Laissez vieillir vos Crozes blancs!

Quoique vu leur rareté, cela peut être compliqué. À peine quelques pour-cents de la production totale axée sur les rouges de Syrah. Issus de beaucoup de Marsanne et par conséquent moins de Roussanne, ces blancs
plaisent jeunes par leur fraîcheur, leur saveurs fruitée et florale, leur grain minéral.

Avec quelques nuances territoriales :

Aperçu géologique qui peut être sauté par ceux qui n’aiment guère ça…

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le sud plutôt plat, se distribue en grandes terrasses légèrement étagées qui présentent à leur limite un relief de jointure en forme de coteaux à peine marqués. Sa formation date principalement de la dernière glaciation dite de Würm et se compose d’un sol profond d’alluvions fluviatiles et torrentielles très caillouteuses à matrice d’argile rouge. Cette partie comprend les villages de La Roche de Glun, Pont de l’Isère et Beaumont Monteux ou encore les quartiers Terrasses des Châssis et des Sept Chemins, pour citer les plus connus.

Le nord

À partir de la départementaleD 532, qui va de Tain à Romans en passant par Chanos Curson, la géologie vieillit et se complique. Les glaciations de Riss, puis de Mindel, maculées toutefois en surface de lœss calcaires du Würm, prennent la relève à la suite des Chassis et forment un grand quadrilatère avec comme sommets Chanos, Mercurol, Crozes-Hermitage et Tain. Le relief s’accentue et enchaîne coteaux et petites terrasses parfois hautes perchées, faites d’alluvions, mélange d’argiles sableuses et caillouteuses.

Par contre, vers l’est de la commune de Chanos Curson les affleurements tertiaires argileux du Pliocène inférieur font leur entrée, plongent en dessous du quadrilatère précité et se retrouve aux alentours de Larnage. Larnage qui détient, par ailleurs, un faciès très particulier, une poche Eocène faite de sable koalinique* très pur, d’un blanc surprenant. Une particularité géologique qui apporte aux vins issus de ce sol une structure différente.

Les sols primaires d’arènes granitiques et gneiss prennent le relais nordique, recouverts par endroit des mêmes lœss calcaires du Würm. Sur Gervans, un reliquat de terrasse würmienne offre son cailloutis aux vignes. Les communes d’Erome et Serves sur Rhône se suivent au nord sur les gneiss et les lœss.

*Le Kaolin (Si2O9Al2H4) est une argile réfractaire blanche qui entre dans la composition de la porcelaine

Bref, le blanc plaît, en faire une verticale pour se rendre du potentiel de garde semblait judicieux. C’est parti

Premier émoi, La Croix du Verre 2008 de la Cave Olivier Dumaine

Laurent Combier juillet 2013 273

D’un doré très prononcé, il a dû voir passer le botrytis et confire son nez de miel d’acacia et de poire cuite, d’abricot sec et de liqueur de mirabelle. La bouche n’est pas lourde comme on pourrait le croire, le rôti s’y retrouve, mais bien balancé par une amertume au goût de réglisse.

Suit Aux Bêtises d’Éloïse et Léa 2007 de David Raynaud

Laurent Combier juillet 2013 276

Pour son troisième millésime en bouteille, chapeau ! Doré lumineux, le nez encore un peu sur le bois (péché de jeunesse) il propose des parfums de pêche, de noisette et de sésame grillé. Très croquant en bouche, il est plein de dynamisme, et donne une impression salée qui renforce la fraîcheur.

Arrive Emmanuel Darnaud et son 2006

Laurent Combier juillet 2013 278

Son cinquième millésime au nez fruité de confiture d’abricot et de pêche jaune au léger végétal mentholé. L’élevage en barrique se remarque par la texture ligneuse du vin, cela lui donne de la trame sur laquelle se tissent des arabesques d’épices, cardamome et cumin, finale sur le poivre.

Surgit le Clos des Grives 2005 de Laurent Combier

Laurent Combier juillet 2013 280

Top de chez top ! Une petite robe cuivrée, une peau d’abricot, le cheveu aérien qui sent bon la fleur d’oranger. La bouche à la fois pulpeuse et fraîche, avec cette amertume gracieuse au coin des lèvres, un goût de sel au premier baiser, puis le grillé d’une fève de cacao quand l’étreinte se fait plus intime.

