Marchons, buvons, grignotons… Il en restera toujours quelque chose.

On ne devrait pas écrire pendant Roland Garros, raison pour laquelle je ne me suis  foulé, ni la cheville, ni le ciboulot.

Les sujets ne manquant pas dans ma besace, j’ai choisi d’arpenter les chemins de traverse. Car je suppose que dans les autres vignobles, ce doit être pareil : dès le joli mois de Mai, les vignerons réunis en association ou en syndicat organisent des rando-dégustations sur leur territoire. Cela se pratique déjà dans le Val de Loire et dans l’Est de l’Hexagone. Mais dans le Sud en général, ce genre de manifestation connait un succès grandissant. Même quand le temps est pourri.

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Dans l’arrière pays d’Aix-en-Provence, les enfant eux aussi profitent du vin. Photo©MichelSmith

Les Languedociens, en inventant les « Circulades », en référence à certains de leurs villages dont la rue principale tourne autour du clocher en dessinant un escargot, sont très forts sur le sujet. Et lorsqu’ils prennent la peine de m’informer, voire de m’inviter, je ne manque que rarement la balade, car elle est synonyme de plaisir.

Il faut dire que le concept est plus qu’intelligent. Mis au point au départ par mes amis Italiens de Slow Food et à ma connaissance inauguré  en France à Banyuls-sur-Mer il y a pas mal de temps par les frères Parcé (La Rectorie) pour leur désormais fameuse Ascension des Vignes du Seigneur, il permet de cheminer sans trop d’effort dans le vignoble, tout en faisant quelques haltes gastronomiques où il est possible de se restaurer légèrement et de goûter quelques vins présentés par les vignerons. Les échanges sont ainsi favorisés dans la bonne humeur, les rencontres aussi. On cause gastronomie et on discute à bâtons rompus avec les vignerons sur leurs façons de faire, sur les cépages, sur l’élevage de leurs vins… et pour peu qu’il fasse beau, on flâne.

Une jeune et jolie randonneuse entre deux vignes de La Clape. Photo©MichelSmith
Une jeune et jolie randonneuse rencontrée entre deux vignes de La Clape. Photo©MichelSmith

Le principe est simple : contre une certaine somme – en Languedoc, cela tourne autour de 50 € par personne – on vous offre un chapeau Made in China, un beau verre à vin pour l’instant Made in Austria ou Made in France, un crayon à papier pour prendre des notes, un carnet où sont répertoriés les vignerons participants, des couverts qui ne sont pas en plastique et des tickets à présenter lors de chaque halte dans le but d’obtenir en échange qui une mini terrine, qui une verrine de soupe froide, qui une assiette de volaille ou de fromages locaux. Le tout avec un petit sac en toile que l’on porte autour du cou pour ranger tout ce petit fatras. En prime, la possibilité d’acheter et de charger dans le coffre de sa voiture quelques cartons de vins en fin de parcours.

Au boulot les Vignerons ! Photo©MichelSmith
Au boulot les Vignerons ! Photo©MichelSmith

J’ai connu des « circulades » spectaculaires, comme celle du Pic Saint-Loup et d’autres plus culturelles comme celle qui nous promenait jadis dans les hôtels particuliers de Pézenas, des plus pépères, des champêtres, comme celle des Terrasses du Larzac où je compte me rendre début Juillet, cette fois-ci autour de Montpeyroux.

C’était aussi le cas de la première « circulade » de la saison – ici, comme ailleurs, on préfère le nom plus adapté de « Sentiers Gourmands » et l’initiative attire plus de 1.200 participants de tous âges –  organisée en Mai dernier par les Vignerons de La Clape, où la randonnée de 6 ou 7 kilomètres tournait en une large bouche autour des vignes du Château Rouquette-sur-Mer, à portée de vue de la Grande Bleue et des horribles pavillons qui gangrènent la station de Narbonne-Plage en dépit du classement du site de La Clape en Natura 2000.

Un vignoble sous haute surveillance. Photo©MichelSmith
La Clape, un vignoble maritime sous haute surveillance. Photo©MichelSmith

Tant bien que mal, le Parc Naturel de la Narbonnaise, qui propose un riche programme de randonnées à thème, mais aussi des expositions et des programmes de découvertes jusqu’aux zones lagunaires de Gruissan, de La Palme et de Leucate, à deux pas des vignobles de Fitou, des Corbières et de La Clape, tente de protéger sans pour autant le figer le caractère d’intimité que l’homme a su se forger avec la nature au fil des siècles. À ne pas manquer d’ailleurs, le Salin de Gruissan, une sorte de complexe touristique autour du sel avec musée saunier, boutique souvenirs bien achalandée en vins du cru, des visites guidées et un restaurant-guinguette joliment aménagé dont Cécile, de Clair de Lune, me dit le plus grand bien depuis qu’elle s’est installée elle aussi à Gruissan.

