Liqueur de congélateur ou liquoreux vertueux?

C’est un choix, on cryogénise, ça fait longtemps qu’on le fait, on peut même revendre la flotte, comme le font certains châteaux pour le résidu membranaire: « Eau de Merlot 100% osmosée ».

Tout ça fait du vin sucré, aujourd’hui très peu marchand, tellement peu qu’une douzaine d’appellations bordelaises se sont regroupées sous le concept «Sweet Bordeaux». Une bonne idée au départ, aujourd’hui paraît-il phagocytée par la rive droite, mais c’est un autre débat. Mais que faire pour écouler ces douceurs? Les cocktails branchés façon «Sweet»? Ou réfléchir vraiment ?

Heureusement, il y en a qui voient plus loin que le bout de leur chai. Et voici le résultat…

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Ca peut faire peur!

Mais, non, le résultat, le voici…

Un Sauternes « de soif »

Le Sauternes, vin Liquoreux par excellence, tout le monde le connaît, personne n’en boit ! Ou parfois au restaurant, quand le menu l’impose inévitablement sur le foie gras confit en début de repas.  Pourquoi vin aussi prestigieux ne se boit-il pas plus couramment? Bernard Sirot, du Château Closiot à Barsac, nous répond. Voilà plusieurs années qu’il s’est interrogé et qu’il a même imaginé une solution.

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Françoise et Bernard au Château Closiot

Le bilan

«Les nombreuses dégustations réalisées avec les clients, les consommateurs rencontrés sur un salon ou ailleurs, les amis de passage, montrent toute l’importance de l’écoute pour un producteur. Ces échanges d’idées nous apprennent comment le consommateur perçoit notre produit, comment il le voit. Témoignages édifiants, voire déstabilisants, le consommateur n’hésite pas à nous dire que  c’est un vin pour papi et mamy, qu’on ne le boit qu’en fin d’année, ou alors avec le fois gras… qu’il est trop sucré, pâteux même, voire écœurant, avec des arômes parfois bizarres, que c’est un vin trop compliqué, qu’après un Sauternes à l’apéro plus rien ne passe, qu’il est trop cher surtout comparé à un Muscat de Rivesaltes, que beaucoup contiennent trop de SO2, qu’il est imbuvable dès qu’il fait chaud… Même les aficionados nous disent qu’il n’est vraiment bon qu’après un élevage très long.»

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La biodiversité aux abords du Château

La réaction

«Une fois intégrées toutes ses remarques, la réflexion s’impose mais pas seul dans son coin ! Il faut s’allier à une personne qui est également en contact avec le consommateur, mais d’une façon différente. C’est ici qu’intervient le metteur en marché – en l’occurrence, notre importateur belge Alain Vercouter.

Il partage notre analyse, ensemble nous réalisons le protocole de production d’un Sauternes inédit, moderne, non conventionnel, pouvant être consommé toute l’année, sur une foule de produits solides, qui soit bien évidemment de qualité et à un prix très étudié…

Ce vin devra présenter un équilibre d’environ 12,5° avec maximum de  80g de sucres résiduels. Il doit être frais, fruité, fin, minéral, notre terroir calcaire y pourvoit. Élevé une dizaine de 10 mois en cuves ciment au frais avant l’embouteillage en septembre de l’année qui suit sa production. Le 2009 est embouteillé depuis peu.

Le concept des Brumes est né, premier millésime des Premières Brumes de Closiot en 2003.

Si nos cibles au départ étaient les non consommateurs de Sauternes, les femmes et la catégorie des nouveaux arrivés dans le monde du vin, après 6 ans de production, la «sauce»  commence à prendre. Aujourd’hui, même nos consommateurs traditionnels trouvent dans ce Sauternes un nouvel intérêt de consommation. Notamment l’été, entre copains, sans chichi. Les sommeliers et les restaurateurs s’y mettent aussi, le qualifient de vin innovant».

 Premières Brumes de Closiot 2006 

Sorti de sa bouteille, elle coule espiègle, heureuse de sa robe dorée qui froufroute de vert, d’éclats moirés. Son nez joliment retroussé respire les fruits confits, il nous rappelle les brioches chaudes croquées au petit matin, moment où le soleil se lève et semble nous promettre la plus belle des journées. Ses lèvres bien dessinées gardent le goût de la cassate respirée. Elle est friandise, douce comme la liqueur de mirabelle, onctueuse comme la pâte d’amande, avec le trait amer et rafraîchissant des oranges et des clémentines. Avec beaucoup de grâce, elle envahit le palais pour y loger fleurs et fruits. Nous voilà tout décoré de l’intérieur, près à fondre pour la belle. Alors, consciente de notre ultime reddition, elle nous emporte loin du commun des mortels.

C’était bien bon… mais comment qu’elle est faite ?

La cueillette, toujours en début de vendanges, se fait sur des raisins moins botrytisés, moins riches en sucres.  La cuvée se compose de 90% de Sémillon et 10% de Muscadelle et Sauvignon. Les jus fermentent en cuves inox et sont élevé 10 mois en cuves ciment.

www.closiot.com

Ce Sauternes « léger », je le présente en accompagnement d’un Comté de 34 mois. Ce costaud jurassien subit rapidement le charme de la girondine, voici ce que cela donne :

Transcendance

Tout devient aérien. Gras et sucre s’envolent. Fromage et vin libèrent en mille feux fleurs et fruits de chacun, ascension sans fin propulsée par les épices, encouragée par le minéral, tendue par cette amertume qui les a séduit qui nous séduit, qui induit un apport supplémentaire de fraîcheur, de croquant… final dans les étoiles.

Bye

Marc

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