fait une sacré bonne affaire.

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