Une vigne de La Clape balisée pour la circonstance... Photo©MichelSmith
Une vigne de La Clape balisée pour la circonstance… Photo©MichelSmith

Dans ce morceau de Corbières qui se serait échoué en Méditerranée, l’ambiance était propice à la dégustation grâce au temps ni trop chaud ni trop froid qui permettait de goûter les vins rouges à bonne température. Cependant, me laissant guider par la curiosité simple, plus que par un excès de professionnalisme, je me suis hasardé à goûter quelques vins tout en croquant la cuisine savoureuse des Cuisiniers Cavistes de Narbonne.

Jadis réputés pour les blancs, à cause du cépage Bourboulenc que d’aucuns nomment Malvoisie, les vins de La Clape, qui pourraient bientôt se passer de la mention Coteaux du Languedoc pour devenir  cru La Clape, commencent à se tailler une belle réputation dans la région. Les propriétés ont de l’allure, restaurées avec goût, certaines offrant de larges vues sur la mer, des chambres d’hôtes ou gîtes cossus. Résultat, les vins commencent à afficher des prix qui se rapprochent peu à peu de ceux de la Provence, même si, en dehors de quelques cuvées dites «haut de gamme», le prix des vins reste assez raisonnable.

Invités à participer, les journalistes en profitent pour déguster. Ici, Sylvie Tonnaire de Terre de Vins. Photo©MichelSmith
Invités à participer, les journalistes en profitent pour déguster. Ici, Sylvie Tonnaire de Terre de Vins. Photo©MichelSmith

Parmi mes préférés de ma dernière tournée de La Clape, je vous prie de noter le «Grand Vin» blanc 2011 du Château d’Anglès, ainsi que son rouge 2008 sur la commune de Fleury d’Aude, le blanc 2012 «Albus» du Château Laquirou toujours à Fleury, le blanc 2012 «Aimée de Coigny» et le rouge 2010 «Réserve» du Château Mire-L’Étang à Fleury également, le blanc 2012 «L’Estime» du Château Combe des Ducs dans le même village de Fleury, le blanc 2012 et le rouge 2010 du Château des Karantes à Narbonne-Plage, les deux blancs «Lapierre» 2011 et « Arpège » 2012 de Château Rouquette-sur-Mer à Narbonne-Plage, les deux rouges «La Centaurée» 2002 et «L’Épervier» 2007 du Château Pech Redon à Narbonne, le rouge 2007 « Bartelles » du Mas du Soleilla toujours à Narbonne.

Jean-Philippe Granier, le directeur technique des Coteaux du Languedoc, explique le massif de La Clape. Photo©MichelSmith
Jean-Philippe Granier, le directeur technique des Coteaux du Languedoc, explique le massif de La Clape. Photo©MichelSmith

En revanche, le temps était quasi hivernal dans l’arrière-pays aixois où je me suis rendu pour retrouver la chaude ambiance créée par mes amis carignanophiles Peter Fischer de Revelette et Pierre Michelland de La Réaltière. Après un dîner bien arrosé, à Jouques, au Rouge-Guinguette où la pizza est unique, la patronne jolie comme un ange et où figure en bonne place cette phrase attribuée à Nietzche, « Méfiez vous des gens sobres », je passais une nuit délicieusement calme dans les murs épais du Château Vignelaure dans lequel je n’étais pas entré depuis plus de 30 ans, époque où le visionnaire collectionneur d’art et agent immobilier Georges Brunet, ancien propriétaire de La Lagune en Haut-Médoc, avait tenté – et à mon avis réussi – de créer un grand cru moderne à la gloire de la Provence.

Dans le parc de Vignelaure. Photo©MichelSmith
Dans le parc de Vignelaure. Photo©MichelSmith

La raison de ce déplacement était la deuxième édition de L’Envie Épicurieuse, une idée un peu folle rassemblant 5 vignerons voisins (Mas Juliette et la Chapelle Saint-Bacchi en plus des 3 déjà cités) qui, pour une fois, ne se tirent pas dans les pattes et mettent tout en œuvre pour créer un événement de taille destiné à faire connaître leur micro-région. Il s’agissait de rassembler une bonne centaine d’amateurs de vins gourmands et sportifs pour grimper par l’abrupt sentier des sangliers la face sud  de la Vautubière qui culmine à 643 mètres offrant à tous vents une vue panoramique allant des Hautes-Alpes à la Sainte-Victoire dans une odeur enivrante de thym.

Du sommet de la Vautubière, panorama sur la Sainte-Victoire. Photo©MichelSmith
Du sommet de la Vautubière, panorama sur la Sainte-Victoire. Photo©MichelSmith

Le prix de la randonnée vigneronne était plus élevé (75 €), mais les participants eurent droit à un apéritif servi au sommet avec quelques verrines préparées par le chef Olivier Scola, de Ze Bistro à Aix-en-Provence. À cause du mistral et après une descente assez épique que j’ai préféré assurer en 4 X 4, tout le monde s’est retrouvé dans le grand chai à barriques de Vignelaure (domaine sur lequel je reviendrai un de ces quatre) pour le repas servi en couple, ce qui ferait plaisir à David, chaque plat étant proposé avec deux vins fort différents comme cet étonnant gaspacho de petits pois  «téléphone» foie gras et citron confit accompagné d’un blanc 2012 du Domaine La Réaltière et d’un rosé « Solane » 2011 du Mas Juliette. Bref, comme dans La Clape, tout cela laissait une belle impression de journée bien remplie… grâce au vin.