S’approche le Crozes 2004 de Yann Chave

Laurent Combier juillet 2013 282

Doré cuivré au léger vert, le nez minéral s’adoucit de confiture de groseille à maquereau et de rhubarbe, augure d’une fraîcheur buccale. Cette dernière ne dément pas, presque vive, elle développe un fruité qui reprend les effluves nasaux en y ajoutant une cascade d’agrumes. Amertume encore enrichie par une finale de réglisse. C’est élégant et rafraîchissant.

Doublé 2004 avec Les Pends des Entrefaux

Laurent Combier juillet 2013 283

Or cuivré et nez friand d’herbes de garrigue cueillie à la rosée du matin, puis vient l’abricot sec. En bouche la texture croquante se renforce par une impression de léger perlant, le fruit poussé par cette dynamique s’amplifie. La longueur nous mène à des notes de verveine.

Trois années de plus pour le Château Curson 2001 d’Étienne Pochon

Laurent Combier juillet 2013 284

Doré foncé, un nez de noix sèche mélangé de Corinthe, mendiant liquide souligné de céleri confit. Bouche solaire rafraîchie de citron, affinée de sésame grillé, craquant comme un biscuit beurré au zeste d’orange qui accentue la finale aux airs de bitter.

Finale particulière avec le Domaine Raymond Roure 1996 Paul Jaboulet Ainé

Laurent Combier juillet 2013 289

Qui ressemblait à un Savagnin sous voile, sympa, croquant, frais, complexe, avec un nez de vin de paille et une bouche de pâte de noix au curry comme là-bas dans le Jura.

Ils peuvent être curieux et surprenant ces vieux Crozes…

Un trip au nord du sud est aussi l’occasion de rencontrer de nouvelles têtes…

Laurent Combier juillet 2013 206

Dégusté la veille à l’auberge Monnet (à recommander !) à la Roche de Glun, cette île entre le vieux Rhône et son canal, le Crozes 2012 Cuvée Ghany rouge de Gaylord Machon (la famille a un sens peu commun des prénoms) m’avait semblé fort bon et très prometteur.

Laurent Combier juillet 2013 205

www.domaine-gaylord-machon.com La bonne surprise ce fût de le rencontrer sur une péniche amarrée quai Menduncou à Lyon, au Wine & Transat by Crozes-Hermitage. Cette fois avec son blanc La Fille dont j’ai Rêvé 2012

Laurent Combier juillet 2013 253

Laurent Combier juillet 2013 245

il aimerait avoir une fille et sa femme vient d’accoucher d’un deuxième fils, la prochaine fois… Un blanc très agréable, minéral comme des cagnasses calcaires qui viennent d’éclater dans les airs, un fruité confit, un joli gras qui enrobe tout ça, une amertume rafraîchissante qui appelle la deuxième gorgée, et voilà la bouteille est vide.

Laurent Combier juillet 2013 252

À Michel, ce vin a plu, comme l’assemblée, comme à moi, comme le temps passé ensemble, comme le nombre de jeunes qui ont envahi le ponton pour déguster quelques flacons de Crozes, c’est sympa, on se dit qu’on aimerait habiter la ville et venir le soir, à la fraîche, flâner, boire un coup, parler, rêver, se sentir bien tout simplement…

Ciao

Laurent Combier juillet 2013 260

Marc

2 réflexions sur “Laissez vieillir vos Crozes blancs!

  1. Luc Charlier

    Marc, j’ai beaucoup aimé (dégusté au restaurant du Carla-Bayle, ce haut-lieu du protestantisme éclairé) le Crozes Blanc (2007 aussi) de Raynaud. J’ai moins aimé « l’ambiance » du site web du domaine – mais ça, c’est chacun son truc. Avec mes petits camarades des « Amis du Vin » (début années ’90), nous allions chercher celui de Ange & Tardy – est-ce la même maison que « ton » Tardy ?
    Mais 5-6 ans me paraissent un « vieillissement » plus que suffisant. Et enfin, syndrome VC sans doute, ne doit-on pas déplorer le « switch » progressif (maintenant quasiment complet) vers la marsanne ?

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