Michel Smith

11 réflexions sur “Marchons, buvons, grignotons… Il en restera toujours quelque chose.

  1. Je partage ton enthousiasme pour la Clape que j’ai visitée en décembre – même un peu à contre-saison, c’est beau.
    Mire-L’Etang, Karantes, Laquirou, je confirme (ce dernier, niché avec son joli parc, est à ne pas manquer. J’ajouterai La Ramade, aussi , où l’on peut joindre le bon couchage au bon vin (jolies chambres d’hôtes).
    Quant aux Circulades des Terrasses du Larzac, j’ai adoré il y a trois ans. Il y avait d’ailleurs un certain Smith, là bas, non. On devrait redescendre à 5 non? Début juillet, c’est généralement plus calme, en plus, et qui sait, il va bientôt faire beau?

    Bonjour à Jean-Philippe Granier quand tu le revois. J’ai parfois médit contre les interpros, mais lui, je l’aime bien, je dois dire.

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    1. Pas tout à fait d’accord sur La Ramade, Hervé (je suppose que c’est toi…), car si chambres de luxe il y a, le patron – un certain Jacques Ribourel – qui est assez imbu de sa personne, considère que ses vins sont au dessus de tous les autres, et refuse d’intégrer le syndicat des vignerons. Se la jouer perso alors que l’ambiance collective est ici pour une fois plutôt bonne me paraît douteux… Bref, je n’irai pas plus loin. Quant à Jean-Philippe, je lui dois la vie !
      Mais par pitié, quitte à t’inscrire sur Twitter sans participer, trouve-toi un avatar ou une signature une bonne fois pour toutes. C’est tout de même pas compliqué. Même moi, j’y suis arrivé ! Et au moins on saura en nous lisant qui est qui.

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  2. Michel, pour l’avatar, c’est assez compliqué, ça marche ou pas – un peu comme pour Luc avec son Patersanctus. C’est que mon email est utilisé comme référence pour plusieurs blogs, d’où le hic.
    A propos de Jacques Ribourel. Moi, je ne l’ai rencontré qu’une fois, il a été charmant. Je n’ai pas été dans le détail de ses relations avec ses confrères vignerons, mais j’ai beaucoup aimé sa cuvée Meritum.
    Là, je ferai une réflexion plus générale: si l’on devait exclure de nos notes de dégustation tous les vignerons qui nous plaisent moins, dont la carrière passée ceci, dont les relations cela, dont l’argent vient de ceci ou va à cela, dont les opinions politiques, le caractère, etc, on ne noterait plus grand chose. Et je trouve que ça serait dommage, car le consommateur ne nous demande pas de faire ce crible-là.
    Je respecte ta façon de penser, elle t’honore, d’une certaine façon, mais pour moi, c’est le vin qui doit primer. Comme pour toi, il y a des gens qui font un superbe vin mais avec lesquels je n’aimerais pas passer une journée.

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  3. Oh mon Léon, je t’ai laissé un com sur ton site (merci au passage de me citer)…
    Bon, mon Hervé, tu n’as pas tout à fait tort… Sauf que parfois je préfère parler de ceux qui jouent le jeu du collectif (et qui m’invitent) et qui sont sympas (du moins en apparence) que de m’étendre sur un vin que j’ai trouvé pour ma part surfait (normal son propriétaire disait en même temps que nous le goûtions qu’il était forcément génial) et sur un vigneron qui se la pète.
    Question de goût !
    Mais je reviendrai sur le personnage un de ces quatre quand je serais très en colère…
    Tu n’as pas un compte twitter ?

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  4. Non, je suis anti facebook et anti twitter – un vrai réac, quoi…

    Sauf que la peste brune, les skinheads meurtriers de cette nuit, ça me fait quand même gerber. C’est drôle, avant hier, je regardais Apocalypse Hitler, de Costelle; les SA qui descendaient des camions tabasser du coco, du socialo ou du juif et qui remontaient dans les camions vite fait. Le gouvernement (socialiste) de l’époque condamnait, mais pas mal de policiers fermaient les yeux, et le bon peuple avait d’autres chats à fouetter. Et Hitler, lui, courtisait la droite classique. A-t-on compris la leçon?
    Désolé de sortir du vin et de ma petite sphère de compétence, mais ce matin, j’ai les boules.

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  5. Claude

    Toujours un régal de lire les commentaires « savoureux » de Michel, cette fois à propos des circulades et autres balades gourmandes.
    J’ajouterais cependant, ayant participé aux premières du Pic St Loup, en 2000 et +, que le côté convivial a vraiment disparu au profit d’une offre plus commerciale…Trop de monde, trop cher et plus la place aux contacts « humains » d’antan…

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